Intervention de André Reichardt

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 décembre 2017 à 8h35
Justice et affaires intérieures — Comité de sécurité intérieure cosi : communication de mm. jacques bigot et andré reichardt

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, président :

Le COSI est un instrument pour le moins discret, à tel point que je m'interrogeais, avant de travailler sur le sujet, sur les attributions et l'importance réelles de cet organe. C'est un comité de coopération opérationnelle ; compte tenu des préoccupations de notre commission à propos des enjeux de sécurité, nous avons estimé, Jacques Bigot - dont je vous prie d'excuser l'absence - et moi-même, qu'il méritait une communication. Quels sont le rôle du COSI, ses compétences, son bilan ? Sont-ils à la hauteur des enjeux ?

Le COSI a été créé par l'article 71 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et fait l'objet d'une décision du Conseil du 25 février 2010.

Institué au sein du Conseil, il élabore les projets de conclusions de ce dernier. Il est chargé, grâce à une coordination des autorités nationales compétentes, d'assurer la promotion et le renforcement de la coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure dans l'Union européenne, y compris dans les domaines couverts par la coopération policière et douanière et par les autorités chargées du contrôle et de la protection des frontières extérieures. Dans le cadre de son mandat, il couvre également, le cas échéant, la coopération judiciaire en matière pénale.

De plus, il évalue l'orientation générale et l'efficacité de cette coopération opérationnelle et adopte des recommandations concrètes visant à remédier aux éventuelles lacunes ou défaillances identifiées. Toutefois, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) nous a précisé que l'évaluation, dans l'acception que recouvre ce terme à Bruxelles, relève de la Commission européenne, le COSI étant chargé par le Conseil de suivre la mise en oeuvre par les États membres des politiques de sécurité. Néanmoins, les institutions sont toujours réticentes à pointer du doigt les défaillances nationales - ce n'est certes pas le seul cas dans le fonctionnement de l'Union européenne, mais cela est encore plus vrai dans ces matières régaliennes.

En revanche, le COSI n'est associé ni à la conduite des opérations, qui reste une compétence nationale, ni à l'élaboration des actes législatifs.

Il contribue à assurer la cohérence de l'action des agences européennes dans le domaine de la sécurité. Du fait de ses missions en matière de criminalité organisée et de lutte contre le terrorisme, Europol est l'agence la plus impliquée dans les travaux du COSI. Ainsi, Europol présente deux fois par an au COSI une évaluation de la menace, au niveau global et régional. Néanmoins, l'acuité de la crise migratoire conduit à une implication croissante de Frontex.

Enfin, le Conseil doit tenir le Parlement européen et les parlements nationaux informés des travaux du COSI.

Le COSI se réunit à l'initiative de la Présidence du Conseil, trois ou quatre fois par semestre, mais peut tenir des réunions extraordinaires, comme ce fut le cas le 16 novembre 2015, trois jours après les attentats en France. Il dispose d'un groupe de soutien, dit GS COSI, qui prépare ses travaux et se réunit de façon plus fréquente et informelle. Il peut également confier des missions spécifiques à d'autres groupes de travail du Conseil. Son secrétariat est assuré par le Secrétariat général du Conseil.

La France est représentée au COSI par le coordinateur « Justice et affaires intérieures » (JAI) de notre Représentation permanente auprès de l'Union européenne et par la direction de la coopération internationale du ministère de l'intérieur, qui est une structure commune à la police et à la gendarmerie. Toutefois, l'époque où le directeur général de la police nationale en personne siégeait au COSI est révolue.

La transversalité des sujets abordés - lutte contre le terrorisme, contrôles aux frontières extérieures, immigration irrégulière, interopérabilité des systèmes d'information, etc. - requiert une approche globale de la sécurité et, au niveau français, interministérielle. Le COSI peut également traiter des liens entre les dossiers JAI et la politique de sécurité et de défense commune.

Au total, les sujets les plus fréquemment abordés au sein du COSI sont d'abord la mise en oeuvre des mesures prises au titre de la stratégie de sécurité intérieure renouvelée pour l'Union européenne 2015-2020, approuvée par le Conseil le 10 juin 2015, puis la mise en place et le suivi du cycle politique quadriennal de lutte contre la criminalité organisée, qui consistent à définir, sous la forme de plans d'action opérationnels, des priorités et des objectifs sur la base d'une évaluation de la menace réalisée par Europol et les agences européennes de sécurité.

