Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 14 décembre 2017 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année est le moment de dresser un premier bilan de l’année qui s’achève. Les résultats découlent pour moitié du quinquennat précédent et pour moitié du quinquennat qui commence.

Si nous nous réjouissons du retour de la croissance, celle-ci demeure bien en deçà de la moyenne européenne en 2017 : le Gouvernement prévoit une croissance de 1, 7 %, la Commission européenne, de 1, 6 %, contre 2, 2 % prévu en 2017 en moyenne dans la zone euro et 2, 3 % dans l’Union européenne.

Si la faible croissance française, sous le quinquennat de François Hollande, était essentiellement due à des facteurs exogènes – baisse du prix du pétrole et de l’euro, politique d’achats d’actifs par la BCE, la Banque centrale européenne, taux d’intérêt très bas –, le léger rebond constaté actuellement repose sur un cycle européen favorable, mais aussi sur un redémarrage cyclique auto-entretenu, notamment à travers la hausse de l’investissement des entreprises, la forte reprise du marché immobilier et la très bonne tenue de la consommation des ménages en 2017.

Néanmoins, ce niveau de consommation pourrait ralentir en 2018, car il était largement dû à des facteurs ponctuels : championnat d’Europe de football en France, dépenses de chauffage et changement de standard de la diffusion télévisuelle.

De surcroît, le déficit commercial demeure très élevé, ce qui constitue un handicap fort pour notre pays. Il s’est en effet de nouveau creusé en octobre. Sur un an, il atteint 61 milliards d’euros, contre 48, 2 milliards d’euros en 2016, année qui avait marqué un coup d’arrêt à l’amélioration du solde commercial français entamée en 2011.

Dans ce contexte, il est important de soutenir l’innovation et la croissance de nos PME et ETI industrielles. C’est le seul moyen de réduire nos importations. Tel est le sens des amendements que nous avons déposés dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

Pour ce qui concerne la réduction du déficit public, la France devrait – enfin ! – tout juste repasser sous la barre des 3 % en 2017. Le projet de loi de finances rectificative confirme la prévision de 2, 9 %.

Ce résultat positif ne peut être mis au crédit ni du gouvernement actuel ni du gouvernement précédent, dans la mesure où la baisse du déficit repose exclusivement sur une conjoncture favorable : les prévisions de croissance et d’élasticité des recettes ont été révisées respectivement de 0, 1 et 0, 3 point, sans quoi le déficit serait de 3, 3 % en 2017, bien au-dessus des 3 %…

De plus, pour sortir de la procédure de déficit excessif, qui ne concerne plus que la France et l’Espagne, alors que vingt-quatre États membres étaient encore en déficit excessif en 2012, il faut que la France reste sous la barre des 3 % pendant au moins deux années consécutives.

Or il existe un risque pour 2018. Pour Bruxelles, le remboursement de la taxe française sur les dividendes et la recapitalisation d’Areva « représentent des risques clairs pour la prévision et la correction du déficit au-dessous de 3 % du PIB ».

La Commission européenne prévoit d’ailleurs un déficit de 3 % en 2019, comme le Gouvernement lui-même, le FMI prévoyant même 3, 2 % en 2019.

Quant au solde public structurel, son amélioration ne serait que de 0, 1 point en 2017 : la France est six fois au-dessous de l’objectif assigné par nos partenaires européens, épuisant ainsi en une seule fois la marge de manœuvre autorisée par Bruxelles. Cette compromission pesant sur l’avenir ne nous rassure pas !

D’autant plus que l’amélioration du solde public repose uniquement sur une conjoncture plus favorable. En effet, entre le projet de loi de finances pour 2017 et ce texte, le déficit structurel a doublé, passant de 1, 1 % à 2, 2 %. Du fait de l’absence de réforme structurelle engagée dès 2017, l’OCDE et le FMI prévoient une aggravation du déficit structurel en 2018, respectivement de 0, 3 et 0, 4 point.

Quant à la dette publique, elle atteindrait 96, 8 % en 2017, un niveau record. C’est d’autant plus inquiétant que l’État empruntera en 2018 un montant colossal – 195 milliards d’euros – sur les marchés. Du jamais vu depuis plus de dix ans ! En cas de remontée des taux, le choc sera très rude !

Pourtant, les ménages et les entreprises contribuent largement au financement de la dépense publique : le rapport d’Eurostat publié voilà une semaine indique que la France est la championne d’Europe de la pression fiscale. Le ratio recettes fiscales/PIB est de 47, 6 %, contre 41, 3 % pour la zone euro et 40 % pour l’Union européenne.

Dernière pièce de ce tableau bien sombre : le chômage. La France connaît l’un des plus forts taux de chômage de l’Union européenne : selon les données d’Eurostat de juillet 2017, le taux de chômage en France est de 9, 8 %, contre 3, 7 % en Allemagne et 7, 7 % dans l’Union européenne. Nous sommes 22e sur 27.

Championne de la pression fiscale, recordwoman du déficit, place d’honneur pour le taux de chômage : telles sont les performances de la France en 2017.

Cette situation n’appelle pas de demi-mesures. Il faut prendre des décisions courageuses pour réduire la dépense publique. Tel est l’état d’esprit dans lequel travaillent les membres du Comité Action publique 2022. À la charge du Gouvernement, ensuite, d’assurer la mise en œuvre des préconisations.

Il faut profiter du frémissement de croissance pour provoquer un choc de confiance, un choc de compétitivité et un choc des finances publiques, sans quoi il n’y aura pas de nouveau monde.

Nous regrettons que ce troisième texte budgétaire de l’automne ne porte pas de grande ambition, si ce n’est d’acter la réforme du prélèvement à la source en 2019, qui entraînera de nouvelles charges pour les entreprises. Mme Lamure reviendra sur ce point.

Pis encore, ce collectif budgétaire de fin d’année utilise toutes les recettes du passé, cela a été largement souligné par les orateurs qui m’ont précédée. Il a été l’occasion, pour le Gouvernement, de déposer, au dernier moment, des dizaines d’amendements à l’Assemblée nationale, triplant, comme les années passées, le nombre d’articles du projet de loi de finances rectificative.

Où est donc le nouveau monde quand le Gouvernement dépose 41 amendements en séance publique, dont 31 visent à créer des articles additionnels, ce qui a contribué à faire passer le texte de 37 articles à 91 articles ? Court-circuiter le Conseil d’État et la commission des finances de l’Assemblée nationale et créer en séance autant de nouveaux articles que d’articles initiaux, est-ce une façon sérieuse de travailler ? Au regard du marathon budgétaire auquel nous sommes soumis, avec un enchaînement immédiat des textes, comment le Parlement peut-il examiner sérieusement celui qui nous est proposé aujourd’hui ?

Pour conclure, ce texte fourre-tout, sans grande ambition, n’appelle ni rejet ni adoption enthousiaste. Au cours de la lecture, nous apporterons des modifications, notamment sur la réforme du prélèvement à la source. Le groupe Les Républicains votera le texte ainsi amendé.

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