Étant donné – je le répète – que ces taux sont totalement déconnectés de la réalité des marchés, je n’ai pas d’opposition de fond à la réduction proposée.
Néanmoins, plusieurs interrogations demeurent. Ainsi, le taux d’intérêt moratoire serait cinq fois supérieur au taux d’intérêt légal.
Bien sûr, d’un point de vue budgétaire, le constat est sans appel. Les intérêts moratoires versés aux contribuables ont fortement augmenté au cours des dernières années. En 2016, ils ont atteint près de 340 millions d’euros. En la matière, l’incidence budgétaire s’est révélée particulièrement significative du fait du contentieux relatif à la taxe à 3 %, résultant de la décision du Conseil constitutionnel.
Je vous rappelle que la censure subie par cette taxe a suscité un risque de décaissement des intérêts moratoires de près de 900 millions d’euros. À cet égard, la modification apportée permet de contenir le coût pesant, du fait des contentieux, sur les finances publiques.
J’y insiste, si je prends la parole en cet instant, ce n’est pas pour exprimer un désaccord de fond : au demeurant, la commission des finances n’a pas jugé utile de modifier l’article 24. Toutefois, je tiens à m’arrêter sur les questions de méthode. À ce titre, je souhaite formuler plusieurs observations.
Malgré nos relances nombreuses, le Gouvernement ne nous a transmis aucune évaluation chiffrée de l’impact budgétaire de la mesure qu’il propose.
Plus largement, ses réponses sont restées très parcellaires : nous n’avons reçu aucun historique des intérêts moratoires versés par l’État. On s’est contenté de nous indiquer qu’environ 800 millions d’euros d’intérêts de retard seraient notifiés annuellement au titre des contrôles fiscaux. Dans le même esprit, les intérêts moratoires que l’État pourrait verser au titre des différents contentieux européens seraient estimés à 3, 9 milliards d’euros.
Lorsque j’ai pris connaissance du présent article, ma première question a été la suivante : concrètement, l’État est-il gagnant ou perdant ? Dans le cadre des divers contentieux engagés, la France verse-t-elle davantage d’intérêts moratoires qu’elle n’en reçoit ? Sur ce point, nous n’avons pas obtenu d’analyse précise.
Du point de vue de la commission, l’État serait gagnant grâce à la diminution des taux d’intérêt légal et d’intérêt moratoire. Mais j’ai du mal à croire que le Gouvernement ne dispose pas de chiffrages plus précis, année par année. À mon sens, la diminution décidée est peut-être significative, malheureusement, d’une augmentation du nombre de contentieux.
Pour réduire le risque de contentieux, notamment, d’erreurs comparables à la taxe à 3 %, le meilleur moyen, c’est encore de mieux légiférer : si les commissions des finances des deux assemblées recevaient les amendements du Gouvernement avec un tant soit peu d’avance, on ne serait pas contraint de créer, sur un coin de table, des taxes de dernière minute !