Séance en hémicycle du 11 mai 2010 à 22h15

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 38 de M. Charles Revet à M. le secrétaire d’État chargé des transports sur le bilan d’application de la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Charles Revet demande à M. le secrétaire d’État chargé des transports de dresser un premier bilan de l’application de la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire. Dans ce cadre, une présentation des projets stratégiques adoptés par les grands ports maritimes indiquera les objectifs de développement portuaire pour les années à venir et les perspectives en matière de transfert d’outillage et de personnel. En outre, une attention particulière sera accordée aux problématiques liées au zonage Natura 2000 dans les circonscriptions portuaires et au prix du transport de marchandises dans les ports ultra-marins. »

La parole est à M. Charles Revet, pour la commission de l’économie, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 4 juillet 2008 fut promulguée la loi portant réforme portuaire. Comme vous le savez, j’avais eu l’honneur d’être désigné rapporteur de ce texte, qui a sonné l’heure de la relance de nos grands ports maritimes.

Personne ici n’ignore les difficultés que traversent nos ports depuis une vingtaine d’années. Je le rappelle, le tonnage cumulé de tous nos ports français atteignait péniblement 307 millions de tonnes en 2008, contre 421 millions de tonnes pour le seul port de Rotterdam, premier port d’Europe. Et si l’on se penche sur le trafic de conteneurs, segment le plus dynamique et le plus riche en termes de valeur ajoutée, là encore les comparaisons européennes ne sont guère flatteuses pour nous : alors que le port du Havre, premier port français, et de très loin, pour les conteneurs, a enregistré en 2008 un trafic de 2, 44 millions d’équivalents vingt pieds, ou EVP, celui des ports de Rotterdam et de Hambourg culminait aux alentours de 10 millions de boîtes. Sur la façade méditerranéenne aussi, la situation est inquiétante : le port de Marseille a connu un trafic de 850 000 EVP en 2008, contre 2, 5 millions pour Barcelone.

Nos performances sont loin d’être à la hauteur de nos ambitions et de notre potentiel. En effet, notre pays, idéalement ouvert sur le bassin méditerranéen comme sur l’océan, bénéficie d’une situation enviable, au carrefour de l’Europe. Notre positionnement stratégique devrait nous permettre de rivaliser avec les grands ports européens et de créer des dizaines de milliers d’emplois.

Mais pour cela, il nous faut changer de braquet, renouveler nos modèles, briser les torpeurs et remédier aux lourdeurs. Certes, comparaison n’est pas raison, mais l’exemple chinois doit nous inciter à accélérer la réalisation de nos grands projets. La pesanteur de nos procédures allonge d’une manière inacceptable nos délais et conduit quelquefois à constater que, lors de son aboutissement, un projet a parfois perdu sa pertinence économique. À titre d’exemple, le port pétrolier d’Antifer, conçu pour abriter des navires de 500 000 tonnes, n’en a accueilli qu’un seul, le Batilus, le jour de son inauguration. C’est dire combien ces lourdeurs, sources de nombreux retards, peuvent avoir de fâcheuses conséquences.

Nous devons tous nourrir une nouvelle ambition pour nos ports. C’est tout le sens de mon engagement en faveur de leur développement, que j’ai eu l’occasion à maintes reprises d’exprimer dans cette enceinte. Mon ambition constante est de mobiliser les volontés des décideurs politiques pour dynamiser nos ports.

Depuis 2007, je dois avouer que les choses me paraissent aller dans le bon sens.

Sous l’impulsion du Président de la République et du Premier ministre, un plan de relance des ports a été élaboré par le Gouvernement, comprenant, outre la loi qui nous occupe aujourd’hui, un volet financier.

Cette loi ambitieuse nous permettra, je l’espère, d’atteindre les objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement. Elle comprend quatre grands axes.

Premièrement, les missions des ports autonomes métropolitains, désormais appelés « grands ports maritimes », sont recentrées sur trois missions principales : une mission d’autorité publique pour garantir l’accès maritime, la police portuaire, la sécurité et la sûreté ; une mission d’aménageur du domaine portuaire, grâce à la propriété quasiment entière de leur domaine et à la gestion des dessertes fluviales et terrestres dans leur circonscription ; une mission d’élaboration de la politique tarifaire.

Deuxièmement, l’organisation de la manutention portuaire est simplifiée et rationalisée. S’inspirant du modèle du « port propriétaire », la loi préconise la mise en place d’opérateurs intégrés de terminaux, responsables de l’ensemble des opérations de manutention et exerçant sur cette activité une autorité réelle et permanente. Dans ce cadre, les grands ports maritimes cessent, sauf cas exceptionnels, de détenir ou d’exploiter des outillages de manutention et les transfèrent à des opérateurs.

Troisièmement, la gouvernance des grands ports maritimes est modernisée et calquée sur celle des grandes entreprises privées. En effet, le conseil d’administration est remplacé par un conseil de surveillance doté de davantage de pouvoirs, dans lequel l’État et les collectivités territoriales auront plus de poids. Ce conseil exercera le contrôle du directoire. Un conseil de développement, consultatif, permettra quant à lui de mieux associer les différents acteurs locaux concernés par le fonctionnement du port.

Quatrièmement, enfin, la coordination entre ports d’une même façade maritime ou situés sur un même axe fluvial peut être engagée par décret du ministre, ce que le Gouvernement a fait pour l’axe séquanien.

J’ai la faiblesse de penser que le travail que nous avons réalisé au Sénat était de bonne facture – je le dis devant le président Emorine, qui m’a beaucoup accompagné dans cette démarche –, car l’Assemblée nationale a voté conforme notre texte.

En outre, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a été aussi réactif et diligent que le Parlement, qui, je le rappelle, a voté le texte en moins de six mois, dans la mesure où les décrets d’application, à une exception près, ont tous été pris moins de trois mois après la promulgation de la loi. Cela est suffisamment exceptionnel pour être souligné. Voilà pourquoi, à l’instar de la Cour des comptes dans son dernier rapport annuel, je voudrais vous féliciter, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir eu le courage de vous atteler à la réforme des ports, trop longtemps retardée.

Cela étant, qu’en est-il aujourd’hui, concrètement, sur le terrain ?

Tous les grands ports maritimes ont désormais leurs nouvelles structures de gouvernance. Les conseils de surveillance ont été mis en place entre janvier et février 2009, les conseils de développement entre janvier et mars 2009. Surtout, l’ensemble des projets stratégiques sont désormais adoptés. Ainsi, les sept grands ports maritimes – Dunkerque, Rouen, Le Havre, Nantes-Saint-Nazaire, La Rochelle, Bordeaux et Marseille – bénéficient enfin d’une feuille de route à moyen terme.

Monsieur le secrétaire d’État, ma première question est donc la suivante : pouvez-vous rappeler succinctement les grandes lignes de ces projets stratégiques, en mettant l’accent sur les ports de Marseille et du Havre, tout en montrant leur conformité avec les engagements du Grenelle de l’environnement ?

En effet, je le rappelle, notre pays s’est assigné un double but : faire évoluer la part du fret non routier et non aérien de 14 % à 25 % à l’échéance 2022 ; atteindre, d’ici à 2012, une croissance de 25 % de ladite part modale. En outre, concernant plus particulièrement les places portuaires, un objectif ambitieux est posé : doubler la part de marché du fret non routier pour les acheminements à destination et en provenance des ports d’ici à 2015.

S’agissant des transferts d’outillages, la Commission nationale d’évaluation des cessions d’outillages portuaires a émis des avis sur le prix de vente des outillages que souhaitent proposer les autorités portuaires. Ainsi, les grues, portiques et autres bâtiments seront vendus à un juste prix, afin de protéger les deniers publics. Mais, pour l’heure, aucune vente n’a été réalisée.

D’où ma deuxième question : quand ces outillages seront-ils effectivement vendus ? Pour certains ports, la commission nationale précitée a émis des avis favorables sous réserve de constitution de sociétés ad hoc : où en est-on aujourd’hui, notamment sur le terminal de Mourepiane à Marseille, sur le quai Freycinet 11 de Dunkerque, à Nantes-Saint-Nazaire, ou encore sur le terminal minéralier du Havre ? Cette question de la vente des outillages est essentielle, car c’est elle qui conditionne ensuite le transfert de personnel. Faut-il le rappeler, l’un des objectifs de la loi de 2008 était d’assurer un commandement unique sur tous les terminaux et de mettre fin à une exception française : la séparation artificielle de la manutention horizontale et de la manutention verticale, cas unique en Europe.

Ma troisième question, monsieur le secrétaire d’État, est relative au Conseil de coordination interportuaire de la Seine, réunissant le port autonome fluvial de Paris et les grands ports maritimes de Rouen et du Havre. Cet organisme, mis en place depuis le 15 octobre 2009, est présidé par M. Claude Gressier, un homme qui connaît bien le monde portuaire et a vocation à faire naître des synergies entre ces trois ports pour mettre davantage en valeur l’axe de la Seine.

Mais, concrètement, quels objectifs ce conseil s’est-il fixés ? Ne pourrait-on pas, à terme, imaginer un élargissement de son périmètre, afin de prendre en compte la problématique du futur canal Seine-Nord Europe ? En effet, le développement des ports normands dépendra étroitement de leur capacité à tirer profit de cette formidable infrastructure. Le canal les condamne à réussir leur révolution en interne, sauf à risquer d’être définitivement marginalisés dans la compétition européenne.

Je voudrais maintenant aborder la question de l’extension de la réforme portuaire à d’autres ports ; je pense en particulier aux ports fluviaux de Paris et de Strasbourg, ainsi qu’aux ports autonomes d’outre-mer.

La Cour des comptes partage les préoccupations que j’avais exprimées dans mon rapport parlementaire en mai 2008. En effet, le port de Paris souffre également de certains maux communs aux anciens ports autonomes. D’où mon interrogation : quels changements le Gouvernement souhaite-t-il voir opérer dans le port de Paris, notamment au regard de l’examen du projet de loi Grenelle II à l’Assemblée nationale ? De même, quels sont vos projets pour les ports ultramarins, et quelles suites concrètes réservez-vous aux conclusions de la mission administrative de septembre 2009 ?

Permettez-moi de rappeler que l’Autorité de la concurrence, dans un avis en date du 8 septembre 2009, a déploré l’importance des surcoûts salariaux supportés par les entreprises de manutention, surcoûts intégralement répercutés ensuite sur les consommateurs finals. Or nos collègues sénateurs ultramarins, notamment Serge Larcher, qui a présidé la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer en 2009, sont particulièrement vigilants sur la formation des prix dans les DOM.

Avant de conclure, je souhaiterais élargir mon propos au projet du Grand Paris.

La Haute-Normandie et la Basse-Normandie doivent être reliées à la capitale par un train à grande vitesse et un réseau orienté vers le fret qui soit fiable. La mise en place d’une ligne à grande vitesse Paris-Le Havre, qui desservirait Caen, constitue un enjeu majeur pour l’aménagement de l’axe de la Seine, à condition qu’elle puisse se réaliser rapidement et soit étroitement interconnectée avec les réseaux franciliens. Il est essentiel à mes yeux que cette future ligne à grande vitesse soit mixte et assure tant le transport des voyageurs que celui des marchandises. N’oubliez pas, mes chers collègues, que les lignes TGV actuelles ne permettent malheureusement pas le transport de fret pour des raisons techniques, comme l’a rappelé le président de la SCNF, M. Pepy, lors de son audition devant la commission spéciale sur le Grand Paris.

Lors de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris, le mois dernier au Sénat, j’ai présenté un amendement, qui a été accepté par le rapporteur, M. Jean-Pierre Fourcade, et par la commission spéciale, destiné à alimenter la réflexion sur les possibilités de développer l’axe de la Seine.

Ainsi, ce projet de loi prévoit désormais, en son article 2, qu’un rapport au Parlement devra présenter « les possibilités de construire de nouvelles installations portuaires le long de la Seine afin de permettre une meilleure desserte du Grand Paris ». L’avenir du port du Havre et la recherche de nouveaux terrains se décident dès maintenant, car les projets en cours, comme la réhabilitation du vieux port ou le repositionnement de l’écluse François Ier, ne concernent que la période 2010-2020.

Il est essentiel d’ouvrir la capitale vers la Manche et l’Atlantique. Les entités portuaires situées sur cet axe fluvial, du fait de leur positionnement géographique, disposent d’atouts exceptionnels leur permettant de rivaliser en termes de potentiel avec l’ensemble des grands ports de l’Europe du Nord.

