Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du 18 décembre 2017 à 15h00
Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault :

J’ai dit qu’avant d’évoquer la présente proposition de loi j’abordais un autre sujet. Il concerne aussi l’eau et l’assainissement.

Cette initiative procédera à deux modifications très importantes, qui ont d’ailleurs été discutées et rediscutées à Cahors.

Premièrement, nous introduirons une clause de sauvegarde des libertés communales, c’est-à-dire une faculté, pour une minorité de communes, de s’opposer au transfert de ces compétences à l’intercommunalité. Cette faculté sera ouverte pour le mandat en cours et pour le suivant.

Deuxièmement, nous reviendrons sur les dispositions de la loi NOTRe qui avaient pour effet de procéder, trop fortement et de manière trop automatique, à la dissolution de syndicats de plein droit, en généralisant le principe de représentation-substitution des communes par les intercommunalités, y compris lorsque les syndicats regroupent deux EPCI seulement.

Voilà ce que nous proposerons. Vous le voyez, nous n’avons pas hésité à rouvrir le débat de manière constructive pour trouver une solution qui satisfasse tout le monde, comme l’a indiqué le Premier ministre à Cahors. Je m’étais engagée à ce que ces travaux se fassent. Ils se font ! C’était un engagement du Gouvernement, confirmé par le Président de la République et décliné dans la Conférence nationale des territoires.

J’en viens maintenant au texte inscrit à l’ordre du jour, monsieur Collombat.

La logique de la GEMAPI est une logique forte et solidaire, mais il nous est remonté des difficultés d’application du terrain.

La création de la compétence GEMAPI par la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, via l’adoption d’un amendement déposé par d’éminents sénateurs, dévolue aux intercommunalités à fiscalité propre à compter du 1er janvier 2018, était une réponse à un constat simple : la gestion des cours d’eau et celle du risque d’inondation sont intimement liées. Telle est la raison pour laquelle le législateur a souhaité réunir dans une même compétence ces deux aspects.

En outre, les risques d’inondation, comme les effets d’une dégradation des milieux aquatiques, ne connaissent pas de frontières. Ils menacent tous les territoires riverains des fleuves et cours d’eau, ceux situés en aval étant souvent plus exposés que ceux à l’amont. Voilà pourquoi le législateur a choisi d’organiser la solidarité territoriale en ces domaines, en confiant aux intercommunalités le soin d’exercer cette compétence. Il est évidemment question, en matière de GEMAPI, de solidarité entre les territoires.

Comme je l’ai dit, la logique de la GEMAPI est donc une logique forte et de solidarité, mais sa mise en œuvre s’est heurtée à quelques difficultés.

Nos fleuves, rivières et ruisseaux ne sont pas toujours entretenus comme il le faudrait.

De plus, la gestion des digues est assurément une compétence dispersée et pas toujours bien exercée. Ici, des digues appartiennent à des associations de propriétaires fragiles, qui n’assurent pas bien leurs obligations d’entretien. Ailleurs, la propriété d’ouvrages anciens n’est pas bien définie. Là-bas, les collectivités n’ont pas su s’entendre et s’organiser pour mettre en place un système d’endiguement approprié. En d’autres endroits, l’État n’a pas toujours été un propriétaire prévoyant et diligent.

Enfin, le législateur de 2014 n’a sans doute pas suffisamment pris le temps d’examiner ce qui pouvait déjà exister dans les territoires, avant même que la compétence GEMAPI ne voie le jour. En effet, il est des territoires où des initiatives s’étaient structurées, parfois depuis longtemps, pour assurer l’entretien mutualisé des cours d’eau, au contraire d’autres territoires, où rien ne s’était fait.

Dans des territoires très exposés à de violents risques d’inondations – je pense, par exemple, aux épisodes cévenols dans le Sud-Est –, des collectivités avaient pris des initiatives pour éviter que l’inertie ne cause, chaque année ou presque, des morts. Par ailleurs, à la suite de crises majeures de submersion marine, certaines collectivités s’étaient engagées dans des travaux ambitieux et au long cours, pour mieux protéger habitations et activités humaines. Or l’uniformité prévue par la loi MAPTAM avait pour effet d’empêcher ce type d’initiative, obligeant même à les déconstruire, dès lors qu’étaient concernées des collectivités autres que communales. C’était, chacun le sait et le mesure, une véritable difficulté pour ces territoires.

