Nous n'avons pas non plus résolu le problème du devenir des élus au sortir de leurs fonctions électives. Qu'en est-il de leur protection sociale ?
Nous pourrions également évoquer de nombreuses responsabilités de l'élu local, qu'il s'agisse des responsabilités civile, administrative et pénale, qui l'exposent en permanence à l'appréciation du juge et à la vindicte médiatique. Un trou dans la chaussée, un panneau qui tombe, un accident de car scolaire, une intoxication dans une cantine ou une inondation, tous ces incidents relèvent de la responsabilité de l'élu. Le maquis administratif et l'insécurité administrative sont son lot quotidien.
Nous accusons également un grand retard concernant les garanties statutaires proposées à l'élu local, qui n'a ni réel soutien financier ni, bien souvent, de protection sociale durant son mandat, alors que nombre d'élus abandonnent temporairement leur activité professionnelle.
La République n'est pas très reconnaissante envers ses serviteurs et, de plus, elle participe bien souvent - involontairement, je l'espère - à la dévalorisation de l'élu.
Pour illustrer ce propos, permettez-moi d'aborder le rapport Attali, qui en est un bon exemple.
Le Président de la République doit recevoir demain la primeur de ce rapport. Pourtant, tout le monde semble l'avoir déjà parcouru et le connaître, sauf les élus, qui, comme d'habitude, seront les derniers informés. Ils doivent attendre la voie officielle.
Madame la ministre, il faudra un jour bannir cette détestable habitude qu'est pour un gouvernement de tout faire sans avertir les élus. J'en veux pour dernière preuve l'annonce concernant les OGM. À l'Assemblée nationale, le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire en a eu connaissance au dernier moment et par SMS !
La question posée à la commission Attali a été bien posée : « Comment relancer la croissance en France ? » ou « Comment libérer la croissance et retrouver le plein-emploi ? ». Mais je pense que si, à la place d'une telle commission, on avait plus modestement dépêché un émissaire ordinaire et sérieux dans les départements, hors des murs de la capitale, on aurait pu savoir s'il existait une recette pour répondre à la commande présidentielle. Certes, cela nous aurait privés de trois cents propositions ou décisions à mettre en oeuvre d'ici au mois de mai 2009 et de huit ambitions !
Pour gagner du temps et ne pas vous lasser, je m'arrêterai à l'ambition numéro sept : « Instaurer une nouvelle gouvernance au service de la croissance ». On nous explique que beaucoup de nos institutions se sont sédimentées, fossilisées et qu'elles coûtent trop cher pour un service chaque jour plus défaillant. Pauvre élu local ! On nous annonce que l'on va s'occuper de lui...
L'ambition numéro sept conduit à la résolution 259, qui préconise de faire disparaître en dix ans l'échelon départemental, source de gaspillage. Pauvre département !
Si, globalement, nous pouvons comprendre la nécessité de réformer, d'être provocateur, voire agitateur, pour faire avancer les idées, nous ne pouvons comprendre des attaques totalement infondées. À moins de deux mois du renouvellement des conseils généraux, c'est faire preuve de bien peu d'égards pour les élus locaux !
Sachez que des élus de tous bords et des collectivités de toutes tailles se montrent scandalisés par cette annonce couperet largement médiatisée. Je n'ose vous dire ce que j'entends actuellement sur le cercle très fermé de l'intelligentsia parisienne, qui vit en vase clos et qui veut faire le bien des pauvres provinciaux que nous sommes, contre leur gré !
La commission qui a émis cette idée et bien d'autres est composée de quarante-trois membres, dont deux seulement sont des élus : l'un est allemand, l'autre est italien. C'est ce dernier qui aurait porté l'idée sans la moindre audition et sans rencontre avec l'Assemblée des départements de France, ADF.
Avec Jean Puech et des collègues, nous sommes allés en Italie voir les élus locaux. Nous n'aurions pas proposé de nous immiscer dans la vie démocratique locale !
À la limite, j'en arrive à comprendre que l'on ne veuille pas nous entendre, puisque, selon l'image colportée sur les élus locaux, nous sommes indésirables, défaillants, gaspilleurs, et donc déjà condamnés !