Le Grand Port maritime du Havre, situé à l’ouverture de l’estuaire, peut accueillir, avec Port 2000, les plus gros porte-conteneurs existant actuellement dans le monde. Il est idéalement situé pour le transbordement de conteneurs et l’éclatement vers d’autres ports. En revanche, cette situation à la pointe de l’estuaire pose un problème quant à l’acheminement, en particulier par voies ferroviaires et fluviales. Des travaux sont prévus pour améliorer ces dessertes.

Confronté à un problème identique pour son développement, le port de Hambourg a choisi de remonter l’Elbe en approfondissant le chenal du fleuve. Une démarche identique pourrait être engagée sur l’axe de la Seine pour permettre la création d’une nouvelle entité portuaire en aval et en amont du pont de Tancarville jusqu’au droit de Norville. Cela nécessiterait un approfondissement du chenal et un aménagement des rives.

L’intérêt d’un tel projet serait multiple. L’activité pourrait se développer de part et d’autre du fleuve, des espaces très importants permettant d’aménager des bassins, des terre-pleins et des zones logistiques. L’accès au réseau ferroviaire est facile des deux côtés du fleuve ; barges et péniches pourraient également accoster sans problème. L’axe de la Seine pourrait ainsi disposer des meilleurs atouts dans la perspective de l’ouverture du canal Seine-Nord Europe.

Bien évidemment, ces aménagements en aval de la Seine devraient se faire dans le respect des normes environnementales, mais sans zèle excessif. Je déplore que les zonages du réseau Natura 2000 aboutissent bien souvent à geler tout projet de développement économique en France, alors que les autres ports européens ont une lecture moins restrictive des directives communautaires en matière d’environnement.

À cet égard, comme l’indique dans son édition d’hier le journal Les Échos, la commission Attali, mandatée par la chambre de commerce et d’industrie du Havre, dans un ouvrage qui paraîtra demain, regrette elle aussi les « hypothèques écologiques » qui ralentissent le développement de certains territoires de la vallée de Seine.

D’ailleurs, la commission de l’économie pourrait utilement examiner, dans les mois qui viennent, les cinquante propositions de ce rapport et voir en quoi elles permettraient de relancer l’activité portuaire tout en assurant le développement du Grand Paris.

Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les interrogations et les observations que je voulais formuler quant au suivi de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire. Ce texte doit sonner le renouveau de nos ports afin de rattraper et, espérons-le, de dépasser, à terme, les ports du nord de l’Europe. C’est un très beau défi que nous pouvons remporter si nous en avons la volonté.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de me féliciter de la tenue de ce débat, sur l’initiative de notre collègue Charles Revet. J’ai d’ailleurs remarqué que nous étions trois élus de Seine-Maritime à intervenir ce soir sur la question des ports : Charles Revet, Catherine Morin-Desailly et moi-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Très bien ! Cela montre l’importance que le département porte à ce dossier !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Tout à fait, mon cher collègue !

Comme M. Revet, j’estime nécessaire de faire un bilan de la réforme portuaire, deux ans après son adoption, et, je ne vous le cache pas, mon propre constat sera critique.

Pour mener ce travail, il nous faut donc impérativement rappeler quels étaient les objectifs visés par cette réforme, pour vérifier si ces derniers ont été atteints.

Au préalable, je voudrais revenir sur la légitimité présupposée de cette réforme, liée à sa capacité de favoriser l’essor des ports français.

D’ores et déjà, nous pouvons constater que cette loi n’a pas atteint ses objectifs, et je ne peux que le regretter ; je souscris d’ailleurs à certaines des préconisations qui ont été formulées tout à l’heure, notamment pour la Seine-Maritime, par Charles Revet.

Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, le 27 avril dernier, vous avez reconnu une baisse générale des trafics dans les ports français de l’ordre de 15 % à 20 %. Vous me répondrez, bien sûr, que la crise économique change la donne.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Et la CGT !

Souriressur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Vous arguez même que les ports français auraient mieux résisté que les autres. Monsieur le secrétaire d'État, si tel est le cas, c’est parce qu’il subsiste encore une notion d’intérêt général liée à leur activité et que leur libéralisation n’a pas été menée jusqu’au bout, contrairement à ce qui s’est passé dans la plupart des ports étrangers.

Ainsi, à l’évidence, la crise que nous traversons devrait nous inciter à plus de prudence dans cette course à la libéralisation. La période n’est pas propice à une telle politique : ne privons pas davantage l’État de leviers d’action dans un secteur économique clé, qui peut d’ailleurs contribuer à la relance.

Sur le fond, une telle absence de résultats positifs était prévisible puisque les objectifs de cette réforme étaient non pas économiques mais bien politiques. Il s’agissait en effet de compléter, dans la droite ligne de la loi du 9 juin 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes, la privatisation de l’outillage public au sein des ports. Selon l’Institut supérieur d’économie maritime de Nantes–Saint-Nazaire, « la réforme s’affiche comme une nouvelle étape dans la vision française du secteur portuaire : l’État veut laisser la part belle aux opérateurs privés ».

Ainsi, une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d’État, vous avez apporté les mauvaises réponses à une bonne question, celle du renforcement de la compétitivité des ports français.

La réforme de 1992 était déjà censée résoudre ce problème. Le gouvernement de l’époque annonçait la reconquête des parts de marché par les ports français, ainsi que la création de milliers d’emplois. Aujourd’hui, les résultats sont loin d’être ceux qui avaient été annoncés ! Les effectifs des dockers ont été divisés par deux et les gains en termes de tonnage sont ridiculement faibles. Pourtant, vous avez persévéré dans la même voie, avec des résultats tout aussi peu probants.

En effet, je le répète, ce qui manque à nos ports, c’est bien un investissement public considérable, à l’image d’ailleurs de celui qui a été réalisé en Europe du Nord, notamment à Anvers. Ainsi, quand les pouvoirs publics belges investissent 600 millions d’euros dans cette ville, la France offre 174 millions d’euros à ses ports. Vous voyez là l’étendue du manque à gagner !

Où sont les 30 000 emplois annoncés en 2008 ? Quant aux fameux projets stratégiques, ils ont tous été revus à la baisse.

Mes chers collègues, voilà les quelques éléments que je souhaitais partager avec vous en préambule.

Je reprendrai à présent trois éléments de bilan qui me semblent importants.

Tout d’abord, s’agissant de la gouvernance, la loi a permis d’appliquer aux ports un modèle issu du privé, en transformant le conseil d’administration en conseil de surveillance et en directoire. Cette nouvelle gouvernance a déséquilibré la représentation entre l’État, les collectivités, et les représentants du personnel des GPM, les grands ports maritimes, ce que nous regrettons.

Nous déplorons également que, dans le conseil de surveillance – la véritable instance décisionnaire – puissent siéger des personnalités qualifiées qui sont dépourvues, ou presque, de lien avec l’activité portuaire, tandis que, à l’inverse, les membres du conseil de développement, aux pouvoirs simplement consultatifs, soient, eux, directement impliqués dans la vie des ports.

Au final, le rôle des GPM se trouve réduit aux activités régaliennes et aux fonctions d’aménageur du domaine portuaire, indépendamment de toute notion de politique industrielle. De gérants d’exploitation, ils deviennent les aménageurs d’un espace économique. Cette évolution ne correspond pas à notre volonté de renforcement de l’intervention publique dans l’espace portuaire, notamment au regard des nouveaux enjeux portés par le Grenelle de la mer ; j’aurai l’occasion d’y revenir.

Monsieur le secrétaire d’État, pour finir sur cette question, je regrette également que, au cours du bilan réalisé le 27 avril dernier, vous ayez annoncé la création de deux conseils de coordination, l’un pour la Seine, l’autre pour l’Atlantique.

Certes, il est nécessaire de créer de telles structures, et les axes définis ne sont pas sans intérêt. Pour autant, au regard des objectifs qui sont assignés à ces conseils – la réalisation d’économies d’échelle et la coordination de la politique commerciale des ports de ces façades –, vous êtes une nouvelle fois pris dans vos contradictions. Sous couvert de dynamiser les ports, vous prenez seulement en compte la dimension commerciale, en dehors de toute considération de politique industrielle.

Concernant la privatisation de l’outillage sous la dénomination de « commandement unique », malgré la qualité de l’accord-cadre national signé le 30 octobre 2008, qui prévoit le refus de tout licenciement et le « cousu main » afin de « permettre une application intelligente de la loi en fonction des spécificités de chaque place portuaire », nous continuons de penser que cette démarche emporte de forts risques de précarisation des travailleurs portuaires.

En effet, il est difficile d’apprécier aujourd’hui la bonne foi du Gouvernement dans les déclinaisons locales de cet accord, s’agissant notamment du respect de ce « cousu main ». Par exemple, l’accord signé à Nantes a été « retoqué » par l’État, entraînant la démission du directeur du port.

Dès lors, comment ne pas voir que ce prétendu « cousu main » correspond dans les faits à un droit de veto de l’État ?

Par ailleurs, il est intéressant de constater que les opérateurs se sont très souvent positionnés sur les terminaux qu’ils exploitaient déjà auparavant. En outre, il existe de forts risques de création de monopoles privés, comme à Bordeaux, où l’ensemble du site et des outillages ont été regroupés dans un lot unique.

Sur cette question, je me dois de vous interpeller, monsieur le secrétaire d’État, sur les suites données à la décision de la Commission européenne du 8 avril 2009. En effet, cette institution a estimé que le « mécanisme de transfert des activités de manutention portuaire vers les opérateurs privés ainsi que le dispositif fiscal applicable aux équipements transférés pourraient contenir des aides d’État incompatibles avec le marché commun ». Nous souhaitons obtenir sur ce sujet des informations précises.

Pour finir sur ce point, je souhaite également vous interpeller sur le champ d’application de la convention collective unique des personnels portuaires et de la manutention.

Les syndicats vous demandent l’application uniforme de cette convention aux ports de pêche, aux ports de commerce et aux ports fluviaux. Dans le cadre du Grand Paris, notamment sur le secteur du canal Seine-Nord Europe, l’intérêt tout particulier d’une telle uniformisation apparaît clairement. Cet élargissement du champ d’application serait d’autant plus pertinent que, aujourd’hui, les ports fluviaux disposent de grandes capacités en termes de conteneurs. Vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d’État, à appliquer cette convention aux ports autonomes de Paris et Strasbourg. Toutefois, nous persistons à penser qu’il faut aller encore plus loin !

J’en viens maintenant au troisième et dernier point de ce bilan : le renforcement de l’intermodalité au sein des GPM.

En effet, lors de la discussion de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, le Sénat avait réaffirmé la nécessité de renforcer la desserte ferroviaire et fluviale des GPM. Qu’en est-il au juste ?

Nous avons entendu de nombreuses annonces. Selon le Gouvernement, l’engagement national pour le fret lancé par l’État en septembre 2009 et doté en principe d’une enveloppe de 7 milliards d’euros devait contribuer à un renforcement sensible de la desserte ferroviaire des ports français. Qu’en est-il dès lors que ces projets n’ont pas reçu de traduction budgétaire ?

Charles Revet évoquait tout à l’heure la Seine-Maritime. Qu’il me soit permis de parler de la gare de triage de Sotteville-lès-Rouen, qui est menacée alors qu’elle irrigue les terminaux du port de Rouen. Comment ces derniers fonctionneront-ils demain, et combien de salariés seront encore licenciés ?

De même, quelles seront, pour tout le secteur portuaire, les conséquences de la politique de casse du fret ferroviaire et du wagon isolé ? Nous estimons que, loin de permettre un renforcement du transport combiné, de telles mesures ne peuvent s’interpréter que comme un désengagement de la puissance publique, en totale contradiction avec les objectifs affichés par le Grenelle de l’environnement et par la réforme portuaire.

À ce titre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interpeller également sur une question de sécurité liée à la propriété et à l’exploitation des voies ferrées des ports. En effet, il existe autour de cette question un vide juridique, source d’insécurité et de confusion.

Pour notre part, nous estimons qu’il faudrait confier à l’EPSF, l’établissement public de sécurité ferroviaire, un droit de regard sur l’exploitation de ces voies. Celles-ci ne peuvent être séparées du reste du réseau en matière de sécurité, car le domaine portuaire reste, je vous le rappelle, un domaine public.

Nous sommes également au regret de constater que la route conserve, grâce à une législation favorable, un avantage concurrentiel sur le rail et le maritime. Pourtant, je vous rappelle que les enjeux sont ici considérables : le désengorgement du réseau routier, visant à permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, objectif fixé dans le cadre du Grenelle, est impératif et ne peut se résumer à la création d’autoroutes ferroviaires sur l’axe Le Havre-Marseille.

Ces développements me permettent de faire très naturellement le lien avec l’incidence du Grenelle de la mer sur l’évaluation de cette réforme portuaire.

