Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 29 novembre 2016 à 14h30
Loi de finances pour 2017 — Discussion générale

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

En 2012, vous avez bel et bien écrasé d’impôts les entreprises et les particuliers et vous vous étonnez encore que la croissance ne soit pas revenue. Dans un premier temps, vous avez même été jusqu’à nier l’évidence. Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, déclarait, le 27 septembre 2012, que neuf Français sur dix ne seraient pas concernés par les hausses d’impôt !

Or vous aviez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires, qui concernait un million et demi de Français, parmi les plus modestes. Il faut y ajouter la hausse du forfait social, la baisse du plafond du quotient familial, la hausse des prélèvements sociaux, le gel du barème de l’impôt sur le revenu, pour ne citer que quelques exemples. Vous avez donc commencé par un choc de 16 milliards d’euros, auquel s’est ajoutée par la suite la hausse de la fiscalité locale, conséquence de la baisse des dotations de l’État, qui étrangle nos collectivités locales.

Surtout, vous avez encore concentré l’impôt sur le revenu, faisant peser l’essentiel du fardeau sur les classes moyennes et les familles. Aujourd’hui, il n’y a plus que 44 % des Français qui paient cet impôt. C’est votre choix, un choix politique aux lourdes conséquences, qui fait dire au géographe Christophe Guilluy, dans son dernier ouvrage, que la classe moyenne est en train de disparaître en France.

Quid de nos entreprises ? Alors que nous avions voté, certes tardivement, en janvier 2012, la TVA compétitivité, qui aurait permis d’abaisser leurs charges de 13, 5 milliards d’euros, vous leur avez au contraire imposé une hausse de 12, 5 milliards d’euros.

Voilà ce qu’a été votre politique. Le 20 août 2013, Pierre Moscovici, toujours lui, se disait « très sensible au “ras-le-bol fiscal” ressenti par les citoyens, qu’ils soient des ménages, des consommateurs ou des entreprises ». En fait, vous avez mis dix-huit mois pour comprendre que les Français n’en pouvaient plus, et près d’un an de plus encore pour inverser timidement la tendance, si tant est qu’elle ait réellement été inversée.

Ce choc fiscal a été fortement récessif. Selon l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, la politique budgétaire du quinquennat a ainsi amputé la croissance de 0, 8 point par an en moyenne entre 2012 et 2017. Voilà votre bilan !

À la fin de 2013, l’heure des comptes avait sonné. Le Président de la République, dans ses vœux aux Français, chacun s’en souvient, annonçait le virage sur l’aile droite du Gouvernement. Le CICE devait redonner de l’air à nos entreprises, et un plan d’économies de 50 milliards d’euros devait permettre de réduire le déficit budgétaire. Quant au code du travail, il n’était pas encore question d’y toucher. Pour vous, cela n’était pas un sujet.

Mais voilà, le CICE était mal ciblé, compliqué – un rapport sénatorial l’avait démontré – et, surtout, il ne compensait pas les hausses d’impôts et de charges de 2012. Il ne produira donc que peu d’effets.

En 2014 et 2015, la croissance n’était toujours pas de retour en France, alors que nos partenaires faisaient bien mieux. C’est bien là le plus grave !

Au printemps de 2016, vous avez enfin pris conscience qu’il faudrait également assouplir les règles du code du travail, mais la loi El Khomri fut malheureusement vidée de sa substance par votre majorité à l’Assemblée nationale.

Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, vous aurez connu cinq années de tranquillité, en comparaison de la tempête qui a soufflé entre 2008 et 2011. Le retour de la croissance, vous nous l’annoncez depuis cinq ans, et, depuis cinq ans, nous ne voyons rien venir, ou si peu …

Aussi, le Président de la République a trouvé une formule : « Pas de bol ! ».

« Pas de bol », comme si la croissance devait revenir toute seule, indépendamment des décisions que nous prenons, parce que la conjoncture serait meilleure ailleurs en Europe et dans le monde. Voilà bien le péché originel de 2012, dont la France ne s’est pas encore remise.