L'un des arguments serait que le département est usé par les ans. Il a été créé en 1790. Je me permets d'expliquer aux savants que les conseils généraux sont devenus collectivités de plein exercice en 1981. Les régions, quant à elles, datent de 1982.
Dois-je rappeler que les collèges relèvent de la compétence des départements et que ceux-ci font huit fois plus d'efforts que l'État n'en faisait lorsqu'il était compétent ?
Dois-je rappeler que les départements se substituent à l'État pour la couverture du pays en Internet à haut débit ?
Dois-je rappeler que les transports scolaires des collégiens et des lycéens sont assurés par les conseils généraux, lesquels accordent de plus en plus la gratuité ?
Dois-je rappeler que l'État vient régulièrement nous chercher pour financer ses universités qu'il ne sait assumer financièrement, ou encore pour lui permettre de tenir ses engagements en matière de recherche et d'innovation ?
Dois-je rappeler que l'État, empêtré dans sa complexité et son centralisme, a confié le RMI, l'APA, le handicap et ses routes aux conseils généraux et qu'il s'apprête à amplifier les transferts et les responsabilités aux élus locaux ?
Madame la ministre, je compte sur vous pour dire aux experts que la France ne s'arrête pas aux boulevards des Maréchaux à Paris. Au-delà, il y a une vie, des élus sérieux et consciencieux ! J'invite ces experts à constater sur le terrain que, contrairement à ce qu'ils affirment, le département n'est pas un frein à la croissance.
Je me permets, madame la ministre, de vous exposer à nouveau partiellement ce que je vous ai dit ici même au mois de décembre, à l'occasion de la discussion sur les relations entre l'État et les collectivités. Je l'avais déjà dit à l'Assemblée nationale avant 2000 et ici même lors de la discussion de la loi sur l'Acte II de la décentralisation.
Le département est une collectivité de proximité. La région doit être une collectivité de mission.
Le département doit gérer les lycées en plus des collèges. La région doit recevoir des compétences nouvelles et fortes - santé, université, environnement - et dépasser la gestion quotidienne des petits dossiers.
L'État ne doit plus intervenir au niveau local dans les domaines déjà couverts par les collectivités, qui apportent un financement souvent de plus de 50 %, voire 80 %. Il en est ainsi du sport, de la culture, du social, de l'équipement ; je n'ose avancer l'exemple des pompiers...
La région doit être le lieu de cohérence entre les politiques départementales, et les agglomérations et les grandes villes.
Pour faire vivre cette cohérence, les conseillers régionaux doivent être issus des collectivités qui composent la région concernée, comme cela se fait sans difficulté entre les communes lorsqu'elles créent des structures intercommunales, telles que les communautés d'agglomération.
Le nombre de régions doit être revu à la baisse pour rendre ces dernières plus efficaces et plus concurrentielles face à leurs homologues en Europe.
Les départements, s'ils le souhaitent, doivent pouvoir se regrouper.
Les transferts de compétences entre les collectivités doivent se faire à périmètre financier et structures équivalents.
Si vous analysez notre évolution territoriale depuis vingt ans, vous le constaterez, ce ne sont pas les départements qui ont créé de nouveaux niveaux ; ce sont les régions avec les pays et les communes avec les regroupements.
Les collectivités doivent être libres d'agir sur les compétences dynamiques créatrices de richesses, tels l'économie et l'aménagement du territoire.
Sur les compétences passives ou de guichet, les collectivités doivent avoir des compétences uniques.
Les contrats de plan État-région doivent être supprimés. C'est une tutelle de l'État sur la région, et de l'État et de la région sur les autres collectivités permettant à l'État d'être partout à moindres frais et de maintenir ainsi des structures.
Je me suis permis d'émettre une douzaine de suggestions de cohérence non provocatrices, qui peuvent être facilement et rapidement débattues et qui, bien sûr, auront un impact sur l'élu local, ses missions, ses compétences. Elles peuvent être l'occasion de traiter en même temps du statut.
Il n'est pas dans la culture des gouvernements d'écouter les propositions qui sont le fruit d'une certaine expérience locale. Une fois de plus, je constate que les paillettes de la notoriété ont été préférées.
Je fais l'impasse sur un certain nombre de propositions intéressantes, madame la ministre, pour arriver plus vite à la conclusion.