À ce titre, je vous rappelle que, dans le livre des engagements de négociation, il est prévu un audit de la réforme portuaire pour apprécier la conformité de cette dernière à la nouvelle politique maritime du Grenelle de la mer. Nous demandons donc que, dans le prolongement de ce débat, un véritable audit soit engagé.

Au final, ce que je retiens de ces travaux se résume en deux idées.

Premièrement, penser de manière durable le développement des grands ports maritimes induit un gisement d’emplois et d’activités nouvelles. Je pense notamment à la possibilité de créer une filière de préservation et de gestion nouvelle de l’écosystème marin. Nous pourrions également favoriser la création d’une filière de déconstruction et de recyclage des navires civils et militaires en fin de vie. Voilà, pour la politique maritime nationale et pour nos ports, un véritable défi qui serait facteur de relance. Qu’en pensez-vous?

Deuxièmement, le Grenelle de la mer comme le Grenelle de l’environnement, par la définition d’enjeux nouveaux, ont très clairement pointé l’immense responsabilité des pouvoirs publics pour infléchir, en termes d’interventions réglementaires et d’investissements, les logiques marchandes de concurrence, qui n’ont pas fait preuve de leur pertinence.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais, tout d’abord, saluer notre collègue de la Seine-Maritime Charles Revet qui a pris l’initiative d’organiser ce débat deux ans après la réforme portuaire.

Charles Revet connaît bien la Normandie, en général, et la Seine-Maritime, en particulier. Il connaît aussi ses deux ports maritimes, Rouen et Le Havre, qui constituent à eux deux la première façade maritime en termes de tonnage de marchandises, avant même Marseille.

Il n’est donc pas étonnant qu’il ait été le rapporteur de la loi de 2008 sur la réforme portuaire. Lors de ce débat, j’étais intervenue en séance publique, au nom du groupe de l’Union centriste, pour affirmer que les ports constituent des enjeux économiques locaux importants : dans l’agglomération rouennaise, l’activité portuaire représente plus de 22 000 emplois directs, indirects et induits, 30 000 en comptant les sites de Port-Jérôme et de Honfleur.

Le chiffre d’affaires lié aux opérations commerciales des entreprises portuaires sur le fret chargé et déchargé atteint près de 1 milliard d’euros par an, ce qui offre une illustration du fort impact de l’activité portuaire sur l’ensemble de cette agglomération.

Deux ans après, je renouvelle donc, toujours au nom du groupe de l’Union centriste, mon soutien à cette réforme très volontariste. En effet, il fallait enrayer la chute de compétitivité des ports français à l’heure de l’accroissement des échanges commerciaux internationaux par voie maritime, accroissement inéluctable pour la durabilité de notre planète.

Deux ans après, l’exécution de la loi me paraît satisfaisante. Je tiens à le souligner, les décrets d’application ont été pris en temps et en heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Les financements prévus ont été au rendez-vous, tant au travers des contrats de plan État-région que dans le plan de relance.

En termes d’organisation, les profonds changements dans la composition et le fonctionnement du conseil de surveillance et du conseil d’administration des ports, qui étaient l’un des points essentiels de la réforme, sont intervenus, pour le port de Rouen en tout cas.

Je me fais toutefois l’écho, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d’un petit bémol : il aurait fallu prévoir un système de suppléance des élus, car ils ne peuvent pas toujours se rendre disponibles pour siéger au conseil d’administration.

En outre, parce qu’une réforme d’une telle ampleur, qui a modernisé la gouvernance des ports autonomes et le statut de nombreux travailleurs, comporte son lot d’inquiétudes face à l’avenir, il faut à mon avis prêter ou plutôt « maintenir » une attention particulière au dialogue social pour accomplir la mise en œuvre de la réforme portuaire, en gardant le cap sur les objectifs de modernisation et de recherche de compétitivité qu’elle vise, malgré un trafic maritime international ralenti par la crise mondiale.

Au-delà des objectifs, il y a les opportunités ou les externalités positives créées par la réforme. Cette dernière a permis de faire du Havre et de Rouen une façade maritime crédible, à la hauteur de l’ambition portée par le projet de loi relatif au Grand Paris.

Sans la mise en place d’un « comité interportuaire » entre les ports du Havre et de Rouen, sans le développement de synergies entre eux, il aurait été plus difficile d’envisager cette façade maritime d’une métropole mondiale que Paris a vocation à être, capable de concurrencer les grands ports européens, notamment ceux de Rotterdam et d’Anvers. En ce sens, monsieur le secrétaire d’État, la loi de 2008 a été précurseur de la réflexion d’Antoine Grumbach sur le Grand Paris, lequel appelle une grande Normandie, dont la vocation maritime, vous en conviendrez, mes chers collègues, n’est plus à démontrer : l’histoire de notre région en porte témoignage.

La réforme portuaire, qui créait les conditions favorables pour nourrir un autre projet d’aménagement du territoire national, doit cependant impérativement s’intégrer en tant qu’outil structurant dans une vision globale de l’aménagement du territoire, notamment en matière de transport. Ainsi, c’est au désenclavement des ports qu’il faut aujourd’hui travailler.

La réforme portuaire doit donc se prolonger en fonction des besoins qui ont été très largement identifiés en Seine-Maritime, y compris par le Président de la République lui-même : après tant d’années, il a déclaré incontournable la réalisation d’une ligne à grande vitesse ; notre collègue Charles Revet en a rappelé les conditions de la réussite.

Monsieur le secrétaire d'État, dans le prolongement de la réforme, il faut impérativement déployer les moyens d’une politique ambitieuse.

Lors du débat sur le Grand Paris, Charles Revet a attiré l’attention de la commission de l’économie sur la nécessité de relier les ports maritimes du Havre et de Rouen non seulement par une ligne TGV pour les usagers mais aussi par une ligne de fret à haut niveau de performance. Il a en outre souligné l’importance des installations fluviales sur la Seine.

La voie fluviale doit, elle aussi, être une priorité. Malgré la crise, on constate d’ailleurs un accroissement des volumes transportés en 2008 sur la Seine, comme sur le Rhône, entre Marseille et Arles, voire Lyon. Le Gouvernement doit désormais développer une politique volontariste pour favoriser les complémentarités qu’offre la voie fluviale au transport routier de marchandises.

Je profite de cette occasion, monsieur le secrétaire d'État, pour insister – lourdement certes, mais au nom d’une absolue nécessité – sur un dossier que vous connaissez bien : le contournement Est de Rouen. Notre région n’accepte pas que ce dossier soit encore bloqué bien que le débat public ait lieu. Nous attendons qu’il soit très rapidement inscrit au schéma national des infrastructures de transport, le SNIT.

Cette réforme a permis de marquer un essai qu’il faut désormais transformer en étudiant de plus près les moyens de transport multimodaux afin que les ports soutiennent le développement économique des métropoles, et réciproquement.

Seul ce jeu à sommes positives permettra de développer la compétitivité des ports français par rapport aux autres ports européens. Ce que nous voulons entendre au sujet de la réforme portuaire, c’est qu’elle était absolument nécessaire, mais qu’elle appartient aussi à un vaste ensemble de modernisation des infrastructures s’appuyant sur les trois piliers que sont le transport ferroviaire, la voie fluviale et la route.

Le colloque inaugural Seine d’avenir qui s’est tenu la semaine dernière au Havre posait tout à fait cette ambition. Si, ce soir, trois sénateurs de la Seine-Maritime sont réunis sur ce dossier, l’autre jour, au Havre, l’ensemble des élus de la Seine-Maritime, toutes tendances politiques confondues, s’étaient rassemblés pour évoquer ces questions.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Andreoni

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention par une citation de Confucius que chacun pourra apprécier à sa juste valeur : « Examine si ce que tu promets est juste et possible, car la promesse est une dette. »

Ce soir, nous sommes réunis pour fêter le deuxième anniversaire de la réforme portuaire. Je suis très heureux d’être parmi vous pour traiter d’un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur car, vous le savez, le moral sur le port de Marseille n’est pas au beau fixe, et c’est le moins que l’on puisse dire !

Dans un contexte d’augmentation globale du transport maritime mondial et au regard des enjeux actuels du commerce maritime, les ports français ne sont malheureusement toujours pas en situation favorable. Face à leurs concurrents européens, les parts de marché continuent de s’amenuiser comme une peau de chagrin.

Aujourd’hui, la France ne représente pas plus de 14 % du commerce maritime européen. L’ensemble du trafic des sept grands ports métropolitains est inférieur au tonnage du seul port de Rotterdam. J’oserai même dire que les ports français jouent aujourd’hui un rôle marginal. Et ce n’est franchement pas rassurant pour l’avenir !

Jusqu’en 2008, alors que le trafic maritime mondial connaissait une croissance de 8 % en moyenne par an pour les conteneurs, sur les 7, 5 millions de conteneurs destinés à la France, seuls 2 millions entraient par des ports français.

Au cours des dix dernières années, le volume du trafic de conteneurs a ainsi doublé. Il sera d’ailleurs multiplié par deux dans les sept ans qui viennent dans le cadre d’une croissance qui correspond au développement des flux commerciaux entre l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord. Comme moi, vous connaissez les effets de cette évolution.

Le recul des ports français est d’autant plus dramatique qu’il s’effectue face à des concurrents de la vieille Europe, et non pas face aux dragons du sud-est asiatique, qui écrasent les coûts salariaux et où 64 % du trafic portuaire s’effectuent par conteneurs.

Pour 2009, l’Organisation mondiale du commerce prévoyait un déclin de 9 % du commerce international. C’est chose faite !

En citant ces chiffres, je tiens à apporter quelques précisions sur la situation du port de Marseille. Et, je dois l’avouer, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis inquiet. Certains me diront que je suis alarmiste. Peut-être ! Mais qui oserait affirmer que la situation n’est pas dramatique sur nos ports ?

Les résultats sont là ! Le Grand Port maritime de Marseille, premier port de Méditerranée pour son trafic global, a perdu, en deux décennies, plus du tiers de ses parts de marché. Il a transporté 12, 7 millions de tonnes de marchandises entre janvier et mai 2009, soit une baisse de 21 % par rapport à 2008. Le trafic des marchandises a supporté une baisse de 31 % en cinq mois et la fermeture d’une escale « fruits et légumes » à Marseille.

Dois-je continuer cette litanie de mauvais chiffres ? Eh bien, oui, puisque nous en sommes à l’heure des bilans !

Le vrac solide a subi à Marseille une perte sèche évaluée à 50 % et les hydrocarbures n’ont d’ailleurs été épargnés ni en 2009, avec une baisse de 7 %, ni en 2010 puisque, déjà en février, ils souffraient d’une baisse de 14 %.

Il y a sept ans, le nombre de tonnes manufacturées était de 350 par an et par mètre de quai à Fos contre 400 au Havre et 1 300 à Anvers. Et aujourd’hui, cette situation ne s’améliore pas, loin de là!

Oui, mes chers collègues, nous avons de sérieuses raisons de nous inquiéter. On a pu constater sur certains ports près de 25 % de journées dockers en moins.

Sur le port de Marseille, la situation de l’emploi est pour le moins fragile. Pas moins de 14 000 postes directs et indirects sont menacés par les baisses continues de trafic. D’ailleurs, entre janvier et mai 2009, sur le golfe de Fos, pas moins de 2 000 emplois ont déjà été supprimés. C’est la triste réalité des ports aujourd’hui en France !

Pourtant, dans le cadre de la discussion qui a eu lieu en mai 2008, comme dans votre réponse, publiée le 15 avril dernier, à une question écrite posée en janvier dernier par notre collègue Jean-Noël Guérini, vous continuez, monsieur le secrétaire d’État, à promettre la création de 30 000 emplois. Nous ne devons pas avoir accès aux mêmes informations et chiffres ! Je vous assure, en toute modestie, qu’il vous sera sans doute difficile, monsieur le secrétaire d'État, de comptabiliser les 30 000 emplois promis !

Cette réforme, qui devait transformer et redynamiser l’ensemble des ports français devenus grands ports maritimes, accouche simplement de beaucoup d’amertumes.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

MM. Guérini frères vont dynamiser tous ensemble l’économie de Marseille !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Andreoni

Sans aucun doute, monsieur le secrétaire d’État ! Nous comptons sur vous et sommes à votre disposition : si vous souhaitez nous aider, ce sera avec grand plaisir !

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

La justice y pourvoira !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Andreoni

Peut-être ! Là aussi, je pense que le président Guérini est extrêmement serein.

Pour faire accepter politiquement, économiquement et socialement votre projet, à l’époque, vous aviez fait référence, dans l’exposé des motifs, à la nécessité pour les ports français de regagner les parts de marché perdues.

