Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mon groupe et, en premier lieu, son président, François Patriat, d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de notre niche parlementaire.
Pour quelle raison avons-nous souhaité que notre assemblée débatte ce soir de la COP23 et, plus généralement, de l’état des engagements et des initiatives pris par notre pays en matière de lutte contre le changement climatique ? Tout simplement parce que la lutte contre le réchauffement climatique est le combat majeur de notre temps, comme l’a si justement rappelé le Président de la République, pas plus tard qu’hier, au One Planet Summit qui se tenait dans l’excellente ville de Boulogne-Billancourt…
Mes chers collègues, nous sommes ici ce soir pour parler de l’état de notre planète. Celle-ci va mal, si mal que, le 13 novembre dernier, plus de 15 000 scientifiques, issus de 184 pays, ont averti l’humanité entière par ces mots : « Bientôt, il sera trop tard. »
Notre planète va mal, et même de plus en plus mal. C’est une évidence qui doit être répétée, même si certains, et non des moindres, s’évertuent encore à la nier.
Le constat des climatologues est alarmant ; les faits concordent dramatiquement, au point que les relevés les plus récents sur l’évolution du climat mondial soulignent que nous nous inscrivons actuellement dans le pire des scénarios établis par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, pourtant actualisés il y a moins de trois ans.
Il ne passe pas un jour sans qu’une nouvelle information ne vienne témoigner, très concrètement, de l’impact du réchauffement climatique sur nos écosystèmes fragiles et sur la vie des hommes sous toutes les latitudes de notre planète. Déclin rapide de la riziculture dans le delta du Mékong en raison de la remontée des eaux salines de la mer dans les terres cultivées, détachement soudain d’immenses surfaces de glace de mer en Antarctique, zone pourtant longtemps considérée comme la plus préservée du réchauffement climatique : les illustrations du phénomène abondent, et il faudrait bien plus d’une soirée pour en dresser le triste catalogue.
Voilà aujourd’hui deux ans presque jour pour jour que s’est tenue la désormais fameuse Conférence de Paris sur les changements climatiques. Ce sommet avait débouché sur un accord international, qualifié d’historique, par lequel 197 États s’étaient engagés à limiter la hausse des températures mondiales à 2°C, voire à 1, 5°C, à l’horizon de la fin du siècle. Voilà aussi un an que Donald Trump a été élu à la présidence des États-Unis, et un peu plus de quatre mois que le désengagement de ce pays de l’accord de Paris sur le climat a été officiellement notifié.
Nous sommes surtout à un moment clé pour l’avenir de notre planète : il faut désormais agir, et ce très concrètement. Nous ne sommes plus au temps des alertes ou de la prise de conscience de l’ampleur du problème auquel nous sommes confrontés.
En 2002, déjà, le président Chirac prononçait ces fameuses paroles : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Treize ans plus tard, Barack Obama entamait la présentation de son plan pour l’environnement par cette phrase : « Nous n’avons qu’une planète : il n’y a pas de plan B. » Hier, dans le cadre du One Planet Summit, le Président Emmanuel Macron dressait un constat encore plus inquiétant : « Nous sommes en train de perdre la bataille. »
Le but premier de ce sommet, organisé par la présidence française, était précisément de dépasser le temps du constat et des engagements diplomatiques formels, pour accélérer et passer enfin à l’action, en mobilisant le dynamisme de différents partenaires privés français et internationaux. En cela, il complète fort opportunément le système des conférences sur le climat ; il ne le concurrence pas.
La COP23, qui s’est achevée le 17 novembre dernier à Bonn, et la future COP24 de Katowice, en Pologne, ne peuvent produire que des accords multilatéraux s’inscrivant dans une démarche onusienne, soumise tant aux contraintes des négociations diplomatiques qu’au bon vouloir des dirigeants des pays signataires.
Certes, au sortir de la COP23, quelques avancées positives sont à noter.
Nous ne pouvons qu’accueillir avec bienveillance la mise en place d’une plateforme sur les savoirs et les connaissances des peuples autochtones visant à apporter une aide dans la lutte contre le bouleversement du climat. Cette mesure s’adresse à 300 millions d’individus qui voient leurs terres et leurs vies directement menacées par le changement climatique.
Nous nous félicitons également de la création d’un groupe de travail sur la sécurité alimentaire, en vue de repenser des systèmes industriels de production dévastateurs et de renforcer les mesures visant à protéger l’agriculture paysanne.
Il en va de même de la mise en place du plan d’action pour l’égalité des sexes et du lancement d’une alliance pour la sortie du charbon par le Royaume-Uni et le Canada, rejoints par vingt-cinq membres de la COP, dont la France, l’Italie, les Pays-Bas et les îles Fidji, des pays où la part du charbon dans la production nationale d’énergie est déjà faible.
