Intervention de Maryse Carrère

Réunion du 18 décembre 2017 à 15h00
Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Maryse CarrèreMaryse Carrère :

Aussi, le transfert de la compétence de la GEMAPI vient s’ajouter à une mise en œuvre particulièrement « savoureuse », au sens de la déclaration de l’auteur que je viens d’évoquer – je veux parler de Nicolas Hulot –, des lois MAPTAM et NOTRe.

Les collectivités territoriales ont déjà été lourdement impactées par ces réformes complexes, dont la compréhension et la concrétisation sur le terrain n’ont pas été chose aisée. Soumises à un rythme effréné de réaménagement de leur fonctionnement et d’absorption des nouvelles compétences, très peu d’intercommunalités ont pu correctement anticiper la prise en charge de la compétence GEMAPI sur le plan opérationnel.

Cette proposition de loi apporte bien des avancées sur lesquelles je reviendrai. Mais était-il raisonnable de se hâter à quelques jours de la date butoir ? Au pire, cela donne une mauvaise loi, au mieux, une loi a minima. C’était d’ailleurs peut-être l’objectif !

Avant d’évoquer le contenu du texte, je pourrais parler des domaines qu’il escamote. Les questions du trait de côte et de l’érosion marine en sont absentes, ou présentes très marginalement dans une demande de rapport à l’article 2. Il n’est pas non plus question du financement de la compétence GEMAPI. Quid de la taxe quand la taxe d’habitation disparaîtra ? Pas un mot n’est dit des problématiques liées à l’application du texte dans les territoires ultramarins. Quant au risque d’inondation fluviale, il n’est pas non plus abordé dans cette proposition de loi. Les crues de la Seine et de ses affluents en juin 2016 doivent cependant nous interpeller, car nous savons que ces épisodes ont vocation à se reproduire.

Nous l’avons bien compris, ce texte vise à procéder aux derniers ajustements de la GEMAPI. Cette question de la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations est survenue dans le débat public en raison de la violence d’une crue qui a entraîné une prise de conscience.

Il faut mettre fin à un modèle où les compétences sont éclatées et les responsabilités sont diluées. S’il était nécessaire que la compétence GEMAPI soit enfin assumée de façon cohérente, le transfert de charges, lui, pour les collectivités locales n’est pas anodin et effraie les élus locaux. L’une des avancées indéniables de la loi MAPTAM fut de donner un cadre et de définir un chef de file – les intercommunalités –, même si nous ne pouvons que regretter le manque de cohérence de ce cadre avec les périmètres hydrographiques des bassins versants, une rivière ne connaissant pas les limites administratives des communautés de communes. La loi NOTRe, quant à elle, a permis de repousser l’échéance au 1er janvier 2018. Nous y sommes !

Permettez-moi de vous faire part de mon expérience d’élue locale dont la collectivité a anticipé le transfert de la compétence GEMAPI au 1er janvier 2017. C’est après deux épisodes violents de crues torrentielles en octobre 2012 et juin 2013 que les élus de mon territoire se sont retroussé les manches pour prendre en charge la reconstruction avec des moyens totalement inadaptés, et ce malgré les accompagnements financiers importants de l’État. Aujourd’hui, demeure un reste à charge important, qui ne peut être absorbé à l’échelle de nos communes et syndicats.

La violence de ces événements tragiques nous a tout d’abord poussés à gérer la crise, puis l’immédiate après-crise avec l’urgence de la reconstruction. Nous avons ensuite entamé collectivement une réflexion d’ampleur sur la gestion de notre environnement et les moyens de mieux prévenir ces crues, ainsi que sur la nécessaire mutualisation des moyens et la meilleure façon d’introduire davantage de solidarité entre l’amont et l’aval.

Cette réflexion a abouti à la transformation de notre PETR en un syndicat de bassin. Ce dernier dispose désormais de capacités d’action nettement renforcées, tant sur le plan financier qu’en termes d’ingénierie. Il fonctionne sur les bases d’une gouvernance partagée. Cette organisation a permis de mener à bien un nouveau contrat de rivière et un programme d’actions de prévention contre les inondations, un PAPI. Elle a également contribué à assurer une solidarité financière équitable entre amont et aval. Financièrement, c’est près de 1, 2 million d’euros financés en partie par la taxe GEMAPI, d’ores et déjà instaurée, que nous avons prévu de consacrer à cent kilomètres de cours d’eau sur un territoire couvrant quatre-vingt-sept communes représentant 35 000 habitants.

Je mesure cependant l’inquiétude des élus, qui peuvent avoir le vertige : plus de 9 000 kilomètres linéaires de digues parsèment nos territoires, et ce même si nous savons que la responsabilité de la collectivité gestionnaire est limitée et encadrée. Ils sont également inquiets, parce qu’ils sont occupés à digérer la réforme de l’intercommunalité, qu’ils doivent composer avec des finances contraintes et qu’ils savent le coût des ouvrages concourant à la GEMAPI.

Quel objectif cherche à atteindre cette proposition de loi ? Apporter quelques souplesses, lever certains blocages : nous y souscrivons ! Nous y souscrivons notamment lorsque cela permet aux départements et aux régions, responsables aujourd’hui de la GEMAPI, de continuer à exercer ces missions après 2020 en lien avec les EPCI.

Nous nous retrouvons également dans les précisions bienvenues apportées au régime de responsabilité limitée des gestionnaires d’ouvrages, notamment pour la période transitoire, qui s’ouvrira dans quelques jours. Celles-ci sont de nature à rassurer. Il en va de même de l’exception temporaire de l’interdiction d’adhésion d’un syndicat mixte à un autre syndicat mixte exerçant une compétence GEMAPI.

Nous sommes également attendus sur les modalités de transfert et de délégation de tout ou partie de la compétence GEMAPI, cette fameuse sécabilité interne inscrite à l’article 3. En la matière, la souplesse accordée ne devra pas aboutir à un retour en arrière sous la forme d’un éclatement des compétences et des responsabilités.

Pour finir, madame la ministre, je tiens à vous remercier pour les précisions que vous avez apportées sur la compétence en matière d’eau et d’assainissement, lesquelles permettront, j’en suis certaine, de rassurer les élus de nos territoires.

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