Alors que l’on souhaitait du concret, du courage et des innovations, le projet se bornait finalement à organiser le transfert au secteur privé de l’outillage et des personnels des ports autonomes, voyant en cela un moyen de renforcer la compétitivité des ports français !

Mais vous n’avez pas pris la mesure des besoins des ports de France. Une politique portuaire doit se situer à la croisée des chemins entre une politique maritime et une politique d’aménagement du territoire.

Certes, monsieur le secrétaire d'État, la réforme a ouvert des pistes de modernisation des ports dans un contexte de mondialisation, mais on a oublié l’essentiel : la définition d’une véritable politique nationale portuaire. Et je ne parle pas du traitement de la question du personnel...

La situation des ports français traduit d’abord, comme tous les observateurs le soulignent, une regrettable absence d’anticipation et de stratégie lisible en matière de politique maritime et portuaire. Je n’invente rien : cette analyse a été développée par la Cour des comptes dans son rapport d’octobre 2009 sur la décentralisation.

Pour calmer les esprits critiques, il a été décidé de rebaptiser les ports maritimes en « grands ports maritimes », avec l’espoir que la réalité suive la sémantique.

La réussite des ports européens par rapport aux nôtres tient sans doute à l’efficacité de leur organisation technique ou commerciale, à leur capacité de s’adapter rapidement face à la croissance des nouveaux modes d’échange. Ils ont su associer intelligemment investissement privé et investissement public.

Dois-je rappeler ici que la compétitivité d’un port dépend non pas uniquement de son positionnement géographique, de ses qualités nautiques, du niveau de ses équipements ou même de l’efficacité de son exploitation, mais aussi de la performance de sa desserte terrestre, qui détermine l’étendue réelle de son hinterland ?

J’enfonce là une porte ouverte, me direz-vous peut-être ; mais cela ne semble pas si évident puisque, à ce jour, le projet stratégique du Grand Port maritime de Marseille reste totalement insuffisant sur le développement du ferroviaire, dont la desserte est pourtant essentielle, et sur le multimodal.

La part des transports terrestres est très importante dans la composition du coût de l’acheminement de la marchandise et sera de plus en plus déterminante.

Sur ce terrain, le retard des ports français est massif et deux chiffres permettent de le mesurer : 50 % de la desserte terrestre des ports du Benelux est assurée par voie fluviale ou ferroviaire ; 80 % de la desserte du port de Marseille est assurée par la route, tandis que les bassins de Fos n’ont toujours pas d’accès autoroutiers. L’autoroute n’existe que jusqu’à Martigues et il faut emprunter ensuite les réseaux national et départemental pour rejoindre le bassin de Fos !

Cette situation tient largement à la faiblesse du soutien financier de l’État au développement des infrastructures des ports français et à l’absence d’investissements permettant d’améliorer leur desserte.

Par ailleurs, le déficit d’investissement est criant si l’on s’intéresse au seul trafic des conteneurs. « Fos 2XL », le premier investissement significatif décidé pour le port de Marseille depuis plus de quinze ans, représente une enveloppe de 206 millions d’euros en termes d’infrastructures.

Cette somme peut paraître dérisoire lorsqu’on la compare avec celles qui ont été débloquées pour les terminaux à conteneurs d’autres ports européens : 600 millions d’euros à Anvers, 2, 9 milliards d’euros à Rotterdam, 1, 1 milliard d’euros à Hambourg. Et nous faisons bien pâle figure face aux ports du sud de l’Europe : 300 millions d’euros à Gênes et à La Spezia, 520 millions d’euros à Barcelone, 450 millions d’euros à Algésiras.

Parlementons tant que nous voulons sur le bilan de la réforme, mais, avant toute chose, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, reconnaissons que cette séance semble aujourd’hui un peu superfétatoire tant le bilan de la réforme paraît, en termes d’investissements, d’analyse économique et de stratégie commerciale, pour le moins imprécis.

Pourtant, les organisations syndicales de salariés, l’Union nationale des industries de la manutention et l’Union des ports de France ont cru à cette réforme. Leurs espoirs en termes de développement de l’emploi – promesse des 30 000 emplois directs et indirects, développement des journées dockers – et de l’activité – promesse de l’augmentation du trafic de conteneurs de 3, 5 millions à 10 millions avant 2015 – étaient tels que les unes et les autres ont tenu à respecter le calendrier fixé par le Gouvernement pour organiser les modalités de transfert au secteur privé de certains personnels du Grand Port de Marseille.

Ils se sont impliqués, allant jusqu’à organiser pas moins de cinquante-trois réunions pour conclure l’accord-cadre interbranche tripartite du 30 octobre 2008, assorti de conditions sociales avantageuses et exorbitantes du droit commun, et ont adopté une convention collective nationale unifiée « Ports et manutention », le 30 juin dernier.

En outre, un travail commun mené sur la notion de cessation anticipée d’activité pour pénibilité a abouti, mais le financement des mesures envisagées reste encore épineux.

Monsieur le secrétaire d'État, il n’est plus possible de nier les difficultés, et l’ensemble des protagonistes attend des réponses concrètes du Gouvernement.

La déception est réelle de part et d’autre, et le personnel est légitimement sur la défensive. D’ailleurs – on peut le regretter –, l’activité de marchandises des grands ports français a été à l’arrêt à de multiples reprises : les 6 et 16 novembre dernier, ainsi que les 4 et 11 janvier 2010. Ce fut aussi le cas du port de Marseille-Fos, à l’arrêt – vrac et conteneurs – avec seize navires à quai.

À Marseille, sur le site de Graveleau, le plan de cession des outillages des terminaux et du transfert du personnel a été rejeté par la Commission nationale d’évaluation. Le Grand Port maritime de Marseille doit donc lancer de nouveau un appel à candidatures.

Souvenons-nous que, en 1992, on nous présentait déjà l’intégration des dockers au sein des entreprises de manutention comme LA réforme.

On aurait souhaité, comme notre collègue Jean-Noël Guérini vous l’avait déjà demandé lors du débat en 2008, que la nouvelle réforme de la manutention soit précédée d’une évaluation précise des effets de la précédente, de son coût, de ses apports en termes de productivité, voire de ses échecs en termes de trafic et donc d’emploi.

Vous allez une fois de plus objecter que la réforme de 1992 n’est pas allée au terme de sa logique et que celle de 2008 l’a achevée.

Je crois plutôt que la réforme de 1992, comme celle de 2008, a souffert de ne porter que sur l’un des facteurs de la productivité des ports en oubliant de s’inscrire durablement dans une stratégie de développement.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant de conclure, je tiens à remercier tout particulièrement les efforts consentis par l’ensemble des protagonistes de la réforme portuaire à Marseille.

Les ambitions marseillaises ont certes été revues à la baisse, mais il faut bien admettre que la direction du port, dans un contexte de crise aiguë, a été freinée dans ses initiatives. « À l’impossible nul n’est tenu », dit-on…

Je terminerai mon intervention sur une note d’optimisme en rappelant que Marseille-Fos reste le premier port français, le premier port de Méditerranée et le troisième port pétrolier mondial, ce dont nous sommes fiers. Qui plus est, les atouts – fleuve, fer, route, pipeline – dont il bénéficie et l’ambition des uns et des autres pour le rayonnement économique de notre département permettent d’envisager un avenir plus ensoleillé pour le Grand Port maritime de Marseille.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis près de cinq siècles, notre pays est une des principales puissances maritimes mondiales, tant par le respect qu’ont toujours inspiré notre marine et ses infrastructures portuaires que par l’immensité de notre littoral, de la métropole à l’outre-mer.

Dans la compétition sans merci à laquelle se sont longtemps livrés les États marins de l’Europe, la France a toujours su s’appuyer sur des ports suffisamment puissants et organisés pour participer efficacement aux échanges maritimes sur l’ensemble des mers et des océans.

Forts de leur histoire, nos ports étaient confrontés depuis quelques années à des difficultés majeures rendant nécessaire une modernisation structurelle, mais aussi à une concurrence de plus en plus effrénée de pays nouvellement émergents. Dès lors, il devenait urgent de leur redonner un nouveau souffle afin de maintenir et de pérenniser la place qui est historiquement la leur.

Qu’il s’agisse de l’entretien, de l’exploitation des accès maritimes ou bien de la modernisation et de l’extension des ports, les investissements ont été le parent pauvre des infrastructures de transport. La compétitivité des ports ne dépend pas uniquement de leur positionnement géographique ou de leur niveau d’équipement, elle est également fortement liée à la performance de leurs dessertes terrestres, qui déterminent l’étendue réelle de leur hinterland.

À titre d’exemple, la plateforme portuaire de Rotterdam bénéficie de 12 milliards d’euros sur la période 2008-2012 ; la Belgique a investi 600 millions d’euros pour quatre grands ports entre 2000 et 2008, alors que le gouvernement français annonce un doublement des contributions des contrats de plan État-région, soit 174 millions d’euros, abondés des 50 millions d’euros du plan de relance.

Les moyens engagés ne semblent pas à la hauteur des objectifs annoncés.

La loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire est une réforme de caractère global qui s’inscrit dans une stratégie de réappropriation des activités portuaires alliant développement économique, respect de l’environnement et promotion d’une politique de transport multimodale.

Moins de deux ans après sa promulgation, nous voici appelés à dresser un premier bilan de son application. Bien entendu, il n’est pas question de contester le bien-fondé de ce texte : la modernisation d’infrastructures vieillissantes s’imposait d’autant plus que les acteurs concernés la réclamaient. En outre, il est toujours réjouissant d’encourager le partenariat entre les grands ports maritimes et les collectivités qui les abritent, la multiplication des échanges entre gestionnaires et élus locaux ne pouvant déboucher que sur un accroissement des responsabilités et une amélioration des services portuaires.

Mais, sur ce sujet, je tiens à évoquer deux points.

Le transfert de certaines activités aux opérateurs privés – et l’histoire récente nous le démontre tous les jours – ne renforcera pas nécessairement la compétitivité des ports français. Le risque de monopolisation de l’activité de manutention existe.

Quant au second point, c’est celui du rôle de l’État dans les conseils de surveillance. Avec cinq représentants, l’État en reste l’acteur principal. Il serait donc légitime que son engagement financier soit à la hauteur de sa responsabilité dans les conseils de surveillance. En effet, dans la gouvernance des ports, la place des collectivités territoriales reste très marginale en termes de pouvoir, alors que l’appel au financement de ces mêmes collectivités a augmenté de façon importante.

Toutefois, la réforme initiée en 2008 comporte un volet important, mais socialement dangereux, qui est celui de la simplification et de la rationalisation de la manutention portuaire. Ces dispositions, complétées par un accord-cadre du 30 octobre 2008, prévoient le transfert à des entreprises privées de la détention et de l’exploitation des outillages et matériels de manutention.

Ce dispositif a provoqué, on s’en souvient, un vaste mouvement de contestation nationale, notamment par toute une série de blocus sur les principaux ports concernés. Ce mouvement social était d’autant plus justifié que les nouvelles dispositions risquaient – et risquent toujours – de fragiliser une catégorie de personnels particulièrement vulnérables au profit d’entreprises privées qui n’hésiteront pas à utiliser l’arme facile de la main-d’œuvre étrangère à bon marché sur notre propre territoire.

Même si l’accord prévoit la reprise automatique des personnels de manutention, rien n’empêche de faire appel à des sous-traitants permanents ou périodiques non soumis au droit français. Les conséquences économiques et sociales sont trop importantes pour les personnels, mais aussi pour la qualité des prestations, pour être passées sous silence.

Était-il réellement nécessaire de briser une logique historique qui a toujours fait la preuve de son efficacité pour imposer une logique strictement concurrentielle et ouverte à tous les excès ? Je ne le crois pas.

Depuis deux ans, le dispositif d’ouverture à la concurrence des opérations de manutention a créé un profond sentiment d’injustice auprès de personnes le plus souvent peu ou mal rémunérées. Loin d’atténuer les risques de conflits sociaux, la réforme portuaire de 2008 porte en son sein les germes de la contestation, qui peut éclater à tout moment.

De plus, monsieur le secrétaire d'État, je tiens à souligner l’aspect incomplet de la loi du 4 juillet 2008, qui a délaissé les ports de plaisance.

Permettez-moi de rappeler en quelques chiffres ce que représente la plaisance.

On dénombre environ 370 ports de plaisance pour un parc plaisancier, en France métropolitaine uniquement, de près de 900 000 unités. Selon les services de l’État, chaque année, plus de 25 000 nouveaux navires sont immatriculés. En hausse constante et régulière, les activités liées à la plaisance permettent à la France d’être l’un des trois premiers constructeurs mondiaux de navires de loisir. En y ajoutant les prestations portuaires, ainsi que les services liés à l’usage de la mer, le secteur de la plaisance représente des milliers d’emplois et a un impact financier de plusieurs centaines de millions d’euros.

