Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 22 janvier 2008 à 22h15
Statut de l'élu local — Discussion d'une question orale avec débat

Michèle Alliot-Marie, ministre :

Dieu sait si je suis favorable à ce que l'on regarde ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières, mais il faut bien avoir à l'esprit que tous les pays n'ont ni la même histoire ni la même structure. Je vous le dis très clairement, une telle évolution n'est pas dans ma philosophie. C'est également, d'ailleurs, la position de M. Jacques Pélissard, le président de l'Association des maires de France, puisqu'il déclare : « Pour autant, ce serait méconnaître la nature du mandat local que de croire que celui-ci ne pourra être le fait que des professionnels des politiques locales. »

M. Jean Puech le sait, c'est pour ces mêmes raisons que je ne partage pas tout à fait l'analyse de l'Observatoire de la décentralisation sur le « cumul des mandats ». Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, j'ai le sentiment que le problème n'est pas posé dans les bons termes.

Tout d'abord, il faut garder à l'esprit que, pour les Français, cumul des mandats signifie cumul des avantages ou des rémunérations, alors que, nous le savons très bien, ce n'est pas le cas. Plutôt que de cumul, je préfère parler de complémentarité. Mon expérience m'a montré qu'il existe une véritable complémentarité entre certains types de mandats, notamment entre les mandats nationaux et les mandats locaux.

À mes yeux, le fait d'être à la fois maire et député ou sénateur permet d'enrichir les mandats, en offrant la possibilité de rencontrer les gens au quotidien. Il ne suffit pas d'avoir occupé une autre fonction, car notre société ne cesse de changer. Quand on vote la loi, il est important de savoir ce que disent les gens dans le pays !

De la même façon, le fait d'être à la fois conseiller général et conseiller régional me paraît aujourd'hui très complémentaire. Les compétences n'étant peut-être pas toujours bien distinctes à l'heure actuelle, cela permet de voir l'action menée ou à mener conjointement sur le terrain.

Nous pourrions bien sûr en discuter : je me contente de vous livrer mon analyse et mon sentiment, qui représente, me semble-t-il, une façon différente d'aborder le problème.

Car on peut aussi le poser en ces termes : le fait d'exercer plusieurs mandats permet-il d'apporter quelque chose de plus ? La réponse permettrait sans doute de modifier quelque peu le regard de nos concitoyens sur ce que nous faisons.

Des voies d'amélioration méritent d'être étudiées dans d'autres domaines, pour que les élus locaux puissent exercer leur mandat avec davantage de sérénité.

Madame Goulet, vous l'avez souligné à travers l'exemple du centre de formation des élus locaux, il y a parfois une mauvaise information sur ce qui existe. Les élus locaux ont besoin, me semble-t-il, de mieux connaître leurs droits. C'est pourquoi j'ai décidé de remettre à chaque maire, en mars prochain, un guide du maire nouvellement élu. En effet, lors de ma première élection, je me suis posé un certain nombre de questions, et le fait d'avoir siégé préalablement au sein d'un conseil municipal ne m'a pas forcément permis d'y répondre.

Je souhaite également engager, avec Mme le garde des sceaux, un chantier sur les risques pénaux encourus par les exécutifs locaux. C'est un vrai problème de fond, que plusieurs d'entre vous, en particulier M. Jean-Léonce Dupont, ont abordé.

De fait, aujourd'hui, pour cette raison, un certain nombre d'élus ne veulent pas se représenter. Ne sous-estimons pas la crainte du risque pénal dans cette décision.

Certaines infractions qualifiées d'intentionnelles méritent certainement un traitement plus adapté dès lors qu'elles concernent des exécutifs locaux. Sans doute des progrès ont-ils été réalisés s'agissant des infractions non intentionnelles. Il reste que, dans différents domaines, la commande publique, par exemple, la responsabilité du chef de favoritisme et de prise illégale d'intérêt ne correspond pas forcément à une intention frauduleuse.

Dans un contexte de « juridicisation » croissante de la vie publique, je suis frappée de constater que, lors des périodes pré-électorales, se multiplient les actions menées, en particulier, contre des maires. Il y a une sorte d'instrumentalisation du droit à des fins politiques, ce qui, non seulement est dommageable pour les élus mais encore n'est pas sain pour la démocratie. Il faut éviter cette dérive.

Par ailleurs, la représentation de certaines catégories socioprofessionnelles pourrait être améliorée. Ce point a été évoqué notamment par Mme Goulet et M. Jean-Léonce Dupont.

Contrairement à une idée reçue, le problème réside non pas dans le fait que des retraités ou des fonctionnaires exercent des mandats locaux, mais dans l'insuffisance de représentation des employés et des ouvriers à ces fonctions. Il s'agit non d'écarter certains, mais de voir comment d'autres catégories pourraient y accéder.

À cet égard, la sortie du mandat électif est un sujet sur lequel nous devons travailler ensemble : que deviendra l'élu à la fin de son mandat ? Cette question se pose pour les professions libérales ou les travailleurs indépendants, mais également pour les salariés. C'est un vrai problème, qui touche d'ailleurs plus les mandats nationaux que les mandats locaux.

Monsieur Collombat, je ne suis d'ailleurs pas sûre que les indemnités puissent tout régler, notamment le problème que je viens d'aborder ? En tout cas, à cet égard, il convient de souligner une difficulté liée à l'extrême variété des situations selon la taille des communes.

Je le dis comme je le pense, je suis choquée par le fait que, à l'heure actuelle, les indemnités perçues par un maire sont très inférieures à celles que touchent son directeur des services, voire certains de ses directeurs, alors même que c'est lui qui endosse la totalité de la responsabilité, à la fois politique et pénale. Une telle situation me paraît anormale.

En même temps, je conviens qu'il ne faut pas prendre le risque de créer des charges supplémentaires trop lourdes pour les communes.

Des solutions ont été évoquées par certains d'entre vous, mais je ne suis pas sûre qu'elles soient faciles à mettre en oeuvre.

Quoi qu'il en soit, je souhaite que nous débattions de ces questions dans un climat de confiance et de bonne foi, notamment au sein de la Conférence nationale des exécutifs, qui est l'instance appropriée, afin d'avancer sur ce sujet.

En ce qui concerne les élus des Français de l'étranger, au sujet desquels vous m'avez interrogée, monsieur del Picchia, je connais les contraintes, les difficultés, les risques auxquels ils doivent faire face. Vous avez évoqué en particulier le problème de leur protection sociale. Je suis prête à étudier avec vous des possibilités d'améliorations concrètes de leur situation afin de répondre dans la mesure du possible à leur attente et, ne l'oublions pas, de leur permettre de jouer pleinement le rôle important que nous leur assignons.

Après cette courte excursion hors de nos frontières, je reviens au territoire national.

À travers la question du statut de l'élu local, c'est celle de la lisibilité des responsabilités locales qui est posée, ainsi que vous l'avez excellemment souligné, monsieur Puech.

Ma conviction est que les élus locaux, tout comme l'ensemble de nos concitoyens, souhaitent une plus grande clarté dans le partage des compétences entre les différents niveaux d'administration. Leur attente est légitime. Ils ont besoin de pouvoir identifier qui fait quoi.

Monsieur Doligé, vous l'avez rappelé, la lisibilité est essentielle pour les élus locaux, car c'est elle qui leur permet d'exercer au mieux leurs responsabilités. Trop de maires se demandent à qui s'adresser pour obtenir telle ou telle réponse en vue de mener telle ou telle action.

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