Intervention de Yvon Collin

Réunion du 29 novembre 2016 à 14h30
Loi de finances pour 2017 — Discussion générale

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous reprenons aujourd’hui la discussion générale du projet de loi de finances pour 2017.

À titre liminaire, je me joins aux regrets exprimés jeudi dernier par notre excellent collègue Jean-Claude Requier de ne pouvoir cette année examiner en détail le budget. À l’approche des élections du printemps prochain, cruciales pour l’avenir de la France, le Sénat devrait contribuer au débat économique, avec des propositions de réforme à la fois crédibles, innovantes et justes.

Le groupe auquel j’appartiens occupe une place singulière dans cette assemblée, qui lui permet de prendre de la distance par rapport aux oppositions parfois trop caricaturalement partisanes et de tenir souvent un langage plus équilibré, me semble-t-il, sur les grands sujets, particulièrement les sujets économiques.

Monsieur le secrétaire d’État, avec des prévisions de croissance revues légèrement à la baisse par l’INSEE et le FMI – 1, 3 % en 2016 et 1, 2 % en 2017, au lieu de 1, 5 % –, les anticipations du Gouvernement risquent de se révéler à nouveau trop optimistes.

Il est vrai que les incertitudes aux niveaux national et international sont fortes, ce qui rend toute prévision fragile. Cependant, si le scénario le moins favorable se confirme, une croissance plus faible entraînera moins de recettes fiscales que prévu, ce qui risque d’aggraver le déficit public que le Gouvernement a décidé de faire repasser sous la barre des 3 % du PIB l’an prochain.

Le prochain gouvernement, quelle que soit la majorité dont il procède, devra enrayer effectivement la hausse inexorable des dépenses publiques, mais aussi éviter des mesures d’austérité trop brutales, à cause de leur effet récessif sur l’économie.

Au Parlement, nous le savons bien, mes chers collègues, il existe une règle stricte, prévue par l’article 40 de la Constitution, qui empêche de déposer un amendement ayant pour conséquence de réduire les recettes ou de créer une charge nouvelle. Le prochain gouvernement devrait peut-être se soumettre à une règle semblable : ne pas réduire les recettes, sauf à compenser ces réductions par des recettes équivalentes, mais ne pas créer non plus de nouvelles dépenses. Monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à vous tenir à une telle règle !

Réduire les dépenses apparaît plus que jamais souhaitable. Toutefois, en pratique, cette réduction est difficile à mettre en œuvre sans entraîner des effets récessifs dommageables aux finances publiques.

Face à cette aporie budgétaire, le seul véritable levier dont dispose le Gouvernement est le levier réglementaire : réformer, moderniser, simplifier les normes et les codes, afin de réduire les coûts administratifs pour nos concitoyens et les entreprises. Les collectivités locales en bénéficieraient aussi. Un véritable travail de simplification et de rationalisation doit être mené : il est certes discret et ingrat, mais c’est peut-être le seul qui apporterait des résultats tangibles.

Concernant les déficits, une clarification du discours est nécessaire. Il y a un non-dit dans la controverse sur le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG : la gauche radicale reproche au Président de la République de ne pas avoir tenu parole, car il n’a pas renégocié le TSCG. Toutefois, en pratique – soyez sûrs que nos voisins européens nous le reprochent –, la France n’a pas respecté les règles de ce traité, par exemple le déficit structurel inférieur à 0, 5 %.

Nous faisons donc face à un dilemme : soit nous conservons nos engagements budgétaires européens et nous faisons en sorte de vraiment les respecter – c’est la ligne orthodoxe –, soit nous décidons que ces règles ne sont pas justifiées et nous les dénonçons.

La dette publique approche peu à peu des 100 % du PIB. C’est moins qu’en Italie ou en Grèce, c’est désormais beaucoup plus qu’en Allemagne ou aux Pays-Bas. Plus que le taux d’endettement, c’est la nature des créanciers qui indique si cette dette est soutenable ou non.

Il n’existe malheureusement pas d’information publique détaillée sur la composition des détenteurs de notre dette publique, mais nous savons qu’environ les deux tiers de cette dernière sont détenus par des non-résidents, c’est-à-dire des créanciers établis hors de France. Autrement dit, contrairement à un pays comme le Japon, dont la dette est détenue très majoritairement par des banques japonaises, nous n’avons plus de souveraineté sur notre dette publique. Comme la dette italienne, la dette espagnole ou la dette grecque, la dette publique française est une affaire européenne et internationale.