Or les ports de plaisance, fluviaux comme maritimes, qui font le charme de nos territoires tout en participant pleinement à la vie économique de nombreuses collectivités marines, sont confrontés à de lourdes difficultés liées au manque de place.

Ici encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Pour 900 000 navires, il n’existe que 163 000 anneaux portuaires disponibles. En d’autres termes, seules deux unités sur dix environ pourront bénéficier de places de mouillage. Cet état de fait, qui empire d’année en année, comporte un certain nombre d’inconvénients, tant pour les plaisanciers que pour les collectivités locales.

D’une part, le manque cruel de place au sein des ports de plaisance représente un réel manque à gagner pour les finances des collectivités locales. D’autre part, pour faire face à la pénurie d’anneaux, certaines collectivités ou établissements publics concessionnaires ont encouragé le système des cales sèches et des mouillages organisés hors zone portuaire. En France, ces derniers sont au nombre d’environ 60 000, ce qui est bien peu au regard des besoins.

Il en résulte ainsi des conséquences écologiques dramatiques en termes de pollution domestique. Conformément à une législation et à une réglementation très strictes, de nombreux efforts ont été entrepris ces dernières années par les gestionnaires de ports pour la collecte et le tri des déchets dus à la plaisance.

Monsieur le secrétaire d’État, la réforme portuaire de 2008 s’attachait à encourager et à pérenniser les valeurs environnementales. Pourtant, vous n’ignorez pas que, après le transfert aux grands ports maritimes de la gestion globale des espaces portuaires, l’inquiétude des associations de défense de l’environnement, au sujet des espaces naturels protégés et des écosystèmes situés dans le périmètre couvert par les grands ports, ne cesse de s’accentuer.

Certes, il existe au sein du code de l’environnement un certain nombre de dispositifs tendant à renforcer les devoirs des gestionnaires portuaires dans la lutte contre les pollutions marines. En revanche, rien n’a jamais été prévu pour empêcher à la source les nuisances liées aux « macrodéchets » dans le prolongement des ports, à savoir les zones de mouillage.

Lancé il y a près d’un an, le Grenelle de la mer doit être l’occasion de dresser un bilan complet des activités de plaisance et de mettre en place des mesures réglementaires fortes pour lutter contre les déchets qui en sont issus. Le Grenelle de la mer, à condition qu’il ne devienne pas une coquille vide, est l’occasion unique de combler les lacunes de la réforme portuaire de 2008. Nous y serons très attentifs.

Après le défi politique en 2008, le défi social en 2009 et en 2010, c’est maintenant le défi économique qui doit être relevé. Et sans un engagement fort et massif de l’État, les objectifs affichés par cette réforme portuaire ne seront certainement pas atteints.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, mes chers collègues, je me félicite de l’occasion qui nous est donnée de pouvoir tirer un premier bilan de la loi portant réforme portuaire du 4 juillet 2008, et j’en remercie notre collègue M. Charles Revet qui, en homme de projets, tient à vérifier la pertinence de ce texte si important pour notre économie.

Je rappelle que l’urgence avait été déclarée à l’époque pour l’examen de ce texte, ce qui prouve à quel point il devait nous aider à relever les défis stratégiques qui se posaient à nos ports dans le contexte de mondialisation que nous connaissons.

Aujourd’hui, chacun l’a rappelé, 80 % de nos échanges passent par le transport maritime, qui augmente en outre de 5 % à 10 % par an depuis dix ans, principalement grâce au développement de l’Asie.

Cette nécessaire modernisation des ports français, portée par la loi du 4 juillet 2008, a été renforcée par les dispositions du Grenelle de l’environnement et celles du Grenelle de la mer, par le projet de loi sur le Grand Paris et par le plan de relance. Ces textes ou projets de textes ont tous abouti à la conclusion qu’il fallait apporter un soutien massif au développement de notre politique maritime.

La loi rapportée au Sénat par notre excellent collègue M. Charles Revet avait pour vocation de recentrer l’activité des ports autonomes, rebaptisés « grands ports maritimes », sur leurs missions principales : assurer l’accès maritime, la sécurité et la sûreté ; aménager le domaine portuaire et gérer les dessertes fluviales et terrestres ; élaborer la politique tarifaire ; simplifier l’organisation de la manutention portuaire, grâce à la mise en place d’opérateurs intégrés de terminaux, responsables de l’ensemble des opérations, auxquels les ports transfèrent l’outillage ; redéfinir la gouvernance des ports en les dotant d’un conseil de surveillance, aux pouvoirs renforcés par rapport à l’actuel conseil d’administration, et dans lequel l’État et les collectivités territoriales pourront peser davantage.

Enfin, ce projet prévoyait qu’un décret ministériel puisse engager la coordination entre ports d’une même façade maritime ou situés sur un même axe fluvial.

Aujourd’hui, deux ans après l’adoption de cette loi, indispensable pour permettre à nos ports de faire face à la concurrence européenne et internationale, l’heure est venue d’en tirer un premier bilan.

Qu’est-ce qui a changé depuis la loi du 4 juillet 2008 ?

D’abord, la gouvernance de l’ensemble des ports de commerce français a été modifiée, et cela leur a permis de s’adapter, progressivement, au développement de la concurrence entre les ports européens, en particulier sur la façade atlantique, la Manche et la mer du Nord.

Désormais, en effet, les « grands ports maritimes », n’interviennent plus, sauf cas exceptionnels, dans les activités de manutention. Leurs missions régaliennes d’autorité publique ont été réaffirmées. Leurs fonctions de gestionnaire et d’aménageur de leur domaine se sont développées. Les établissements portuaires peuvent ainsi concentrer leurs moyens sur le développement du port et de ses activités.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Par ailleurs, la loi a rationalisé l’organisation des opérations de manutention en instaurant une unité de commandement. Cela répond à un triple objectif : améliorer la productivité des opérations de manutention – il reste encore quelques progrès à faire ! –, développer l’investissement privé dans les ports français et rétablir la confiance des principaux clients des ports, armateurs comme chargeurs.

Dans la loi du 4 juillet 2008, il était également prévu que les ports devraient transférer à des opérateurs, dans les deux ans, les outillages qu’ils possèdent. Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, où ces transferts en sont aujourd’hui ?

Par ailleurs, l’organisation actuelle des grands ports est remplacée par un conseil de surveillance et un directoire. Cette nouvelle organisation est prévue pour permettre aux ports de prendre des décisions avec une efficacité accrue. Ce conseil de surveillance réunit des représentants de l’État, des collectivités locales, des salariés du port et des personnalités qualifiées choisies en fonction de leur compétence.

En outre, un conseil de développement a été créé pour associer les acteurs économiques, les collectivités territoriales, les représentants des salariés des entreprises de la place portuaire et des personnalités qualifiées, dont les associations de protection de l’environnement. Il doit rendre des avis sur le projet stratégique du port et sur sa politique tarifaire.

Je rappelle que ce projet stratégique est un document définissant les objectifs du port, notamment en termes de croissance de trafic, et les moyens à mettre en œuvre. Ce dispositif connaît un succès certain puisque Nantes–Saint-Nazaire et La Rochelle l’ont adopté.

Parmi les principaux axes de développement du Grand Port maritime de Nantes–Saint-Nazaire figure la construction d’une offre logistique intermodale, avec l’aménagement d’un terminal à conteneurs de dimension européenne. Étendu de 1 500 mètres, le terminal de Montoir-de-Bretagne doit pouvoir traiter 500 000 équivalents vingt pieds à l’horizon 2020, contre 150 000 en 2008.

Les projets stratégiques propres à chaque port doivent, en outre, être compatibles avec un document-cadre de coordination, défini par un conseil de coordination interportuaire. Celui-ci a été institué par décret le 21 mai 2009.

En ce qui concerne les personnels des ports, la loi du 4 juillet 2008 prévoit le transfert de la totalité de la manutention portuaire des établissements publics vers des opérateurs privés. Un accord-cadre signé entre les représentants de l’État et les représentants syndicaux garantit le maintien des rémunérations et de certains acquis sociaux. Comme vous vous en souvenez sûrement, ce ne fut pas chose simple à Nantes–Saint-Nazaire, où ce processus a connu des étapes totalement imprévisibles !

La loi prévoit également que les personnels détachés bénéficient d’un droit de retour d’une durée de trois ans au sein des établissements. Alors que l’inquiétude reste vive parmi les personnels, après la grève intervenue en février dernier à Saint-Nazaire sur la question des modalités de détachement des personnels vers les opérateurs privés, pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, où en est ce dossier, notamment en ce qui concerne la négociation avec les partenaires sociaux de la nouvelle convention collective de manutention des ports ?

La loi du 4 juillet 2008 visait également à renforcer l’investissement dans les infrastructures portuaires proprement dites, ainsi que dans les infrastructures routières et, surtout, ferroviaires, qui relient les plateformes portuaires à l’hinterland. Nous en revenons ici à des questions que d’autres ont évoquées avant moi.

Ainsi, pour la seule année 2009, plus de 130 millions d’euros ont été financés par l’État pour les investissements portuaires, afin de maintenir le niveau des investissements à 400 millions d’euros, et ce en dépit de la crise. Au total, mes chers collègues, ce sont plus de 440 millions d’euros qui seront investis par l’État pour la période 2007-2013.

Lors d’une récente réunion avec les directeurs des grands ports maritimes français, la fédération nationale des ports et docks CGT, ainsi que les représentants des entreprises de manutention, vous avez réaffirmé, monsieur le secrétaire d’État, le volontarisme du Gouvernement sur cette question.

Ces dispositions vont toutes dans le bon sens et elles doivent permettre, peu à peu, de rendre nos ports plus compétitifs. En effet, je vous rappelle, mes chers collègues, que le trafic global des huit plus grands ports de commerce français a baissé de 11, 8 % l’an dernier par rapport à 2008.

Les grands ports maritimes, ainsi que le port de Calais, ont été touchés par les conséquences de la crise économique et, peut-être, de quelques dysfonctionnements. Les autres ports ont, au mieux, vu leur trafic rester stable ou ont, plus généralement, enregistré d’importantes baisses. Le port de Marseille a enregistré une diminution de 13, 3 % et celui du Havre de 8, 5 %. Monsieur le secrétaire d’État, les derniers chiffres en votre possession sont-ils optimistes, laissant entrevoir une reprise de l’activité ?

Comme je le soulignais à l’instant, le port de Nantes–Saint-Nazaire n’a pas été épargné par la crise. En 2008, il avait réussi, malgré la crise et un climat social que je qualifierai de difficile, à maintenir un niveau de trafic total à près de 38 millions de tonnes, tout en augmentant son programme d’investissements de 25 % par rapport à 2007. En 2009, le trafic y est en recul de 11, 5 %.

La réforme portuaire va permettre aux ports, je l’espère, de sortir moins affaiblis et plus réactifs. Mais l’État se doit de poursuivre une politique juste et doit prendre garde à l’émergence d’une politique portuaire différenciée selon les ports.

Il ne faudrait pas que Nantes–Saint-Nazaire, quatrième port de France, dont la situation géographique est stratégique dans l’Europe des Vingt-Sept et, plus largement, dans une économie mondialisée, soit négligé. Il doit être soutenu et encouragé, au même titre que les autres !

Plus de 3 000 navires marchands font escale chaque année sur les deux sites portuaires de Nantes–Saint-Nazaire. Cette activité logistique engendre de nombreux emplois sur le territoire ligérien, et crée au total 2, 7 milliards d’euros de valeur ajoutée. Vous comprendrez aisément, monsieur le secrétaire d’État, que l’État et les collectivités doivent s’entendre et travailler main dans la main pour sauvegarder et renforcer cet outil décisif pour le développement du Grand Ouest, son rôle et son attractivité en Europe.

Rien dans la politique conduite par les pouvoirs publics ne doit accréditer l’idée, trop largement répandue, selon laquelle le port de Saint-Nazaire ne serait pas une priorité de l’État, plus intéressé par les deux plus grands ports français…

À cet égard, il faut rappeler que Nantes–Saint-Nazaire souffre d’un handicap, puisque 5 % de son trafic à peine part sur le rail, contre de 10 % à 15 % pour les autres ports. Le problème tient, pour les marchandises arrivant à Nantes ou en partant, à la question du lieu d’interconnexion avec les lignes ferroviaires.

Des conventions sont certes passées avec RFF, et la SNCF se dit intéressée par le trafic des grands ports. L’État doit s’impliquer plus fortement dans ce dossier capital, en raison notamment du démarrage des autoroutes de la mer.

