Intervention de Thierry Carcenac

Réunion du 14 décembre 2017 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2017 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Thierry CarcenacThierry Carcenac :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je me bornerai, dans mon intervention, à évoquer l’article 9, destiné à consolider la mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2019, du prélèvement à la source, Claude Raynal ayant apporté l’éclairage de notre groupe sur l’ensemble du projet de loi de finances rectificative.

Cet article ne concerne nullement l’instauration du prélèvement à la source en tant que telle ; celle-ci est acquise depuis le vote du projet de loi de finances pour 2017.

Il ne me paraît pas souhaitable de rouvrir le débat sur le bien-fondé du prélèvement à la source, l’ordonnance du 22 septembre 2017 ayant décalé d’un an la réforme pour raisons techniques.

Le groupe socialiste et républicain est convaincu que cette modalité de recouvrement n’est pas l’horreur décrite par nombre de ses détracteurs. Si cette modalité de recouvrement apparaît complexe, c’est parce que notre fiscalité est complexe.

Il ne s’agit donc que du recouvrement de l’impôt sur le revenu par une retenue prélevée sur un revenu imposable par un tiers verseur, entreprise, caisse de retraite, administration, collectivité territoriale ou autre, par application d’un taux de prélèvement fourni par l’administration fiscale ou à l’aide d’un taux neutre.

Cette méthode va simplifier la vie de nombre de nos concitoyens, qui disposeront ainsi d’un revenu net de cotisations sociales et fiscales. En effet, il a été constaté qu’entre 2014 et 2015, 38 % des foyers fiscaux imposables ont connu une diminution de leurs revenus, et 2 % d’entre eux une baisse supérieure à 30 %.

Par ailleurs, ce mode de recouvrement pourra s’adapter aux évolutions de la situation personnelle du foyer fiscal ; en outre, il prend en compte la réalité, avec la suppression du décalage d’un an entre la perception du revenu et le paiement de l’impôt sur le revenu.

Je voudrais également insister sur la simplicité et la confidentialité du dispositif.

Le tiers verseur se verra transmettre par l’administration fiscale le taux à appliquer. La mise en œuvre du support qu’est la déclaration sociale nominative, au demeurant très appréciée par les entreprises pour les prélèvements sociaux, intégrera quelques éléments fiscaux supplémentaires que les éditeurs de logiciels ont déjà inclus dans les produits qu’ils commercialisent.

Tous les mois, le tiers verseur déclare les revenus versés à chaque contribuable ; en retour, l’administration fiscale lui communique de manière dématérialisée le taux de prélèvement à appliquer. Le tiers verseur reverse le montant d’impôt sur le revenu collecté à l’administration, comme c’est déjà le cas pour les prélèvements sociaux, la confidentialité étant assurée.

Chaque année, le contribuable procède à une régularisation pour solder, s’il y a lieu, l’impôt définitif de l’année précédente.

Ce dispositif est-il coûteux pour les entreprises et les finances publiques ?

Nous sommes loin des chiffres annoncés, notamment pour les cas où les entreprises ont déjà externalisé l’établissement de la paye. Restent les petites entreprises. M. le ministre pourrait utilement rappeler les sommes éventuellement en cause, qui sont relativement modestes.

Pour l’administration fiscale, le coût informatique et de formation des agents est déjà engagé. L’arrêt du dispositif aurait toutefois un coût, certes beaucoup moins important que l’échec et l’abandon, dans le passé, de l’opérateur national de paye, ainsi que d’autres systèmes d’information, tel le système Louvois.

Je rappelle qu’un suivi plus attentif des systèmes d’information doit être effectué, sur le modèle des expertises bienvenues effectuées par la DINSIC, la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État.

J’ajoute que les entreprises collectent déjà des impôts : TVA, versement transport. Ce n’est donc pas une nouveauté.

Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler en ma qualité de rapporteur spécial lors de l’examen de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », les agents ainsi libérés pourraient être utilement affectés à la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales dans le cadre du plan de lutte contre la fraude que vous avez annoncé, monsieur le ministre.

Qui a peur de l’administration fiscale ? Pas les personnes ou entreprises qui respectent leurs obligations fiscales, pour lesquelles, s’il y a erreur involontaire, les pénalités pourront ou pourraient être allégées dans le cadre des modifications apportées par l’Assemblée nationale.

Reste l’« année blanche ».

Pour l’année de transition, les crédits d’impôt ou les déductions fiscales constatés doivent être mieux pris en compte, notamment pour ce qui concerne les travaux effectués dans l’immobilier locatif, dont le Gouvernement considère qu’il s’agit d’un investissement improductif, alors que les entreprises du bâtiment et des travaux publics sont des entreprises de main-d’œuvre non délocalisables. Il apparaît opportun, sur ce point, de suivre la proposition du rapporteur général qui vise à améliorer la déductibilité des travaux effectués en 2018.

Dès lors, le report d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ressemble à « la montagne qui accouche d’une souris » ; il sert de prétexte à l’affichage d’une pseudo-hausse de salaire via la baisse des cotisations sociales – cet affichage aurait risqué d’être percuté par les conséquences du prélèvement à la source si ce dernier avait été appliqué dès le 1er janvier 2018.

Les rapports remis par l’administration fiscale, l’IGF et le cabinet privé ne sont là que pour répondre à la majorité sénatoriale, qui considère que le prélèvement mensuel et contemporain est plus opportun.

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