La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de Mme Michèle André.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la question orale avec débat n° 9 de M. Jean Puech à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la création d'un véritable statut de l'élu local.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « malaise », « insatisfaction », « inquiétudes », tels sont les termes qui ont été souvent employés ces dernières années pour définir l'état d'esprit des élus locaux dans notre pays et qui ressort encore des récentes enquêtes.
L'étude menée en 2006 par l'IFOP, l'Institut français d'opinion publique, auprès de 1 500 maires et présidents de communautés révélait que 45 % d'entre eux seraient peu enclins à poursuivre leur engagement lors du prochain renouvellement des mandats. Nous verrons bien si ce pourcentage se confirme au terme des élections du mois de mars prochain, mais la tendance est là.
Pour l'heure, dans le département du Calvados, qui compte 705 communes, il semble d'ores et déjà que près d'un tiers des maires ne souhaitent pas se représenter. Certes, certains ne le veulent pas pour des raisons de convenance personnelle, mais la plupart d'entre eux expriment surtout le « ras-le-bol » d'assumer des responsabilités de plus en plus lourdes et complexes, souvent ingrates, d'être en état de disponibilité permanente auprès de concitoyens de plus en plus exigeants et pas toujours reconnaissants.
J'ai établi le même constat pour ce qui concerne les élections cantonales, car on ne peut pas dire que les candidats se bousculent vraiment dans certains cantons ruraux.
Ce sentiment d'insatisfaction paraît partagé par bon nombre d'élus dans l'ensemble de notre pays, notamment dans les petites communes, puisque le sondage réalisé l'an dernier sur l'initiative de l'Observatoire sénatorial de la décentralisation révèle que 58 % des élus se disent mécontents de leur situation.
Des avancées certaines ont été réalisées grâce à la loi de 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, à celle de 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et à celle de 2002 relative à la démocratie de proximité. Je ne reviendrai pas sur cet historique, d'autres orateurs avant moi l'ayant excellemment rappelé.
Toutefois, malgré l'adoption de dispositions en faveur des élus locaux, il n'existe toujours pas en France de véritable statut de l'élu local. Cette situation pose des problèmes avant, pendant et après le mandat.
Avant l'élection, c'est l'égal accès de tous les citoyens aux mandats locaux qui est principalement en question, et ce pour toutes les catégories socioprofessionnelles.
Certes, la loi de février 2002 permet au candidat à l'élection de préparer la campagne électorale. Un droit au congé électif est ouvert aux salariés candidats au conseil municipal dans les communes d'au moins 3 500 habitants, au conseil général et au conseil régional. Ce congé a une durée maximale de dix jours ouvrables, mais ces absences ne sont pas rémunérées.
Cette loi a également organisé les autorisations d'absence et les crédits d'heure pour permettre aux élus de disposer du temps nécessaire à l'administration de leur collectivité.
Toutefois, deux remarques s'imposent.
Tout d'abord, aucune disposition n'est prévue pour les candidats dans les petites communes. Ensuite, hormis les personnels de la fonction publique, qui peuvent bénéficier d'un détachement ou d'une mise en disponibilité pour exercer un mandat, et donc assurer sans risque professionnel un mandat local, combien de salariés du secteur privé vont-ils utiliser le congé électif non compensé et prendre le risque de se présenter, de consacrer du temps - beaucoup de temps - pour être élu, de devoir peut-être cesser leur activité professionnelle ou au mieux tenter de concilier leur mandat avec leur vie professionnelle, pour percevoir une indemnité qui, seule, ne permet pas, bien souvent, de vivre ?
L'analyse de la répartition socioprofessionnelle des maires réalisée en décembre 2007 fait apparaître que trois catégories de « professions » dominent : les retraités, avec 29 %, les agriculteurs, avec 18 %, et les fonctionnaires, avec 15 %. Précisons, toutefois, que 99 % des agriculteurs élus maires le sont dans des communes de moins de 3 500 habitants.
La représentation des différentes catégories professionnelles est malgré tout moins mal assurée qu'au niveau des fonctions électives nationales, qui présentent un caractère caricatural.
C'est la représentativité de notre société qui est en jeu et il convient d'inciter tous les citoyens français à se porter candidats aux fonctions électives. Seul un statut digne de ce nom peut pallier cette situation.
Quant aux femmes, en application des règles relatives à la parité, elles représentent désormais 47, 5 % des conseillers municipaux des communes de plus de 3 500 habitants. Mais ce pourcentage reste inférieur à 11 % pour les maires de l'ensemble des communes. Le taux est de 10, 5 % pour les conseillers généraux et de 47, 5 % pour les conseillers régionaux.
On peut se réjouir de ce que la situation ait évolué favorablement - malheureusement sous l'effet de la contrainte -, même si l'accès des femmes aux fonctions exécutives mérite quelques améliorations, notamment par une prise en considération du problème de la garde des enfants.
Pendant le mandat, deux sujets sont source de vives préoccupations pour les élus : la responsabilité, d'une part - les responsabilités civile, administrative et surtout pénale - et les moyens d'exercer leur mandat, d'autre part.
Une très grande majorité des élus locaux se déclarent insuffisamment protégés des risques juridiques encourus par leur fonction. D'importantes avancées ont été accomplies, notamment grâce à la loi dite « Fauchon » de juillet 2000, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels. Mais le profond malaise exprimé par les élus locaux ne doit pas être sous-estimé, et nous devrons remettre notre ouvrage sur le métier, notamment en matière d'information.
Par ailleurs, selon le sondage mené pour l'Observatoire de la décentralisation, 66 % des élus se déclarent mécontents de leurs conditions de travail.
Peut-on dissocier ce sentiment de l'intention de bon nombre d'élus de ne pas poursuivre leur engagement, comme je l'ai indiqué au début de mon intervention ? Je ne le crois pas.
À mon avis, élaborer un statut de l'élu local est indispensable, mais cela ne se fera pas sans que soit menée parallèlement une réflexion sur les moyens dont disposent les élus pour exercer leur fonction. Je pense notamment à l'avenir du financement des collectivités locales, à l'insuffisante compensation financière de l'État en contrepartie des nouvelles responsabilités qui leur sont transférées et aux menaces sur leur autonomie.
Pour améliorer les conditions de travail des élus, nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réforme de la fiscalité locale.
Après le mandat, c'est le problème de la reconversion et de l'aide à la réinsertion professionnelle qui se pose.
Pour les retraités, la question ne soulève pas de problème, pas plus que pour les membres de la fonction publique, qui seront réintégrés. En revanche, s'agissant des élus salariés du secteur privé ayant cessé leur activité professionnelle, la situation est plus compliquée.
La loi de 1992 a prévu un droit de réintégration pour les élus ayant cessé temporairement leur activité, leur contrat de travail étant suspendu. Mais ce dispositif connaît ses limites, puisque ce droit n'est valable qu'à l'issue d'un seul mandat et pour les élus des communes de plus de 20 000 habitants, lorsque l'entreprise existe encore.
Les membres des professions libérales, dont les situations présentent une très grande hétérogénéité, n'ont, quant à eux, aucune garantie.
Dix ans plus tard, la loi de 2002 a mis en place l'allocation différentielle de fin de mandat et renforcé les droits à la formation des élus en fin de mandat. Mais, là encore, le droit à formation n'est ouvert qu'aux maires et adjoints de communes de plus de 20 000 habitants, et l'allocation ne peut être perçue que pendant six mois et selon certaines modalités.
On ne peut donc pas s'étonner du fait que 58 % des élus soient mécontents des possibilités qui leur sont offertes en matière de reconversion.
À l'heure où, dans le secteur privé, on commence à vanter une « flexisécurité à la française », il serait intéressant de poursuivre la réflexion pour améliorer les passerelles entre la vie politique et la vie professionnelle et supprimer les inégalités qui existent entre les élus, selon qu'ils sont élus dans une commune de plus ou de moins de 20 000 habitants.
Vous avez, madame la ministre, évoqué la semaine dernière l'idée d'une nouvelle voie d'accès à des fonctions administratives pour les anciens maires ; cette piste mérite d'être approfondie.
Pour conclure, et en ayant bien conscience de n'avoir pas abordé tous les sujets d'inquiétude de nos élus locaux, je tiens à préciser que l'élaboration d'un statut de l'élu local doit se faire, et ne peut se faire, que dans une approche globale. Nous devons définir quelle démocratie locale nous souhaitons mettre en place dans notre pays, quelle doit être la représentativité des élus, leur légitimité, et savoir dans quelles conditions la gouvernance locale doit s'exercer, et ce avec quels moyens.
Ce n'est qu'en apportant des réponses à l'ensemble de ces questions que l'élaboration d'un véritable statut de l'élu local aura, à mes yeux, un sens et sera susceptible d'adapter notre démocratie locale aux défis de la décentralisation.
Seul un véritable statut de l'élu local permettra une démocratie apaisée et représentative qui n'exclue pas par le sexe, la catégorie socioprofessionnelle ou, plus généralement, l'origine sociale.
Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier Jean Puech d'avoir obtenu l'inscription de cette question orale avec débat sur la création d'un véritable statut de l'élu local à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée.
Ainsi, nous allons pouvoir évoquer les multiples rapports qui fleurissent en cette période. Je citerai, par ordre alphabétique, les rapports Attali, Balladur, Lambert et Puech.
Après avoir visité plusieurs pays européens et auditionné de très nombreuses personnalités, dont vous-même, madame la ministre, Jean Puech présente, au nom de l'Observatoire de la décentralisation, un rapport d'information qui explore des pistes et formule des propositions.
Nous le savons, le statut de l'élu local a été maintes fois débattu au fil des années. Certes, quelques petites avancées ont été réalisées, mais, comme toujours dans notre beau pays, nous avons évité d'aborder le sujet au fond et dans sa globalité.
Nous n'avons toujours pas résolu les règles d'accès aux fonctions électives, en refusant d'ouvrir le débat sur l'origine professionnelle des élus. En effet, la situation est complètement différente selon que le candidat à l'élection vient du public ou du privé, qu'il exerce une profession libérale ou qu'il est salarié. Il n'existe aucune égalité entre le fonctionnaire et le salarié, et il faut aborder au fond cette réalité.
Par ailleurs, nous n'avons pas non plus résolu le problème de l'indemnité des élus, principalement celle des maires des plus petites communes. L'indemnité devrait être de droit, obligatoire et comprise dans la DGF, la dotation globale de fonctionnement.