Autre point : comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, la Commission européenne a décidé d’ouvrir en avril 2009 une enquête sur la compatibilité de cette réforme portuaire, et plus précisément du régime fiscal des outillages, avec les règles communautaires. Pouvez-vous nous préciser l’évolution de cette procédure ainsi que ses conséquences probables ou possibles ?

Je conclurai, mes chers collègues, en réaffirmant ma satisfaction quant à l’adoption de la loi portant réforme portuaire qui, en s’attaquant aux problèmes bien identifiés de gouvernance, de coordination et d’investissement de nos ports, a permis de leur donner un nouvel élan.

Je souhaite que cette dynamique soit menée à son terme afin que nos ports, qui sont un atout indéniable de la puissance commerciale française, retrouvent leur rang et leur place dans le monde.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vestri

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme nous l’avons tous constaté, depuis de trop nombreuses années, les ports français ne profitent pas de la croissance du trafic international et perdent des parts de marché au profit de leurs concurrents européens – Anvers, Rotterdam, Barcelone, Gênes –, car les deux tiers des marchandises importées en France par la mer sont débarquées dans un port étranger.

La France, qui possède trois façades maritimes, devrait pourtant figurer au premier rang des pays portuaires européens, compte tenu de sa situation de carrefour de l’Europe. C’est dans un contexte international de plus en plus compétitif que le Gouvernement a proposé une réorganisation portuaire au travers de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, organisant la décentralisation des ports d’intérêt national, et de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, instaurant les grands ports maritimes.

La réforme portuaire voulue par le Président de la République s’articule autour de quatre objectifs qu’il est utile de rappeler dès à présent : la redéfinition du rôle du grand port maritime, le GPM, centré, d’une part, sur les missions d’autorité publique que sont notamment la police et la sûreté portuaire et, d’autre part, sur la mission d’aménageur de l’espace public portuaire ; la coordination, par façade maritime, des politiques commerciales portuaires en insistant sur la complémentarité des offres de services par bassin de navigation ; la simplification de l’organisation de la manutention portuaire grâce à la « verticalisation » des services de manutention portuaire ; enfin, la modernisation de la gouvernance permettant aux acteurs du territoire d’être associés au processus de décision à l’intérieur du grand port maritime.

La loi du 4 juillet 2008 est la traduction de l’ambition maritime de la France. Elle s’intègre pleinement dans la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi et préfigure un espace maritime européen commun.

Elle vient parachever le dispositif législatif des grands ports français, en constante évolution depuis la loi de 1965 sur l’autonomie des ports, complétée en 1992 par la loi sur la manutention portuaire, en 1994 par la loi sur la gestion domaniale et, en 2004, par la décentralisation des ports maritimes non autonomes relevant de l’État.

La loi de 2008 doit permettre aux sept grands ports maritimes français que sont Bordeaux, Dunkerque, Le Havre, La Rochelle, Rouen, Nantes–Saint-Nazaire et Marseille de retrouver une place prépondérante dans le commerce mondial.

Les principaux effets attendus de son application sont la création de 30 000 emplois au cours des cinq prochaines années, ainsi que le développement de nouveaux axes d’échanges commerciaux dans un cadre de gouvernance mieux coordonné.

Ces objectifs devraient être atteints principalement grâce à la mise en place de partenariats public-privé novateurs, s’appuyant sur le transfert des outillages et des personnels concernés vers des opérateurs privés, dans la droite ligne de l’accord-cadre national signé le 30 octobre 2008, et qui trouve des déclinaisons précises, port par port.

Sur le plan des investissements, et malgré la crise économique qui touche le commerce mondial, tous les directoires des grands ports maritimes ont adopté, depuis avril 2009, les projets stratégiques quinquennaux d’investissement pour une enveloppe globale de 2, 5 milliards d’euros.

Ces sommes seront complétées par 231 millions d’euros, mobilisés soit au titre des contrats de projet État-région, soit au titre du plan de relance de l’économie.

À la condition de tirer les enseignements du passé – je pense notamment à l’enlisement du dossier de la forme 10, au port de Marseille –, force est de constater que le visage des grands ports maritimes devrait changer en profondeur dans les cinq prochaines années.

Des investissements plus « verts », plus en accord avec les préconisations du Grenelle de la mer, devraient être par ailleurs soutenus. Il devrait en être ainsi des ports automatisés, qui sont des solutions d’avenir, et qui auraient bien besoin d’une vitrine d’exposition sur le domaine portuaire.

Sur le plan des transferts de personnels de manutention des ports vers les opérateurs privés, la situation est, bien évidemment, très sensible. Cette mesure concerne environ 2 000 personnes – essentiellement les grutiers et les portiqueurs – soumises aux mêmes règles que les dockers depuis la réforme instituée par la loi de 1992, dite réforme Le Drian.

D’ailleurs, au Havre, le détachement des 600 agents de la « direction outillage » n’est toujours pas effectif au moment où je vous livre cette communication, alors qu’il aurait dû intervenir au 1er janvier 2009, c’est-à-dire voilà exactement dix-sept mois.

Mais il n’y a pas, en la matière, de quoi s’inquiéter, car la mise en œuvre de ces dispositions implique par nature des processus de négociation assez longs. Ainsi, dans le port de Marseille, l’application pleine et entière de la loi du 9 juin 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes, a été finalisée avec les partenaires sociaux le 17 juillet 1998, dans le cadre du développement du centre logistique de Fos-Distriport, soit six ans après.

Le rôle du grand port maritime français, dans sa nouvelle configuration, est bien, tout d’abord, de faciliter ces transferts de personnels en jouant un rôle de conciliateur dans les négociations sur ce processus de mutation, avant d’y adosser une politique cohérente d’investissement et de renouvellement des matériels.

Tel est bien l’esprit de la réforme portuaire traduite dans la loi du 4 juillet 2008 pour les grands ports maritimes. Mais ces derniers ne sont pas les seuls concernés par la réforme.

De fait, la loi de 2008 a également prévu, à la demande de mon collègue Jean-François Legrand, de nouvelles dispositions transversales applicables aux ports transférés aux collectivités locales.

Ces dispositions, qui ont modifié en profondeur l’esprit du code des ports maritimes, devaient permettre aux collectivités locales de financer les nécessaires travaux de maintien en état des infrastructures, y compris dans les cas où il existe un concessionnaire, en leur affectant des ressources issues directement des droits de port.

Alors que les retombées financières pour les budgets des collectivités locales sont très importantes et, surtout, récurrentes, il semblerait que cette partie de la réforme soit encore méconnue de la plupart des collectivités concernées.

Dans le même esprit, il me semble important que la notion de compétitivité et de complémentarité soit au cœur d’une future réflexion sur les ports maritimes qui sont devenus, en quelques années, le centre de gravité des territoires où ils sont implantés.

En effet, la logique de proximité des centres de décision, qui est au cœur de la réforme portuaire, n’est pas appliquée de manière homogène sur le territoire puisque les communes littorales se sont vu retirer la gestion de leurs ports au profit de communautés urbaines sans « passé maritime ».

C’est pourquoi il me semble nécessaire de développer une réflexion autour de deux axes : dans un premier temps, une réforme de la gouvernance, par une modernisation des conseils portuaires devenus obsolètes et, dans un second temps, une simplification des politiques d’investissement, notamment en généralisant à l’ensemble de ces ports, de manière explicite, les dispositions du décret n° 2005-1796 du 28 décembre 2005 relatif à l’approbation des conventions de terminal dans les ports maritimes et modifiant l’article R. 115-14 du code des ports maritimes.

Ces réflexions m’encouragent à vous faire part d’une préconisation de bon sens.

Je souhaite que, dans le cadre du suivi de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, deux principes soient posés ici.

Le premier concerne la mise en œuvre de la loi dans grands ports maritimes : il me semble important que des représentants du Parlement soient associés au suivi de l’application de la réforme de manière à produire ou à vérifier un bilan annuel de son application et de son impact sur l’économie maritime.

Le second principe concerne la mise en œuvre de la loi dans les ports maritimes ne relevant pas de l’État : il me semble également important de vérifier, dès à présent, que des collectivités locales nouvellement confrontées à la technicité du domaine portuaire ne se privent pas involontairement de ressources financières faute de savoir comment les mettre en œuvre.

Telles sont les quelques observations que je souhaitais vous présenter sur cette réforme qui me tient particulièrement à cœur.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je souhaite saluer l’initiative de la commission de l’économie, qui est à l’origine de ce débat. Nous avons ainsi l’occasion de revenir sur un sujet majeur en termes stratégiques, tout à la fois sur le plan économique et sur le plan de l’aménagement durable du territoire, sujet qui méritait sans doute mieux qu’une procédure accélérée lorsqu’il fut soumis à notre discussion.

Si notre assemblée eut la primeur de l’examen du texte de 2008, et qu’une véritable discussion y a eu lieu, nos collègues députés ont connu un débat escamoté : le rapporteur n’avait déposé qu’un seul amendement, retiré peu de temps avant la séance publique, et les amendements défendus par l’opposition ont été invariablement rejetés. Sans navette parlementaire, nous fûmes en outre privés de commission mixte paritaire.

L’un des amendements de l’opposition visait à demander au Gouvernement de présenter devant le Parlement un rapport d’étape annuel de l’application de la réforme portuaire. Tout en refusant l’amendement, vous vous étiez engagé, monsieur le secrétaire d’État, à revenir vers le Parlement pour présenter l’état d’avancement de la loi. Je salue donc ici le respect de cet engagement.

Préconisé par la Cour des comptes, dans un rapport public de juillet 2006, pour faire face aux pertes de marchés des ports français au profit de leurs concurrents européens, notamment du Benelux, le plan de relance des ports contenu dans la loi du 4 juillet 2008 portait sur quatre axes principaux : la réforme de la gouvernance ; l’augmentation du trafic par la modernisation de l’exploitation – essentiellement celle des terminaux à conteneurs – qui doit s’accompagner de la création de 30 000 emplois ; l’amélioration des dessertes portuaires ; enfin, le transfert des outillages et des personnels.

Aujourd’hui, deux ans après sa promulgation, il convient de faire un point sur l’application réelle de la loi.

Si nous considérons d’abord la question de la gouvernance, nous pouvons constater qu’elle a par deux fois connu des entorses, à Bordeaux et à Nantes–Saint-Nazaire.

Dans le premier cas, de façon unilatérale, le Gouvernement passa outre à l’avis des conseils de surveillance et de développement pour refuser l’implantation d’un terminal méthanier.

Dans le second cas, le directeur du port fut « démissionné » sans que l’on eût pris l’avis du conseil de surveillance.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Et c’était très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

Cette situation a été dénoncée par les représentants des collectivités. Selon vous, cet accord était dérogatoire à la loi sur la réforme portuaire. Ainsi, le Grand Port maritime de Nantes–Saint-Nazaire, premier port qui allait signer son projet, a in fine été le dernier des sept grands ports maritimes à définir ses choix stratégiques, le 12 juin 2009.

En ce qui concerne le trafic, force est de constater que l’augmentation n’est au rendez-vous dans aucun des grands ports maritimes, à l’exception de La Rochelle. Celui de Nantes–Saint-Nazaire a connu, en 2009, une baisse de son trafic de 11 %. Les tonnes n’étant pas au rendez-vous, il est évident que l’emploi ne l’est pas non plus. Au contraire, ce sont aujourd’hui des congés de fin de carrière sans remplacement qui se mettent en place.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour évoquer l’un des axes de développement que souhaite mettre en œuvre le grand port maritime de Nantes–Saint-Nazaire, en lien avec l’industrie navale, plus particulièrement avec le chantier STX, dont le devenir suscite de fortes inquiétudes. Je veux parler de l’éolien offshore.

Ce dossier, au cœur du Grenelle de l’environnement, mériterait un coup d’accélérateur. Il nécessite des moyens de manutention, de l’espace de stockage, un savoir-faire et des lieux de construction que le bassin nazairien peut fournir sur toute la filière. La seule contrainte, pour être compétitif à l’échelon européen dans ce secteur d’avenir, est de ne pas prendre de retard.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais connaître les intentions et le calendrier du Gouvernement sur ce point.

Mes chers collègues, la modernisation de l’exploitation est la réponse adéquate pour rendre nos ports attractifs et compétitifs. D’ici à 2015, il était ainsi prévu que le trafic des conteneurs passe de 3, 5 millions à 10 millions.

Cependant, malgré les engagements financiers concernant les investissements portuaires, ferroviaires, routiers et fluviaux prévus dans le plan de relance portuaire, dans le plan de relance pour l’économie, comme dans les contrats de projet État-région, des doutes subsistent sur le moyen terme.

La Cour des comptes a fait part en la matière de sa satisfaction « sur le plan des principes », expression qui laisse à penser que l’on jugera a posteriori la constance des engagements. Ces efforts financiers sont également à comparer avec ceux d’autres ports européens : 2, 9 milliards d’euros à Rotterdam, plus de 1 milliard d’euros à Hambourg.

