Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Christine Lagarde, qui souhaitait vivement participer à ce débat mais qui a malheureusement été sollicitée par le Premier ministre sur un autre sujet.
Je tiens à féliciter le groupe Union pour un mouvement populaire d’avoir lancé cette discussion. Même si la question du financement et du développement des énergies renouvelables demeure un « grand classique », pour reprendre l’expression employée par M. Claude Belot, des efforts de pédagogie restent nécessaires sur le sujet, comme M. Fortassin y a d’ailleurs insisté à plusieurs reprises. Un tel débat me paraît d’autant plus utile qu’il se tient, comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, au moment même de l’adoption du Grenelle II à l’Assemblée nationale.
Je commencerai par rappeler le contexte d’ambition dans lequel le débat a lieu.
L’ambition est d’abord celle du « paquet énergie-climat » adopté en décembre 2008 au cours de la présidence française de l’Union européenne, plan qui a fixé des objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables. La part de ces dernières dans la consommation énergétique de l’Union d’ici à 2020 doit ainsi atteindre 20 %.
La France, rehaussant pour elle-même ce niveau d’ambition, a, dans le cadre de la loi Grenelle I et sous l’impulsion particulière de Jean-Louis Borloo, décidé de porter cette part à 23 % en 2020. Nous maintenons évidemment cet objectif, qui consiste à faire passer la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie de 10, 3 % en 2005 à 23 % en 2020.
Je me félicite de l’engagement qu’ont manifesté l’ensemble des orateurs dans cet hémicycle, et, par leur intermédiaire, les collectivités locales au nom desquelles la plupart d’entre eux se sont exprimés, pour contribuer à l’élan commun nécessaire à l’atteinte d’un tel objectif.
Un grand nombre de dispositifs sont mobilisés à cette fin, dont certains ont été évoqués aujourd’hui. À ce titre, je mentionnerai le déblocage d’1 milliard d’euros sur le fonds chaleur renouvelable – ce point n’a pas été cité, me semble-t-il –, la décision d’installer d’ici à 2011 au moins une centrale photovoltaïque par région, l’objectif de multiplier par six d’ici à 2020 la production d’énergie géothermique, l’ambition de rendre plus simple l’implantation d’éoliennes maritimes ou offshore tout en encadrant mieux l’implantation d’éoliennes terrestres, de telle sorte que ces dernières soient mieux acceptées par la population – du moins est-ce ainsi que j’ai perçu le débat sur l’encadrement des éoliennes terrestres – et que nous puissions contribuer à leur développement.
Nous débattons aujourd’hui principalement du sujet financier et de la manière dont on peut établir un équilibre entre, d’une part, la volonté de développer les énergies renouvelables – volonté qui est la nôtre, je le confirme –, et, d’autre part, l’acceptabilité de ces équipements sur le territoire.
Le débat sur le Grenelle II a largement porté sur les questions d’acceptabilité « physique », avec un certain nombre de points de réglementation ; nous sommes ici cet après-midi pour parler plus proprement de l’acceptabilité économique et financière de l’ensemble du dispositif.
Dans le respect de l’objectif pédagogique souhaité et rendu possible par l’organisation de ce débat, je rappellerai l’ampleur du panorama des dispositifs d’incitation aux énergies renouvelables.
Dans un souci de clarté, je commencerai par mentionner les dispositifs à destination des ménages.
Le crédit d’impôt développement durable a été évoqué à plusieurs reprises. Les réflexions que Jean-Paul Alduy nous a livrées dans son introduction concernant l’assiette ou le périmètre des dépenses admissibles pour ce crédit d’impôt nous ont paru tout à fait intéressantes. Nous en retenons en particulier l’idée de s’adapter à la fois aux techniques et à ce qu’il est le plus nécessaire ou le plus utile de développer. Nous aurons certainement l’occasion d’examiner ces questions de périmètre dès la loi de finances pour 2011.
Cette dépense fiscale s’est élevée à 2, 8 milliards d’euros en 2009. La part des dépenses relatives à l’énergie photovoltaïque, par exemple, n’est encore qu’assez faible – elle est de l’ordre de 150 millions d’euros –, mais nos prévisions montrent une forte augmentation des dépenses pour ce type d’énergie tant en valeur absolue qu’en proportion.
Autre dispositif, l’éco-prêt à taux zéro, le fameux « éco-PTZ », permet aux propriétaires de financer jusqu’à 30 000 euros de travaux d’économie d’énergie.
La baisse du taux de TVA de 19, 6 % à 5, 5 % pour l’installation des systèmes de production électrique par énergie renouvelable fait également partie des dispositifs à destination des ménages. Cet avantage est cumulable avec ceux que j’ai mentionnés.
J’en viens maintenant aux tarifs de rachat. Pourquoi situer ces derniers dans un chapitre sur la fiscalité ? Comme l’a indiqué M. Patriat, ces tarifs ne peuvent pas être dissociés de la fiscalité pour la bonne et simple raison que, sans être un dispositif fiscal à proprement parler, ils ont un impact direct sur la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. Puisqu’ils constituent une contribution obligatoire, et bien qu’ils soient inscrits non pas sur la feuille d’impôt mais sur la facture d’électricité, les tarifs de rachat s’apparentent à une taxe.