La dette publique est constituée à hauteur de 80 % par la dette de l’État. Cependant, la part de la dette sociale est celle qui a le plus augmenté. Quant à la dette des collectivités territoriales, elle est en réalité la moins importante. Avec la baisse des dotations, les collectivités ont beaucoup contribué ces dernières années au redressement des finances publiques.

Face à ces déséquilibres profonds, une partie de la solution passe peut-être par un retour modéré à l’inflation. En érodant les créances libellées en euros, celle-ci permettrait d’alléger progressivement le poids de la dette et de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour innover et investir.

Mes chers collègues, je voulais dire un mot sur le budget de l’agriculture, que nous aurions souhaité examiner dans le contexte de la crise toujours prégnante de la filière de l’élevage.

À l’occasion du débat sur l’élevage organisé la semaine dernière à la demande du RDSE, mes collègues ont rappelé que la situation du secteur du lait s’améliorait sous l’impulsion des mesures de régulation européennes et de la reprise du marché chinois. En revanche, la filière « viande » demeure fragile. C’est pourquoi le renforcement des politiques publiques d’aide à l’export et au développement du segment de la valorisation par la qualité doit être encouragé.

D’une façon plus générale, le constat d’une diminution de 10 % du nombre d’exploitations depuis 2010 suffit à montrer l’absolue nécessité d’un soutien public fort à l’agriculture. On peut d’ailleurs apprécier la volonté affichée en ce sens par le Gouvernement avec les différents plans de soutien activés depuis 2015, qui ont notamment permis la reconsolidation des exploitations les plus fragiles.

Cet effort se concrétise au sein du projet de loi de finances pour 2017 avec une mission dont les crédits passent de 2, 8 milliards d’euros à 3, 4 milliards d’euros, ainsi qu’avec des mesures fiscales, dont des allégements de charges à hauteur de 4, 8 milliards d’euros, en augmentation par rapport à 2016. C’est bien évidemment une bonne réponse au problème du déficit de compétitivité dont souffre l’agriculture française.

En revanche, je regrette que les crédits concernant la gestion des crises ne soient pas suffisamment abondés, ce qui oblige à redéployer des crédits, alors que l’on sait, hélas, que ces crises sont malheureusement récurrentes.

Au sein de la mission, j’observe avec satisfaction une hausse des crédits consacrés à la sécurité et à la qualité sanitaires, les productions étant régulièrement menacées par ce type d’aléas. Je pense notamment à l’influenza aviaire, dont on a détecté quelques cas ces dernières semaines. Même si celle-ci est cantonnée aux canards sauvages, espérons qu’un nouvel épisode ne remette pas en cause le statut indemne que la France doit recouvrer cette semaine, la filière « gras » ayant été particulièrement affectée.

Mes chers collègues, comme il est très probable que l’occasion ne m’en sera pas donnée plus tard, je souhaiterais également évoquer cet après-midi les crédits de la mission « Aide publique au développement », dont je suis le rapporteur spécial pour la commission des finances.

J’exprimerai tout d’abord un motif de satisfaction sur le plan international, monsieur le secrétaire d’État : le montant total de l’aide publique au développement des pays du comité d’aide au développement de l’OCDE a atteint en 2015 son plus haut niveau historique, soit 131, 6 milliards de dollars.

Je soulignerai néanmoins que cette évolution découle d’un effort particulier pour traiter l’afflux des réfugiés, un effort notamment porté par l’Allemagne, Angela Merkel ayant de surcroît souhaité renforcer sa politique d’aide au développement, avec, en arrière-plan, l’idée d’en tirer un bénéfice pour son industrie. Nos voisins d’outre-Rhin ne sont donc pas exempts d’arrière-pensées.

S’agissant de la France, malgré une légère hausse de 2, 8 % en 2015 de l’aide publique au développement, l’APD, nous restons éloignés de l’objectif de 0, 7 % du revenu national brut. En effet, nous sommes seulement à 0, 37 % du RNB, alors que, en 2010, nous étions à 0, 5 %. Bien évidemment, je le déplore, mais je tiens à souligner les efforts du Gouvernent pour engager l’APD dans une trajectoire ascendante.

Les crédits sont en croissance pour 2017 : à la hausse initiale de 133 millions d’euros proposée par le Gouvernement, nos collègues députés avaient ajouté 270 millions d’euros, auxquels il a fallu, hélas, retrancher 36 millions d’euros rabotés en seconde délibération, ce que je ne peux que regretter.

L’Assemblée nationale a prélevé cette somme du produit de la taxe sur les transactions financières pour l’affecter à l’Agence française de développement. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, j’espère que ce dernier abondement ne subira pas le même sort que l’année dernière, quand les crédits avaient été in fine fléchés vers le Fonds de solidarité pour le développement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion