Intervention de Yvon Collin

Réunion du 14 décembre 2017 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’élaboration d’un projet de loi de finances rectifiant le budget du gouvernement qui précède n’est pas un exercice facile, il faut le reconnaître. Les nouvelles équipes en place ne manquent jamais de dire qu’elles héritent du passé, pour ne pas dire du passif.

Je pense en particulier à l’annulation de la contribution de 3 % sur les dividendes, qui avait été instituée en 2012. Depuis la décision du Conseil constitutionnel en date du 6 octobre dernier, nous savons que l’État est contraint de rembourser 10 milliards d’euros aux entreprises, un montant très significatif et, par conséquent, extrêmement déséquilibrant pour nos finances publiques.

Je n’oublie pas non plus un autre héritage encombrant. Je veux parler de la pratique des sous-budgétisations, qui n’ont cessé de croître entre 2012 et 2017, pour atteindre cette année un peu plus de 6 milliards d’euros.

La Cour des comptes a d’ailleurs pointé cette dérive, et je salue les efforts entrepris par le gouvernement actuel pour tenter de la contenir. En effet, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, j’ai bien noté l’augmentation des provisions pour les actions sujettes au risque de sous-budgétisation, telles les OPEX au sein de la mission « Défense » ou encore la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

J’ajoute que la baisse du taux de mise en réserve de 8 % à 3 % s’inscrit également dans cette volonté de sincérité budgétaire, que nous saluons, monsieur le ministre.

En attendant, mes chers collègues, le déficit budgétaire prévu à l’issue de ce second projet de loi de finances rectificative se situerait à 2, 9 %. On ne peut pas cacher que c’est principalement le dynamisme des recettes fiscales, avec un bonus de 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires, qui permet de rester sous la barre fatidique des 3 %.

Quoi qu’il en soit, en 2017, la France remplira ses obligations européennes et pourrait ainsi sortir de la procédure pour déficit excessif. Cependant, il reste du chemin à parcourir pour s’éloigner davantage du seuil fixé par le pacte de stabilité et de croissance. Avec l’Espagne, nous sommes parmi les plus mauvais élèves. Pour la zone euro, le déficit moyen était de 1, 7 % l’année dernière.

Au-delà de l’équilibre général, le projet de loi de finances rectificative comporte des dispositions fiscales techniques. Parmi cet ensemble assez épars, je relève plusieurs articles pertinents : l’article 13 bis sur les extensions d’exonération en cas de première transmission familiale dans les zones de revitalisation rurale, l’article 16 sur la prorogation de DEFI, le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt, ou encore l’article 23 ter relatif à la généralisation de la collecte de la taxe de séjour « au réel » par les plateformes en ligne.

Mais je souhaite surtout m’arrêter sur l’article 9, relatif au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui focalise – à juste titre – l’attention.

La commission, qui n’a pas caché ses inquiétudes quant à la faisabilité du dispositif, a proposé sa réécriture. J’approuve, comme l’ensemble de mon groupe, cette nouvelle rédaction, qui serait, selon moi, de nature à simplifier les choses.

En effet, si le présent projet de loi de finances rectificative tient compte de quelques recommandations du récent rapport de l’Inspection générale des finances, il ne va pas assez loin pour garantir la fluidité de l’impôt contemporain.

Je partage bien entendu le principe d’un prélèvement à la source, parce que c’est le vœu d’une majorité de nos concitoyens. Toutefois, comme l’a souligné notre collègue rapporteur général dans son rapport d’information de 2016 sur le sujet, cette mesure n’intervient-elle pas trop tard, dans la mesure où elle s’effectuera sur la base d’une fiscalité devenue complexe, pour ne pas dire très complexe, au fil du temps ?

La plupart des pays occidentaux ayant mis en place le prélèvement à la source l’ont fait depuis des décennies, voire au début du siècle dernier. La France l’avait d’ailleurs expérimenté brièvement dans les années 1940 sous la dénomination « stoppage à la source ». Aujourd’hui, dans le cadre d’une fiscalité compliquée, le prélèvement à la source sera compliqué, tous les experts le disent. Il existe en outre un risque de contentieux, ce qui pourrait affecter le consentement à l’impôt, si les contribuables ne bénéficient pas d’un système intelligible, lisible et juste.

Enfin, nous sommes nombreux à avoir quelques craintes s’agissant de la charge que le système de collecte pourrait faire peser sur les entreprises, en particulier les TPE et les PME. On parle de 300 millions d’euros pour les collecteurs. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu’une partie du coût serait pris en charge par les entreprises. Pourquoi juste « une partie », alors que le Gouvernement porte une ambition générale d’allégement des charges et de simplification pour les entreprises !

Aussi, je pense que le prélèvement à la source est encore, à ce stade, très perfectible. Je serai donc attentif à sa mise en œuvre.

Telles sont, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais formuler sur ce projet de loi de finances rectificative, dont mon groupe approuve les grandes orientations techniques. Il apportera donc son soutien à ce texte.

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