Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 14 décembre 2017 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Gérald Darmanin :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le second projet de loi de finances rectificative pour l’année 2017.

Avant d’en venir aux principales dispositions de ce texte, j’aimerais vous en présenter les lignes directrices. Les prévisions macroéconomiques, quant à elles, n’ont pas changé depuis nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et sur le projet de loi de finances pour 2018.

Je distinguerai trois points dans mon propos : premièrement, ce projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans la stricte continuité de la démarche de « sincérisation » de nos comptes publics ; deuxièmement, ce texte vise à améliorer l’efficacité de l’action administrative, notamment en matière fiscale ; troisièmement, et enfin, il opère plusieurs ajustements budgétaires afin d’assurer la mise en œuvre des priorités gouvernementales eu égard aux ajustements apportés par l’Assemblée nationale.

Ce texte permet tout d’abord de confirmer la démarche de « sincérisation » de nos comptes entreprise par le Gouvernement depuis son accès aux responsabilités.

L’année dernière, la Haute Assemblée avait refusé de débattre du projet de loi de finances pour 2017, arguant de son insincérité. Dans un rapport, la Cour des comptes avait également constaté la sous-budgétisation de certaines dépenses, d’un montant tel que la sincérité du budget s’en trouvait entachée.

Ce projet de loi de finances rectificative vise donc à assurer la tenue de nos engagements en matière de finances publiques, à la fois pour 2017 et pour 2018, confirmant notamment la réduction du déficit public dès cette année, toutes administrations publiques confondues, en deçà des 3 % du PIB.

Nous maintenons des hypothèses de croissance, à hauteur de 1, 7 %, et de réduction de déficit public – en baisse de 2, 9 % – raisonnables, grâce aux efforts entamés dès l’été dernier et poursuivis dans ce projet de loi de finances rectificative.

Ainsi, du côté des dépenses, ce texte confirme les annulations de crédits, d’un montant de 840 millions d’euros, nécessaires pour financer des dépenses indispensables au bon fonctionnement de nos services publics, qu’il s’agisse de payer les salaires de nos enseignants ou bien de financer les opérations extérieures de nos armées dont le coût a encore augmenté par rapport aux prévisions de l’année dernière.

Par ailleurs, afin d’assurer, dans une logique de responsabilité budgétaire, le financement de certaines dépenses de cohésion sociale, dites « dépenses de guichet », ce projet de loi de finances permet également une ouverture de crédits de 3 milliards d’euros, destinée à couvrir les dépenses supplémentaires, sous-budgétisées par l’ancien gouvernement : 840 millions d’euros pour la prime d’activité ; 370 millions d’euros pour l’allocation aux adultes handicapés, ou AAH ; 135 millions d’euros pour l’hébergement d’urgence et 188 millions d’euros pour les contrats aidés.

Le texte opère une réactualisation des recettes, afin de les ajuster au mieux à la réalité, conformément aux dernières prévisions disponibles.

Toujours dans cette démarche de « sincérisation » de nos comptes, ce texte est également l’occasion d’apurer un certain nombre de dettes, notamment celle du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, envers Areva, ou encore la créance contractée auprès de Pôle emploi au titre des allocations versées aux demandeurs d’asile. Ces opérations permettront de réduire le montant des reports des crédits et d’inverser la dynamique de ces dernières années en la matière.

De la même manière, ce projet de loi de finances rectificative permettra également de solder définitivement la fameuse, voire la funeste, question de l’écotaxe poids lourds. Comme vous le savez, son abandon par la précédente majorité impliquait à la fois l’arrêt du contrat avec la société Ecomouv’, en charge de la collecte, et le reclassement de ses salariés. Ces deux volets étant désormais achevés, la liquidation de la société a été programmée, afin d’en finir avec les coûts.

Pour ce faire, le Gouvernement a décidé de prendre toutes les dispositions nécessaires au paiement des dettes liées au contrat conclu avec Ecomouv’. Ainsi, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à réajuster de 339 millions d’euros pour l’année 2017 la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques qui est affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Ce réajustement permettra d’assurer, en une seule fois, le remboursement de la dette d’Ecomouv’, principal restant et frais de rupture des instruments de dette, afin de mettre un terme à son schéma de remboursement initial, qui s’étendait encore sur sept ans, avec les intérêts associés…

Ce projet de loi de finances rectificative porte ensuite des mesures fiscales particulières : d’une part, en matière de lutte contre la fraude ; d’autre part, en matière de simplification administrative.

S’agissant de la lutte contre la fraude, nous prenons trois séries de mesures : des mesures anti-abus, aux termes desquelles il appartiendra désormais au contribuable de démontrer que la détention d’actifs dans des pays ne pratiquant pas l’assistance administrative avec la France ou inscrits sur la liste des États non coopératifs n’a pas une visée fiscale – il s’agit d’un changement majeur ; des mesures prévoyant à la fois l’harmonisation et la simplification des procédures de recouvrement forcé mises en œuvre par les comptables publics ; enfin, des mesures permettant la consolidation du contrôle par l’administration fiscale de la tenue de comptes d’épargne réglementés.

