Intervention de Jean-Paul Alduy

Réunion du 11 mai 2010 à 14h30
Débat sur la fiscalité des énergies alternatives

Photo de Jean-Paul AlduyJean-Paul Alduy :

J’en viens au volet de la fiscalité des collectivités locales.

Toutes les composantes de l’IFER, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, étant différentielles, elles ne se substituent pas intégralement à l’ancienne taxe professionnelle.

En effet, la CET, la cotisation économique territoriale, composée, d’une part, de la CFE, la cotisation foncière des entreprises, et, d’autre part, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, doit être acquittée par l’ensemble des entreprises assujetties aux composantes de l’IFER.

Toutefois, la CET ne représente, pour les éoliennes et pour les panneaux photovoltaïques, qu’une très faible part de l’imposition globale.

Même si les simulations et les évaluations font défaut, on peut d’emblée distinguer trois cas.

Dans le premier cas, celui du bloc communal, pour les communes sur le territoire desquelles il y a déjà des éoliennes ou des fermes photovoltaïques « en action », la loi s’appliquera simplement et l’avenir semble a priori stable.

Ces collectivités bénéficieront d’une compensation à l’euro près au travers de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et du FNGIR, le fameux fonds national de garantie individuelle des ressources.

Dans le deuxième cas se trouveront les collectivités locales engagées dans un projet déjà très avancé, ayant déjà notamment fait l’objet de négociations avec les associations, les citoyens, les entreprises, etc., mais pas encore réalisé.

Ces collectivités vont, elles, se trouver dans une situation particulièrement désagréable, puisque la rentabilité du projet ne sera plus du tout la même !

Enfin, le troisième cas sera celui des collectivités locales qui n’ont pas encore fait de projet.

Pour celles-là, on peut craindre qu’elles ne prendront pas le risque, du fait des difficultés juridiques que j’évoquais à l’instant et de la baisse de l’incitation à l’horizon 2011, de faire l’effort nécessaire pour participer à l’engagement national en matière de développement des énergies renouvelables.

Je résume, à ce stade de mon intervention, les deux grandes inquiétudes sur lesquelles je voulais attirer votre attention, madame la secrétaire d'État : d’une part, un véritable nœud gordien juridico-réglementaire se resserre sur les projets d’éoliennes et de fermes photovoltaïques ; d’autre part, les ressources fiscales pour les collectivités locales, hier incitatives, sont aujourd'hui incertaines et, de toute façon, beaucoup moins incitatives, certains évoquant même une baisse d’un facteur quatre, ce qui signifie que les ressources de demain représenteraient le quart des ressources qu’apportait hier la taxe professionnelle !

On peut dès lors facilement prévoir que les maires, confrontés au parcours du combattant des procédures administratives, aux oppositions diverses et variées que suscitent – et c’est naturel – ces projets, à l’incertitude quant à l’avenir d’incitations de plus en plus faibles, hésiteront très rapidement sinon à arrêter du moins à engager tous nouveaux projets.

On risque donc d’assister à un arrêt du développement des projets d’éolien et de fermes photovoltaïques dans les années qui viennent. Or, ce ne sont pas les seuls panneaux photovoltaïques sur des toitures qui nous permettront d’atteindre l’objectif que nous nous sommes donné à l’horizon 2020 !

Je voudrais, avant de conclure, dénoncer les mécanismes pervers des incitations fiscales.

Le domaine de l’énergie solaire apparaît aujourd'hui comme le « terrain de jeu » de la défiscalisation.

Ainsi, un particulier assujetti à un impôt de solidarité sur la fortune élevé qui crée ou participe au capital d’une entreprise ayant pour objet d’exploiter des panneaux solaires pourra déduire, s’il a versé à celle-ci 66 000 euros, 50 000 euros de son ISF. Ce particulier bénéficie, en outre, d’un tarif de revente de l’électricité attractif : 42 centimes le kilowatt, par exemple, sur la toiture d’un bâtiment industriel ou agricole qu’au surplus il pourra louer. En l’occurrence, la rentabilité sera exceptionnelle et tout à fait abusive.

Je propose donc, dans un premier temps, de ne pas rendre éligibles au bénéfice du tarif d’achat de l’électricité solaire des investissements ayant pour objet une défiscalisation de l’ISF.

Je prendrai un autre exemple. Une installation solaire coûte environ 20 000 euros ; par ailleurs, la vente de l’énergie solaire rapporte 2 000 euros par an sur vingt ans. Les dispositions relatives au crédit d’impôt en faveur du développement durable permettent de déduire 8 000 euros du coût d’installation : il reste donc 12 000 euros, ce qui représente six ans de récupération de la vente de cette énergie solaire. Lors de la septième année, vous percevez 2 000 euros net par an, pendant quatorze ans, soit 28 000 euros de bénéfice net. Là encore, la rentabilité est abusive. De plus, le crédit d’impôt de 8 000 euros qui aura été utilisé pour le photovoltaïque ne pourra pas l’être pour d’autres projets, comme ceux qui favorisent les économies d’énergie ou la réalisation de chauffe-eau solaires : c’est la solution la plus facile qui est privilégiée.

Voilà pourquoi je propose, dans un deuxième temps, de limiter, pour les personnes physiques, l’assiette du crédit d’impôt sur le revenu aux projets favorisant la production d’électricité renouvelable photovoltaïque dans la résidence principale et de dédier, dès 2011, au moins 50 % de l’assiette prise en compte pour le calcul de ce crédit d’impôt à des installations de chaleur renouvelable.

Madame la secrétaire d’État, cette intervention pourrait se résumer en trois phrases. Premièrement, prenons garde au nœud gordien juridico-administratif qui bride les projets de développement de l’éolien et du photovoltaïque. Deuxièmement, ne brisons pas l’énergie des maires qui se sont investis dans ces projets et qui renonceront, en l’absence d’incitations claires et fortes, à surmonter les obstacles politiques et administratifs. Troisièmement, en cette période de réduction des niches fiscales, cessons de faire du solaire un terrain de jeu de la défiscalisation.

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