L’exemple de Nantes–Saint-Nazaire peut également illustrer ces craintes puisque, bien que présente dans le projet stratégique, l’extension du terminal à conteneurs de Montoir-de-Bretagne semble suspendue par les représentants de l’État au conseil de surveillance à l’obtention d’une garantie que le trafic à venir correspondra bien à 500 000 conteneurs. Qui peut le garantir, surtout si les investissements de certaines dessertes ne sont pas au rendez-vous ?

De plus, de nombreux investissements du port de Nantes–Saint-Nazaire sont dans l’attente de l’obtention des autorisations soumises notamment au plan de prévention des risques technologiques, à la loi sur l’eau, à Natura 2000. Ainsi, les premiers travaux débuteront au mieux dans deux ans.

Par ailleurs, les récentes déclarations du Premier ministre concernant le gel des dépenses de l’État ne favorisent pas la confiance sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, et nous attendons que vous nous donniez des garanties sur les investissements déjà engagés ou prévus dans le cadre du plan de relance portuaire.

Le troisième axe est celui des dessertes portuaires. La principale cause du non-développement des ports hexagonaux réside, à l’évidence, dans la faiblesse des dessertes portuaires. Des besoins existent dans tous les ports. J’en citerai quelques exemples : une écluse à Port 2000 au Havre pour le fluvial, l’amélioration du ferroviaire à La Rochelle, le désenclavement du Verdon pour le port de Bordeaux, l’amélioration des dessertes routières et fluviales à Fos-sur-Mer…

Pour Nantes–Saint-Nazaire, les travaux nécessaires sont la mise à deux fois deux voies des liaisons Montoir-Châteaubriant-Laval ainsi que Montoir-Redon-Rennes, l’électrification de la ligne vers Vierzon et le sud de l’Europe et le contournement du sud de Paris pour le trafic ferroviaire, enfin, la remontée de barges jusqu’à Angers pour le trafic fluvial.

Monsieur le secrétaire d’État, quel est l’état d’avancement des réflexions et des investissements sur cette question essentielle d’aménagement de notre territoire et de stratégie portuaire du pré- et du post-acheminement des marchandises ?

Enfin, quatrième axe, le transfert des outillages progressse puisque, dans tous les ports, à l’exception de quelques dossiers, les actes de cessions sont sur le point d’être validés.

Je citerai les propos de notre ancien collègue Charles Josselin, qui a apporté tout son savoir et son expérience à nos travaux sur la réforme portuaire. Lors de l’explication de vote du groupe socialiste ici même, il insistait « sur la grande vigilance avec laquelle il faudrait gérer le dossier de l’estimation des outillages », outillages, je le rappelle, financés en grande partie par les collectivités.

Je crains qu’il n’ait pas été entendu et que ce ne soit, aujourd’hui, la grande braderie au profit des opérateurs privés.

Par exemple, à Nantes–Saint-Nazaire, la Commission nationale d’évaluation a validé les accords entre le port et les opérateurs. Le terminal à conteneurs, estimé à 14 millions d’euros, est cédé pour 9, 4 millions d’euros.

Le terminal agroalimentaire de Montoir est cédé pour 3, 6 millions d’euros sur dix ans à un taux de 2, 5 %, le port engageant près de 3 millions d’euros pour sa remise en état.

Le terminal céréalier est vendu 500 000 euros, le port engageant la même somme pour la remise en état du portique de chargement.

Enfin, le terminal charbonnier est cédé pour 3 millions d’euros alors que le port entretient régulièrement tous les outillages. Pourtant, les deux roues-pelles et le chargeur de barges ont récemment été réhabilités.

De plus, quelles garanties a-t-on que les opérateurs privés, souvent des grands groupes, maintiendront des activités de fret moins rentables économiquement, mais primordiales pour la survie de nombreuses entreprises des bassins portuaires et de l’hinterland ? Cette question se posera au premier creux de charge et c’est sans doute la grande faille de la réforme, qui laisse aux acteurs privés le soin de contrôler la vie quotidienne des ports.

Sur le plan social enfin, après les forts mouvements qui ont accompagné l’examen du projet de loi au printemps 2008 et les avancées obtenues lors de l’examen dans notre assemblée, les discussions se sont engagées avec parfois des difficultés dans l’ensemble des grands ports. On observe que cette réforme conduit à la disparition de petits manutentionnaires locaux.

Il me semble essentiel là encore, sur la question sociale, qui a fait et fait encore l’objet de nombreuses discussions entre le ministère et les représentants du personnel portuaire, que M. le secrétaire d’État nous informe de l’état d’avancement des négociations concernant les personnels détachés chez les opérateurs ou dans les structures communes.

M. Robert Tropeano applaudit.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de me permettre de m’exprimer à cette heure tardive pour faire le point sur la mise en œuvre de la réforme portuaire. Je remercie en particulier Charles Revet, qui m’en donne l’occasion, car il a joué, en tant que rapporteur de la loi, un rôle majeur dans l’élaboration de ce texte auquel la Haute Assemblée a largement contribué. Je n’oublie pas non plus la part très constructive apportée par l’ensemble des groupes politiques de la majorité comme de l’opposition à cette occasion ; Charles Gautier l’a rappelé à l’instant en citant Charles Josselin.

Cette réforme prépare nos ports à la sortie de crise. Nous l’avons entreprise à un moment où la crise économique n’avait pas encore débuté, pour – enfin – doter nos ports des outils leur permettant de restaurer leur compétitivité. André Trillard en a souligné l’urgence. L’enjeu est de taille : 1 000 conteneurs arrivant chaque année dans un port français créent cinq emplois tout au long de la chaîne logistique, et, si nous développons le trafic des conteneurs – une simple multiplication permet de le constater –, cela signifie à terme la création de 30 000 emplois dans le secteur de la logistique. Il nous faut maintenant atteindre nos objectifs.

Depuis la promulgation de la loi, le Gouvernement a marqué sa détermination à conduire la réforme portuaire à son terme, dans le cadre d’un dialogue social permanent, bien évidemment. La crise économique n’a pas freiné le processus, elle en a paradoxalement renforcé la pertinence. Il est essentiel que nos ports soient pleinement compétitifs au moment de la reprise économique, et les derniers chiffres dont je dispose pour les conteneurs et les vracs solides – André Trillard m’a interrogé sur ce point – sont encourageants à cet égard.

Lorsque les armateurs remettront en place de nouvelles lignes pour traiter la hausse des trafics qui s’annonce, il faudra que les ports français soient au rendez-vous et leur offrent une porte d’accès à toute l’Europe fiable et efficace. Lorsque les investisseurs seront de retour – ils commencent à revenir –, il faudra qu’ils investissent dans des terminaux ou des implantations logistiques situés dans nos ports.

Les nouvelles instances de gouvernance, qui ont été rapidement mises en place, fonctionnent bien, vous l’avez souligné les uns et les autres. Dès le mois d’octobre 2008, nous avions pris l’ensemble des textes d’application, comme j’en avais pris l’engagement devant le Parlement, et les sept ports autonomes de Bordeaux, Dunkerque, Le Havre, La Rochelle, Rouen, Nantes–Saint-Nazaire et Marseille avaient été transformés en grands ports maritimes.

Toutes les nouvelles instances de gouvernance étaient en place au début de l’année 2009. Elles siègent aujourd’hui régulièrement et les retours sur le terrain quant à leur fonctionnement sont tout à fait positifs. Les conseils de développement, qui constituaient une innovation importante en associant des acteurs qui ne travaillaient pas ensemble jusqu'à présent, ont trouvé également une place qui n’est pas accessoire.

J’évoquerai maintenant les conseils de coordination interportuaire, notamment celui de la Seine, présidé par Claude Gressier, qui regroupe les ports du Havre, de Rouen et de Paris, et celui de l’Atlantique, qui regroupe les ports de Bordeaux, La Rochelle et Nantes–Saint-Nazaire, présidé par l’ancien président du port de Nantes, Michel Quimbert. Ces conseils de coordination ne sont pas des instruments de discussion, de débat ou de banquet, ils ont une pertinence importante. Mme Morin-Desailly a souligné combien celui de la Seine s’inscrivait dans la dynamique du Grand Paris, et le colloque qui a eu lieu récemment au Havre avec Antoine Ruffenacht, Bertrand Delanoë, Laurent Fabius, les présidents de régions, les parlementaires et les élus de ces grandes villes et de ces grands départements, a montré que ce conseil de coordination avait une grande importance et qu’il faisait l’objet d’un appui de l’ensemble des instances politiques.

Ces conseils travaillent sur des politiques essentielles, telles que les politiques de promotion ou de desserte. Les ports de la Seine – c’est une idée chère à Charles Revet – prévoient de coordonner leur projet stratégique, de s’informer, d’échanger et de conduire des actions commerciales communes.

À l’occasion du salon de la logistique qui se tiendra à Shanghai dans le cadre de l’exposition universelle, les ports de la Seine et les ports de l’Atlantique se présenteront sous une même bannière – c’était l’objectif de la réforme. Ils pourront poursuivre le travail de promotion que j’ai engagé l’an dernier en emmenant tous les dirigeants des ports français faire le tour des grandes places asiatiques pour présenter la nouvelle offre des ports de France.

Le conseil de coordination de la Seine travaille sur l’arrivée du canal Seine-Nord-Europe, qui sera un atout pour nos ports après avoir été une crainte, notamment pour le port de Rouen. Pour cela, nos ports doivent se positionner le plus en amont possible de la réalisation du projet.

Je me réjouis de la nomination dans ces conseils de représentants de Réseau ferré de France – la desserte ferroviaire est importante – et de Voies navigables de France. Je me réjouis également des accords de partenariats noués entre ces deux grands organismes et les grands ports maritimes, accords qui sont la marque d’une nouvelle approche intermodale des dessertes portuaires.

Tous les ports ont adopté leur projet stratégique au printemps dernier pour la période 2009-2013, plusieurs intervenants l’ont souligné, notamment René Vestri. Ce document a été élaboré à partir d’un diagnostic tant des atouts que des points faibles. Tous les acteurs portuaires y ont participé, en particulier les collectivités territoriales. Bien entendu, ces projets stratégiques ne sont pas inscrits dans le marbre, ils devront évoluer au fil du temps.

Comme Charles Revet me l’a demandé, je rappellerai les lignes directrices de tous ces projets stratégiques.

Il s’agit, tout d’abord, du développement des trafics, avec des stratégies adaptées aux spécificités de chaque port et visant à renforcer leurs points forts.

Il s’agit, ensuite, d’un renouvellement complet de la stratégie d’aménagement des espaces portuaires, les ports se recentrant sur leur nouveau rôle d’aménagement, de rationalisation et de valorisation des espaces, et ce, bien sûr, dans un objectif de développement économique. Mais comme l’a dit M. Tropeano, alors que le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle II », a été adopté cet après-midi à l’Assemblée nationale, cet objectif n’est pas incompatible, dans le cadre du développement durable, avec la préservation de l’environnement naturel et le souci des interfaces urbaines.

J’en viens aux investissements portuaires et à nos ambitions en matière de protection de l’environnement.

Cela me donne l’occasion d’évoquer Natura 2000, un sujet cher à Charles Revet. En matière d’environnement, la réforme portuaire a renforcé la responsabilité des ports, auxquels sont confiées la gestion et la préservation des espaces naturels.

Le réseau Natura 2000 – on en connaît les forces et les faiblesses – et son extension en mer ne constitue pas un obstacle au développement portuaire, le classement d’un site soulignant les enjeux de préservation de l’environnement qui ne peuvent être ignorés.

Il reste toujours possible de réaliser des travaux importants dans un site Natura 2000, même en cas d’impact significatif sur les espèces et les habitats ayant justifié la désignation du site, mais à trois conditions, qu’il me paraît d’ailleurs logique de poser : des raisons impératives d’intérêt public majeur, l’absence de solution alternative de moindre impact en termes de localisation, et des mesures compensatoires adéquates. Si nous veillons à ce que ces principes soient appliqués avec bon sens sur le terrain, nous éviterons une sanctuarisation systématique des espaces qui empêcherait le développement des ports – je pense au projet de la vallée de la Seine qui vous est si cher, monsieur Revet.

Par ailleurs, cela a été évoqué, les projets stratégiques prévoient l’amélioration de la desserte des ports, condition sine qua non de leur développement économique et de leur performance. Cette problématique est également liée à l’exigence de report modal fixée dans la loi relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dite « Grenelle I », laquelle prévoit le doublement de la part des pré- et post-acheminements à partir et à destination des ports. Les projets portuaires en cours d’élaboration témoignent d’une mobilisation sans précédent, et j’attends les résultats de la mission confiée par le Premier ministre au député des Alpes-Maritimes Roland Blum pour disposer d’une nouvelle vision sur les projets à mettre en avant.