En matière de simplification fiscale, ce texte confirme – nous avons déjà eu de longs débats sur cette question – la mise en œuvre du prélèvement à la source au 1er janvier 2019.

Ce report, que je suis venu présenter devant vous l’été dernier, a permis aux collecteurs de mener les expérimentations nécessaires et à l’Inspection générale des finances, l’IGF, en association avec le cabinet Mazars, de mener un audit dont ce projet de loi de finances rectificative tire les conséquences.

Ce texte comporte également plusieurs mesures sectorielles permettant d’ajuster au mieux nos finances publiques à l’actualité gouvernementale. C’est le cas en matière d’éducation, où nous instaurons une limitation du bénéfice du fonds de soutien au développement des activités périscolaires vers les communes ayant opté pour la semaine de quatre jours. J’avais déjà évoqué ce sujet lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018 à la suite des annonces du ministre de l’éducation nationale.

C’est également le cas en matière de logement, puisque ce texte permet de garantir les prêts des fonds d’épargne de la Caisse des dépôts à Action logement, disposition qui accompagne pleinement la réforme du logement et qui permettra à la Caisse des dépôts d’accorder jusqu’à 2 millions d’euros de prêts aux bailleurs sociaux afin de soutenir la construction de nouveaux logements sociaux.

En ce qui concerne la fiscalité locale, le projet de loi de finances rectificative prévoit la codification de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et reporte au 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur de la mise à jour permanente des tarifs de ces mêmes locaux professionnels.

Enfin, ce projet de loi permet de garantir financièrement l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, au regard, d’une part, des sommes versées par le Comité international olympique en cas d’annulation des Jeux, et, d’autre part, des différents prêts que pourra contracter le Comité d’organisation des jeux Olympiques lui-même.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qu’il en est des dispositions figurant dans le texte initial. Je voudrais en venir maintenant aux articles introduits à l’Assemblée nationale.

L’adoption d’un amendement transpartisan, présenté par M. Joël Giraud, rapporteur général, au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a permis de modifier le barème de la taxe de séjour et d’en améliorer la cohérence. Le dispositif retenu permet notamment d’instaurer, pour les hébergements non classés, une taxe de séjour proportionnelle au prix de la nuitée par personne dans les limites d’un plafond fixé par les communes.

Il s’agit d’une mesure de justice fiscale rétablissant une certaine équité entre les hébergements classés et ceux qui ne le sont pas, ces derniers se révélant parfois relativement peu taxés au regard de leur qualité, voire de leur caractère luxueux.

La totalité des groupes politiques de la commission des finances de l’Assemblée nationale a ainsi mené une réflexion collective, conclue par l’adoption de cet amendement dont je salue la cohérence. J’ajoute que le Gouvernement s’est également déclaré favorable à la collecte, par les plateformes numériques, de la taxe de séjour à compter de 2019. Le ministre de l’économie et des finances présentera donc, début 2019, un texte allant en ce sens.

Vous me permettrez également de revenir sur l’abattement exceptionnel que nous avons décidé de mettre en place pour les cessions de terrains à bâtir ou de biens immobiliers dans le cadre du véritable « choc d’offre » annoncé par Jacques Mézard et Julien Denormandie.

Cette disposition est en effet pleinement cohérente avec la stratégie pour le logement présentée en septembre dernier et visant à encourager la création d’un choc d’offre de logements au sein des zones les plus tendues – à savoir les zones A et A bis –, contrairement à ce qui a pu être dit.

Concrètement, cette mesure permettra d’exonérer d’impôt les plus-values immobilières concernées à hauteur de 70 % – de 85 % en cas d’engagement à construire des logements sociaux.

Toujours dans cette logique, le Gouvernement propose également de proroger jusqu’au 31 décembre 2020 à la fois les exonérations existantes en faveur des cessions directes ou indirectes réalisées au profit d’organismes en charge du logement social et les exonérations des cessions de droits de surélévation.

Enfin, conformément aux engagements du Premier ministre devant le congrès des départements de France, l’Assemblée nationale a adopté un amendement permettant d’instituer, pour 2017, un fonds exceptionnel de 100 millions d’euros destiné à soutenir les départements et les collectivités qui en ont le plus besoin, notamment au titre de dépenses sociales importantes et indispensables.

Selon nos estimations, un tel fonds permettrait à dix-neuf départements ou collectivités d’obtenir un soutien financier que nous savons très précieux eu égard aux restes à charge pesant sur eux, en attendant que le Gouvernement et les départements trouvent une solution. Nous comprenons que ces derniers, qui doivent faire face aux afflux migratoires, notamment à l’accueil de mineurs étrangers isolés, estiment que ces dépenses sociales ne sont pas totalement financées. Le Gouvernement travaille sur cette question.

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