Intervention de Anne-Marie Idrac

Réunion du 11 mai 2010 à 14h30
Débat sur la fiscalité des énergies alternatives

Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État :

… et c’est là que le bât blesse, d’autant plus que la situation intermédiaire peut durer très longtemps ; vous avez tous rappelé le temps qu’il faut entre le démarrage d’une procédure et l’entrée en service des équipements concomitante à l’application de l’IFER.

Dans le cas où les projets sont très avancés, irréversibles et où ils ont fait l’objet d’un véritable engagement de la part des élus locaux à la fois politiquement et sur le plan des procédures, il y a peut-être une difficulté si le nouveau régime fiscal est susceptible de s’appliquer alors que les collectivités et les opérateurs escomptaient l’ancien, cet élément ayant pu constituer un argument dans le débat public organisé avec la population.

Il faut rappeler que, dans l’ancien régime comme dans le nouveau régime – à vrai dire, dans tous les régimes –, une installation produit des recettes fiscales à compter de l’année qui suit son implantation et non à compter de l’année au cours de laquelle on a franchi telle ou telle étape dans la procédure. Si le retour fiscal pour les collectivités est plus modéré dans le nouveau régime que dans l’ancien, c’est non parce que la réforme a pour effet de diminuer la charge fiscale de l’exploitant d’installations éoliennes, mais tout simplement parce que la taxe professionnelle sur les éoliennes, par le biais du mécanisme du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, était de fait très largement prise en charge par l’État. Ce constat est apparu lors de la réforme de la taxe professionnelle.

Connaissant la force de l’attachement que le Sénat porte au lien entre les entreprises et les territoires, je trouve normal, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous vous exprimiez longuement et avec éloquence sur les difficultés des collectivités locales. Pour les régler, plusieurs familles de solutions sont possibles. En sa qualité de rapporteur et membre d’une mission temporaire auprès de Mme la ministre de l’économie et des finances, M. Guéné propose de revoir les paramètres de l’IFER, par exemple, en augmentant le tarif ou en modifiant la répartition du produit entre les différents niveaux de collectivités locales. Cette piste, comme d’autres, me paraît tout à fait intéressante, et je suis persuadée que Christine Lagarde examinera l’ensemble avec intérêt. La clause de revoyure évoquée par plusieurs d’entre vous constituera le moment opportun pour les creuser.

Toutes ces propositions devront naturellement faire l’objet d’une concertation entre les différentes familles d’élus. J’ai bien entendu M. Patriat s’inquiéter des aides qui seront apportées aux régions. Son interrogation est tout à fait normale : c’est le genre de débat que le Gouvernement a eu avec l’ensemble des associations d’élus et avec nombre d’entre vous. Il faudra aussi travailler avec les professionnels du secteur. À entendre vos propositions, je me dis que la clause de revoyure est en passe de montrer tout son intérêt !

Trois principes sont importants et nécessaires pour que ces dispositifs de soutien nous permettent d’atteindre notre objectif, qui est confirmé : 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique française en 2020.

Sur ces dispositifs assez foisonnants, convenons-en, mais que vous contribuez à clarifier, on peut retenir quatre points.

Il y a tout d’abord la question de l’acceptabilité, qui s’entend d’un double point de vue : d’une part, celui de la population et des collectivités locales, et, d’autre part, celui que dictent les termes fiscaux et économiques. Il faut trouver un équilibre entre ces deux facettes, qui se rejoignent. Comme le disait M. Houpert, la recherche de l’indépendance énergétique ne saurait compromettre l’indépendance financière.

Par ailleurs, il nous faut évidemment – et le groupe UMP qui a initié le débat ne saurait être d’un avis différent – être vigilants pour que cet objectif soit atteint au meilleur coût dans un contexte de maîtrise des dépenses budgétaires ou fiscales. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les propositions faites pour restreindre les périmètres ou faire un peu de toilettage là où l’on joue un peu trop avec la fiscalité.

Ensuite – j’ai souligné ce point à plusieurs reprises –, nous devons surveiller l’impact du développement des énergies renouvelables sur le prix de l’électricité payé par les Français. Les prix de rachat des énergies renouvelables pèsent, en effet, sur la contribution au service public de l’énergie, le CSPE, et, in fine, sur la facture d’électricité.

Enfin, il me semble important que nous adaptions nos dispositifs de soutien aux évolutions technologiques, avec une attention particulière – c’est un sujet auquel, pour en avoir souvent discuté avec lui, je sais M. Alduy très sensible – aux aspects de recherche, d’innovation et d’emplois, afin de rester concurrentiels. En effet, s’il n’y a pas de compétition sur les opérateurs, il y a bel et bien compétition sur les matériels – et Dieu sait qu’elle est rude, je peux en témoigner compte tenu des responsabilités qui m’ont été confiées ! Il faut faire preuve d’une vigilance extrême pour rester dans cette compétition particulièrement vive sur les matériels photovoltaïques et sur les matériels éoliens. Certains sont produits en Europe, d’autres viennent de beaucoup plus loin – de Chine, bien sûr. Il importe donc d’adapter en permanence nos dispositifs de soutien à l’évolution des technologies et à l’âpreté de la concurrence.

Puisque je parle d’adaptation, je voudrais rappeler ce que nous avons malheureusement subi en fin d’année dernière et que chacun d’entre vous garde en mémoire. Je veux parler de la sorte d’emballement constatée dans le secteur du photovoltaïque. Nous n’étions pas loin de la « bulle » et pouvons craindre qu’à l’avenir, si nous n’y prenons garde, des phénomènes de spéculation ne viennent se greffer sur ces dispositifs, notamment fiscaux. Notre volonté d’adaptation permanente doit nous éviter ce type de chose. Cela suppose de garder le cap, de maintenir l’objectif dans sa vigueur. Il faut être rigoureux pour que les investisseurs sachent où ils vont. Sur le plan politique, il doit être bien clair qu’il n’y a pas de différence ou d’écart par rapport aux souhaits que nous exprimions lorsque nous assurions la présidence de l’Union européenne.

Mais nous devons être en mesure de nous prémunir contre l’utilisation, voire le détournement ou la manipulation d’un certain nombre de dispositifs.

Je tiens enfin à saluer très fortement l’engagement manifesté au travers de ce débat par tous les orateurs, et, au-delà, par l’ensemble de cette assemblée en vue d’un développement équilibré, dynamique et volontariste des énergies renouvelables. Ce débat fait honneur à cette grande cause. Au nom du Gouvernement, je tenais à vous en remercier.

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