Intervention de Nicolas Hulot

Réunion du 18 décembre 2017 à 15h00
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Nicolas Hulot :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà quelques jours, le 12 décembre, lors du fameux One Planet Summit, la Banque mondiale, cela ne vous aura pas échappé, a annoncé qu’elle mettait fin au financement de la production d’hydrocarbures dès 2019. Je serai sincère : je pense qu’une telle décision n’aurait même pas été envisageable il y a encore quelque temps sans l’accord de Paris et sans notre détermination commune à mettre en œuvre cet accord indispensable pour protéger notre climat, ou plutôt, car l’expression est un peu faible, pour essayer de protéger tout ce qui est essentiel à nos yeux.

Je me souviens que, lors des débats en première lecture du projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, certains d’entre vous m’avaient interrogé sur notre capacité à entraîner d’autres États vers la fin de l’exportation et de l’exploitation des hydrocarbures. La question était en fait : à quoi sert-il, sur un sujet universel, de faire les choses tout seuls ? Certains avaient légitimement émis des doutes, pensant que ce projet de loi nous privait de marges de manœuvre et que nous étions isolés dans notre démarche.

La décision de la Banque mondiale montre que, dans ce domaine, et probablement dans d’autres, lorsque la France montre la voie, elle est souvent écoutée, elle est suivie, comme cela a été le cas lorsque j’ai pris la décision de mettre fin à la vente des véhicules thermiques d’ici à 2040. Depuis, je ne compte plus le nombre d’États ou de grandes agglomérations s’étant fixé les mêmes objectifs, dans des délais d’ailleurs beaucoup plus courts. Cette décision montre également que la cohérence paie et que, aujourd’hui, l’immense majorité des acteurs s’engage inexorablement vers la sortie des énergies fossiles.

Lors du même sommet, auquel je remercie certains d’entre vous d’avoir participé, nous avons aussi lancé la coalition vers la neutralité carbone. Cette coalition regroupe seize pays et trente-deux villes, qui s’engagent à publier le plus rapidement possible, étape après étape, une trajectoire vers la neutralité carbone à l’horizon de la moitié du XXIe siècle. Ces pays, ces villes, dont la liste continue de croître chaque jour, disent simplement que, autour de 2050, ils auront ramené leurs émissions au niveau le plus bas possible et participé à restaurer les écosystèmes afin que le bilan de leurs émissions soit au pire neutre, au mieux négatif. Très concrètement, cela signifie que ces territoires, ces États s’engagent d’une manière déterminée et irréversible vers la sortie des énergies fossiles.

Les énergies fossiles, pardonnez-moi de le rappeler, sont en effet incompatibles avec notre objectif climatique de maintenir le réchauffement de la planète le plus possible en dessous de 2°C. Je sais qu’ici, et ailleurs, personne ne conteste cet objectif.

Cela signifie, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne sommes pas seuls dans cette démarche et que notre ambition et notre détermination sont partagées. Chacun n’emprunte peut-être pas les mêmes chemins, les mêmes outils, les mêmes modalités, mais nous sommes tous déterminés à laisser les énergies fossiles derrière nous. C’était, je crois, l’une de vos principales objections à l’adoption de ce texte, qui pose une interdiction immédiate de délivrer de nouveaux permis d’exploitation des hydrocarbures sur le territoire national et des limites au renouvellement des concessions déjà acquises.

Non seulement nous ne sommes pas seuls, mais en plus nous avons contribué à créer une dynamique qui ne cesse de s’amplifier. De plus en plus d’acteurs s’engagent en effet pour réduire la consommation de pétrole, de gaz et de charbon, en raison à la fois de leurs conséquences sur notre climat, de leur contribution importante à la détérioration de la qualité de l’air et de leurs effets sanitaires.

Lors de la COP23, la France a rejoint la coalition pour la sortie du charbon, qui rassemble aujourd’hui plus de cinquante acteurs : des États, des villes, des entreprises et des investisseurs qui se désengagent du charbon. En France, EDF et ENGIE ont tout récemment rejoint ce groupe d’acteurs.

En parallèle, de nombreuses villes, comme Paris, Los Angeles, Mexico ou Londres, mais aussi Quito et Cape Town, se sont engagées dans une déclaration à développer des zones « zéro émission » et à ne plus acheter que des bus à zéro émission à partir de 2025.

Qu’on le veuille ou non, la fin des énergies fossiles est en train de s’écrire sous nos yeux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement revient devant vous parce que, à l’issue de la première lecture, il n’a malheureusement pas été possible, en commission mixte paritaire, de trouver un équilibre entre votre version du texte et celle de l’Assemblée nationale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion