Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 14 décembre 2017 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Nous nous retrouvons pour l’examen du second projet de loi de finances rectificative de l’année. Le premier, passage quelque peu obligé, n’a pas laissé un souvenir très agréable…

Avant d’évoquer les articles de ce traditionnel collectif budgétaire de fin d’année, je vais, comme à l’accoutumée, revenir brièvement sur le contexte économique, sur l’évolution du solde public et sur la situation budgétaire de l’État en cette fin d’année.

Par rapport aux prévisions annoncées en septembre dernier et lors du premier projet de loi de finances rectificative, le scénario macroéconomique est inchangé. Ainsi, l’hypothèse gouvernementale de croissance du PIB pour 2017 est maintenue à 1, 7 %.

L’INSEE a pourtant confirmé, dans sa nouvelle estimation, que l’acquis de croissance s’élevait à 1, 7 % après trois trimestres. Une hausse modeste du PIB d’environ 0, 2 % au dernier trimestre suffirait donc pour atteindre un taux de croissance de 1, 8 % sur l’ensemble de l’année. En l’absence d’événement exceptionnel, la croissance française devrait donc s’établir à ce niveau fin 2017, et non à 1, 7 %.

Je note qu’une révision à la hausse du taux de croissance et des recettes afférentes aurait pu permettre de réduire le montant de la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises à la suite de l’annulation, par le Conseil constitutionnel, de la taxe à 3 % sur les dividendes, et cela sans risquer de dépasser le fameux seuil de 3 % du PIB. Tel était le sens d’un amendement que j’avais alors proposé.

Exprimées en pourcentage de la richesse nationale, les prévisions de solde structurel et de solde effectif pour l’année 2017 sont inchangées par rapport à celles qui ont été présentées dans le premier projet de loi de finances rectificative et dans le projet de loi de finances pour 2018.

En pratique, deux évolutions contradictoires, d’un montant analogue en points de PIB, sont venues se compenser : d’une part, le Gouvernement a révisé à la hausse l’hypothèse d’élasticité des prélèvements obligatoires, compte tenu des remontées comptables favorables observées ; d’autre part, il enregistre une hausse plus importante qu’escomptée des dépenses d’investissement des administrations publiques locales par rapport aux estimations précédentes.

Toutefois, il faut nuancer le propos, en rappelant que cette évolution de l’investissement public fait suite à une chute d’une ampleur sans précédent. Comme l’ont dit nos collègues qui ont travaillé sur cette question, les dépenses d’investissement des administrations publiques locales ont diminué de 17 % entre 2013 et 2016, soit d’environ 10 milliards d’euros.

L’excédent des administrations de sécurité sociale serait par ailleurs minoré de 200 millions d’euros, en lien avec les nouvelles prévisions fournies par l’UNEDIC.

Par rapport aux estimations des organisations internationales et de la Commission européenne, la prévision de solde du Gouvernement apparaît raisonnable, mais des incertitudes subsistent concernant les décisions d’Eurostat sur la recapitalisation d’Areva et le contentieux lié à l’annulation de la taxe à 3 %.

Pour la recapitalisation d’Areva, tout dépendra du jugement porté par Eurostat sur la viabilité financière du nouvel Areva. La présence d’investisseurs japonais aux côtés de l’État est à cet égard rassurante. S’agissant de l’annulation de la taxe à 3 %, le scénario du Gouvernement repose sur la comptabilisation de remboursements à hauteur de 5 milliards d’euros en 2017 et en 2018.

Là encore, l’interprétation qui est faite par le Gouvernement des règles fixées dans le système européen des comptes devra être confirmée par Eurostat à la fin du mois de mars 2018.

Après ces éléments macroéconomiques, j’en arrive à la situation budgétaire de l’État.

Le déficit budgétaire s’établirait fin 2017 à 74, 1 milliards d’euros, soit une amélioration de 2, 8 milliards d’euros par rapport au premier projet de loi de finances rectificative, mais aussi une dégradation de 4, 8 milliards d’euros au regard de l’estimation de la loi de finances initiale, alors même que la croissance a été finalement au rendez-vous.

Les crédits ministériels sont encore revus à la hausse, soit un dérapage total des dépenses de 4, 8 milliards d’euros qui confirme les biais de construction dont était entachée la loi de finances initiale pour 2017.

L’amélioration constatée depuis les dernières estimations du premier projet de loi de finances rectificative provient principalement de la hausse des recettes fiscales nettes, dont le produit attendu est relevé de deux milliards d’euros.

Cette révision porte principalement sur deux impôts : la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA, et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE. Il est regrettable que le dernier projet de loi de finances rectificative n’ait pas intégré ces données, alors que la progression des recettes de TVA était déjà constatée dans les remontées comptables et que, s’agissant de la TICPE, la décision de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, était connue depuis juillet.