On le voit, le COSI traite de sujets sensibles liés aux compétences régaliennes et donc à la souveraineté des États membres. Traiter du terrorisme, par exemple, implique généralement de partager des informations relevant du renseignement. Cela contribue sans doute à expliquer certaines difficultés de son fonctionnement et les limites de ses activités.

En effet, d'après nos interlocuteurs, le bilan du fonctionnement du COSI, s'il a indéniablement permis un meilleur travail opérationnel, est mitigé.

Alors que la crise migratoire et le risque terroriste constituent désormais des priorités de l'Union européenne, la politique de sécurité et la coopération policière au niveau européen requièrent naturellement des orientations stratégiques. Or, il n'est pas certain que le COSI soit en capacité de remplir pleinement ce rôle. Il ne serait pas non plus le lieu d'une véritable évaluation de la mise en oeuvre des mesures adoptées au Conseil. Dès lors, l'éventuel décalage entre les décisions européennes et leur application effective au sein des États membres serait sous-estimé, voire ignoré.

D'après un diagnostic largement partagé, le COSI se heurterait en effet à plusieurs difficultés. D'abord, les représentants au COSI n'ont pas nécessairement le niveau requis et n'ont pas toujours une vision globale des enjeux de sécurité. De plus, certaines délégations, faute d'une position clairement validée au niveau national, ne disposent que d'une faible marge de négociation. Ensuite, la fréquence trop importante des réunions du groupe de soutien contribuerait à vider les réunions plénières du COSI de leur substance. Enfin, ces réunions seraient devenues excessivement technocratiques, avec des sujets de plus en plus nombreux, mais très techniques, et une absence de priorités : la discussion stratégique s'en trouve dès lors largement absente.

Au total, le COSI ne remplit qu'imparfaitement son rôle d'impulsion et de pilotage, à tel point qu'il a pu être qualifié de chambre d'enregistrement.

Deux tentatives de réformes ont été conduites afin de repositionner le COSI à un niveau plus stratégique et de le rendre plus efficace. La première date de 2014 ; la seconde a été initiée par la France et l'Allemagne en août 2016, et partiellement reprise par la présidence maltaise, pour redynamiser l'instance. Des discussions ont eu lieu sur la façon de rehausser le rôle du COSI, lors de sa réunion informelle des 27 et 28 avril derniers à Malte.

À l'issue de ces discussions, le COSI a pris un certain nombre de décisions : travailler en trio entre ses trois présidents successifs pour inscrire son action dans le plus long terme ; se réunir sur des sujets transversaux constituant des priorités de l'Union européenne ; mieux coordonner l'activité du groupe de soutien et celle du COSI. On le voit, ces décisions ont une portée limitée, et notre pays aurait probablement souhaité aller plus loin pour rendre le fonctionnement du COSI plus opérationnel, en particulier sur des sujets fondamentaux comme la cybercriminalité, l'échange d'informations ou l'interopérabilité des systèmes d'informations.

Un point, enfin, sur l'information relative aux activités du COSI dont les parlements nationaux, avec le Parlement européen, sont destinataires. La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen auditionne régulièrement, nous dit-on, le président du COSI. Le Conseil élabore également un rapport transmis aux parlements nationaux - cinq jusqu'à présent. Chacun d'entre eux couvre une période de 18 mois ; le dernier porte sur la période allant de janvier 2016 à juin 2017. Il a été transmis au Sénat par le SGAE le 30 novembre dernier, fort opportunément avant notre réunion...

Ce rapport, qui relate une activité fortement marquée par la mise en oeuvre de la stratégie de sécurité intérieure de l'Union européenne 2015-2020, contient des informations intéressantes qui rappellent les actions entreprises au niveau européen. Il met en particulier l'accent sur le rôle croissant des agences européennes de sécurité et sur les liens entre sécurité européenne et dimension extérieure de l'Union.

Néanmoins, compte tenu de la période couverte, sans doute trop longue, et de la date tardive de transmission, on peut s'interroger sur son intérêt. Il ne s'agit pas tant de produire un rapport de plus pour satisfaire une obligation juridique que d'apporter aux parlementaires des informations utiles.

Vous l'aurez compris, ce comité permanent de coopération opérationnelle ne possède pas un bilan à la hauteur de son titre. Notre commission pourrait intervenir auprès du Gouvernement pour améliorer l'information de la Représentation nationale sur ces questions fondamentales.

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