Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon propos sera plus général que celui des orateurs qui m’ont précédé, car les énergies alternatives ne concernent pas seulement l’éolien.
Ce débat intervient alors que la France est aujourd’hui confrontée à un double défi, financier et environnemental. Ces deux objectifs sont primordiaux : il y va de l’indépendance de la France. Cependant, – et je reprends là une expression populaire – peut-on courir deux lièvres à la fois ?
Permettez-moi d’abord, mes chers collègues, de préciser les contours du problème, car, suivant la célèbre formule de Boileau, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ».
Le premier élément porte sur l’indépendance énergétique de la France.
Il convient de rappeler que le taux d’indépendance énergétique national est proche de 50 %, ce qui signifie que nous consommons deux fois plus d’énergie que nous n’en produisons.
Le choc pétrolier de 1974 a fait apparaître au grand jour une limite évidente de notre modèle de développement, nous conduisant à reconsidérer les axiomes de nos politiques énergétiques. Nous n’avons alors eu de cesse de mettre l’indépendance énergétique de la France au cœur de nos préoccupations. Nous ne devons pas renoncer à cette ambition, qui n’est autre qu’une nécessité. Concrètement, il s’agit de s’assurer que les Français puissent avoir la garantie de jouir d’une énergie en quantité suffisante et à un prix abordable.
Dans ce contexte, la prise de conscience environnementale a été l’occasion d’insuffler une nouvelle dynamique à nos ambitions. Ces dernières ont été matérialisées par le Grenelle de l’environnement, mis en œuvre sur l’initiative de Nicolas Sarkozy. Notre majorité a alors pris le parti d’augmenter la part d’énergie produite sur le territoire national et de diminuer globalement la consommation d’énergie.
Le second élément a trait à l’indépendance financière de la France.
L’indépendance énergétique de notre pays exige cependant un certain nombre de moyens financiers, qu’ils se traduisent soit par une dépense fiscale, soit par un manque à gagner. Or l’actualité la plus brûlante nous démontre que l’indépendance énergétique de la France ne saurait compromettre la nécessité absolue d’indépendance financière du pays.
Il n’est pas question pour le Parlement, à mon sens, de cautionner une politique énergétique dont le coût aurait pour conséquence notable de dégrader la situation financière du pays. Non, l’ambition énergétique, si louable soit-elle, ne doit pas avoir pour effet, direct ou indirect, de laisser quelques prétextes aux spéculateurs pour faire main basse sur l’avenir de la France.
L’exemple de la Grèce nous le rappelle avec insistance. L’indépendance de toute nation peut être gravement remise en cause lorsque la dette d’un État s’emballe. D’ailleurs, nous en subissons déjà indirectement les répercussions : l’affaiblissement de l’euro a pour conséquence immédiate le renchérissement du prix à la pompe du carburant.
Dans ces conditions, il semble difficile de courir deux lièvres à la fois, au risque de s’étouffer.
Néanmoins, les énergies alternatives doivent faire l’objet d’un traitement particulier. En effet, que la spéculation porte sur les taux d’intérêt d’emprunts d’État, comme c’est le cas aujourd’hui, ou qu’elle s’exerce sur le baril de pétrole, ainsi que ce fut le cas en 2008, il faut bien s’employer à éviter la peste comme le choléra.
À ces fins, nous devons afficher une politique volontariste, tout en nous attachant à ne pas élargir plus qu’il ne faut son champ d’application.
Il importe d’afficher une politique volontariste et cohérente, disais-je.
Les énergies alternatives sont aujourd’hui bien connues : la géothermie, le gaz naturel, le gaz de pétrole liquéfié ou GPL, la cogénération, l’énergie photovoltaïque, etc.
Si leurs dispositifs de soutien sont coûteux, la remise en cause de ces derniers enverrait inéluctablement le signal d’un renoncement.
De fait, la loi fiscale prévoit déjà un certain nombre de réductions d’impôt au bénéfice des citoyens qui s’engagent à revoir leur consommation d’énergie. Nous ne listerons pas l’ensemble de ces nombreux dispositifs, qui sont considérés, par certains, comme des niches fiscales. Les dépenses fiscales auxquelles ils donnent lieu doivent-elles être remises en question ? Si leur bien-fondé est évident, leur montant peut néanmoins être discuté. Toutefois, le principe de sécurité juridique ne doit pas nous conduire à remettre en cause des dispositifs auxquels sont attachés des droits acquis en contrepartie d’investissements déjà réalisés, comme l’a précisé François Patriat.
Par ailleurs, les débats relatifs à la mise en place d’une taxe carbone, s’appliquant aux produits polluants, ont fait ressortir les limites de notre cohérence.
Dans une première version, n’était-il pas prévu que les biocarburants soient assujettis à cette taxe ? Les travaux de notre Haute Assemblée avaient heureusement concouru à exonérer les biocarburants du projet de taxe. Ce faisant, la taxe carbone a fait l’objet d’une décision de non-conformité, au motif que le projet prévoyait trop d’exonérations, ce qui avait pour effet de rompre l’égalité devant l’impôt.
Cet exemple met en évidence la difficulté à poursuivre une politique cohérente en matière d’énergies alternatives. La question se pose de savoir dans quelle mesure on peut faire bénéficier ces dernières d’un traitement d’exception.
Peut-être faut-il restreindre le champ des énergies alternatives pour limiter la dépense ?
La poursuite d’une politique volontariste et cohérente n’est possible que dans un cadre limité. La profusion de dispositifs incitatifs accroît la dépense fiscale, tout en diminuant la lisibilité des politiques publiques mises en œuvre.
À mon sens, nos travaux devront désormais s’attacher à fixer des priorités claires en matière d’énergies alternatives soit sur le plan de la production, soit sur le plan de la consommation.