Nous n'avons pas non plus réglé le dossier du cumul des mandats, le cumul étant utilisé comme argument pour discréditer les élus, alors qu'il constitue très souvent, au contraire, une richesse pour la politique territoriale et nationale.
Nous n'avons pas non plus réglé le dossier de la limitation du cumul des indemnités, sauf pour les parlementaires. Je constate très souvent que la somme des indemnités perçues par certains élus exerçant des représentations multiples avec des responsabilités relatives dépasse les plafonds. De même, les salaires avec primes des fonctionnaires de plus haut rang dans les collectivités sont en général une, deux, voire trois fois supérieurs à l'indemnité de leur maire ou de leur président de conseil. Les indemnités des élus peuvent varier selon les indices de la fonction publique territoriale, alors que, dans cette même fonction, est appliqué le « glissement-vieillesse-technicité » ; d'où des écarts croissants. Chacun sait ici que l'élu ne vieillit pas et ne gagne pas en technicité !
Sourires
Nous n'avons pas non plus résolu le problème du devenir des élus au sortir de leurs fonctions électives. Qu'en est-il de leur protection sociale ?
Nous pourrions également évoquer de nombreuses responsabilités de l'élu local, qu'il s'agisse des responsabilités civile, administrative et pénale, qui l'exposent en permanence à l'appréciation du juge et à la vindicte médiatique. Un trou dans la chaussée, un panneau qui tombe, un accident de car scolaire, une intoxication dans une cantine ou une inondation, tous ces incidents relèvent de la responsabilité de l'élu. Le maquis administratif et l'insécurité administrative sont son lot quotidien.
Nous accusons également un grand retard concernant les garanties statutaires proposées à l'élu local, qui n'a ni réel soutien financier ni, bien souvent, de protection sociale durant son mandat, alors que nombre d'élus abandonnent temporairement leur activité professionnelle.
La République n'est pas très reconnaissante envers ses serviteurs et, de plus, elle participe bien souvent - involontairement, je l'espère - à la dévalorisation de l'élu.
Pour illustrer ce propos, permettez-moi d'aborder le rapport Attali, qui en est un bon exemple.
Le Président de la République doit recevoir demain la primeur de ce rapport. Pourtant, tout le monde semble l'avoir déjà parcouru et le connaître, sauf les élus, qui, comme d'habitude, seront les derniers informés. Ils doivent attendre la voie officielle.
Madame la ministre, il faudra un jour bannir cette détestable habitude qu'est pour un gouvernement de tout faire sans avertir les élus. J'en veux pour dernière preuve l'annonce concernant les OGM. À l'Assemblée nationale, le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire en a eu connaissance au dernier moment et par SMS !
La question posée à la commission Attali a été bien posée : « Comment relancer la croissance en France ? » ou « Comment libérer la croissance et retrouver le plein-emploi ? ». Mais je pense que si, à la place d'une telle commission, on avait plus modestement dépêché un émissaire ordinaire et sérieux dans les départements, hors des murs de la capitale, on aurait pu savoir s'il existait une recette pour répondre à la commande présidentielle. Certes, cela nous aurait privés de trois cents propositions ou décisions à mettre en oeuvre d'ici au mois de mai 2009 et de huit ambitions !
Pour gagner du temps et ne pas vous lasser, je m'arrêterai à l'ambition numéro sept : « Instaurer une nouvelle gouvernance au service de la croissance ». On nous explique que beaucoup de nos institutions se sont sédimentées, fossilisées et qu'elles coûtent trop cher pour un service chaque jour plus défaillant. Pauvre élu local ! On nous annonce que l'on va s'occuper de lui...
L'ambition numéro sept conduit à la résolution 259, qui préconise de faire disparaître en dix ans l'échelon départemental, source de gaspillage. Pauvre département !
Si, globalement, nous pouvons comprendre la nécessité de réformer, d'être provocateur, voire agitateur, pour faire avancer les idées, nous ne pouvons comprendre des attaques totalement infondées. À moins de deux mois du renouvellement des conseils généraux, c'est faire preuve de bien peu d'égards pour les élus locaux !
Sachez que des élus de tous bords et des collectivités de toutes tailles se montrent scandalisés par cette annonce couperet largement médiatisée. Je n'ose vous dire ce que j'entends actuellement sur le cercle très fermé de l'intelligentsia parisienne, qui vit en vase clos et qui veut faire le bien des pauvres provinciaux que nous sommes, contre leur gré !
La commission qui a émis cette idée et bien d'autres est composée de quarante-trois membres, dont deux seulement sont des élus : l'un est allemand, l'autre est italien. C'est ce dernier qui aurait porté l'idée sans la moindre audition et sans rencontre avec l'Assemblée des départements de France, ADF.
Avec Jean Puech et des collègues, nous sommes allés en Italie voir les élus locaux. Nous n'aurions pas proposé de nous immiscer dans la vie démocratique locale !
À la limite, j'en arrive à comprendre que l'on ne veuille pas nous entendre, puisque, selon l'image colportée sur les élus locaux, nous sommes indésirables, défaillants, gaspilleurs, et donc déjà condamnés !
L'un des arguments serait que le département est usé par les ans. Il a été créé en 1790. Je me permets d'expliquer aux savants que les conseils généraux sont devenus collectivités de plein exercice en 1981. Les régions, quant à elles, datent de 1982.
Dois-je rappeler que les collèges relèvent de la compétence des départements et que ceux-ci font huit fois plus d'efforts que l'État n'en faisait lorsqu'il était compétent ?
Dois-je rappeler que les départements se substituent à l'État pour la couverture du pays en Internet à haut débit ?
Dois-je rappeler que les transports scolaires des collégiens et des lycéens sont assurés par les conseils généraux, lesquels accordent de plus en plus la gratuité ?
Dois-je rappeler que l'État vient régulièrement nous chercher pour financer ses universités qu'il ne sait assumer financièrement, ou encore pour lui permettre de tenir ses engagements en matière de recherche et d'innovation ?
Dois-je rappeler que l'État, empêtré dans sa complexité et son centralisme, a confié le RMI, l'APA, le handicap et ses routes aux conseils généraux et qu'il s'apprête à amplifier les transferts et les responsabilités aux élus locaux ?
Madame la ministre, je compte sur vous pour dire aux experts que la France ne s'arrête pas aux boulevards des Maréchaux à Paris. Au-delà, il y a une vie, des élus sérieux et consciencieux ! J'invite ces experts à constater sur le terrain que, contrairement à ce qu'ils affirment, le département n'est pas un frein à la croissance.
Je me permets, madame la ministre, de vous exposer à nouveau partiellement ce que je vous ai dit ici même au mois de décembre, à l'occasion de la discussion sur les relations entre l'État et les collectivités. Je l'avais déjà dit à l'Assemblée nationale avant 2000 et ici même lors de la discussion de la loi sur l'Acte II de la décentralisation.
Le département est une collectivité de proximité. La région doit être une collectivité de mission.
Le département doit gérer les lycées en plus des collèges. La région doit recevoir des compétences nouvelles et fortes - santé, université, environnement - et dépasser la gestion quotidienne des petits dossiers.
L'État ne doit plus intervenir au niveau local dans les domaines déjà couverts par les collectivités, qui apportent un financement souvent de plus de 50 %, voire 80 %. Il en est ainsi du sport, de la culture, du social, de l'équipement ; je n'ose avancer l'exemple des pompiers...
La région doit être le lieu de cohérence entre les politiques départementales, et les agglomérations et les grandes villes.
Pour faire vivre cette cohérence, les conseillers régionaux doivent être issus des collectivités qui composent la région concernée, comme cela se fait sans difficulté entre les communes lorsqu'elles créent des structures intercommunales, telles que les communautés d'agglomération.
Le nombre de régions doit être revu à la baisse pour rendre ces dernières plus efficaces et plus concurrentielles face à leurs homologues en Europe.
Les départements, s'ils le souhaitent, doivent pouvoir se regrouper.
Les transferts de compétences entre les collectivités doivent se faire à périmètre financier et structures équivalents.
Si vous analysez notre évolution territoriale depuis vingt ans, vous le constaterez, ce ne sont pas les départements qui ont créé de nouveaux niveaux ; ce sont les régions avec les pays et les communes avec les regroupements.
Les collectivités doivent être libres d'agir sur les compétences dynamiques créatrices de richesses, tels l'économie et l'aménagement du territoire.
Sur les compétences passives ou de guichet, les collectivités doivent avoir des compétences uniques.
Les contrats de plan État-région doivent être supprimés. C'est une tutelle de l'État sur la région, et de l'État et de la région sur les autres collectivités permettant à l'État d'être partout à moindres frais et de maintenir ainsi des structures.
Je me suis permis d'émettre une douzaine de suggestions de cohérence non provocatrices, qui peuvent être facilement et rapidement débattues et qui, bien sûr, auront un impact sur l'élu local, ses missions, ses compétences. Elles peuvent être l'occasion de traiter en même temps du statut.
Il n'est pas dans la culture des gouvernements d'écouter les propositions qui sont le fruit d'une certaine expérience locale. Une fois de plus, je constate que les paillettes de la notoriété ont été préférées.
Je fais l'impasse sur un certain nombre de propositions intéressantes, madame la ministre, pour arriver plus vite à la conclusion.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Comment le Gouvernement peut-il vous entendre si vous sautez des propositions, monsieur le sénateur ?
Sourires
J'en ai déjà fait un certain nombre : treize. J'en ai encore une dizaine !
Madame la ministre, ce sont les élus locaux, ceux qui sont peu reconnus, ceux que l'on veut jeter avec l'eau du bain, qui font, avec beaucoup de passion, la richesse de nos territoires. Nous sommes prêts à la réforme, nous la demandons, nous l'accompagnerons. Mais, si vous n'entraînez pas l'État dans ce vaste mouvement de réforme, si vous n'entrez pas dans le vrai débat avec les élus locaux, si vous cautionnez des provocations « attalinesques », comme la résolution 259, j'aurai alors la conviction qu'il existe bien deux France : celle d'en haut, réduite à quelques penseurs en mal de reconnaissance et de succès en librairie, et celle d'en bas, faite d'élus et de citoyens qui se battent pour faire avancer leurs territoires et leur pays.
