Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 18 décembre 2017 à 15h00
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure :

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, alors que la position du Sénat a souvent été caricaturée, ce que je regrette vivement, car c’est très injuste, je tiens à redire l’état d’esprit dans lequel nous avions choisi d’aborder ce texte en première lecture.

Dès lors que nous ne partageons pas l’approche du Gouvernement consistant à interdire une production nationale très résiduelle plutôt que d’agir résolument sur la consommation, nous aurions pu, en effet, nous opposer frontalement et rejeter d’emblée le projet de loi qui nous était soumis.

Au lieu de cela, et parce que l’enjeu climatique exige, au-delà des slogans et des symboles, une action collective efficace et déterminée, notre commission a dès l’origine cherché à améliorer le texte pour lutter véritablement contre le réchauffement planétaire. Le Gouvernement nous disait vouloir interdire la production d’hydrocarbures non pas pour elle-même, mais en raison de son effet sur le climat : nous l’avons donc pris au mot en confrontant les solutions proposées aux réalités du terrain.

Car pour être irréversible, comme vous le souhaitez, monsieur le ministre d’État, l’évolution de notre modèle productif suppose d’être acceptable à la fois sur le plan économique et social. Au Sénat, nous n’oublions pas qu’un développement durable doit impérativement reposer sur trois piliers : l’environnement, le social et l’économie ; et c’est bien cet équilibre que nous avions visé en première lecture. Nos détracteurs nous ont opposé qu’à prévoir trop de dérogations, quand bien même celles-ci seraient strictement encadrées et justifiées, nous aurions dénaturé le texte et affaibli la portée du signal politique. Il me semble au contraire qu’en préférant le symbole à l’efficacité, en rejetant par principe toutes nos propositions, le Gouvernement et sa majorité se sont enfermés dans une approche dogmatique qui manquera sa cible, en n’ayant aucun effet sur nos émissions de gaz à effet de serre.

D’ailleurs, nous contestons à ce gouvernement et à cette majorité le monopole de la lutte contre le changement climatique. Oui, le Sénat est plus que jamais déterminé à agir pour le climat. Oui, nous continuerons, pour cette raison, à défendre très concrètement la place du nucléaire dans le mix électrique, à plaider pour une tarification forte du carbone, à soutenir le déploiement des énergies renouvelables au meilleur coût pour la collectivité, ou à faciliter le développement maîtrisé de l’autoconsommation.

Non, il n’y aurait pas d’un côté les vertueux, adeptes d’un « nouveau monde », et de l’autre les rétrogrades enfermés, pour citer le rapporteur de l’Assemblée nationale, dans « une vision défensive et passéiste de la transition écologique pour notre pays et notre tissu industriel ».

Non, le Sénat n’a pas amendé le projet de loi parce que les sénateurs auraient « manifesté une incompréhension préoccupante des objectifs comme de la portée [du] texte ». En d’autres termes, dans l’esprit du Gouvernement et de sa majorité, il était impossible pour le Sénat d’adhérer à l’objectif tout en proposant une autre marche à suivre, sauf à ce que nous ayons tout simplement mal compris…

En l’état, ce projet de loi n’aura d’autre effet que de mettre fin au « produire en France », en dégradant à la fois notre balance commerciale et notre bilan carbone, et dans l’espoir d’un improbable signal envoyé au monde.

À l’opposé d’une telle approche, le Sénat a défendu une autre vision, pragmatique et ambitieuse, qui développe nos filières industrielles, tout en accompagnant leur mutation pour réduire nos émissions. C’était le sens, en particulier, des dérogations que nous avions créées ou étendues en faveur des hydrocarbures à usage non énergétique, des productions connexes ou de la recherche. C’est ce même pragmatisme qui nous avait conduits à autoriser les régions d’outre-mer à exercer la compétence qui leur est théoriquement dévolue pour exploiter les ressources présentes au large de leurs côtes, et contribuer ainsi à leur développement économique et social. C’est enfin pour faire respecter la parole de l’État que nous avions souhaité un traitement moins brutal des demandes en cours d’instruction, et pour assurer un profit minimal aux exploitants que nous avions amendé l’encadrement du droit de suite.

Aucun de ces apports majeurs n’a survécu en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale qui, à quelques modifications rédactionnelles ou exceptions près sur des sujets secondaires, a rétabli le texte issu de ses travaux en première lecture sur le volet « hydrocarbures ».

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