Intervention de René Vestri

Réunion du 11 mai 2010 à 22h15
Bilan d'application de la loi portant réforme portuaire — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de René VestriRené Vestri :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme nous l’avons tous constaté, depuis de trop nombreuses années, les ports français ne profitent pas de la croissance du trafic international et perdent des parts de marché au profit de leurs concurrents européens – Anvers, Rotterdam, Barcelone, Gênes –, car les deux tiers des marchandises importées en France par la mer sont débarquées dans un port étranger.

La France, qui possède trois façades maritimes, devrait pourtant figurer au premier rang des pays portuaires européens, compte tenu de sa situation de carrefour de l’Europe. C’est dans un contexte international de plus en plus compétitif que le Gouvernement a proposé une réorganisation portuaire au travers de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, organisant la décentralisation des ports d’intérêt national, et de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, instaurant les grands ports maritimes.

La réforme portuaire voulue par le Président de la République s’articule autour de quatre objectifs qu’il est utile de rappeler dès à présent : la redéfinition du rôle du grand port maritime, le GPM, centré, d’une part, sur les missions d’autorité publique que sont notamment la police et la sûreté portuaire et, d’autre part, sur la mission d’aménageur de l’espace public portuaire ; la coordination, par façade maritime, des politiques commerciales portuaires en insistant sur la complémentarité des offres de services par bassin de navigation ; la simplification de l’organisation de la manutention portuaire grâce à la « verticalisation » des services de manutention portuaire ; enfin, la modernisation de la gouvernance permettant aux acteurs du territoire d’être associés au processus de décision à l’intérieur du grand port maritime.

La loi du 4 juillet 2008 est la traduction de l’ambition maritime de la France. Elle s’intègre pleinement dans la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi et préfigure un espace maritime européen commun.

Elle vient parachever le dispositif législatif des grands ports français, en constante évolution depuis la loi de 1965 sur l’autonomie des ports, complétée en 1992 par la loi sur la manutention portuaire, en 1994 par la loi sur la gestion domaniale et, en 2004, par la décentralisation des ports maritimes non autonomes relevant de l’État.

La loi de 2008 doit permettre aux sept grands ports maritimes français que sont Bordeaux, Dunkerque, Le Havre, La Rochelle, Rouen, Nantes–Saint-Nazaire et Marseille de retrouver une place prépondérante dans le commerce mondial.

Les principaux effets attendus de son application sont la création de 30 000 emplois au cours des cinq prochaines années, ainsi que le développement de nouveaux axes d’échanges commerciaux dans un cadre de gouvernance mieux coordonné.

Ces objectifs devraient être atteints principalement grâce à la mise en place de partenariats public-privé novateurs, s’appuyant sur le transfert des outillages et des personnels concernés vers des opérateurs privés, dans la droite ligne de l’accord-cadre national signé le 30 octobre 2008, et qui trouve des déclinaisons précises, port par port.

Sur le plan des investissements, et malgré la crise économique qui touche le commerce mondial, tous les directoires des grands ports maritimes ont adopté, depuis avril 2009, les projets stratégiques quinquennaux d’investissement pour une enveloppe globale de 2, 5 milliards d’euros.

Ces sommes seront complétées par 231 millions d’euros, mobilisés soit au titre des contrats de projet État-région, soit au titre du plan de relance de l’économie.

À la condition de tirer les enseignements du passé – je pense notamment à l’enlisement du dossier de la forme 10, au port de Marseille –, force est de constater que le visage des grands ports maritimes devrait changer en profondeur dans les cinq prochaines années.

Des investissements plus « verts », plus en accord avec les préconisations du Grenelle de la mer, devraient être par ailleurs soutenus. Il devrait en être ainsi des ports automatisés, qui sont des solutions d’avenir, et qui auraient bien besoin d’une vitrine d’exposition sur le domaine portuaire.