Madame la ministre, entre le rapport présenté par Jean Puech et les propositions qui vous ont été faites sur toutes les travées de notre hémicycle, vous avez une source considérable de suggestions de nature à faire avancer le statut de l'élu et l'organisation territoriale, tout en relançant la croissance en France. Je sais que je peux avoir confiance en vous.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du RDSE et les travées socialistes.
Madame la ministre, je sais que vous connaissez bien les Français de l'étranger et que vous leur accordez beaucoup d'attention. Vous avez d'ailleurs toute leur sympathie.
Permettez-moi de profiter de ce débat pour attirer votre attention sur une catégorie d'élus autre que celle dont a parlé avec talent mon collègue et ami Jean Puech, mais qui s'en approche beaucoup.
Pourquoi un sénateur des Français de l'étranger intervient-il ce soir à cette tribune ? Mon intervention a pour objet de faire en sorte que les conseillers élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, AFE, ne soient pas oubliés dans ce débat.
Certains objecteront que mon intervention est hors sujet...
et prétendront que les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger ne peuvent pas être assimilés à des élus locaux. Pourtant, il me faut souligner qu'ils sont très proches de leurs collègues élus sur le territoire national, qu'il s'agisse de la nécessité de reconnaître leur statut, lequel n'existe encore ni pour les uns ni pour les autres, ou de l'organiser.
Au nombre de 155, ces élus forment l'Assemblée des Français de l'étranger. Ils sont élus localement, au sein de circonscriptions électorales, au suffrage universel direct pour un mandat de six ans. Il existe, vous le constatez, de nombreuses similitudes !
J'ai été élu pendant plus de dix ans par les Français d'Autriche et des pays de l'Europe de l'Est, et je sais que les responsabilités qui découlent d'un tel mandat sont bien réelles.
À l'instar des élus locaux, les élus de l'Assemblée des Français de l'étranger ont des responsabilités envers leurs administrés. Ils les remplissent notamment en participant aux réunions des diverses commissions dans les ambassades, dans les consulats, pour l'attribution de bourses scolaires, l'aide sociale, les comités pour l'emploi ou les comités de sécurité - qui sont de plus en plus importants à notre époque pour nos communautés expatriées - ou encore aux réunions avec les consuls, les consuls honoraires de la circonscription, etc. Madame le ministre, ayant été ministre de la défense, vous connaissez bien les difficultés liées à la sécurité des Français à l'étranger et le rôle des chefs d'îlot.
Les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger agissent localement sur le terrain, un terrain bien plus vaste et très souvent beaucoup plus périlleux que celui sur lequel évoluent leurs collègues de France. Il ne faut pas oublier que certaines circonscriptions regroupent parfois plusieurs pays. On comprend alors combien il est difficile pour les élus d'accomplir leur mission auprès des Français de l'étranger, leurs mandants.
Ces élus se réunissent deux fois par an à Paris en session plénière ; ils travaillent au sein de commissions sur les problèmes de nos compatriotes établis hors de France. Mais ils prennent sur leur temps libre, temps de loisirs et de congés, pour exercer leur mandat.
Les élections sont politiques. Il suffit, pour s'en convaincre, de rappeler que les conseillers élus à l'AFE parrainent les candidats au premier tour de l'élection présidentielle. Ils forment également le collège électoral des sénateurs représentant les Français de l'étranger. Ils ont donc bien un rôle politique.
Pour pouvoir exercer ce mandat, les élus à l'AFE perçoivent une indemnité. Celle-ci est insuffisante pour la plupart d'entre eux, même si elle a le mérite d'avoir été augmentée récemment. Bien sûr, elle est encore loin d'être suffisante pour permettre aux élus d'exercer leur mandat dans la circonscription.
Ce qui manque le plus à ces derniers, c'est, à l'image des élus locaux de France, un statut pour une reconnaissance de leur mandat. Madame la ministre, il ne s'agit pas seulement de valoriser un travail difficile ; il s'agit surtout de le rendre plus efficace et surtout de le reconnaître.
En effet, la principale difficulté rencontrée localement par les conseillers élus est l'absence de reconnaissance de leur mandat et de leur rôle d'élu, lesquels ne sont pas toujours bien perçus par notre administration diplomatique et consulaire. Je n'accuse personne, mais celle-ci a trop souvent tendance à les considérer comme des élus de « second ordre », je serais même tenté de dire comme des « élus au rabais ». L'administration oublie qu'ils ont été élus au suffrage universel.
La définition d'un véritable statut d'élu des Français de l'étranger permettrait aussi de régler certains problèmes concrets.
Je prendrai l'exemple de leur protection sociale. Les élus ne sont assurés que lorsqu'ils se rendent à Paris pour siéger à l'Assemblée des Français de l'étranger. On connaît les dangers à Paris ; ils ne sont pas si terribles que cela ! En revanche, les élus ne sont pas assurés dans leur circonscription lors de déplacements effectués dans l'exercice de leur mandat, dans des conditions parfois très difficiles, quand elles ne sont pas dangereuses. Pourtant, c'est surtout au cours de tels déplacements qu'ils devraient être protégés.
Madame la ministre, mes chers collègues, voilà pourquoi, avec ces élus de l'étranger, je souhaite que la création d'un régime statutaire spécifique, comme le disait Jean Puech, adapté aux nouvelles responsabilités des exécutifs locaux permette également la création d'un statut spécifique de l'élu à l'Assemblée des Français de l'étranger.
On souhaite l'émancipation de la démocratie locale. On veut une démocratie moderne et décentralisée. Alors, allons jusqu'au bout et incluons un statut spécifique pour ces élus d'outre-frontières ! Ils le méritent bien, et ce ne serait que leur rendre justice... Comme l'a dit Jean Puech, n'ayons pas, pour les Français de l'étranger aussi, une République de retard !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du RDE et les travées socialistes.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier MM. Jean Puech et Patrice Gélard de leurs interventions, de l'exhaustivité avec laquelle ils ont abordé les différentes questions relatives au statut de l'élu, mais aussi de la hauteur de vue dont ils ont fait preuve en évoquant un certain nombre de sujets qui renvoient à des préoccupations plus larges.
Je souhaite également les remercier d'avoir suscité et orienté cette discussion, qui est non seulement au coeur de l'actualité, puisque nous sommes à quelques semaines des élections municipales, mais aussi au coeur de notre démocratie.
Vous le savez, je suis une élue locale, municipale et départementale, et j'ai également été à de multiples reprises une élue nationale ; cela expliquera peut-être tout à l'heure certains de mes propos.
En tant que ministre chargée des collectivités territoriales, je retrouve les problèmes auxquels sont confrontés les élus locaux. Je connais les exigences de leur mission et les attentes qu'elle engendre de la part de nos électeurs. Je n'ignore rien des contraintes que cette mission emporte pour eux et parfois pour leur famille, ainsi que, dans un certain nombre de cas, des risques qu'elle présente. Je sais ce qu'un mandat électif signifie en termes d'engagement personnel, étant entendu que les mandats locaux, en particulier, permettent de tisser des liens très forts avec la population.
Être à la tête d'un exécutif local, c'est être en première ligne des attentes de nos concitoyens.
Pour permettre aux élus locaux de faire face à leurs charges, de nombreuses dispositions ont été mises en place au fil des années. J'ai le sentiment qu'elles forment aujourd'hui un ensemble cohérent et équilibré, mais qui peut et doit être complété. C'est également ce que j'ai retenu des différentes interventions que je viens d'entendre.
Par ailleurs, j'en suis persuadée, l'insatisfaction ressentie par certains élus locaux trouve surtout son origine dans notre paysage institutionnel. En effet, nombre d'élus locaux estiment qu'il faut clarifier les responsabilités ; je l'ai d'ailleurs dit devant l'Association des maires de France, et les répercussions ne se sont pas fait attendre. Nous avons tout simplement besoin de savoir qui fait quoi.
J'évoquerai tout d'abord l'actuel statut des élus locaux, qui me semble constituer un bon compromis entre protection et libre administration.
Les différentes dispositions prises ont permis de réunir un certain nombre d'éléments que l'on retrouve dans n'importe quel statut. Finalement, peu importe que l'on utilise ce dernier terme ou non, car c'est la réalité qui importe. Or, pour tenir compte des charges occasionnées par l'exercice d'une fonction élective locale, le législateur a progressivement mis en place des droits et des garanties.
Ainsi, comme cela a d'ailleurs été rappelé, de nombreux dispositifs permettent de concilier activité professionnelle et mandat local. Je pense en particulier aux autorisations d'absence, aux crédits d'heures pour participer aux séances plénières des assemblées ou à la suspension du contrat de travail.
Pour autant, avons-nous tout réglé ? Bien sûr que non ! M. Couderc et Mme Mathon-Poinat ont pointé un certain nombre de difficultés. Le premier a parlé des professions libérales et des travailleurs indépendants, la seconde a évoqué - je m'en réjouis d'ailleurs - les problèmes des femmes, notamment des femmes jeunes, pour lesquelles il n'existe pas véritablement de réponses appropriées. En définitive, quelles réponses pouvons-nous apporter à ces situations ?
Peut-être faut-il s'intéresser non seulement à l'exercice du mandat, mais aussi à la fin du mandat ?
De même, le droit à la formation est aujourd'hui pleinement reconnu, et ce par le biais d'actions financées par la collectivité. Je pense en particulier au congé-formation des salariés qui sont aussi des élus.
Le régime indemnitaire lui-même a sensiblement et favorablement progressé. Entre 2000 et 2007, les indemnités des maires et des présidents d'assemblées locales ont augmenté en moyenne de 55 %.
La réinsertion professionnelle, évoquée par M. Jean-Léonce Dupont, est aussi un enjeu majeur, notamment pour la fin de mandat. Si cette question ne conditionne pas les vocations, elle constitue toutefois un frein à l'exercice d'une fonction élective, chacun se posant la question de son devenir.
Certes, la création, en 2002, de l'allocation de fin de mandat a permis d'apporter un élément de réponse à cette problématique. Le stage de remise à niveau lors du retour dans l'entreprise ou le bilan de compétences sont des éléments susceptibles d'aider les élus. Cependant, ces dispositions, à mon sens, ne vont pas assez loin.