Malgré cette série de mesures positives, prises sur l’initiative d’acteurs étatiques et non étatiques, aucun leadership politique ne s’est démarqué pour reprendre le rôle joué par les États-Unis sous l’administration Obama. L’Union européenne a été particulièrement absente, et la Chine est restée dans ses ambiguïtés. Les pays les plus vulnérables sont partis de cette conférence sans nouvelle annonce de financements pour l’adaptation et l’atténuation du changement climatique.
Si ces conférences sont nécessaires, force est de constater que les objectifs seront atteints bien trop lentement. Certes, la spécificité de la COP23 était de progresser sur la définition de règles d’application de l’accord de Paris de 2015, mais ces dernières ne pourront être finalisées que l’an prochain. Ainsi, de 2015 à 2018, trois années se seront écoulées avant qu’une quelconque mise en œuvre de l’accord de Paris soit effective.
Devant cette lenteur, les initiatives publiques et privées se multiplient. Les grandes agglomérations ont créé le Cities Climate Leadership Group, le C40, dont la présidence est revenue en 2016 à Mme la maire de Paris. Ce réseau regroupe 86 agglomérations représentant plus de 600 millions d’habitants, 25 % du PIB mondial et 70 % des émissions de gaz à effet de serre. Animés par une volonté d’aller plus loin, douze maires de grandes villes, parmi lesquels ceux de Los Angeles, de Mexico, d’Auckland, de Londres et de Paris, ont signé en octobre dernier une déclaration par laquelle ils s’engagent à tendre vers le « zéro émission » d’ici à 2030 pour lutter contre le réchauffement climatique. Los Angeles, qui doit faire face à des incendies monstrueux dus à la sécheresse, a bien conscience que le changement climatique est désormais une réalité quotidienne.
Concernant le secteur privé, je veux rappeler ici que l’engagement pris par de grandes entreprises ou institutions financières en matière de lutte contre le réchauffement climatique est capital. Il sera, à l’avenir, absolument déterminant pour atteindre les objectifs fixés à Paris il y a deux ans. En ce sens, le One Planet Summit d’hier, qui sera appelé à se reproduire chaque année, marque une étape très positive. Mme la secrétaire d’État aura, je crois, l’occasion d’en dire davantage à ce sujet dans quelques minutes.
Bien sûr, nous avons eu droit, comme toujours, à quelques critiques acerbes, mettant en doute la sincérité des engagements pris à cette occasion par certains grands acteurs de l’économie. L’accusation de greenwashing est récurrente ; si elle est, dans certains cas, avérée, elle tourne souvent au leitmotiv un peu facile de la part de certains qui n’acceptent d’engagement contre le changement climatique que de nature étatique ou citoyenne.
Certes, l’État a de lourds devoirs en matière de lutte contre le réchauffement climatique, mais l’ampleur du défi est telle qu’il ne peut tout. L’État ne peut pas tout faire à lui seul ou tout imposer par une forme de coercition réglementaire. Le combat contre le changement climatique n’est pas que de nature politique ; il s’agit bien d’un combat culturel et civilisationnel, qui doit mobiliser tous les acteurs de la société, jusqu’à ceux qui, par intérêt immédiat, y sont modérément sensibles, si nous voulons nous donner une chance de le remporter.
Quoi qu’on en dise, le monde des grands acteurs de l’économie et de la finance est en train d’évoluer très sérieusement en matière de responsabilité climatique et environnementale. La preuve la plus éclatante de ce changement tient sans doute à l’ampleur croissante prise, ces trois dernières années, par le mouvement de désinvestissement dans le domaine des énergies fossiles dans lequel se sont engagés certains groupes financiers et de grandes institutions publiques, parapubliques ou privées. Lancé en 2007 par l’écrivain et journaliste américain Bill McKibben, le mouvement 350.org, qui incite précisément au désinvestissement financier des entreprises des secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre, rencontre un succès inattendu. Les investisseurs sont désormais de plus en plus attentifs au bilan social et climatique des entreprises qu’ils financent.
Ce n’est là qu’un exemple, mais un exemple à méditer. Notre beau Sénat, qui a récemment décidé de soumettre ses placements financiers à des critères éthiques, pourrait bien s’en inspirer pour témoigner de son engagement actif dans ce combat du siècle pour notre planète.
Madame la secrétaire d’État, soyez assurée du soutien plein et entier des sénateurs du groupe La République En Marche dans ce combat qui est le vôtre et le nôtre !