Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 11 mai 2010 à 22h15
Bilan d'application de la loi portant réforme portuaire — Discussion d'une question orale avec débat

Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de me permettre de m’exprimer à cette heure tardive pour faire le point sur la mise en œuvre de la réforme portuaire. Je remercie en particulier Charles Revet, qui m’en donne l’occasion, car il a joué, en tant que rapporteur de la loi, un rôle majeur dans l’élaboration de ce texte auquel la Haute Assemblée a largement contribué. Je n’oublie pas non plus la part très constructive apportée par l’ensemble des groupes politiques de la majorité comme de l’opposition à cette occasion ; Charles Gautier l’a rappelé à l’instant en citant Charles Josselin.

Cette réforme prépare nos ports à la sortie de crise. Nous l’avons entreprise à un moment où la crise économique n’avait pas encore débuté, pour – enfin – doter nos ports des outils leur permettant de restaurer leur compétitivité. André Trillard en a souligné l’urgence. L’enjeu est de taille : 1 000 conteneurs arrivant chaque année dans un port français créent cinq emplois tout au long de la chaîne logistique, et, si nous développons le trafic des conteneurs – une simple multiplication permet de le constater –, cela signifie à terme la création de 30 000 emplois dans le secteur de la logistique. Il nous faut maintenant atteindre nos objectifs.

Depuis la promulgation de la loi, le Gouvernement a marqué sa détermination à conduire la réforme portuaire à son terme, dans le cadre d’un dialogue social permanent, bien évidemment. La crise économique n’a pas freiné le processus, elle en a paradoxalement renforcé la pertinence. Il est essentiel que nos ports soient pleinement compétitifs au moment de la reprise économique, et les derniers chiffres dont je dispose pour les conteneurs et les vracs solides – André Trillard m’a interrogé sur ce point – sont encourageants à cet égard.

Lorsque les armateurs remettront en place de nouvelles lignes pour traiter la hausse des trafics qui s’annonce, il faudra que les ports français soient au rendez-vous et leur offrent une porte d’accès à toute l’Europe fiable et efficace. Lorsque les investisseurs seront de retour – ils commencent à revenir –, il faudra qu’ils investissent dans des terminaux ou des implantations logistiques situés dans nos ports.

Les nouvelles instances de gouvernance, qui ont été rapidement mises en place, fonctionnent bien, vous l’avez souligné les uns et les autres. Dès le mois d’octobre 2008, nous avions pris l’ensemble des textes d’application, comme j’en avais pris l’engagement devant le Parlement, et les sept ports autonomes de Bordeaux, Dunkerque, Le Havre, La Rochelle, Rouen, Nantes–Saint-Nazaire et Marseille avaient été transformés en grands ports maritimes.

Toutes les nouvelles instances de gouvernance étaient en place au début de l’année 2009. Elles siègent aujourd’hui régulièrement et les retours sur le terrain quant à leur fonctionnement sont tout à fait positifs. Les conseils de développement, qui constituaient une innovation importante en associant des acteurs qui ne travaillaient pas ensemble jusqu'à présent, ont trouvé également une place qui n’est pas accessoire.

J’évoquerai maintenant les conseils de coordination interportuaire, notamment celui de la Seine, présidé par Claude Gressier, qui regroupe les ports du Havre, de Rouen et de Paris, et celui de l’Atlantique, qui regroupe les ports de Bordeaux, La Rochelle et Nantes–Saint-Nazaire, présidé par l’ancien président du port de Nantes, Michel Quimbert. Ces conseils de coordination ne sont pas des instruments de discussion, de débat ou de banquet, ils ont une pertinence importante. Mme Morin-Desailly a souligné combien celui de la Seine s’inscrivait dans la dynamique du Grand Paris, et le colloque qui a eu lieu récemment au Havre avec Antoine Ruffenacht, Bertrand Delanoë, Laurent Fabius, les présidents de régions, les parlementaires et les élus de ces grandes villes et de ces grands départements, a montré que ce conseil de coordination avait une grande importance et qu’il faisait l’objet d’un appui de l’ensemble des instances politiques.

Ces conseils travaillent sur des politiques essentielles, telles que les politiques de promotion ou de desserte. Les ports de la Seine – c’est une idée chère à Charles Revet – prévoient de coordonner leur projet stratégique, de s’informer, d’échanger et de conduire des actions commerciales communes.

À l’occasion du salon de la logistique qui se tiendra à Shanghai dans le cadre de l’exposition universelle, les ports de la Seine et les ports de l’Atlantique se présenteront sous une même bannière – c’était l’objectif de la réforme. Ils pourront poursuivre le travail de promotion que j’ai engagé l’an dernier en emmenant tous les dirigeants des ports français faire le tour des grandes places asiatiques pour présenter la nouvelle offre des ports de France.

Le conseil de coordination de la Seine travaille sur l’arrivée du canal Seine-Nord-Europe, qui sera un atout pour nos ports après avoir été une crainte, notamment pour le port de Rouen. Pour cela, nos ports doivent se positionner le plus en amont possible de la réalisation du projet.

Je me réjouis de la nomination dans ces conseils de représentants de Réseau ferré de France – la desserte ferroviaire est importante – et de Voies navigables de France. Je me réjouis également des accords de partenariats noués entre ces deux grands organismes et les grands ports maritimes, accords qui sont la marque d’une nouvelle approche intermodale des dessertes portuaires.