Cela a été dit tout à l'heure, l'exercice, pendant de longues années, d'un mandat local ou national peut aussi être un enrichissement pour la collectivité au sens large, notamment au niveau du fonctionnement administratif. Il serait donc normal que les élus nationaux bénéficient d'une sorte de troisième voie, comme il en existe une pour l'ENA, permettant d'accéder à la haute fonction publique. Sur le plan local, un dispositif similaire devrait être envisagé. À cet égard, il existe sans doute des points sur lesquels nous pourrions travailler, d'autant qu'il s'agit d'une manière de supprimer des contraintes et d'élargir des possibilités.
Si j'évoque d'abord ce point, c'est parce qu'il me semble nécessaire de prolonger ensemble, puisque la proposition m'en a été faite, la réflexion sur un certain nombre de mesures susceptibles de faciliter au quotidien l'exercice des mandats locaux. Il est en effet trop facile de parler des problèmes en général : il faut aussi identifier ce à quoi nos collègues élus se heurtent au quotidien.
Selon moi, l'objectif mentionné par certains de faire de la fonction d'élu une profession à temps plein pose à mon sens un problème, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons tous, dans nos départements, de très petites communes pour lesquelles on ne voit pas très bien en quoi pourrait consister la profession d'élu à temps plein. Or, ne l'oublions pas, il s'agit tout de même de l'immense majorité des communes en France !
Ensuite, pour le maire d'une grande ville, l'exercice de son mandat n'est pas forcément beaucoup plus contraignant que pour le maire d'une ville de taille plus modeste. En effet, le premier dispose d'une administration qui le décharge de très nombreuses tâches, tandis que, vous le savez aussi bien que moi, le second est souvent amené à exercer lui-même une bonne part des responsabilités qui lui incombent.
Par ailleurs, le risque d'une fonctionnarisation des élus locaux ne doit pas être sous-estimé. Je le rappelle, dans certains pays, les maires sont en réalité des fonctionnaires.
Dieu sait si je suis favorable à ce que l'on regarde ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières, mais il faut bien avoir à l'esprit que tous les pays n'ont ni la même histoire ni la même structure. Je vous le dis très clairement, une telle évolution n'est pas dans ma philosophie. C'est également, d'ailleurs, la position de M. Jacques Pélissard, le président de l'Association des maires de France, puisqu'il déclare : « Pour autant, ce serait méconnaître la nature du mandat local que de croire que celui-ci ne pourra être le fait que des professionnels des politiques locales. »
M. Jean Puech le sait, c'est pour ces mêmes raisons que je ne partage pas tout à fait l'analyse de l'Observatoire de la décentralisation sur le « cumul des mandats ». Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, j'ai le sentiment que le problème n'est pas posé dans les bons termes.
Tout d'abord, il faut garder à l'esprit que, pour les Français, cumul des mandats signifie cumul des avantages ou des rémunérations, alors que, nous le savons très bien, ce n'est pas le cas. Plutôt que de cumul, je préfère parler de complémentarité. Mon expérience m'a montré qu'il existe une véritable complémentarité entre certains types de mandats, notamment entre les mandats nationaux et les mandats locaux.
À mes yeux, le fait d'être à la fois maire et député ou sénateur permet d'enrichir les mandats, en offrant la possibilité de rencontrer les gens au quotidien. Il ne suffit pas d'avoir occupé une autre fonction, car notre société ne cesse de changer. Quand on vote la loi, il est important de savoir ce que disent les gens dans le pays !
De la même façon, le fait d'être à la fois conseiller général et conseiller régional me paraît aujourd'hui très complémentaire. Les compétences n'étant peut-être pas toujours bien distinctes à l'heure actuelle, cela permet de voir l'action menée ou à mener conjointement sur le terrain.
Nous pourrions bien sûr en discuter : je me contente de vous livrer mon analyse et mon sentiment, qui représente, me semble-t-il, une façon différente d'aborder le problème.
Car on peut aussi le poser en ces termes : le fait d'exercer plusieurs mandats permet-il d'apporter quelque chose de plus ? La réponse permettrait sans doute de modifier quelque peu le regard de nos concitoyens sur ce que nous faisons.
Des voies d'amélioration méritent d'être étudiées dans d'autres domaines, pour que les élus locaux puissent exercer leur mandat avec davantage de sérénité.
Madame Goulet, vous l'avez souligné à travers l'exemple du centre de formation des élus locaux, il y a parfois une mauvaise information sur ce qui existe. Les élus locaux ont besoin, me semble-t-il, de mieux connaître leurs droits. C'est pourquoi j'ai décidé de remettre à chaque maire, en mars prochain, un guide du maire nouvellement élu. En effet, lors de ma première élection, je me suis posé un certain nombre de questions, et le fait d'avoir siégé préalablement au sein d'un conseil municipal ne m'a pas forcément permis d'y répondre.
Je souhaite également engager, avec Mme le garde des sceaux, un chantier sur les risques pénaux encourus par les exécutifs locaux. C'est un vrai problème de fond, que plusieurs d'entre vous, en particulier M. Jean-Léonce Dupont, ont abordé.
De fait, aujourd'hui, pour cette raison, un certain nombre d'élus ne veulent pas se représenter. Ne sous-estimons pas la crainte du risque pénal dans cette décision.
Certaines infractions qualifiées d'intentionnelles méritent certainement un traitement plus adapté dès lors qu'elles concernent des exécutifs locaux. Sans doute des progrès ont-ils été réalisés s'agissant des infractions non intentionnelles. Il reste que, dans différents domaines, la commande publique, par exemple, la responsabilité du chef de favoritisme et de prise illégale d'intérêt ne correspond pas forcément à une intention frauduleuse.
Dans un contexte de « juridicisation » croissante de la vie publique, je suis frappée de constater que, lors des périodes pré-électorales, se multiplient les actions menées, en particulier, contre des maires. Il y a une sorte d'instrumentalisation du droit à des fins politiques, ce qui, non seulement est dommageable pour les élus mais encore n'est pas sain pour la démocratie. Il faut éviter cette dérive.
Par ailleurs, la représentation de certaines catégories socioprofessionnelles pourrait être améliorée. Ce point a été évoqué notamment par Mme Goulet et M. Jean-Léonce Dupont.
Contrairement à une idée reçue, le problème réside non pas dans le fait que des retraités ou des fonctionnaires exercent des mandats locaux, mais dans l'insuffisance de représentation des employés et des ouvriers à ces fonctions. Il s'agit non d'écarter certains, mais de voir comment d'autres catégories pourraient y accéder.
À cet égard, la sortie du mandat électif est un sujet sur lequel nous devons travailler ensemble : que deviendra l'élu à la fin de son mandat ? Cette question se pose pour les professions libérales ou les travailleurs indépendants, mais également pour les salariés. C'est un vrai problème, qui touche d'ailleurs plus les mandats nationaux que les mandats locaux.
Monsieur Collombat, je ne suis d'ailleurs pas sûre que les indemnités puissent tout régler, notamment le problème que je viens d'aborder ? En tout cas, à cet égard, il convient de souligner une difficulté liée à l'extrême variété des situations selon la taille des communes.
Je le dis comme je le pense, je suis choquée par le fait que, à l'heure actuelle, les indemnités perçues par un maire sont très inférieures à celles que touchent son directeur des services, voire certains de ses directeurs, alors même que c'est lui qui endosse la totalité de la responsabilité, à la fois politique et pénale. Une telle situation me paraît anormale.
En même temps, je conviens qu'il ne faut pas prendre le risque de créer des charges supplémentaires trop lourdes pour les communes.
Des solutions ont été évoquées par certains d'entre vous, mais je ne suis pas sûre qu'elles soient faciles à mettre en oeuvre.
Quoi qu'il en soit, je souhaite que nous débattions de ces questions dans un climat de confiance et de bonne foi, notamment au sein de la Conférence nationale des exécutifs, qui est l'instance appropriée, afin d'avancer sur ce sujet.
En ce qui concerne les élus des Français de l'étranger, au sujet desquels vous m'avez interrogée, monsieur del Picchia, je connais les contraintes, les difficultés, les risques auxquels ils doivent faire face. Vous avez évoqué en particulier le problème de leur protection sociale. Je suis prête à étudier avec vous des possibilités d'améliorations concrètes de leur situation afin de répondre dans la mesure du possible à leur attente et, ne l'oublions pas, de leur permettre de jouer pleinement le rôle important que nous leur assignons.
Après cette courte excursion hors de nos frontières, je reviens au territoire national.
À travers la question du statut de l'élu local, c'est celle de la lisibilité des responsabilités locales qui est posée, ainsi que vous l'avez excellemment souligné, monsieur Puech.
Ma conviction est que les élus locaux, tout comme l'ensemble de nos concitoyens, souhaitent une plus grande clarté dans le partage des compétences entre les différents niveaux d'administration. Leur attente est légitime. Ils ont besoin de pouvoir identifier qui fait quoi.
Monsieur Doligé, vous l'avez rappelé, la lisibilité est essentielle pour les élus locaux, car c'est elle qui leur permet d'exercer au mieux leurs responsabilités. Trop de maires se demandent à qui s'adresser pour obtenir telle ou telle réponse en vue de mener telle ou telle action.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, cela suppose d'abord une pause dans les transferts de compétences, très nombreux ces dernières années. Un sondage réalisé à l'occasion de l'assemblée générale de l'Association des maires de France a montré que plus de 70 % des personnes interrogées souhaitaient cette pause.
Mais la pause ne signifie pas que l'on ne fait rien. Au contraire, elle doit être mise à profit pour réunir un véritable consensus sur le diagnostic et, si possible, sur les solutions à trouver.
Stabilité ne saurait signifier immobilisme. Cela a été dit à plusieurs reprises, des redondances existent dans l'exercice des responsabilités. Des attributions de compétences doivent donc être revues au regard de leur utilité au service de l'intérêt général.
Plusieurs rapports proposent des pistes de réflexion.
J'ai beaucoup entendu parler des rapports. Les rapports peuvent parfois jouer le rôle de « poil à gratter » ! Il est bon que les parlementaires en soient informés. Souvent, on connaît déjà à l'avance ce qui ressortira des rapports, mais cela ne veut pas dire qu'on ne découvre pas, après leur publication, certaines de leurs conclusions.
La commission présidée par Jacques Attali a proposé de rationaliser nos institutions autour des régions et de l'intercommunalité.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Que les choses soient claires, je ne partage pas cette analyse !
Très bien ! sur de nombreuses travées.
Oui, je l'ai dit une fois !
