Intervention de Jean-Jacques Mirassou

Réunion du 11 mai 2010 à 14h30
Situation des personnes prostituées — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-Jacques MirassouJean-Jacques Mirassou :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner que le fait que la liste des orateurs inscrits dans ce débat ne comporte que deux hommes est en soi symptomatique… Cela montre qu’il reste beaucoup de chemin à faire, y compris pour les parlementaires, dont le rôle consiste pourtant à éclairer, à précéder l’opinion publique sur un sujet aussi délicat que celui-ci, dont le traitement, il faut le reconnaître, n’a jamais été satisfaisant sur le plan politique, au sens premier du terme.

Nous sommes nombreux à affirmer que la prostitution n’est pas un mal nécessaire. L’opinion commune selon laquelle elle jouerait un rôle déterminant dans la diminution du nombre des viols et des violences faites aux femmes est systématiquement démentie par les statistiques, et fait l’impasse sur le sort et les conditions de vie des personnes prostituées, qui ne cessent de se dégrader.

Le Mouvement du Nid dénonce, à juste titre, la prostitution comme un impitoyable système marchand. Pour les professionnels chargés d’accueillir et d’accompagner les prostituées, elle constitue incontestablement une forme de violence faite aux femmes.

Malheureusement, de notre point de vue, la difficile situation des personnes prostituées s’est encore aggravée à la suite de l’adoption de la loi pour la sécurité intérieure. Ce texte a en effet instauré le délit de racolage passif, en ajoutant des contraintes répressives aux violences que subissent déjà les personnes prostituées.

La lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée grande cause nationale de l’année 2010. Nous nous étonnons donc de la relative discrétion du Gouvernement sur ce sujet, alors qu’il y a là, véritablement, une occasion de s’intéresser aux violences liées à la prostitution.

Dans le même temps, c’est également l’occasion de poser les bases d’une politique permettant de protéger, d’aider et de réinsérer les personnes prostituées, qui sont majoritairement des femmes. Cela permettrait à notre société de faire un formidable bond en avant dans le traitement d’un phénomène qui exige d’être appréhendé dans sa globalité.

La loi de 2003, qui fait peser pour une large part la menace répressive sur les principales victimes de la prostitution, c’est-à-dire les prostituées, n’est pas de nature à favoriser l’évolution positive que nous appelons de nos vœux. Mais il est vrai que ce texte avait pour principal objet de répondre à l’exaspération légitime de riverains lassés par le spectacle de la prostitution. Ses promoteurs avaient aussi pour objectif déclaré de combattre le proxénétisme, en prétendant bizarrement protéger les prostituées par le biais d’un dispositif qui permet de les emprisonner !

Pour être tout à fait objectif, je me dois d’évoquer également les dispositions relatives à l’ouverture de places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale.

Malheureusement, les informations que nous transmettent les associations de terrain nous font craindre que ce volet de la loi ne soit pas réellement appliqué. En effet, l’Amicale du Nid de Haute-Garonne constate que des réseaux mafieux et communautaires de proxénétisme se sont puissamment organisés pour contourner les termes de la loi pour la sécurité intérieure. Elle souligne, par ailleurs, que ses équipes de rue rencontrent de plus en plus de difficultés pour rencontrer le public avec lequel elles travaillent.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, monsieur le ministre, de nous rassurer sur l’application de la loi de 2003 et de nous faire part de vos intentions. En effet, il convient de faire enfin sortir ce débat de l’ornière et des non-dits, afin de pouvoir envisager des solutions qui soient de nature à permettre à notre société de faire un bond en avant sur cette question.

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