Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 18 décembre 2017 à 15h00
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Jérôme BignonJérôme Bignon :

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’échec de la commission mixte paritaire nous conduit à nous exprimer une seconde fois sur ce projet de loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures.

C’est une malheureuse occasion dont notre assemblée doit se saisir pour tenter d’enrichir ce texte essentiel pour l’avenir de la France et de la planète.

La réforme de notre politique énergétique est en effet un acte fort de notre politique environnementale. Le Gouvernement veut s’engager en ce sens et il recueille en conséquence tous nos encouragements.

L’urgence à agir fait l’unanimité parmi la communauté scientifique. Je pense encore à l’appel des 15 000 experts mondiaux à la une du journal Le Monde voilà quelques jours. Cela a été dit à plusieurs reprises en première lecture : notre planète se meurt… La dernière fois que la Terre a connu de telles teneurs en CO2, c’était il y a 3 ou 5 millions d’années. Des efforts ont été entrepris depuis plusieurs années, mais les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont évidemment insuffisants pour tenir le cap de la limitation de l’augmentation des températures d’ici à 2100.

Face à ce constat terrible, les velléités de certains dirigeants étrangers freinent l’engagement international à lutter contre le changement climatique. L’ombre de l’échec du protocole de Kyoto plane sur l’accord de Paris. L’agrégat des engagements internationaux nous inscrit aujourd’hui dans une trajectoire d’élévation de la température de 3, 5°C à 4°C d’ici à 2100.

En outre, l’annonce du président Trump résonne encore comme un coup de semonce terrible dans le ciel des relations internationales.

Pour autant, nous ne pouvons pas nous résoudre à baisser les bras. Tout au contraire, cet isolationnisme américain, qui n’est pas aussi total qu’on le croit – Dieu soit loué ! –, doit nous conduire à porter internationalement le flambeau du développement durable.

Le président Chirac avait été l’un des premiers à le dire au début des années deux mille, à Johannesburg, faisant de la France un acteur primordial de la protection de l’environnement. Il nous revient de nous saisir de cet héritage et de mener l’engagement international à préserver la planète.

Le Président de la République veut, avec vous, monsieur le ministre d’État, faire de la France un chef de file de la lutte contre le changement climatique. Nous éprouvons une grande fierté à soutenir cet engagement. Tel était l’objectif de sa déclaration de l’été dernier : Make our planet great again !

Oui, faisons de cette planète un endroit meilleur. Ce projet de loi est la première pierre de cet édifice. Le Président l’a posée. À nous, parlementaires, d’y apposer le ciment nécessaire pour renforcer cette structure et en faire une fondation durable de notre politique environnementale.

Permettez-moi, à cette occasion, de glisser quelques mots sur l’indispensable transversalité de nos politiques.

Il est nécessaire que le souci de l’environnement intègre toutes nos politiques publiques. Je sais que vous partagez ce point de vue, monsieur le ministre d’État, et j’espère que vous aurez l’occasion, dans les mois qui viennent, d’échanger avec vos collègues ministres à Bercy pour que le projet de budget pour 2019 intègre le respect des objectifs du développement durable dans les bleus budgétaires de l’administration. Il ne doit pas y avoir, d’un côté, les objectifs du développement durable et, de l’autre, le budget. Il doit y avoir une perméabilité entre les deux et nous devons disposer d’indicateurs pour pouvoir le vérifier.

Quel sens y aurait-il à obtenir un résultat en 2030 et à mener par ailleurs une politique budgétaire opposée aux engagements que nous avons pris à l’ONU ?

À l’Assemblée nationale, nos collègues députés ont pointé du doigt les dérogations multiples qui affaiblissaient, voire annihilaient l’esprit de ce texte. Notre groupe s’était abstenu en première lecture, regrettant en effet l’ajout d’une liste interminable de dispositions dérogatoires.

Nous savons ici que le travail des deux chambres consiste à améliorer de façon coopérative les textes, en proposant, à tour de rôle, des ajouts ambitieux pour parvenir à un texte adoptable et responsable. Cela n’a pas été le cas, et nous le regrettons.

De manière générale, notre groupe veut cesser d’opposer écologie et économie.

Le ministre de la transition écologique et énergétique que vous êtes l’a rappelé à l’occasion de l’ouverture du One Planet Summit, la semaine dernière : ces deux mots ont la même racine grecque, oikos, le foyer. Ce qui est bon pour notre planète est bon pour notre économie !

Si les engagements que nous prenons aujourd’hui nous paraissent coûteux, voire douloureux pour certains, ils représentent un investissement pour l’avenir, à l’horizon 2040. Il faut donc préparer notre société aux enjeux économiques de demain, en adoptant les contours de cette révolution de l’énergie.

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, nous aurions aimé reprendre le débat avec le souci d’accompagner ce puissant et symbolique message de la France pour concrétiser l’accord de Paris. Il ne s’agissait pas de résoudre tous les problèmes, mais d’envoyer un message au monde. Vous ne voulez manifestement pas l’envoyer, mes chers collègues.

Écoutons les générations qui viennent, ne nous résignons pas à défendre la vieille économie et admettons que le monde change ! Ce n’est pas une insulte, mes chers collègues, c’est un conseil d’ami, un appel vibrant et profond d’une personne convaincue que des changements sont à l’œuvre.

Ne passons pas à côté de cette opportunité. Notre pays a été si souvent à l’avant-garde de positions fortes en matière de libertés, de droits de l’homme ou d’égalité que nous serions bien inspirés aujourd’hui de reprendre notre bâton de pèlerin pour prendre la tête du débat sur la transition énergétique.

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