Les communes et les départements sont les collectivités auxquelles les Français sont affectivement attachés.
On se sent d'une commune, on se sent d'un département. Pour moi, les intercommunalités et les régions sont des réalités rationnelles.
À l'heure actuelle, c'est vrai, pour effectuer un travail efficace, on a besoin d'être dans une intercommunalité. Pour se doter d'équipements extrêmement importants, on a besoin de la région.
Mais, je le répète, on se sent d'abord appartenir à sa commune et à son département.
Il faut certes savoir comment se partagent les compétences entre les différents niveaux d'administration, mais, quand on connaît la réalité du terrain, monsieur Doligé, avec un vrai contact avec les Français - au-delà du périphérique, de l'Adour, et même de la Nivelle
Sourires
D'autres pistes ont été proposées, notamment par M. Alain Lambert, pour engager un effort de rationalisation de l'État et des collectivités locales.
Nous devons explorer ces pistes ensemble, en particulier dans le cadre de la Conférence nationale des exécutifs.
D'ailleurs, madame Goulet, avancer n'empêchera pas les redécoupages.
Je rappelle que le redécoupage des circonscriptions a été demandé par le Conseil constitutionnel. Je serai amenée à procéder en même temps à un redécoupage des cantons, pour ne pas me retrouver avec des cantons partagés entre deux, voire entre trois circonscriptions.
Nous y travaillerons avec tous les groupes politiques, afin de garantir une totale transparence. §Mais nous attendrons l'achèvement des élections municipales pour nous y atteler, car elles absorbent tous les élus en ce moment.
De plus, les résultats du recensement, qui est en phase d'aboutissement, nous donneront une vision non contestée de la situation démographique des arrondissements.
Il est également important, dans notre réflexion, de garder à l'esprit que les situations sont extrêmement diverses et que nous devons traiter à la fois des grandes villes et des communes rurales. En particulier, nous devrons tenir compte de la situation du monde rural dans son ensemble, monsieur Boyer.
À cet égard, il nous faut nous interroger : le service public peut-il être assuré selon les mêmes modalités dans une commune d'outre-mer et dans une ville de la région parisienne, en haute montagne ou dans un village au coeur de l'Aveyron ? Il importe d'avoir la vision la plus complète possible.
C'est aussi dans l'exercice quotidien de leurs missions que les élus locaux sont en droit d'attendre davantage de lisibilité. Je crois que la complexité ne tient pas simplement à nos institutions : elle tient également au travail administratif lui-même.
Monsieur Couderc a raison de dire que, aujourd'hui, nous multiplions les normes de tous ordres. Nous vivons une véritable inflation normative, qui complexifie l'exercice des mandats locaux tout en réduisant l'autonomie des élus locaux.
C'est à cette complexité qu'il convient d'apporter des solutions innovantes. Je l'ai dit dès que je suis arrivée dans ce ministère, et j'ai bien l'intention de le faire. Je veillerai à ce que les collectivités locales puissent exercer leurs compétences de manière plus libre, plus efficace, plus simple et, si possible, moins coûteuse, tout en sachant où l'on va.
Tel est d'ailleurs le souhait du Président de la République et du Premier ministre, qui m'ont confié le soin de le mettre en oeuvre. Il est nécessaire d'amorcer des évolutions réglementaires ou législatives et de permettre aux collectivités locales d'adapter l'organisation de l'action publique aux réalités locales. Nous devons travailler sur ces sujets dans un dialogue constant.
Le rapport - encore un ! - du préfet Michel Lafon présente un certain nombre de propositions intéressantes visant à la simplification des procédures afin d'aider les collectivités locales.
La multiplication et le changement des normes engendrent souvent des coûts supplémentaires pour les communes, j'ai pu le constater. Pour éviter ces réglementations surabondantes, je mettrai en place la commission consultative sur l'évaluation des normes, dont vous avez voté le principe, et qui permettra d'associer les représentants des collectivités territoriales à l'élaboration de tous les projets de décret les concernant et susceptibles d'avoir des retombées financières pour les communes. N'est-ce pas là une parfaite illustration du dialogue entre les collectivités et l'État ?
Je veux également apporter une réponse au sentiment d'isolement, voire de solitude, éprouvé parfois par les élus locaux. Souvent seul pour prendre une décision, le maire a, c'est vrai, l'impression d'être quelque peu abandonné face à des législations et des réglementations extrêmement complexes. Je le dis clairement : les services de l'État ont un rôle nouveau à jouer à cet égard.
Les petites communes, en particulier, qui ne disposent pas de services suffisamment étoffés, doivent pouvoir se tourner vers eux pour obtenir les garanties nécessaires, notamment sur le plan juridique.
C'est la raison pour laquelle le maillage territorial de l'État, à partir des sous-préfectures, doit être au plus près de ceux qui ont besoin de lui parce qu'ils se sentent seuls.
Monsieur Puech, vous proposez de mieux associer les élus locaux à la réforme de l'État sur le territoire. C'est bien mon intention, comme en témoignent mes propos et les propositions que j'ai faites. Je vous l'ai dit dès que j'ai pris mes fonctions au ministère de l'intérieur.
Parce que c'est notre responsabilité commune, nous devons répondre ensemble et dans un climat de confiance à l'attente de nos concitoyens. J'ignore si un consensus est possible, mais, à tout le moins, accordons-nous sur les diagnostics et essayons de trouver ensemble les bonnes solutions.
Comme le disait M. Couderc, la Conférence nationale des exécutifs constituera un lieu de rencontre adéquat, mais soyez assurés de toujours trouver au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales une écoute et une volonté de travailler en commun.
L'intercommunalité est une solution adaptée pour aider les élus locaux dans l'exercice de leurs missions. Aussi, je souhaite que le réseau de solidarité intercommunale permette d'apporter un certain nombre de réponses communes et de mieux coordonner les actions. Je compte très prochainement faire un certain nombre de propositions en ce sens et souhaite que nous puissions y travailler ensemble.
Étant moi-même une élue locale, et ce depuis bien longtemps, je sais que cette fonction demeure un honneur. C'est bien ainsi que le ressentent nos concitoyens. C'est bien ainsi que le ressentent de leur côté les élus locaux, y compris ceux qui ont décidé de ne pas se représenter, même s'ils savent qu'elle est aussi une charge et qu'elle crée des responsabilités.
Patrice Gélard disait tout à l'heure que l'image de l'élu local était dévalorisée. Pour ma part, je ne le crois pas. N'accordons pas trop de crédit à cette vision essentiellement véhiculée par certains journalistes. En réalité, sur le terrain, les gens font confiance à leurs élus locaux, dont ils attendent beaucoup.
L'élu local incarne au plus haut point la démocratie au quotidien, la démocratie réelle. C'est bien la raison pour laquelle nous devons l'aider à exercer sa mission. Il est donc du devoir de l'État d'essayer, dans toute la mesure possible, d'alléger les contraintes inutiles qui pèsent sur les élus locaux et de réduire les risques qui sont liés à l'exercice d'un mandat.
La modernisation de la vie politique doit s'accompagner d'une réelle modernisation de l'État et d'une modernisation des méthodes de travail en commun, lesquelles doivent reposer sur le dialogue avec les élus et sur la confiance. Il faut cesser de se regarder en chiens de faïence, car, je le répète, notre mission est la même.
À une époque où le changement, l'adaptation et l'innovation sont nécessaires au développement de notre pays, les élus, en particulier les élus locaux, peuvent compter sur mon engagement et sur mon total soutien. En dépit de nos divergences sur un certain nombre de sujets, nous avons en commun la volonté de servir nos concitoyens et de servir la France.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ordre du jour réservé
L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi organique de MM. Alain Vasselle et Nicolas About tendant à prévoir l'approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d'exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d'exercice (n° 163, 2007-2008).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 nous a conduits à étudier de façon approfondie la question des niches sociales. Mais, pour notre commission, ce sujet n'était pas nouveau : nous l'avons en effet maintes fois évoqué, la question des exonérations, des allégements et autres réductions de charges sociales étant devenue, au cours des années, un aspect essentiel des finances sociales.
Cela apparaît très nettement à travers l'examen des données chiffrées concernant les trois principales catégories de dispositifs.
Premièrement, les allégements généraux de charges sociales - les allégements Fillon et les allégements au titre des heures supplémentaires - représentent une masse désormais proche de 30 milliards d'euros, masse qui, fort heureusement pour la sécurité sociale, est compensée par l'État grâce au fameux « panier » de recettes fiscales.
Toutefois, mes chers collègues, malgré nos efforts pour l'inscrire dans la loi, nous n'avons pas encore réussi à obtenir la garantie de la compensation à l'euro près, année après année, de ces exonérations. Peut-être y parviendrons-nous un jour ! Il ne faut pas désespérer ! Nous ne perdons pas l'espoir de vous convaincre, vous et vos services, monsieur le ministre. C'est en effet une nécessité compte tenu des montants en jeu.
Comme nous l'avons souvent dit, la sécurité sociale ne doit pas servir à financer la politique de l'emploi.
Deuxièmement, les allégements de charges ciblés sur certains publics, certaines professions ou certaines zones du territoire représentent plus de 3 milliards d'euros de recettes en moins pour la sécurité sociale. Hélas ! ces sommes ne sont que très imparfaitement compensées par des dotations budgétaires, qui pèchent à la fois par leur insuffisance et par leur versement tardif. Mais je ne désespère pas, monsieur le ministre, que vous donniez des instructions aux responsables des programmes concernés pour que ces dotations soient prioritaires dans l'exécution budgétaire, afin que nous n'ayons plus à revenir sur cette question.
Néanmoins, nous restons inquiets. En effet, selon les informations que j'ai recueillies lors du dernier conseil de surveillance - que je préside - de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, institution que connaissent bien vos collaborateurs, monsieur le ministre, il manquerait 1, 5 milliard d'euros au titre de ces allégements pour l'exercice 2007. En l'absence de régularisation rapide de cette somme, c'est une nouvelle dette de l'État envers la sécurité sociale qui va se constituer.
Il serait heureux, monsieur le ministre, que vous puissiez dissiper nos inquiétudes et nous donner quelques précisions à ce sujet. Quelles sont les intentions du ministère des comptes publics en la matière ? Une régularisation aura-t-elle lieu rapidement, au moins au cours de l'exercice 2008 ?