Tout le monde dans cet hémicycle sait que les producteurs d’électricité à partir de sources renouvelables bénéficient d’un tarif de rachat fixé au-dessus du prix du marché pour leur permettre de rentabiliser leurs investissements. L’électricité d’origine renouvelable est rachetée par EDF, avec un surcoût qui est obligatoirement répercuté dans la facture d’électricité.
Depuis le début de l’après-midi, nous avons beaucoup insisté sur l’acceptabilité de l’ensemble des dispositifs. Il faut avoir en tête que la question du prix de l’électricité et, par conséquent, de l’impact de la contribution spéciale, toutes choses égales par ailleurs, sur la facture d’électricité du consommateur final est un élément décisif de l’acceptabilité aujourd’hui, et le sera davantage encore à l’avenir. Or on peut imaginer que le montant de cette contribution soit amené à augmenter fortement simplement parce que de nombreux projets d’énergie renouvelable sont « dans les tuyaux » et vont nécessiter l’application de ce tarif de rachat, de cette simili-taxation. Il faut également prendre en compte cette acceptabilité-là quand nous abordons le sujet du développement des énergies renouvelables.
Je tiens à remercier Jean-Paul Alduy pour son analyse concernant l’articulation entre les tarifs de rachat et la défiscalisation au titre de l’ISF, analyse à laquelle s’est également associé Claude Belot. Cette articulation aurait conduit, selon lui, à un « terrain de jeu de la défiscalisation ». Nous pourrons réfléchir dans les prochains mois à une meilleure articulation, compte tenu de la manière dont les dispositifs sont parfois utilisés et du caractère naïf de la fiscalité auquel Claude Belot a fait allusion.
J’en viens aux dispositifs de soutien aux entreprises, qui n’ont pas du tout été évoqués au cours du débat de cet après-midi. Si nous souhaitons dresser un panorama complet de la dépense fiscale dans ce domaine, nous devons cependant prendre en compte le fait que les entreprises bénéficient elles aussi d’un certain nombre de mécanismes d’incitation à l’investissement dans les énergies renouvelables. J’en citerai quelques-uns.
Le dispositif d’amortissement exceptionnel permet aux entreprises d’amortir sur douze mois, au lieu de vingt à vingt-cinq ans, les matériels destinés à économiser l’énergie et les équipements de production d’énergies renouvelables. Il s’agit d’un dispositif très puissant.
Les exploitants agricoles, quant à eux, peuvent rattacher les revenus tirés de la production d’électricité d’origine photovoltaïque ou éolienne aux résultats agricoles, au lieu de procéder à une déclaration distincte au titre des bénéfices industriels et commerciaux.
Par ailleurs, divers dispositifs d’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les bâtiments destinés à la production d’électricité d’origine photovoltaïque sont également prévus.
Je n’ai cité que les principales rubriques pour faire apparaître clairement le panorama.
Une bonne partie du débat a porté sur la question spécifique de la fiscalité relative aux éoliennes, ce qui est normal puisque cette préoccupation est d’actualité. M. Guené l’a mentionnée dans ses propos, ainsi que MM. Sido, Patriat, Muller – en fait, la totalité des orateurs.
Je tiens à saluer la parfaite compréhension des mécanismes auxquels vous avez, les uns et les autres, fait référence. Là encore, l’œuvre sénatoriale de pédagogie est très utile, surtout lorsqu’il s’agit de distinguer ce qui est payé par l’État de ce qui est payé par les collectivités locales, les industriels ou le client final par l’intermédiaire de la fameuse CSPE.
Pour en venir au fait, une clause de revoyure a été prévue dans le cadre de la loi de finances pour 2010, qui a très profondément modifié la fiscalité locale sur les entreprises en supprimant la taxe professionnelle. Une mission parlementaire, à laquelle participe d’ailleurs M. Guené, est en cours. Christine Lagarde a bien l’intention d’être à l’écoute des propositions qui lui seront faites à la suite des travaux tant de cette mission que de la mission Durieux ; j’ai justement abordé la question avec Bruno Durieux tout à fait récemment, lors d’un voyage commun aux États-Unis.
L’IFER, en particulier, fait partie des questions qui doivent être traitées par la mission parlementaire dans le cadre de la clause de revoyure. En réalité, derrière cette question de l’IFER, c’est la situation des collectivités qui se sont engagées dans l’implantation d’éoliennes sur leur territoire qui est en cause. Nous retrouvons à nouveau les enjeux de l’acceptabilité et de l’incitation.
Comme l’affirmait M. Sido – c’est en tout cas ce que j’ai compris de ses propos –, un certain nombre de collectivités ont souhaité joindre l’utile à l’agréable. L’amour passionné que tous les élus locaux éprouvent pour les énergies renouvelables peut quelquefois être un peu stimulé par un certain nombre de dispositifs fiscaux…