Tous les ports ont adopté leur projet stratégique au printemps dernier pour la période 2009-2013, plusieurs intervenants l’ont souligné, notamment René Vestri. Ce document a été élaboré à partir d’un diagnostic tant des atouts que des points faibles. Tous les acteurs portuaires y ont participé, en particulier les collectivités territoriales. Bien entendu, ces projets stratégiques ne sont pas inscrits dans le marbre, ils devront évoluer au fil du temps.

Comme Charles Revet me l’a demandé, je rappellerai les lignes directrices de tous ces projets stratégiques.

Il s’agit, tout d’abord, du développement des trafics, avec des stratégies adaptées aux spécificités de chaque port et visant à renforcer leurs points forts.

Il s’agit, ensuite, d’un renouvellement complet de la stratégie d’aménagement des espaces portuaires, les ports se recentrant sur leur nouveau rôle d’aménagement, de rationalisation et de valorisation des espaces, et ce, bien sûr, dans un objectif de développement économique. Mais comme l’a dit M. Tropeano, alors que le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle II », a été adopté cet après-midi à l’Assemblée nationale, cet objectif n’est pas incompatible, dans le cadre du développement durable, avec la préservation de l’environnement naturel et le souci des interfaces urbaines.

J’en viens aux investissements portuaires et à nos ambitions en matière de protection de l’environnement.

Cela me donne l’occasion d’évoquer Natura 2000, un sujet cher à Charles Revet. En matière d’environnement, la réforme portuaire a renforcé la responsabilité des ports, auxquels sont confiées la gestion et la préservation des espaces naturels.

Le réseau Natura 2000 – on en connaît les forces et les faiblesses – et son extension en mer ne constitue pas un obstacle au développement portuaire, le classement d’un site soulignant les enjeux de préservation de l’environnement qui ne peuvent être ignorés.

Il reste toujours possible de réaliser des travaux importants dans un site Natura 2000, même en cas d’impact significatif sur les espèces et les habitats ayant justifié la désignation du site, mais à trois conditions, qu’il me paraît d’ailleurs logique de poser : des raisons impératives d’intérêt public majeur, l’absence de solution alternative de moindre impact en termes de localisation, et des mesures compensatoires adéquates. Si nous veillons à ce que ces principes soient appliqués avec bon sens sur le terrain, nous éviterons une sanctuarisation systématique des espaces qui empêcherait le développement des ports – je pense au projet de la vallée de la Seine qui vous est si cher, monsieur Revet.

Par ailleurs, cela a été évoqué, les projets stratégiques prévoient l’amélioration de la desserte des ports, condition sine qua non de leur développement économique et de leur performance. Cette problématique est également liée à l’exigence de report modal fixée dans la loi relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dite « Grenelle I », laquelle prévoit le doublement de la part des pré- et post-acheminements à partir et à destination des ports. Les projets portuaires en cours d’élaboration témoignent d’une mobilisation sans précédent, et j’attends les résultats de la mission confiée par le Premier ministre au député des Alpes-Maritimes Roland Blum pour disposer d’une nouvelle vision sur les projets à mettre en avant.

En application de la réforme portuaire, les grands ports maritimes sont désormais propriétaires de leurs voies ferrées, et c’est tant mieux, car ils ont ainsi pu profiter du plan de relance pour les développer – bien sûr, monsieur Foucaud, sous le regard de l’Établissement public de sécurité ferroviaire, l’EPSF, qui est compétent sur toutes les voies ferroviaires du pays. Je dois dire que le changement est visible à l’œil nu, grâce aux travaux de modernisation et d’électrification que le plan de relance a permis d’entreprendre.

Les projets de plateformes multimodales – je pense au Havre, je pense à Marseille – devraient connaître un nouveau souffle grâce à l’outil très important que constitue la création d’opérateurs ferroviaires de proximité ; il faut bien avouer que, souvent, les opérateurs ferroviaires existants ont été d’un dynamisme modéré !

Le premier de ces opérateurs est en train de se mettre en place à La Rochelle. La SNCF, tout d’abord sollicitée, semblant rester un peu à la traîne, une discussion est en cours avec une autre grande société ferroviaire européenne. Le but n’est en effet pas de savoir de quelle couleur sera la locomotive ni quel sigle elle arborera, il est que les marchandises partent en train et en bateau plutôt qu’en camion.

Le grand port du Havre améliore beaucoup sa desserte ferroviaire et a prévu de doubler le nombre de ses voies avant l’été 2010. Un chantier multimodal permettra par la suite de regrouper en un point unique les conteneurs arrivant sur tous les terminaux maritimes et de les réexpédier ensuite par train ou par barge. La première phase de ce projet sera mise en service dès 2013. En outre, le débat public sur le prolongement du grand canal pour améliorer la desserte du port par la voie d’eau est en cours.

Dans le cadre de l’engagement national pour le fret ferroviaire que Jean-Louis Borloo et moi-même avons lancé en septembre 2009 et qui est doté d’une enveloppe de 7 milliards d’euros sur plusieurs années, les ports représentent, naturellement, l’un des axes prioritaires. S’agissant de la liaison Paris–Le Havre – vous pourrez le constater lorsque sera soumis à votre réflexion le schéma national des infrastructures de transport –, des travaux sont en cours sur la ligne Serqueux-Gisors, dans la perspective, bien sûr, de son électrification. Qui plus est, chaque nouvelle ligne à grande vitesse, qu’elle desserve Le Havre ou Bordeaux, libère sur les lignes existantes des sillons pour le transport de marchandises.

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