Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 14 décembre 2017 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la délégation aux entreprises s’est réunie ce matin pour évoquer les dispositions du PLFR pour 2017 qui intéressent les entreprises.

Si quelques articles du texte ont pu nous donner des motifs de satisfaction, je souhaite intervenir sur l’article 9, qui nous préoccupe au plus haut point.

Le texte de cet article confirme en effet que c’est sur les entreprises que le Gouvernement entend faire reposer la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, le PAS, à partir du 1er janvier 2019. Les entreprises sont très inquiètes de l’impact qu’une telle réforme aura sur elles ; c’est pourquoi la délégation aux entreprises avait fait réaliser, par le cabinet d’avocats fiscalistes Taj, une étude de cet impact. Celle-ci a été présentée à la commission des finances et à notre délégation, réunies le 28 juin dernier.

Le 10 octobre dernier, le Gouvernement a transmis au Parlement les trois rapports attendus sur cette réforme, dont un rapport de l’IGF, l’Inspection générale des finances, établi avec le concours du cabinet d’audit privé Mazars, évaluant la charge réelle incombant aux futurs collecteurs.

Nous avons pu comparer ces deux chiffrages. L’étude de l’IGF et celle de Taj distinguent coûts de mise en œuvre et coûts récurrents.

Concernant les coûts récurrents, c’est-à-dire les coûts annuels, les deux études aboutissent à des résultats comparables : le coût annuel récurrent serait compris entre 60 et 100 millions d’euros.

En revanche, les deux études diffèrent significativement quant à l’évaluation des coûts de mise en œuvre du système pour les entreprises : pour l’IGF, ces coûts se situeraient entre 310 et 420 millions d’euros, contre presque 1, 2 milliard d’euros selon l’étude de Taj. Si l’on y regarde de plus près, on voit que la quasi-totalité de cet écart concerne les très petites entreprises.

D’où vient cet écart ? Sans entrer ici dans le détail, on peut dire en substance qu’il reflète finalement la différence d’appréciation entre le Gouvernement et la délégation aux entreprises sur l’effet de la mise en œuvre du prélèvement à la source dans les petites entreprises : le Gouvernement est résolument optimiste et prévoit une mise en œuvre du PAS sans heurts, alors que la délégation anticipe un scénario dans lequel le PAS va susciter des questions, à la fois chez les salariés et chez les entreprises collectrices.

J’ai pu échanger hier avec votre cabinet, monsieur le ministre ; il reste sur cette ligne optimiste. Ainsi voulez-vous croire les experts-comptables lorsqu’ils indiquent leur intention d’absorber le coût du PAS sans le refacturer à leurs clients ! Vous comptez aussi tarir les questions par la diffusion aux entreprises et aux salariés d’un kit de démarrage et par la publication de précisions dans le BOFiP-impôts, le Bulletin officiel des finances publiques-impôts. Croyez-vous que les PME iront spontanément s’y référer ?

Pour la délégation, il ne fait aucun doute que la mise en œuvre du PAS sera une source de complexité supplémentaire pour les entreprises, au moins au cours de l’année de transition.

Surtout, cette mise en œuvre risque de dégrader les relations humaines dans l’entreprise : les salariés confrontés à une baisse de leur salaire net vont se tourner vers leur employeur ! Le climat dans l’entreprise sera aussi gâté par la transmission à l’employeur des taux d’imposition des salariés.

Pour toutes ces raisons, la délégation soutient ardemment la solution proposée par la commission des finances. Un prélèvement mensualisé et contemporain, par l’administration fiscale, supprime le décalage entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt, tout en soulageant les entreprises de la charge du prélèvement à la source et en préservant la confidentialité.

L’amendement déposé en la matière tend à instaurer une règle simple et claire pour l’application du CIMR, le crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement. Son adoption permettrait en outre d’intégrer les réductions et crédits d’impôt « historiques » dans le montant des prélèvements.

Monsieur le ministre, il est encore temps de renoncer. Évitons de foncer tête baissée au-devant des ennuis, au nom de l’alignement sur les pays voisins, dont le système fiscal n’a rien à voir avec le nôtre. Notre modernité, ce doit être une administration fiscale réactive, et non des entreprises assommées de nouvelles tracasseries administratives !

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