Intervention de Maryse Carrère

Réunion du 19 décembre 2017 à 14h30
Adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine de la sécurité — Adoption en procédure accélérée du projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Maryse CarrèreMaryse Carrère :

Ce sujet a été trop longtemps abandonné aux concepteurs et aux techniciens des systèmes d’information. Nous en prenons aujourd’hui progressivement la mesure, à l’occasion de piratages spectaculaires affectant nos institutions et notre économie. Aujourd’hui, le directeur de l’ANSSI nous appelle à nous saisir du problème. Selon lui, « la cybersécurité est l’affaire des décideurs ».

Selon les estimations de la Commission européenne, l’ampleur de ces phénomènes est sans précédent : 80 % des entreprises européennes en seraient victimes, et dans certains États membres, la cybercriminalité représenterait 50 % des infractions constatées. Les victimes collatérales sont l’ensemble des utilisateurs des services affectés. Certains subissent même les inconvénients de résider dans une zone blanche tout en étant exposés à la cybercriminalité, ce qui est une situation particulièrement injuste et paradoxale, vous en conviendrez !

Face à l’augmentation de ces incidents, quelle réponse apporter ? La cybercriminalité aurait pu être regardée comme le prolongement électronique d’incriminations multiséculaires : le vol ou l’usurpation d’identité. Selon cette conception, le service de lutte contre la cybercriminalité aurait dû être rattaché au ministère de l’intérieur. La cybercriminalité aurait dû être combattue avec les moyens humains et matériels lui étant dévolus.

En France, dès sa création en 2001, la Direction centrale de la sécurité des systèmes d’information a été placée sous l’autorité du Premier ministre, cette tutelle n’ayant pas été remise en cause en 2009 lors de la transformation de la direction en agence. Dès lors, l’ANSSI assure le volet préventif de la cybersécurité et le système judiciaire le volet répressif. Cette architecture institutionnelle n’est pas anodine et a influencé certaines des dispositions du projet de loi, au-delà des objectifs fixés par la directive.

En premier lieu, le texte confie de nombreuses prérogatives au Premier ministre. Il nous semble qu’il aurait été plus judicieux de confier ces missions à l’ANSSI, compte tenu du nombre de décisions qui reviennent par ailleurs au chef du Gouvernement. Cela aurait permis de ne pas remettre en cause la légitimité de l’Agence en la matière, bien que, à terme, son indépendance pourrait être envisagée.

En second lieu, les modalités de contrôle de l’application des normes élaborées par l’ANSSI ne sont pas satisfaisantes. Nous considérons que l’ANSSI, qui soutient déjà considérablement les opérateurs d’importance vitale, est suffisamment dimensionnée pour effectuer les contrôles nécessaires auprès des opérateurs de services essentiels publics, sans que la charge de ces contrôles incombe à ces derniers.

À tout le moins, un traitement différencié aurait pu être appliqué selon la nature publique ou non des OSE, afin de ne pas mettre en difficulté des établissements publics aux finances déjà fragiles. Je pense en particulier aux hôpitaux.

Enfin, en raison de la grande sensibilité des données économiques et individuelles en jeu, il nous semble que le non-respect des règles fixées par l’ANSSI devrait être strictement sanctionné, comme le prévoit la directive.

Sans que les deux directives soient liées, la lutte contre la détention illégale d’armes n’est pas éloignée des questions « cyber », tant le dark web est devenu une plateforme de fournisseurs pour les organisations de criminalité organisée.

La seconde directive s’inscrit donc dans la continuité de la déclaration de Paris et des dispositions de la loi du 3 juin 2016 relatives aux armes à feu. Le régime de l’enregistrement des armes de type D1, vidé de sens, fusionne avec celui de la déclaration. La livraison d’armes est mieux encadrée, de même que la profession d’armurier, grâce aux amendements de notre rapporteur.

Il serait cependant naïf de croire que ces modifications assécheront les réseaux d’approvisionnement des organisations terroristes si l’ensemble de nos partenaires européens ne s’astreint pas à une rigueur comparable.

Jusqu’à présent, la déclaration de Paris n’a eu que des effets mitigés. Nous invitons donc le Gouvernement à poursuivre les négociations, afin d’obtenir des engagements plus contraignants, s’agissant notamment de l’harmonisation des règles de neutralisation des armes saisies.

Enfin, le surclassement des fusils à canon lisse utilisés pour la chasse pourrait placer leurs utilisateurs dans une situation d’insécurité juridique. Nous attendons donc du Gouvernement qu’il se positionne clairement sur les solutions déjà envisagées dans l’étude d’impact et qu’il donne de sérieux gages aux personnes concernées.

Au-delà des réserves que je viens d’exprimer, je considère, comme la plupart des membres du groupe du RDSE, que ces transpositions constituent des avancées. Nous voterons donc ce texte.

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