On constate, par ailleurs, une nouvelle baisse du prélèvement au profit de l’Union européenne, qui devrait s’établir à 16, 4 milliards d’euros en 2017, soit une diminution de 2, 6 milliards d’euros par rapport à l’année 2016.

En 2017, le Gouvernement a dû procéder à des redéploiements très significatifs : ce sont près de 7 milliards d’euros qui auront été réalloués par rapport aux plafonds de crédits votés par le Parlement en loi de finances initiale. Sur ce total, 100 millions d’euros d’ouvertures de crédits sont liés au cyclone Irma. En dehors de cet événement par nature imprévisible, force est de constater que l’ampleur des réallocations tient aux sous-budgétisations importantes de la loi de finances initiale et au caractère incontrôlé de certaines dépenses d’intervention.

Vous nous aviez indiqué en juillet dernier, monsieur le ministre, que le nouveau gouvernement ne recourrait plus aux décrets d’avance. Puisse cet engagement être respecté ! Je note cependant une plus grande discipline concernant les sous-budgétisations et une volonté de sincérité des comptes, dont nous nous félicitons.

J’en viens maintenant aux articles de ce projet de loi, qui sont nombreux : le texte initial comportait 36 articles, il en compte désormais 92 – il a donc quasiment triplé. C’est assez classique, mais on peut constater que la pratique gouvernementale n’a pas beaucoup évolué en la matière : malheureusement, nous sommes encore trop souvent saisis à la dernière minute de nombreuses dispositions, parfois techniques, mais qui entraînent souvent des obligations nouvelles pour les contribuables.

Je prendrai quelques exemples : pourquoi les mesures en faveur de la libération du foncier, annoncées officiellement par le ministre Jacques Mézard et le secrétaire d’État Julien Denormandie, le 20 septembre dernier, sont-elles adoptées par amendement en séance à l’Assemblée nationale, donc sans examen préalable, notamment par le Conseil d’État ? Faut-il vraiment réformer tout le régime fiscal applicable à l’immobilier à Mayotte par voie d’amendement de dernière minute ? Est-il raisonnable d’ouvrir des données fiscales sur les valeurs foncières sans s’assurer, au préalable, que le secret de la défense nationale et les droits des contribuables seront pleinement garantis ?

Nos délais d’examen ne nous permettent pas de travailler correctement, et ces méthodes doivent changer ! La qualité de la législation fiscale ne gagne rien à ces procédures d’examen à marche forcée. L’épisode de la taxe à 3 %, retracé dans un rapport de l’Inspection générale des finances, l’IGF, montre malheureusement que la précipitation peut avoir des conséquences catastrophiques.

J’espère que nous pourrons revoir ces procédures avec le Gouvernement. Vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre, un certain nombre d’évolutions. Nous sommes prêts à y travailler ; c’est indispensable si nous voulons mieux légiférer.

Enfin, j’en viens au prélèvement à la source, mesure emblématique de ce dernier projet de loi de finances rectificative, sur laquelle, monsieur le ministre, vous connaissez la position du Sénat.

J’ai examiné avec attention les rapports remis par le Gouvernement : le rapport d’audit de l’IGF, le rapport sur la phase pilote mise en œuvre cet été, avec moins de 600 collecteurs, enfin celui sur les options alternatives à la réforme proposée par le Gouvernement.

L’audit de l’IGF a pointé un certain nombre de difficultés pour lesquelles aucune solution concrète n’est apportée à ce jour : la prise en compte des réductions et crédits d’impôt, l’accompagnement des particuliers employeurs et de leurs salariés, le traitement des indemnités journalières maladie, ou encore l’état inégal de préparation des tiers collecteurs au passage au prélèvement à la source.

Certes, le projet de loi de finances rectificative procède à des aménagements et l’Assemblée nationale a également assoupli le régime des sanctions applicables aux tiers collecteurs, mais ces modifications demeurent marginales et ne répondent pas aux problèmes de fond de la réforme.

C’est pourquoi je reste convaincu, ainsi que la majorité sénatoriale, que la proposition présentée l’an dernier de prélèvement mensualisé et contemporain, effectué non par les entreprises, mais par l’administration fiscale, est la meilleure solution. Ce prélèvement évite de faire porter la charge de la retenue à la source par les employeurs – c’est l’administration fiscale, dont après tout c’est le travail, qui la supporte –, tout en supprimant l’année de décalage.

Ce système serait plus avantageux pour les contribuables, qui pourraient moduler le montant des prélèvements en cas de baisse de revenus. De plus, je rappelle que, dans le système proposé par le Gouvernement, les contribuables ne seront pas exempts de démarches s’ils veulent opter pour le taux individualisé au sein des couples, le taux neutre, ou encore déclarer un changement de situation familiale.

Voilà les raisons pour lesquelles la commission des finances propose d’adopter une nouvelle rédaction de l’article 9 du projet de loi de finances rectificative.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances vous propose d’adopter le présent collectif budgétaire, sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle vous présente.

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