Troisièmement, je parlerai des nombreuses exemptions d'assiette. Un très récent rapport du Gouvernement - que nous attendions depuis plus de quatre ans ! - a évalué à au moins 40 milliards d'euros le montant de cette assiette exonérée, soit 10 % de la masse salariale, qui s'élève à environ 400 milliards d'euros.
Les principaux dispositifs concernés sont la participation, l'intéressement, les diverses aides directes consenties aux salariés, comme les titres-restaurant ou les chèques-vacances, la prévoyance complémentaire, les retraites supplémentaires et les indemnités de licenciement.
Lors de l'examen de l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, monsieur le ministre, vous aviez souhaité maintenir ces exonérations sans aucune compensation. Dès lors, il sera nécessaire de modifier le code de la sécurité sociale, car il faudra bien s'entendre sur le sens du mot « rémunération » lorsqu'on parle d'intéressement et de participation.
Dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes a consacré un long développement à cette question de l'assiette des prélèvements sociaux. Elle y a vu une possible source de financement supplémentaire pour la sécurité sociale.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne pense pas qu'il soit utile de vous rappeler les observations de la Cour ni les propos du président Seguin sur cette question des niches sociales, en particulier sur les exonérations dont bénéficiaient les stock-options.
De son côté, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, que j'ai l'honneur de présider, a également consacré du temps à cette question. Dans le rapport que je vous ai présenté en octobre dernier, à l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires, j'ai évoqué plusieurs pistes.
Outre la remise en cause de la pertinence de certaines niches au regard de leur efficacité économique et sociale et du manque à gagner qu'elles entraînent pour la sécurité sociale, nous suggérions que l'on crée une taxe d'un faible niveau sur l'ensemble de ces assiettes exonérées, taxe que nous avions appelée flat tax. Comme vous vous en souvenez certainement, monsieur le ministre, cette proposition avait fait l'objet d'un amendement au projet de loi de financement pour 2008, amendement que nous avions retiré à votre demande. Le Gouvernement, sans en rejeter l'idée, considérait en effet que l'institution d'une telle taxe était prématurée et qu'il convenait de mesurer la pertinence de certaines de ces exonérations avant d'aller plus avant sur ce sujet. C'est, du moins, ce que j'ai cru comprendre.
En effet, l'existence de ces dispositifs d'exonération soulève deux questions.
La première est une question de fond tenant à leur utilité et à leur justification. Nous avions bien pressenti ce débat en déposant, voilà un an, un amendement tendant à la taxation des stock-options, préfigurant ainsi les dispositions adoptées cette année en loi de financement sur l'initiative de notre collègue député Yves Bur, qui n'a fait que reprendre notre proposition.
La seconde question tient à la procédure relative à leurs modalités d'adoption et à leur évaluation par le législateur.
Sur ce dernier aspect, la MECSS a clairement mis en évidence l'insuffisance du contrôle exercé, tant par les ministères sociaux que par les commissions des affaires sociales des deux assemblées, sur les mesures d'exonération de cotisations et de contributions sociales ainsi que sur les modifications qui leur sont apportées.
En effet, mes chers collègues, dans la mesure où ces exonérations ne figurent pas nécessairement en loi de financement et où elles peuvent être insérées dans n'importe quel texte législatif, il est fréquent qu'elles soient adoptées par le Parlement sans avoir été préalablement expertisées. Ainsi, ni vos services, monsieur le ministre, en particulier la direction de la sécurité sociale, ni les commissions des affaires sociales ne sont sollicitées sur ces dispositifs, qui ne sont pas davantage soumis à l'avis du gestionnaire - l'ACOSS et les URSSAF - ou des caisses initialement bénéficiaires de la ressource dont elles seront ensuite privées.
D'après une étude menée par la direction de la sécurité sociale, sur la cinquantaine de mesures d'exonération ou de réduction d'assiette de cotisations sociales votées entre le début de 2005 et le début de 2007, 40 % d'entre elles ne résultaient pas d'un arbitrage interministériel impliquant le ministère des affaires sociales.
Or ces mesures pèsent de plus en plus lourdement sur les comptes sociaux.
C'est pourquoi, afin de corriger cette anomalie, la MECSS a suggéré de donner aux lois de financement un rôle central en matière de contrôle des niches sociales, en en faisant un « passage obligé » de l'ensemble des mesures d'exonération ou d'allégement de charges.
À cet égard, je rappelle que, dans le cadre du projet de loi pour le pouvoir d'achat, examiné il y a quelques jours par l'Assemblée nationale, des mesures d'exonération de cotisations sociales ont été votées sans qu'en soit prévue la compensation.
Cette suggestion fait d'ailleurs écho à une proposition présentée, voici bientôt trois ans, par notre commission à l'occasion de l'examen de la nouvelle loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Une solution identique a également été défendue dans le rapport du printemps dernier de la mission conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales sur l'articulation entre les finances de l'État et les finances de la sécurité sociale.
La présente proposition de loi organique constitue simplement la traduction de cet objectif commun.
Elle vise à ce que la création ou la modification d'exonérations ainsi que les changements apportés aux règles d'assiette puissent continuer d'être décidés dans le cadre des lois ordinaires, mais en n'accordant à ces mesures qu'un caractère provisoire.
En effet, toute prorogation au-delà de l'exercice en cours nécessiterait une approbation en loi de financement. Cela permettrait d'accompagner les dispositifs adoptés d'une première étude d'impact et donnerait aussi au Parlement la possibilité de s'assurer d'un niveau adéquat de compensation.
Il ne s'agit en aucun cas de conférer un monopole à la loi de financement en matière d'exonérations de charges sociales. Celui-ci ne serait en effet pas conforme à la Constitution, car il aurait pour conséquence de remettre en cause le droit d'amendement et d'initiative parlementaire. Il s'agit de donner une sorte d'exclusivité à la loi de financement pour décider de la prorogation d'un dispositif de réduction ou d'allégement de charges.
Cette procédure devrait ainsi interdire - ce qui est, pour nous, essentiel - le contournement, trop souvent constaté, du principe de valeur organique selon lequel il ne peut être dérogé à la règle générale de compensation qu'en loi de financement de la sécurité sociale.
Je précise enfin, et pour m'en féliciter, que ce dispositif a reçu, par avance, l'approbation du Gouvernement. En effet, monsieur le ministre, tant votre collègue Christine Lagarde, à l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires du 8 novembre dernier, que vous-même, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, en avez approuvé la démarche et souligné tout l'intérêt qui pourrait s'attacher à son adoption. Vous trouverez la retranscription de vos propos d'alors dans mon rapport écrit.
Aussi, mes chers collègues, pour l'ensemble de ces motifs, la commission des affaires sociales vous demande d'adopter le texte de la proposition de loi organique dans les termes que nous vous soumettons.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi organique tend à prévoir l'approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d'exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale adoptées en cours d'exercice par des lois ordinaires.
Je souhaite tout d'abord rendre hommage à la ténacité de la commission des affaires sociales, de son président, Nicolas About, et de son rapporteur, Alain Vasselle, qui sont décidés à avancer vite sur ce difficile sujet des niches sociales.
Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler, vous venez de le dire, monsieur le rapporteur, lors des débats de cet automne sur les prélèvements obligatoires et le PLFSS : le Gouvernement a manifesté sa volonté de transparence totale sur ce sujet dans le cadre du rapport sur les niches qu'il a adressé au Parlement le mois dernier, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.
Nous avons aussi clairement indiqué notre souhait de travailler avec vous sur la définition de règles, organiques ou autres, permettant de limiter l'apparition de niches et d'en évaluer les effets.
J'ai ainsi proposé la semaine dernière, lors d'un débat à l'Assemblée nationale, de créer un groupe de travail, que nous pourrions appeler le « groupe de Bercy » - pour bien signifier son adresse
Sourires
Le sujet des niches figurera naturellement au programme de la réflexion de ce groupe, qu'il s'agisse de dépenses fiscales ou d'exonérations de cotisations sociales. Au-delà du sujet des niches sociales ou fiscales, il me semble en effet nécessaire de mener une réflexion globale, cohérente sur la bonne gouvernance de nos finances publiques pour atteindre nos objectifs de retour à l'équilibre. J'en fais une priorité de mon action en 2008.
La présente proposition de loi aurait donc pour effet de confier aux lois de financement de la sécurité sociale un pouvoir de ratification a posteriori des dispositifs d'exonération ou d'exemption d'assiette ; les lois ordinaires pourront continuer à créer ou modifier des exonérations, mais uniquement à titre provisoire.
J'ai déjà été amené à indiquer, cet automne, ma volonté de travailler à cette proposition, que M. Alain Vasselle avait formulée dans le rapport de la MECSS sur le financement de la protection sociale.
Il s'agit en effet d'une des pistes possibles de cantonnement de ces dispositifs. Il en existe d'autres, que nous devons également examiner.
Gilles Carrez propose ainsi - il l'a rappelé la semaine dernière à l'Assemblée nationale - de doter les lois de financement d'un monopole sur les dispositifs d'exonération ou d'exemption d'assiette, piste, monsieur le rapporteur, que vous évoquez dans votre rapport pour l'écarter en raison de ses implications constitutionnelles.
Nous devons aussi travailler pour obtenir une meilleure évaluation a priori des niches, par des règles plus strictes de présentation et d'évaluation de l'impact des dispositifs proposés, qui permettraient au Parlement de se prononcer dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui.
La notion de « niche à durée déterminée » proposée par votre commission des finances mérite aussi d'être approfondie, avec des mécanismes de limitation dans le temps des nouveaux dispositifs d'exonérations, temps qui serait mis à profit pour en évaluer les effets.
Au-delà de la question des nouvelles niches, il y a enfin celle des niches actuelles, en vigueur, sur lesquelles l'obligation d'évaluation doit également peser.
C'est ce type de problèmes que je souhaite aborder avec vous dans ce groupe de Bercy que j'ai proposé de constituer. Je vous écrirai cette semaine à ce propos.
Pour cette raison, monsieur Vasselle, votre initiative me prend un peu de court, car je pensais l'inscrire dans une réflexion d'ensemble sur la gouvernance de nos finances publiques. Il s'agit en effet de sujets aux implications techniques et juridiques complexes. Je ferai à ce propos deux remarques.
Premièrement, je ne vous cache pas mes doutes sur la constitutionnalité de votre proposition.