Nous avons donc souhaité revisiter la compétence GEMAPI à l’aune de la philosophie de la Conférence nationale des territoires. Cette philosophie est simple, et le Premier ministre l’a parfaitement exprimée en ouvrant les discussions lors de la première réunion de la Conférence nationale des territoires au Sénat, le 17 juillet dernier : « En termes de compétences, nous voulons à la fois permettre aux libertés locales de s’exprimer, tout en conservant l’idée d’une stabilité globale du dispositif. »

« Stabilité globale du dispositif », car il n’est pas question de remettre en chantier les équilibres qui viennent d’être trouvés. Je peux ainsi vous confirmer que le Gouvernement ne reviendra pas sur les grandes caractéristiques de la GEMAPI. Nous assumons cette part d’héritage, qui vient de la législature précédente, et nous mettrons cette réforme en œuvre.

Les intercommunalités exerceront donc la compétence GEMAPI à compter du 1er janvier 2018, une compétence qu’elles pourront, si elles le souhaitent, transférer à des syndicats d’un genre particulier : les EPTB et les EPAGE. Elles bénéficieront par ailleurs d’une nouvelle ressource fiscale pour leur permettre d’exercer cette compétence.

Mais cette stabilité doit être assortie de conditions de mise en œuvre de la loi qui permettent aux libertés locales de s’exprimer pleinement. Il apparaît en effet, dans le domaine de la GEMAPI, que la loi a conduit à certaines difficultés, parce que les règles qu’elle définit s’accommodent mal de la réalité et de la très grande diversité de nos territoires.

Le Gouvernement a donc soutenu les propositions des députés visant à permettre aux départements, notamment littoraux, de continuer à porter les stratégies et politiques qu’ils ont su mettre au point, à étendre aux régions qui exerçaient des attributions dans ce domaine et souhaitent continuer – certaines se sont manifestées, et nous avons, là aussi, souhaité les entendre – cette faculté – car il s’agit bien d’une faculté et non d’une obligation – et à affirmer clairement un principe de sécabilité des différentes composantes de la compétence GEMAPI, qui seul garantit aux collectivités territoriales leur libre organisation dans l’exercice de cette compétence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi va donc très loin dans la confiance accordée aux collectivités territoriales : elle leur donne toute latitude pour s’organiser.

La dernière évolution d’importance concerne la création, nécessaire, d’un régime de responsabilité adapté aux transferts d’ouvrages aux intercommunalités. Des réponses devaient en effet être apportées à l’inquiétude des élus, qui se voient transférer des ouvrages et craignaient d’être immédiatement tenus responsables de leurs imperfections, de leurs fragilités, voire de leurs défaillances. Grâce à cette proposition de loi, une réponse claire et opérationnelle pourra être inscrite dans la loi, le temps que les décisions soient prises en matière de stratégie d’endiguement.

Je voudrais, pour conclure, insister encore sur le signal très positif que constitue cette proposition de loi, à laquelle le Gouvernement est dans son ensemble très favorable. Ce texte matérialise en effet notre souhait d’adapter la loi, lorsque cela est nécessaire, pour permettre aux libertés locales de s’exprimer et pour tenir compte des initiatives prises par les collectivités territoriales et qui fonctionnent déjà, comme celles prises par les départements. Il vient concrétiser les premiers engagements pris dans le cadre de la Conférence nationale des territoires et confirme que cet état d’esprit n’est pas que de façade : les engagements pris ont été tenus, et l’ont été rapidement.

Je salue le travail législatif à la fois rapide et efficace qui a permis de susciter cette proposition de loi, ainsi que le vote des députés, qui, unanimes sur tous les bancs, ont approuvé le texte qui vous est soumis cet après-midi. Je sais combien le Sénat est sensible à ces préoccupations. Je pense que cette proposition de loi répond à nombre d’entre elles en matière de GEMAPI. J’espère donc que vous suivrez la voie tracée par l’Assemblée nationale…

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