Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 11 mai 2010 à 14h30
Situation des personnes prostituées — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi pour la sécurité intérieure, spécifiquement son article 50, marque une rupture dans l’histoire de la prostitution et de sa place dans notre société.

Depuis sept ans, la personne prostituée est condamnable, son identité sociale et économique est devenue pénale et elle se voit assimilée à un délinquant, à un hors-la-loi. Cette fragilisation statutaire conduit certaines travailleuses du sexe à considérer les violences qu’elles subissent comme faisant partie des « risques du métier », tandis que d’autres intègrent totalement ce stigmate.

Dans ce contexte de précarisation, les violences commises à l’endroit des personnes prostituées ont connu une augmentation sans précédent.

Je voudrais centrer mon intervention sur deux points : les femmes étrangères et les associations.

Si toutes les travailleuses du sexe sont frappées par la disposition que j’évoquais, je souhaite porter une attention particulière aux prostituées étrangères. Comme l’expliquait lors d’une rencontre l’association Cabiria, « les effets de la loi de sécurité intérieure sont bien pires encore pour les femmes étrangères, puisque leur permis de séjour pourra leur être retiré et qu’elles seront expulsées ». Quant à celles qui ne sont pas en situation régulière, en cas d’arrestation, elles sont le plus souvent reconduites à la frontière !

Quel crédit accorder à une disposition législative qui devait permettre aux travailleuses du sexe de bénéficier d’un titre de séjour si elles dénonçaient leur proxénète ? Selon les associations du département dont je suis l’élue, le Rhône, seuls des récépissés de trois mois sont délivrés, et, régulièrement, ils ne sont pas renouvelés, sans explication, alors même que l’enquête judiciaire est en cours.

Qui plus est, dans quelle position se trouvent toutes celles qui ont fui leur pays à cause de la misère ou d’une condition sexiste insoutenable et qui n’ont pas de proxénète ? Monsieur le ministre, ce sont là des interrogations essentielles, qui nécessitent des réponses !

J’évoquerai à présent en quelques mots la situation des associations.

Nous le savons tous, le tissu associatif qui œuvre depuis des années auprès des travailleuses du sexe est essentiel, et plus encore depuis l’entrée en vigueur du texte en question. Or nous constatons que l’engagement des associations s’est à la fois complexifié et précarisé.

Il s’est complexifié parce que les prostituées, désormais considérées comme des délinquantes par la loi, fuyant la multiplication des contrôles et les possibles arrestations, souvent interdites d’exercice dans les villes intra muros, ont déserté les centres-villes et migré en périphérie. Dorénavant, elles travaillent sur des territoires excentrés, quand ce n’est pas en pleine campagne, avec toutes les conséquences que cela emporte.

Cette situation de fait rend le travail des associations beaucoup plus difficile et aléatoire. La sédentarisation des prostituées étant devenue précaire, les contacts entre les travailleurs sociaux et les travailleurs du sexe se trouvent handicapés.

Cette précarisation a également poussé nombre de professionnels du sexe à trouver refuge dans des appartements et à exercer via internet. Cette clandestinité dessert les indispensables actions d’éducation et/ou de prévention sanitaire, mais aussi les suivis individuels.

Or, nous le savons, le travail effectué par ces associations est sans égal : en particulier, grâce au dynamisme associatif, les travailleuses du sexe sont devenues des agents de prévention et de promotion sanitaire : eh oui ! J’en veux pour preuve la gestion de l’épidémie de sida qui a été assurée par ces professionnelles à la fin des années quatre-vingt et jusqu’à aujourd’hui. Avec la loi pour la sécurité intérieure, c’est toute cette dynamique de prévention sanitaire qui a été mise à mal.

Enfin, alors que les dépenses augmentent du fait de la complexification des missions, comment ne pas évoquer les difficultés financières auxquelles se trouvent de plus en plus souvent confrontées les associations, en raison de la baisse, parfois drastique, des subventions de l’État ?

Ainsi, en ajoutant à l’exclusion des personnes prostituées la criminalisation de leur activité, l’article 50 de la loi pour la sécurité intérieure a accentué la précarisation de milliers de travailleurs du sexe et rendu beaucoup plus difficile l’action essentielle des associations accompagnantes. Au regard des objectifs visés, il s’agit d’un échec patent, qui nous conduit à demander l’abrogation de cette disposition.

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