Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 14 décembre 2017 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je retiendrai de ce projet de loi de finances rectificative un acquis, une certitude et une interrogation.

L’acquis, c’est la croissance, et chacun s’en félicite. Elle n’est certes pas à un niveau très élevé, mais il y a lieu effectivement de s’en réjouir.

La certitude, c’est que les sous-budgétisations dénoncées par le Sénat l’année dernière, à la même époque, étaient bien présentes et qu’il a fallu y remédier.

L’interrogation, elle, porte sur l’ampleur de l’effort de maîtrise des dépenses publiques.

S’agissant de la croissance, même si celle-ci est relative, la conjoncture a du bon. Le retour à une conjoncture plus favorable permet en effet une hausse des recettes de l’État de 2, 1 milliards d’euros, ce qui n’est pas négligeable pour tenir l’engagement des 2, 9 % de déficit. Sans doute auriez-vous été dans une position bien plus difficile dans le cas contraire. On pourrait presque soutenir que le Gouvernement s’est laissé des marges, en tout cas si l’on retient une hypothèse de croissance de 1, 8 %.

Le 1, 7 % retenu est en effet un signe de prudence. Il permet aussi de justifier la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés et les nécessaires mesures de réduction des dépenses. Le chiffre de 1, 8 % eût été ambitieux ; celui de 1, 7 % a des vertus pédagogiques.

Toutefois, l’une et l’autre de ces mesures sont à bien des égards nécessaires quand on regarde les risques qui demeurent.

Cet acquis de croissance est opportun et utile au regard du risque que fait peser l’annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes. La décision d’Eurostat, si elle devait conduire à rattacher la totalité des 11 milliards d’euros à l’année 2017, nous conduirait sans doute à dépasser à nouveau la barre des 3 % de déficit. On peut donc lire cet acquis de croissance comme providentiel ; on peut aussi l’estimer trop court pour faire face à nos enjeux et à ces risques.

Au total, on peut comprendre votre prudence. Et quand on met bout à bout les contraintes, sans doute était-il difficile de bâtir un autre scénario. L’avenir dira si nous respectons les 3 % et si nous faisons mieux, en fonction de la conjoncture. Nous savons que cela ne se décidera pas qu’en fin d’année, mais surtout après la décision d’Eurostat. C’est un risque à 5 milliards d’euros !

S’il y a un point qui apparaît clairement, c’est bien l’ampleur des précédentes sous-budgétisations. De ce point de vue, nous pouvons nous réjouir de voir que vous semblez en avoir tiré les leçons. C’est heureux, et les corrections faites en cours d’année sont démonstratives des choix antérieurs de sous-budgétisations que le Sénat avait d’ailleurs dénoncées.

S’il y a une certitude, c’est bien le côté artificiel du projet de loi de finances pour 2017. Ce projet de loi de finances rectificative rectifie les sous-budgétisations de la loi de finances initiale. Il faut donc saluer l’effort de sincérité réalisé par le Gouvernement dans ce domaine, et l’inviter à poursuivre en ce sens.

Mon interrogation porte sur la maîtrise des dépenses. Le rapporteur général nous glisse, à juste titre, que, de ce point de vue, il y a même une dégradation de 4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, et qu’elle va au-delà du simple rattrapage des sous-budgétisations de vos prédécesseurs. On mesure la difficulté qu’il y a à contenir les dépenses publiques !

En termes de méthode, vous annoncez la fin du rabot, et c’est heureux. Quelle que soit l’option retenue, nous convergeons tous, ou presque, pour dire que le plus dur reste à faire en matière de maîtrise de la dépense.

Nous sommes encore loin d’un rétablissement durable de nos comptes publics. Le Gouvernement le sait, la seule croissance économique ne nous permettra pas de réduire durablement nos déficits et notre dette.

Nous le mesurons ensemble, malgré les efforts, la France restera à la traîne des pays de l’Union européenne. En se plaçant avant-dernière en termes d’équilibre budgétaire, elle détient toujours le record de la dépense publique, qui représente 56 % du PIB, ce qui est bien au-dessus de la moyenne européenne. Quant à la pression fiscale, elle est l’une des plus fortes des pays comparables. Enfin, notre dette est parmi les plus importantes de l’Union européenne.

Des efforts doivent encore être fournis pour ce qui concerne la dépense publique, qui devrait augmenter de 1, 9 % en 2017, au lieu des 1, 8 % annoncés. Pour réduire durablement nos dépenses publiques, nous devons entreprendre, le Gouvernement l’a dit, des réformes structurelles de l’action publique. Un certain nombre d’entre elles ont déjà été initiées, mais d’autres doivent suivre. La volonté du Gouvernement de dépasser la logique du rabot va dans le bon sens. Pour autant, nous savons que les réformes structurelles sont difficiles à conduire. Le Gouvernement a entrepris des réformes, et il convient d’avancer dans le sens donné.

Rappelons que, si le déficit budgétaire est de 74, 1 milliards d’euros, en amélioration de 2, 9 milliards d’euros par rapport à la prévision du premier projet de loi de finances rectificative, il reste supérieur à celui de 2016.

Au-delà de ces considérations sur le cadrage global du PLFR, je veux revenir sur la réforme du prélèvement à la source, qui constitue l’un des points majeurs de ce texte. Du moins revenez-vous, monsieur le ministre, sur la réforme introduite par la loi de finances pour 2017, puis reportée par votre gouvernement, à juste titre d’ailleurs. La Sénat a plusieurs fois manifesté son scepticisme s’agissant de l’approche précédente. Vous la complétez et tentez d’éviter des difficultés que chacun mesure inévitables. On peut, et c’est la position du Sénat dans sa majorité, s’offusquer, entre autres éléments, de la surcharge infligée aux entreprises. Bien d’autres critiques peuvent sans doute être formulées. Il faut l’admettre, il y a un coût à ce type de réforme. Il peut engendrer un effet d’aubaine. Surtout, il faut éviter qu’un trop grand nombre de contribuables y perdent. Une vraie difficulté s’oppose à ce projet : le revenu figurant sur la fiche de paie sera à la baisse, ce qui constitue, en soi, une révolution. De nombreux gouvernements y ont réfléchi. Au vu du travail engagé, vous choisissez d’aller au bout de la réforme, ce qui est courageux. Je souhaite que nous éclairions, au cours du débat, les points qui doivent encore être améliorés.

La plupart d’entre nous n’avons aucune hostilité de principe à l’égard du prélèvement à la source. Nous voyons en effet d’un bon œil, pour nos concitoyens, l’objectif d’une plus grande contemporanéité de l’impôt. L’une des principales difficultés soulevées tient sans doute au modèle français de l’impôt sur le revenu.

L’imposition au niveau du foyer fiscal, le barème progressif et l’importance du nombre de niches fiscales sont autant d’éléments qui complexifient et peuvent rendre contre-productive l’application du prélèvement à la source. Là est tout le défi.

L’ampleur des modifications apportées en séance à l’Assemblée nationale, bien souvent sur l’initiative du Gouvernement, montre que tout projet de loi de finances rectificative devient un projet de loi de finances bis. Ce travers devra sans doute, à l’avenir, faire l’objet d’une réflexion. Monsieur le ministre, vous mesurez à quel point les sujets très techniques introduits lors de la lecture à l’Assemblée nationale, que vous avez vous-même détaillés, appelleront des débats durant les prochaines heures.

Le groupe Union Centriste abordera la discussion avec la volonté de répondre à l’exigence de redressement de nos finances publiques. Il salue le travail mené par M. le rapporteur général en commission pour éclairer le débat, travail qui nous permettra d’apporter une plus-value à ce texte.

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