Intervention de François Patriat

Réunion du 11 mai 2010 à 14h30
Débat sur la fiscalité des énergies alternatives

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

L’adoption de cette nouvelle fiscalité à un tarif particulièrement bas déséquilibre totalement la relation entre les collectivités territoriales et les exploitants d’éoliennes, pour lesquels la pression fiscale a été nettement diminuée, au détriment des budgets des collectivités territoriales et tout particulièrement de celui de l’institution régionale.

Ne nous y trompons pas ! Les producteurs ne sont pas les seuls gagnants de ce changement : l’État est lui aussi l’heureux bénéficiaire de cette baisse d’impôt.

À examiner la situation dans le détail, on s’aperçoit que les opérateurs bénéficiaient sous le régime de la taxe professionnelle du plafonnement de leur imposition à 3, 5 % de la valeur ajoutée. Le surplus d’imposition était alors à la charge de l’État, ce qui ne sera désormais plus le cas. Vous l’aurez compris, l’État est donc gagnant lui aussi. Par conséquent, le nouveau système protège les ressources de l’État, qui ne sera plus contraint de prendre en charge le surplus d’imposition.

Aussi ce nouveau tarif bénéficie-t-il tout autant aux producteurs qu’à l’État. Une fois encore, seules les collectivités territoriales et les entreprises qui travaillent dans le secteur des énergies renouvelables se trouvent désavantagées.

Par conséquent, la fiscalité ne joue plus ici son rôle, puisqu’elle ne permet plus un juste retour à la collectivité de l’installation sur son territoire de ces équipements. Or ce juste retour est légitime, la collectivité devant faire face à des contraintes environnementales et à des nuisances pour nos concitoyens. Nous savons bien que, dans ce domaine, nous frisons parfois l’irrationnel.

Du point de vue de la répartition, une fois encore, le Gouvernement n’a pas pris en compte les réalités territoriales, notamment les compétences des collectivités locales.

Actuellement et je parle en connaissance de cause, seuls le bloc communal et les départements bénéficient du produit de cet IFER. La région a été ainsi totalement évincée, alors que son rôle a été largement souligné et confirmé par le Grenelle de l’environnement, par exemple avec l’élaboration de schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie.

La région de Bourgogne soutient l’éolien, mais deux départements qui la composent ne le font pas. Or ceux-ci bénéficieront demain des retours sur l’éolien, alors que la région, elle, n’aura rien !

D’aucuns l’ont souligné, nous aurions pu faire le choix d’une véritable réforme fiscale écologique, qui augmenterait le coût des énergies, y compris des énergies renouvelables, en échange de la diminution des charges salariales pour les employeurs et les employés, tout en générant un revenu pour l’État et les collectivités permettant de financer des plans d’énergies renouvelables. Évidemment, il faudrait que l’effet pour les citoyens et l’État soit fiscalement relativement neutre pour être efficace.

Toutefois, en France, la fiscalité est non pas un moyen, mais un but, puisque les charges non financées sont répercutées sur les collectivités. Je vous renvoie au débat sur la réforme des collectivités.

J’en viens à la question du financement des énergies renouvelables.

Un tel débat sur la fiscalité des énergies renouvelables ne peut être dissocié de la question du financement de ces énergies qui repose sur l’aide publique via le rachat de l’électricité produite.

Depuis 2000, les opérateurs bénéficient de subventions publiques importantes grâce à la mise en place de l’obligation de rachat par EDF de l’électricité produite à un tarif avantageux, garanti et nécessaire à leur développement.

Rappelons que ce régime est financé par la contribution au service public de l’énergie acquittée par l’ensemble des consommateurs d’énergie. L’efficacité et le montant de cette aide publique devraient pouvoir faire aujourd’hui l’objet d’un débat devant le Parlement et d’une réflexion générale sur le développement de cette économie administrée.

Pour illustrer mon propos et avant de conclure, je prendrai l’exemple de la région de Bourgogne.

En 2007, le conseil régional a voté un plan énergie-climat de 190 millions d’euros, dont les crédits sont très largement engagés depuis 2007. Il a réorienté ces crédits vers les chaufferies au bois, la biomasse, le solaire et l’éolien.

Cependant, la Bourgogne ne parviendra pas à atteindre l’objectif des 23 % d’énergie renouvelable uniquement avec la biomasse, comme c’est par exemple le cas en Champagne-Ardenne, les chaufferies au bois ou le solaire. Il faudra 400 éoliennes, ce qui permettra de fournir de l’électricité à 820 000 Bourguignons. Rien qu’en Côte-d’Or, il s’agit de doubler le parc éolien pour atteindre le quota de 100 éoliennes.

Nous avons ainsi choisi d’agir en faveur de l’environnement et du développement durable, compétence optionnelle des régions. Au mois de décembre 2009, nous avons lancé le projet « pôle bâtiments de demain » et adopté un premier plan climat-énergie en 2007.

La région a également favorisé l’amorçage des filières des énergies renouvelables. Le nombre de dossiers solaires photovoltaïques déposés par des entreprises, des collectivités et des particuliers a connu un véritable succès : cela représente plus de 15 millions d'euros pour le budget 2010 de la région. Ces aides ont eu un réel effet de levier sur l’essor et le développement de cette filière.

Forts de ce constat que nous avons adapté nos modalités d’intervention en réorientant ces aides vers la professionnalisation de cette filière.

Aujourd’hui, la filière éolienne représente en Bourgogne 1 000 emplois avec des acteurs industriels de premier plan. Cette filière est d’autant plus prometteuse que le cluster bourguignon n’a pas fini de se développer.

Or ce sont les collectivités et les entreprises qui sont les deux perdantes de la réforme de la taxe professionnelle et de la fiscalité. En effet, les entreprises qui se consacrent aujourd'hui à l’éolien dans les quatre départements du territoire bourguignon se verront pénalisées si la demande en éolien se fait plus faible.

À l’Assemblée nationale, les amendements issus des travaux de la mission d’information présidée par Patrick Ollier qui ont été adoptés lors du débat sur le projet de loi Grenelle II menacent le développement de l’éolien, en ajoutant par exemple des critères supplémentaires dans la définition des zones de développement de l’éolien. Un verrou est imposé au développement de l’éolien terrestre au profit de l’éolien off shore. Le seuil des cinq mâts par nouvelle installation entravera son développement et confortera les seuls gros producteurs.

Les éoliennes seront soumises au régime des installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE. Je fais suite au propos de Bruno Sido. J’ai inauguré voilà quinze jours un parc de cinq éoliennes dans une petite commune de cent habitants. Pour établir ces cinq éoliennes construites seulement maintenant, il a fallu sept ans d’enquêtes, de recours, de procédure judiciaire. En 2010, cette commune qui espérait recevoir 40 000 euros par éolienne, ce qui constitue sa seule ressource, ne percevra finalement que 7 000 euros ; le département recevra 5 000 euros et la région n’aura rien ! Madame la secrétaire d'État, dans la clause de revoyure, il faut donc revoir la façon dont seront traitées les collectivités locales.

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