Certes, vous ne créez pas un monopole de la loi de financement et le législateur ordinaire ne deviendrait pas à proprement parler incompétent. Mais enfin, si les lois votées en juin n'ont plus d'effet le 31 décembre, on ne peut plus parler de compétence pleine et entière. Or, si la loi organique a réservé certains domaines à la loi de financement - les exonérations non compensées à la sécurité sociale, par exemple -, elle n'a pas interdit au législateur ordinaire de se prononcer sur l'assiette et le taux du prélèvement, conformément à l'habilitation de l'article 34 de la Constitution.
De surcroît, les délais que vous nous proposez ne permettront pas de mesurer l'effet de ces décisions, qui, pour beaucoup, n'auront pas eu le temps d'entrer en vigueur. De fait, les entreprises pourraient hésiter à utiliser des dispositifs dans l'incertitude de leur validation par la loi de financement et attendre que cette « épée de Damoclès » soit retirée. La proposition n'est donc pas si éloignée de celle de M. Carrez que j'évoquais tout à l'heure, qui vise à instaurer un monopole des lois de financement.
En outre, dans la plupart des cas, il n'y a pas d'intérêt financier qui justifierait une telle extension du périmètre des lois de financement puisque cette validation porte sur l'ensemble des exonérations, qu'elles soient ou non compensées par le budget de l'État. Il peut alors paraître paradoxal que ce soit le législateur financier social, dans le cadre du PLFSS, qui valide des exonérations, alors que l'impact financier est en réalité porté par le budget de l'État. Ce sujet a déjà été évoqué.
Ma seconde remarque porte sur la nécessité de traiter aussi l'intérêt des niches déjà existantes. Votre proposition semble rechercher un contrôle a priori des niches créées plutôt qu'un mécanisme d'évaluation a posteriori conditionnant la survie de la niche sociale. Il me semble, comme à vous-même, monsieur le rapporteur, qu'un des sujets essentiels est aussi l'évaluation des niches existantes, de leurs effets sur l'emploi et la croissance, de la pertinence du maintien du régime très favorable qu'elles emportent et qui a pu être justifié à une époque, mais ne l'est plus nécessairement après un certain temps.
Vous évoquez dans votre rapport l'idée d'une contribution minimale sur toute cette assiette ; c'est l'une des pistes possibles, sur laquelle nous devons travailler. Mais j'insiste, et cela ne vous étonnera pas au moment où le Gouvernement mène une révision générale des politiques publiques, sur ce besoin impérieux d'évaluation de l'impact et des effets de cette contribution minimale. Nous reviendrons sur ce sujet au cours du premier semestre de 2008.
Ce travail d'évaluation et de définition de bonnes règles de gestion, nous allons le mener à partir de vos travaux. Le groupe de Bercy sera d'ailleurs invité à se réunir dans les jours qui viennent.
Aiguillonné par vos commissions des finances et des affaires sociales, je souhaite effectuer, sur ce sujet des niches sociales et fiscales mais aussi, plus largement, sur celui du pilotage de nos finances publiques, des progrès décisifs en 2008. Notre agenda législatif devrait nous permettre de réaliser des réformes ambitieuses.
Vous le savez, une révision de la Constitution interviendra dans l'année. Peut-être nous fournira-t-elle un vecteur adapté pour avancer sur l'ensemble de nos comptes publics. J'aurais eu, pour ma part, une préférence pour une démarche de ce type.
Néanmoins, comme je partage pleinement vos intentions - en tout cas celles qui sont inscrites dans ce texte - et en dépit des quelques limites formelles d'ordre juridique que j'ai évoquées concernant la rédaction de cette proposition de loi, je ne peux pas faire un mauvais accueil à cette initiative parlementaire. Le Gouvernement est donc favorable à l'adoption de ce texte, dont il remercie les auteurs.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Madame la présidente, mes chers collègues, force est de constater que, depuis maintenant plusieurs années, le Parlement s'est doté de nouveaux outils pour appréhender le financement de la sécurité sociale.
L'implication de l'impôt dans le financement de la sécurité sociale a poussé le législateur à séparer le budget de la sécurité sociale du budget général et la réforme constitutionnelle du 22 février 1996 a permis au Parlement de disposer d'un droit de regard sur l'équilibre financier de la sécurité sociale.
L'adoption, en 2001, de la loi organique relative aux lois de finances a conduit à un changement des mentalités dans la conduite des politiques budgétaires de l'État. Ainsi a vu le jour la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, promulguée en août 2005.
Vous connaissez l'attachement du groupe socialiste à une approche des comptes sociaux fondée sur la complémentarité du rôle du Parlement et du jeu de la démocratie sociale.
À l'évidence, si la réforme de 1996 allait dans le sens d'un meilleur contrôle du Parlement sur l'action de l'exécutif et d'une organisation plus transparente du débat sur l'action publique, la réforme de 2005 nous est apparue inachevée, confuse et ambiguë.
Si la volonté du Gouvernement était de rendre plus lisible la présentation des comptes sociaux et s'il a souhaité proposer des dispositions pour améliorer la gestion de la sécurité sociale, il est paradoxal de le voir organiser sa faillite par les déficits, faillite dans laquelle il la laisse, depuis, se débattre !
Il est paradoxal de prétendre renforcer le contrôle du Parlement sur les comptes publics alors qu'aujourd'hui encore le Gouvernement s'applique à masquer la situation financière dans laquelle notre protection sociale s'enfonce !
L'un des débats récurrents du financement de la sécurité sociale - mon collègue Alain Vasselle ne me démentira pas - est celui de la compensation par l'État des exonérations de charges sociales.
La compensation intégrale des exonérations sociales n'a pas été retenue dans le cadre de la loi de 2005.
Dès lors, il est curieux de prétendre assumer la sanctuarisation des finances de la sécurité sociale alors même que l'on s'en est affranchi en grande partie.
La sonnette d'alarme est tirée depuis fort longtemps, par nous et par d'autres. Nous reconnaissons votre persistance et votre constance dans ce domaine, monsieur Vasselle. Ne pas le faire ne serait pas vous rendre justice ! La MECSS a très largement relayé cette préoccupation.
La plaie est toujours à vif, la Cour des comptes y mettant dans son dernier rapport un peu de sel pour la rendre encore plus douloureuse. Dans ce même rapport, elle dénombre au total 46 mesures d'exonération de cotisations et de réduction d'assiette des cotisations de sécurité sociale au 1er septembre 2005.
« Il y a à la fois inflation des propositions et absence de maîtrise de la décision conduisant à la création de mesures nouvelles », relèvent les magistrats. Et d'ajouter que, « depuis le 1er janvier 2005, 36 mesures ont été envisagées dont 17 sans même que le ministère en charge de la sécurité sociale en soit informé », soulignant en outre que « ces mesures présentées sans la moindre évaluation ou analyse d'impact ne font que traduire la tendance générale, elles posent le problème de l'équité du financement de la protection sociale ».
Aujourd'hui, un rapport du Gouvernement sur l'évaluation des pertes d'assiette liées à l'existence des niches sociales nous révèle que 41 milliards d'euros échappent aux cotisations sociales.
Faut-il rappeler qu'aujourd'hui les niches sociales représentent un enjeu aussi important que les niches fiscales ? Vous venez vous-même de le souligner, monsieur le ministre.
Décidées par l'État, ces politiques traduisent le plus souvent une perte de recettes non compensées pour les régimes obligatoires de sécurité sociale, ce qui nous laisse d'ailleurs à penser que, si l'État décidait de compenser intégralement ces exonérations, la résorption du déficit de la sécurité sociale ne soulèverait guère de difficultés.
Cette démarche est logique : le législateur ne doit pas en permanence être mis devant le fait accompli.
Il est normal que l'on puisse maîtriser les allégements généraux, comme la kyrielle de petits aménagements de charges ciblés qui émaillent de nombreux textes sans que la commission des affaires sociales en soit préalablement saisie.
Et puis, à l'évidence, le bien-fondé de ces allégements doit être examiné. Produisent-ils toujours les effets escomptés ?
Le dispositif proposé aujourd'hui sera-t-il efficace ?
L'approche mécanique que vous préconisez, monsieur Vasselle, appelle quelques objections et sur le plan technique et sur le plan des principes.
Vous suggérez une reconduction annuelle des autorisations d'exonération. Mais les entrepreneurs embaucheront-ils durablement s'ils savent que les exonérations dont ils bénéficient sont révocables annuellement ? M. le ministre a également formulé cette interrogation.
Vous avancez le principe d'efficacité de la politique économique. Cependant, si la politique fiscale est amputée par des mécanismes contraignants, quelle sera la portée de l'action gouvernementale ?
Les prélèvements sociaux ne sont pas dissociables par nature des autres prélèvements obligatoires et les choix économiques doivent y demeurer applicables.
Dans une économie mondialisée et compte tenu des règles européennes d'aide économique qui s'imposent à nous, les prélèvements sociaux sont un outil légitime des politiques de l'emploi. Cela ne doit bien évidemment pas nous empêcher d'être plus scrupuleux quant au ciblage des exonérations sociales qui concernent souvent des secteurs peu ou pas exposés à la concurrence internationale.
L'imbrication des politiques économiques et des politiques sociales est un fait que nous ne songeons pas à contester. L'abus n'exclut pas l'usage.
On peut aussi penser que votre proposition laisse augurer le passage d'une logique d'objectifs de dépenses, qui fonde la loi de financement de la sécurité sociale, à une logique de normes de dépenses, qui préfigure une forme de régulation comptable sous égide parlementaire.
Cette logique correspond-elle vraiment à notre système de couverture sociale ? Ne revient-elle pas à en finir avec ce système fondé sur un droit de tirage en fonction des besoins des personnes ? Cette perspective n'est-elle pas trop étatiste, alors que la France a opté pour une gouvernance plurielle des régimes sociaux, une tentative d'équilibre entre Gouvernement, Parlement et partenaires sociaux ?
Plus fondamentalement, il n'y a guère de miracle à attendre du dispositif que vous nous soumettez compte tenu de la nature de notre régime politique et du fonctionnement unilatéral des institutions.
Par votre méthode, vous feignez de croire que le Parlement aurait la force suffisante pour revenir sur des annonces gouvernementales. Vision idyllique ! Imagine-t-on l'Assemblée nationale se soulevant contre les décisions du gouvernement que soutient sa majorité ?
Imagine-t-on le Parlement se défausser devant des instructions venues de plus haut ?