En application de la réforme portuaire, les grands ports maritimes sont désormais propriétaires de leurs voies ferrées, et c’est tant mieux, car ils ont ainsi pu profiter du plan de relance pour les développer – bien sûr, monsieur Foucaud, sous le regard de l’Établissement public de sécurité ferroviaire, l’EPSF, qui est compétent sur toutes les voies ferroviaires du pays. Je dois dire que le changement est visible à l’œil nu, grâce aux travaux de modernisation et d’électrification que le plan de relance a permis d’entreprendre.

Les projets de plateformes multimodales – je pense au Havre, je pense à Marseille – devraient connaître un nouveau souffle grâce à l’outil très important que constitue la création d’opérateurs ferroviaires de proximité ; il faut bien avouer que, souvent, les opérateurs ferroviaires existants ont été d’un dynamisme modéré !

Le premier de ces opérateurs est en train de se mettre en place à La Rochelle. La SNCF, tout d’abord sollicitée, semblant rester un peu à la traîne, une discussion est en cours avec une autre grande société ferroviaire européenne. Le but n’est en effet pas de savoir de quelle couleur sera la locomotive ni quel sigle elle arborera, il est que les marchandises partent en train et en bateau plutôt qu’en camion.

Le grand port du Havre améliore beaucoup sa desserte ferroviaire et a prévu de doubler le nombre de ses voies avant l’été 2010. Un chantier multimodal permettra par la suite de regrouper en un point unique les conteneurs arrivant sur tous les terminaux maritimes et de les réexpédier ensuite par train ou par barge. La première phase de ce projet sera mise en service dès 2013. En outre, le débat public sur le prolongement du grand canal pour améliorer la desserte du port par la voie d’eau est en cours.

Dans le cadre de l’engagement national pour le fret ferroviaire que Jean-Louis Borloo et moi-même avons lancé en septembre 2009 et qui est doté d’une enveloppe de 7 milliards d’euros sur plusieurs années, les ports représentent, naturellement, l’un des axes prioritaires. S’agissant de la liaison Paris–Le Havre – vous pourrez le constater lorsque sera soumis à votre réflexion le schéma national des infrastructures de transport –, des travaux sont en cours sur la ligne Serqueux-Gisors, dans la perspective, bien sûr, de son électrification. Qui plus est, chaque nouvelle ligne à grande vitesse, qu’elle desserve Le Havre ou Bordeaux, libère sur les lignes existantes des sillons pour le transport de marchandises.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Après ce tour d’horizon de la réforme, j’en viens à la relance des ports et à l’investissement, sur lesquels tous les intervenants se sont à juste titre interrogés.

Les projets stratégiques s’appuient sur un investissement total de l’ordre de 2, 4 milliards d’euros entre 2009 et 2013, l’État consentant un effort sans précédent. Dans le cadre du plan de relance portuaire, une enveloppe de 174 millions d’euros a doublé, pour la période en cours, les crédits inscrits aux contrats de projets État-région, et le plan de relance, cela a été rappelé, a permis d’ajouter 50 millions d’euros de crédits, dont 40 millions ont été dépensés dès 2009.

Un chiffre est éclairant : la moyenne annuelle des investissements des grands ports maritimes est passée de moins de 190 millions d’euros pour la période 2005-2007 à 380 millions d’euros pour la période 2008-2010. Nous avons honoré l’engagement pris devant la Haute Assemblée d’augmenter de près de 6 millions d’euros par an les crédits versés aux ports au titre de l’entretien des accès maritimes, progression qui, malgré les contingences budgétaires, se poursuivra jusqu’en 2013. Vous pouvez constater, monsieur Foucaud, que nous n’avons pas abandonné l’investissement et l’aménagement de nos ports !

Cet engagement porte sur les sept grands ports maritimes sans exception. Qu’il s’agisse des deux premiers en termes de trafic, Le Havre et Marseille, ou de Dunkerque, Rouen, Nantes–Saint-Nazaire, La Rochelle et Bordeaux, tous sont égaux devant la collectivité nationale.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

Je ne doute pas, monsieur Andreoni, que Marseille saura jouer son rôle de grand port de la Méditerranée, même si la concurrence est sévère, à condition d’être compétitif et de ne pas privilégier la « gréviculture ».

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

C’est tout cela qui constitue, justement, l’objet de la réforme.

Pour ce qui est du transfert des activités de manutention, les négociations se poursuivent. Elles devraient toutes aboutir avant la fin de l’année.

S’agissant du transfert des outillages aux entreprises de manutention, pilier de l’amélioration de la productivité des terminaux portuaires, nous avons déjà franchi des étapes décisives, et les échéances fixées par la loi seront respectées. Dès l’adoption des projets stratégiques, au printemps 2009, les ports ont en effet engagé avec les manutentionnaires les négociations de gré à gré pour le transfert des outillages. Un accord est intervenu dans vingt-neuf des trente-trois terminaux concernés.

La Commission nationale d’évaluation des cessions d’outillages portuaires, créée par la loi et chargée de veiller à la transparence des cessions et à la préservation des intérêts publics, a été mise en place au printemps 2009. C’est un magistrat de la Cour des comptes qui la présidait, et Daniel Fidelin, député de la Seine-Maritime, y siégeait en tant que représentant des collectivités locales.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

La commission a beaucoup travaillé – j’ai rencontré récemment ses membres pour les en remercier –, ce qui a été une garantie essentielle lorsque la Commission européenne, puisque ce point a été évoqué, nous a interrogés sur notre réforme.

En l’espace de moins de six mois, la commission a rendu l’ensemble de ses avis – ils ont tous été favorables – sur la cession des biens concernés et des droits réels qui leur sont attachés.

Les ports disposent de six mois après les avis pour signer les actes de cession des outillages. Les premiers ont été signés à Rouen, à Bordeaux, à Dunkerque, à Marseille, au Havre et à La Rochelle, avec parfois des dates d’effet décalées pour permettre aux entreprises de mettre en place, concrètement, leur nouvelle organisation. Les premiers transferts effectifs interviendront dans les prochaines semaines à Rouen et dans les prochains mois pour les autres ports. Dans la loi, l’échéance avait été fixée au printemps 2011, mais le déroulement des choses sur le terrain me fait espérer que tout sera achevé avant la fin de l’année 2010.

Ces transferts d’outillages s’accompagneront bien sûr de la poursuite des contrats de travail des salariés chez les nouveaux opérateurs. Le dialogue, prévu par la loi, comme vous l’aviez vous-même souhaité, pour définir les modalités de mise en œuvre de la réforme a abouti le 30 octobre 2008 à un accord-cadre signé par les partenaires sociaux. Tous les orateurs qui sont intervenus ont souligné la qualité de cet accord, qui fait aujourd’hui l’objet d’une déclinaison port par port.

Enfin, la future convention collective de la manutention et des ports, qui offrira un cadre unifié et modernisé à l’ensemble des acteurs, est en voie de finalisation. Elle a fait l’objet, quatorze mois durant, de nombreuses séances de travail, signe d’un dialogue très constructif et exemplaire de la part des partenaires sociaux.

Des tensions demeurent dans certains ports, liées à l’ampleur et à l’importance de la réforme. Si l’on doit les regretter, car, en cette période de crise, elles n’aident pas à gagner des trafics, elles n’empêchent heureusement pas la mise en œuvre progressive de la réforme, dont l’ensemble des acteurs portuaires souhaitent qu’elle aboutisse sans délai et leur permette d’être présents au rendez-vous de la reprise économique.

Cela signifie aussi que les détachements de personnel doivent intervenir dans chaque port, bien sûr en respectant le temps nécessaire à la concertation entre le grand port maritime, les entreprises et les organisations syndicales, mais avec la volonté de ne pas provoquer de retards et d’aboutir le plus rapidement possible. J’ai donc demandé à chaque directeur de port de finaliser les accords locaux pour parvenir à ces détachements dans les meilleurs délais.

Avant de conclure, je voudrais encore dire un mot des ports d’outre-mer et des ports fluviaux.

Il est nécessaire que nos ports ultramarins soient également réformés. Marie-Luce Penchard et moi-même avons confié à M. Le Clech, ingénieur général des Ponts et Chaussées et ancien directeur du port autonome de la Guadeloupe, une mission ayant pour objet de recueillir les attentes des parties prenantes, notamment des collectivités. Il conviendra, comme nous l’avons fait en métropole, d’agir port par port.

Cette nouvelle gouvernance doit permettre aux ports d’outre-mer de mieux répondre aux défis du transport maritime international, de renforcer leur rayonnement et de leur donner une meilleure gestion, une plus grande unité d’action.

S’agissant des ports fluviaux, très importants pour les régions où ils sont implantés, l’Assemblée nationale a adopté la semaine dernière un amendement au projet de loi « Grenelle II », qui sera soumis aux sénateurs dans le cadre de la commission mixte paritaire, visant à moderniser les moyens d’action du port de Paris et à lui donner une meilleure maîtrise de son domaine. Pour le port de Strasbourg, puisque c’est la ville de Strasbourg qui assure la tutelle de cet établissement, je proposerai au maire, votre collègue M. Roland Ries, d’engager avec nous un dialogue analogue. Pour les autres ports, il faut travailler par bassin de navigation. Le travail est engagé pour la Moselle, il doit être conduit ailleurs, et je voudrais dire à Catherine Morin-Desailly qu’il est évidemment très important que les ports fluviaux suivent le rythme de la réforme des ports maritimes.

Je terminerai par quelques mots sur l’état d’avancement des projets d’autoroutes de la mer.

Sur la façade atlantique, deux projets ont été retenus entre la France et l’Espagne. L’accord international préalable à l’entrée en service de la liaison entre Nantes et Gijón a été voté par l’Assemblée nationale et sera présenté au Sénat d’ici à la fin du mois. Il fait partie des vingt-deux projets qui bénéficieront d’un financement communautaire au titre du programme Marco Polo. Nous souhaitons que cette liaison puisse démarrer immédiatement après votre vote. Chacun s’y prépare.

Un deuxième projet de liaison existe et, la semaine dernière, lors de la rencontre de haut niveau entre la France et le Portugal, M. Socrates et le Premier ministre François Fillon ont évoqué des projets qui sont en cours de maturation entre nos deux pays.

Nous avons lancé des appels à projets en Méditerranée, avec l’Espagne, l’Italie et Malte. Nous disposerons avant la fin du mois de mai d’une première liste des liaisons retenues.

Il existe par ailleurs un programme de la Commission européenne.

Nous avons également lancé un appel à projets en Manche–mer du Nord avec sept de nos partenaires européens.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois, sans faire preuve d’un angélisme outrancier, que la réforme est en bonne voie. Nous sommes mobilisés pour qu’elle fonctionne. Il ne faut pas manquer le rendez-vous de la reprise économique, car, par-delà l’avenir de notre secteur portuaire, qui en soi est déjà un sujet majeur, ce qui est en jeu, c’est l’ensemble de notre secteur de transport de fret, de logistique, avec tous les emplois qu’il représente.

Nous sommes au cœur de l’Europe : il serait dommage de ne pas être aussi au cœur des échanges économiques. Charles Revet souligne souvent que certains trafics qui se font actuellement à Rotterdam, à Anvers ou ailleurs doivent revenir dans les ports français.

Debut de section - Permalien
Dominique Bussereau, secrétaire d'État

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. On peut dire la même chose en Méditerranée pour Marseille par rapport à Barcelone, Rome, Tanger Med ou Algésiras. Nous avons donc là une véritable ambition politique, et je remercie le Sénat de s’y associer par la qualité de son travail.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 12 mai 2010, à quatorze heures trente :

1. Désignation d’un membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Jacqueline Chevé.

2. Débat sur l’application de la loi de 2005 sur le handicap.

3. Question orale européenne avec débat n° 5 de M. Jean Bizet à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la transposition de la directive « services ».

M. Jean Bizet interroge Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la transposition en droit interne de la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur, qui devait intervenir avant le 28 décembre 2009. Il souhaiterait plus particulièrement être informé des principales dispositions qui restent à transposer et des modalités de cette transposition, connaître l’impact de la directive sur l’exercice des professions réglementées et obtenir des éléments sur le fonctionnement des guichets uniques prévus par ce texte, les informations qu’ils permettront d’obtenir et les procédures administratives qui pourront être effectuées. Enfin, il voudrait savoir comment les bénéfices de la directive, en termes tant économiques que de simplification administrative, seront évalués.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 12 mai 2010, à zéro heure quinze.