Sur le plan des transferts de personnels de manutention des ports vers les opérateurs privés, la situation est, bien évidemment, très sensible. Cette mesure concerne environ 2 000 personnes – essentiellement les grutiers et les portiqueurs – soumises aux mêmes règles que les dockers depuis la réforme instituée par la loi de 1992, dite réforme Le Drian.

D’ailleurs, au Havre, le détachement des 600 agents de la « direction outillage » n’est toujours pas effectif au moment où je vous livre cette communication, alors qu’il aurait dû intervenir au 1er janvier 2009, c’est-à-dire voilà exactement dix-sept mois.

Mais il n’y a pas, en la matière, de quoi s’inquiéter, car la mise en œuvre de ces dispositions implique par nature des processus de négociation assez longs. Ainsi, dans le port de Marseille, l’application pleine et entière de la loi du 9 juin 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes, a été finalisée avec les partenaires sociaux le 17 juillet 1998, dans le cadre du développement du centre logistique de Fos-Distriport, soit six ans après.

Le rôle du grand port maritime français, dans sa nouvelle configuration, est bien, tout d’abord, de faciliter ces transferts de personnels en jouant un rôle de conciliateur dans les négociations sur ce processus de mutation, avant d’y adosser une politique cohérente d’investissement et de renouvellement des matériels.

Tel est bien l’esprit de la réforme portuaire traduite dans la loi du 4 juillet 2008 pour les grands ports maritimes. Mais ces derniers ne sont pas les seuls concernés par la réforme.

De fait, la loi de 2008 a également prévu, à la demande de mon collègue Jean-François Legrand, de nouvelles dispositions transversales applicables aux ports transférés aux collectivités locales.

Ces dispositions, qui ont modifié en profondeur l’esprit du code des ports maritimes, devaient permettre aux collectivités locales de financer les nécessaires travaux de maintien en état des infrastructures, y compris dans les cas où il existe un concessionnaire, en leur affectant des ressources issues directement des droits de port.

Alors que les retombées financières pour les budgets des collectivités locales sont très importantes et, surtout, récurrentes, il semblerait que cette partie de la réforme soit encore méconnue de la plupart des collectivités concernées.

Dans le même esprit, il me semble important que la notion de compétitivité et de complémentarité soit au cœur d’une future réflexion sur les ports maritimes qui sont devenus, en quelques années, le centre de gravité des territoires où ils sont implantés.

En effet, la logique de proximité des centres de décision, qui est au cœur de la réforme portuaire, n’est pas appliquée de manière homogène sur le territoire puisque les communes littorales se sont vu retirer la gestion de leurs ports au profit de communautés urbaines sans « passé maritime ».

C’est pourquoi il me semble nécessaire de développer une réflexion autour de deux axes : dans un premier temps, une réforme de la gouvernance, par une modernisation des conseils portuaires devenus obsolètes et, dans un second temps, une simplification des politiques d’investissement, notamment en généralisant à l’ensemble de ces ports, de manière explicite, les dispositions du décret n° 2005-1796 du 28 décembre 2005 relatif à l’approbation des conventions de terminal dans les ports maritimes et modifiant l’article R. 115-14 du code des ports maritimes.

Ces réflexions m’encouragent à vous faire part d’une préconisation de bon sens.

Je souhaite que, dans le cadre du suivi de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, deux principes soient posés ici.

Le premier concerne la mise en œuvre de la loi dans grands ports maritimes : il me semble important que des représentants du Parlement soient associés au suivi de l’application de la réforme de manière à produire ou à vérifier un bilan annuel de son application et de son impact sur l’économie maritime.

Le second principe concerne la mise en œuvre de la loi dans les ports maritimes ne relevant pas de l’État : il me semble également important de vérifier, dès à présent, que des collectivités locales nouvellement confrontées à la technicité du domaine portuaire ne se privent pas involontairement de ressources financières faute de savoir comment les mettre en œuvre.

Telles sont les quelques observations que je souhaitais vous présenter sur cette réforme qui me tient particulièrement à cœur.

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