Imagine-t-on la question de la nature du régime - parlementaire ou présidentielle - tranchée au détour d'une proposition de loi sur les comptes sociaux, ...
... alors même qu'on nous annonce, d'ici à la fin de l'année, une refonte des institutions qui devrait, selon moi, intégrer les questions de gouvernance de la sécurité sociale ?
Enfin, n'avez-vous pas l'impression de masquer la responsabilité politique de ce gouvernement et de ses prédécesseurs dans le pilotage des comptes sociaux et l'absence patente de résultats ?
Souvenez-vous ! En 2003 : réforme de l'assurance vieillesse. Où sont les résultats ? En 2004 : réforme de l'assurance-maladie. Où sont les résultats ?
Où sont les résultats de la maîtrise médicalisée, du parcours de soins ? Et je n'ose parler du dossier médical personnel !
Souvenez-vous ! En 2005, 2006 et 2007, des lois de financement de la sécurité sociale projetant des déficits constamment dépassés : 12 milliards d'euros en 2007 et encore, au minimum, 9 milliards d'euros de pertes pour 2008 !
Et il faut ajouter une dette sociale de plus de 100 milliards d'euros, selon les calculs de MECSS.
Songez qu'à partir de 2010, selon le Premier président de la Cour des comptes, avec des taux d'intérêts à 5 %, la totalité des produits de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, ne suffira plus à payer les intérêts de la dette !
Monsieur Vasselle, une bonne mécanique juridique n'effacera jamais une mauvaise politique !
La mise en cohérence des finances publiques et des finances sociales ne naîtra pas seulement de la mise en place d'outils administratifs nouveaux : elle naîtra aussi d'une pratique collégiale du pouvoir.
Nous ne pouvons pas vous disculper à travers un texte placebo. Trop de questions - M. le ministre les a d'ailleurs évoquées - se posent encore autour de la nouvelle volonté que vous manifestez.
Parce que cette proposition soulève encore trop d'interrogations, nous ne pouvons pas y être favorables et nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion rapide et tardive des conclusions de la commission des affaires sociales ne nous offre guère l'occasion de détailler avec suffisamment de précision les éléments relatifs à la question posée par la proposition de loi organique déposée par nos collègues Alain Vasselle, rapporteur des projets de lois de financement de la sécurité sociale, pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, et Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour autant, dans les quelques minutes qui me sont imparties, je tiens, au nom de mon groupe, à développer certains points.
Entendons-nous tout d'abord sur le contenu de la proposition de loi organique.
Monsieur Vasselle, je me suis demandé si vous étiez en mission gouvernementale. On pouvait s'interroger, compte tenu de vos responsabilités au sein de la MECSS et de votre souci d'approfondir les relations avec le ministre en charge des comptes !.)
Vous souhaitez inscrire dans la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale le principe selon lequel toute disposition tendant à réduire les ressources de la sécurité sociale ou à en modifier l'économie générale doit être actée par la loi de financement la plus proche.
Certes, depuis que les lois de financement existent, c'est-à-dire depuis les ordonnances Juppé de 1996, de nombreuses dispositions législatives, à l'incidence mal évaluée - c'est le moins que l'on puisse dire ! - ont été prises pour modifier l'équilibre des comptes sociaux et pour substituer notamment des recettes fiscales à des cotisations sociales. Il en résulte une fiscalisation de notre protection sociale.
Cet outil a été d'autant plus utilisé que la sécurité sociale cessait d'être gérée directement par les partenaires sociaux et que son budget faisait l'objet d'un projet de loi discuté en urgence !
Parmi les mesures ayant profondément modifié le circuit de financement de la protection sociale, la réduction du temps de travail se révèle presque secondaire au regard des exonérations, souvent non compensées, concernant les contrats aidés, les emplois en zones franches urbaines et en zones rurales, la ristourne générale sur les bas salaires, le dispositif spécifique pour le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, sans oublier, plus récemment, l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires « inventée » dans la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA.
Aujourd'hui, 30 milliards d'euros de cotisations sociales ont été remplacés par des recettes fiscales dédiées. Mais 3 milliards d'euros sont perdus du fait d'exonérations de cotisations non compensées.
Enfin, certains revenus demeurent exemptés de toute contribution au financement de la protection sociale ou y sont assujettis pour des montants ridicules. Il en résulte une perte totale de 41 milliards d'euros.
Ces mesures ont contribué à la persistance des déficits de la sécurité sociale et découlent toutes de débats législatifs indépendants de la discussion des lois de financement, celles-ci ne faisant en général que valider les dispositifs adoptés par ailleurs !
Cette persistance des déficits comptables de la sécurité sociale pose clairement, plus encore que ne le fait la proposition de loi, la question de la pertinence des choix opérés depuis 1996.
Elle fait aussi la démonstration que nous devons nous interroger sérieusement sur le bien-fondé de s'en remettre à la discussion parlementaire, sur un projet de loi où les marges de manoeuvre sont pour le moins réduites, pour trancher la question du financement de la sécurité sociale et des priorités de la politique sociale de la nation.
Sans loi organique sur les lois de financement, pas de franchises médicales adoptées au détour d'un article de projet de loi !
Sans loi de financement, pas de campagne de déremboursement massif des médicaments, pas de tarification à l'activité, pas de mise en question de la qualité de la protection sociale des habitants et habitantes de notre pays !
Sur cette proposition de loi, que nous ne voterons pas, que dire ?
Tout d'abord, elle ne fait que poser un principe qui, dans les faits, n'a pas beaucoup de valeur normative. En effet, rien n'empêchera demain Mme Lagarde, par exemple, d'élaborer un projet de TVA sociale et de le faire valider dans le projet de loi de financement le plus proche !
En outre, cette proposition de loi ne pose pas le vrai problème : celui qui tient au fait que l'étatisation de la sécurité sociale n'a pas conduit à l'amélioration du niveau des prestations - c'est un euphémisme - ni à l'équilibre des régimes sociaux.
II est temps, et même grand temps, plutôt que de compliquer un peu plus la loi de financement en en faisant une sorte de passage obligé de toute réforme des prélèvements sociaux, de poser avec force la question de .la renaissance de la démocratie sociale.
Comment pouvons-nous accepter, douze ans après les ordonnances Juppé, que les 25 millions d'assurés sociaux du régime général soient toujours privés du droit de donner leur avis sur la gestion des organismes sociaux ?
Monsieur Vasselle, les assurés de la MSA, la mutualité sociale agricole, tiennent comme à la prunelle de leurs yeux à la faculté de donner leur point de vue sur leur régime par le biais d'élections qui ont lieu au sein de la caisse. Il y a donc deux poids deux mesures ! Je ne comprends pas que vous ne fassiez pas en sorte que les assurés du régime général puissent, eux aussi, avoir le droit de donner leur avis sur la gestion des organismes sociaux. Vous me répondrez sans doute que les organisations syndicales représentatives siègent au sein de ces organismes.
Néanmoins, le débat reste posé : en supprimant les élections au conseil d'administration, on a perdu en démocratie sociale.
Comment accepter que les 25 millions d'assurés sociaux du régime général n'aient pas droit de donner leur avis sur la gestion des organismes sociaux alors que les assurés des régimes non salariés peuvent désigner leurs mandants pour la gestion de leurs caisses respectives ? Si vous êtes d'accord avec cela, monsieur le rapporteur, dites-le nous !
Sourires
Quand sera-t-il mis un terme à cette anomalie de la démocratie sociale dans notre pays ?
En douze ans, l'étatisation des comptes sociaux par les lois de financement a montré ses limites. Il est temps de rendre la sécurité sociale aux assurés, aux travailleurs salariés, aux retraités et à leurs familles !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - M. le rapporteur applaudit également.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique de la proposition de loi organique telle qu'elle résulte des conclusions de la commission des affaires sociales.
Après le paragraphe IV de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un paragraphe IV bis ainsi rédigé :
« IV bis.- Les mesures de réduction et d'exonération de cotisations affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi que les modifications apportées à ces mesures deviennent caduques au 1er janvier de l'année suivant celle où elles ont été adoptées si elles n'ont pas été approuvées par une loi de financement de la sécurité sociale.
« Cette disposition s'applique également aux mesures mentionnées aux 1° et 2° du IV. »
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe UMP, je tiens à saluer l'initiative du président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, et de notre collègue Alain Vasselle, ainsi que la qualité de leur travail. Ils démontrent qu'il est possible de parvenir à plus de transparence et d'efficacité dans la gestion des comptes de la sécurité sociale.
La proposition de loi organique que nous examinons a pour objet d'inscrire dans les lois de financement de la sécurité sociale toutes les mesures de réduction et d'exonération de cotisations et de contributions adoptées en cours d'année. Comme l'a rappelé notre excellent rapporteur, cette perspective alimente un débat récurrent au sein de la commission des affaires sociales et, plus généralement, au sein de notre assemblée.
La mission d'évaluation des comptes de la sécurité sociale avait déjà suggéré de faire des lois de financement le « passage obligé » de l'ensemble des mesures d'exonération ou d'allégement de charges, reprenant ainsi une proposition présentée en 2005 par la commission des affaires sociales, à l'occasion de l'examen de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Une solution identique avait également été défendue par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales dans le rapport qu'elles avaient rendu à l'issue de leur mission conjointe sur l'articulation entre les finances de l'État et celles de la sécurité sociale.
Comme nous pouvons le constater, cette mesure a déjà été jugée pertinente par plusieurs acteurs et observateurs dont la compétence ne saurait être mise en doute.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera en faveur de ce texte.
Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 67 :
Le Sénat a adopté.
J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 171, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Xavier Pintat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion relatif au siège de l'Organisation ITER et aux privilèges et immunités de l'Organisation ITER sur le territoire français (no 153, 2007-2008).
Le rapport sera imprimé sous le n° 173 et distribué.
J'ai reçu de M. Serge Dassault un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat (no 151, 2007 2008) et sur la proposition de loi, présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste et apparentés, en faveur du pouvoir d'achat (no 116 rect. 2007 2008).
L'avis sera imprimé sous le n° 172 et distribué.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 23 janvier 2008, à quinze heures et le soir :
- Discussion du projet de loi (no 151, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat.
Rapport (no 166, 2007-2008) de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (no 172, 2007-2008) de M. Serge Dassault, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 23 janvier 2008, à zéro heure cinq.