Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 22 janvier 2008 à 22h15
Statut de l'élu local — Discussion d'une question orale avec débat

Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier MM. Jean Puech et Patrice Gélard de leurs interventions, de l'exhaustivité avec laquelle ils ont abordé les différentes questions relatives au statut de l'élu, mais aussi de la hauteur de vue dont ils ont fait preuve en évoquant un certain nombre de sujets qui renvoient à des préoccupations plus larges.

Je souhaite également les remercier d'avoir suscité et orienté cette discussion, qui est non seulement au coeur de l'actualité, puisque nous sommes à quelques semaines des élections municipales, mais aussi au coeur de notre démocratie.

Vous le savez, je suis une élue locale, municipale et départementale, et j'ai également été à de multiples reprises une élue nationale ; cela expliquera peut-être tout à l'heure certains de mes propos.

En tant que ministre chargée des collectivités territoriales, je retrouve les problèmes auxquels sont confrontés les élus locaux. Je connais les exigences de leur mission et les attentes qu'elle engendre de la part de nos électeurs. Je n'ignore rien des contraintes que cette mission emporte pour eux et parfois pour leur famille, ainsi que, dans un certain nombre de cas, des risques qu'elle présente. Je sais ce qu'un mandat électif signifie en termes d'engagement personnel, étant entendu que les mandats locaux, en particulier, permettent de tisser des liens très forts avec la population.

Être à la tête d'un exécutif local, c'est être en première ligne des attentes de nos concitoyens.

Pour permettre aux élus locaux de faire face à leurs charges, de nombreuses dispositions ont été mises en place au fil des années. J'ai le sentiment qu'elles forment aujourd'hui un ensemble cohérent et équilibré, mais qui peut et doit être complété. C'est également ce que j'ai retenu des différentes interventions que je viens d'entendre.

Par ailleurs, j'en suis persuadée, l'insatisfaction ressentie par certains élus locaux trouve surtout son origine dans notre paysage institutionnel. En effet, nombre d'élus locaux estiment qu'il faut clarifier les responsabilités ; je l'ai d'ailleurs dit devant l'Association des maires de France, et les répercussions ne se sont pas fait attendre. Nous avons tout simplement besoin de savoir qui fait quoi.

J'évoquerai tout d'abord l'actuel statut des élus locaux, qui me semble constituer un bon compromis entre protection et libre administration.

Les différentes dispositions prises ont permis de réunir un certain nombre d'éléments que l'on retrouve dans n'importe quel statut. Finalement, peu importe que l'on utilise ce dernier terme ou non, car c'est la réalité qui importe. Or, pour tenir compte des charges occasionnées par l'exercice d'une fonction élective locale, le législateur a progressivement mis en place des droits et des garanties.

Ainsi, comme cela a d'ailleurs été rappelé, de nombreux dispositifs permettent de concilier activité professionnelle et mandat local. Je pense en particulier aux autorisations d'absence, aux crédits d'heures pour participer aux séances plénières des assemblées ou à la suspension du contrat de travail.

Pour autant, avons-nous tout réglé ? Bien sûr que non ! M. Couderc et Mme Mathon-Poinat ont pointé un certain nombre de difficultés. Le premier a parlé des professions libérales et des travailleurs indépendants, la seconde a évoqué - je m'en réjouis d'ailleurs - les problèmes des femmes, notamment des femmes jeunes, pour lesquelles il n'existe pas véritablement de réponses appropriées. En définitive, quelles réponses pouvons-nous apporter à ces situations ?

Peut-être faut-il s'intéresser non seulement à l'exercice du mandat, mais aussi à la fin du mandat ?

De même, le droit à la formation est aujourd'hui pleinement reconnu, et ce par le biais d'actions financées par la collectivité. Je pense en particulier au congé-formation des salariés qui sont aussi des élus.

Le régime indemnitaire lui-même a sensiblement et favorablement progressé. Entre 2000 et 2007, les indemnités des maires et des présidents d'assemblées locales ont augmenté en moyenne de 55 %.

La réinsertion professionnelle, évoquée par M. Jean-Léonce Dupont, est aussi un enjeu majeur, notamment pour la fin de mandat. Si cette question ne conditionne pas les vocations, elle constitue toutefois un frein à l'exercice d'une fonction élective, chacun se posant la question de son devenir.

Certes, la création, en 2002, de l'allocation de fin de mandat a permis d'apporter un élément de réponse à cette problématique. Le stage de remise à niveau lors du retour dans l'entreprise ou le bilan de compétences sont des éléments susceptibles d'aider les élus. Cependant, ces dispositions, à mon sens, ne vont pas assez loin.

Cela a été dit tout à l'heure, l'exercice, pendant de longues années, d'un mandat local ou national peut aussi être un enrichissement pour la collectivité au sens large, notamment au niveau du fonctionnement administratif. Il serait donc normal que les élus nationaux bénéficient d'une sorte de troisième voie, comme il en existe une pour l'ENA, permettant d'accéder à la haute fonction publique. Sur le plan local, un dispositif similaire devrait être envisagé. À cet égard, il existe sans doute des points sur lesquels nous pourrions travailler, d'autant qu'il s'agit d'une manière de supprimer des contraintes et d'élargir des possibilités.

Si j'évoque d'abord ce point, c'est parce qu'il me semble nécessaire de prolonger ensemble, puisque la proposition m'en a été faite, la réflexion sur un certain nombre de mesures susceptibles de faciliter au quotidien l'exercice des mandats locaux. Il est en effet trop facile de parler des problèmes en général : il faut aussi identifier ce à quoi nos collègues élus se heurtent au quotidien.

Selon moi, l'objectif mentionné par certains de faire de la fonction d'élu une profession à temps plein pose à mon sens un problème, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons tous, dans nos départements, de très petites communes pour lesquelles on ne voit pas très bien en quoi pourrait consister la profession d'élu à temps plein. Or, ne l'oublions pas, il s'agit tout de même de l'immense majorité des communes en France !

Ensuite, pour le maire d'une grande ville, l'exercice de son mandat n'est pas forcément beaucoup plus contraignant que pour le maire d'une ville de taille plus modeste. En effet, le premier dispose d'une administration qui le décharge de très nombreuses tâches, tandis que, vous le savez aussi bien que moi, le second est souvent amené à exercer lui-même une bonne part des responsabilités qui lui incombent.

Par ailleurs, le risque d'une fonctionnarisation des élus locaux ne doit pas être sous-estimé. Je le rappelle, dans certains pays, les maires sont en réalité des fonctionnaires.

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