Ce dernier budget du quinquennat aurait dû, eu égard à la situation du pays, respecter deux principes et se fixer deux objectifs prioritaires. Le premier principe, qui figure d’ailleurs dans la loi, c’est celui de sincérité budgétaire, qui ne saurait être détaché du second principe, celui de prudence.

Avec la sincérité, on pense bien sûr aux dépenses. Or beaucoup sont sous-estimées, comme notre rapporteur général de la commission des finances en a fait la démonstration.

Avec la prudence, on pense surtout aux recettes, qui ne devraient jamais être surestimées. Or, malheureusement, tel est bien le cas.

Quant aux deux objectifs prioritaires, qui répondent aux deux défis majeurs auxquels notre pays devrait résolument faire face, il s’agit du retour de la croissance et de la réduction du déficit budgétaire. Vous les affichez, certes, mais sans vous donner véritablement les moyens de les atteindre.

Pourtant, sans croissance, nous n’avons aucune chance de faire reculer durablement le chômage, ou alors à coup d’emplois publics, de contrats aidés ou de formations parfois peu qualifiantes, qui ne font que ruiner un peu plus les finances de l’État.

Sans croissance, nous ne pouvons financer et préserver notre modèle social et nos services publics autrement qu’en en reportant la charge sur les générations futures, ce que nous n’avons pas le courage d’assumer.

Toutefois, la croissance ne se décrète pas ; elle ne peut résulter que d’un environnement économique favorable et de la compétitivité de nos entreprises. Nous avons le premier, personne ne peut le nier. Alors, qu’attendez-vous, monsieur le secrétaire d'État, pour libérer véritablement nos entreprises et leur redonner plus de compétitivité et plus de flexibilité ?

La France fait toujours moins bien que ses principaux partenaires européens. Nous sommes à la traîne et bientôt, si rien ne change, nous finirons à la remorque d’une Allemagne qui a su, sous un gouvernement social-démocrate et dès le milieu des années 2000, prendre ses responsabilités. Souvent critiquées de ce côté-ci du Rhin, les lois Hartz ont été, je le rappelle, adoptées par un gouvernement social-démocrate. Et ce que l’Allemagne a fait dans les années 2000, avant la crise, elle en a tiré les bénéfices à la sortie de la crise, laquelle s’est produite, pour elle, en 2010-2011, alors que nous sommes toujours dans une situation extrêmement difficile.

En 2016, nous n’atteindrons toujours pas les 1, 5 % de croissance sur lesquels vous comptiez. Et pour 2017, personne – pas même vous, monsieur le secrétaire d'État, j’en suis certain ! – ne croit que nous pourrons atteindre les objectifs que vous affichez.

Toutefois, l’optimisme que vous affichez vous permet – c’est certainement le but – d’inscrire en recettes de ce projet de loi de finances des sommes qui ne seront pas au rendez-vous en matière d’impôts économiques, pas plus qu’en matière de TVA sur laquelle vous espérez cinq milliards d’euros de plus qu’en 2016. Cinq milliards d’euros, rien que cela !

Par ailleurs – autre stratagème –, vous allez augmenter les acomptes de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, dus par les entreprises, afin de gonfler artificiellement les recettes de 2017 au détriment de celles de 2018. Tout cela vous permet d’afficher un déficit moins important que ce qu’il sera en réalité. Ce n’est vraiment pas sérieux !

Côté dépenses, le tableau est tout aussi inquiétant. Ce budget est un budget électoral, visant à amadouer différentes catégories de Français.

Les fonctionnaires, tout d’abord, avec la hausse du point d’indice de la fonction publique et la nouvelle réforme des carrières. Ainsi, l’année prochaine, la masse salariale de l’État progressera au total de 4 %.

Je le rappelle, le discours du Gouvernement à l’intention des fonctionnaires consiste à prétendre que leur pouvoir d’achat a été rogné par l’inflation, ce qu’infirment les études réalisées à ce sujet, notamment en raison du glissement vieillesse-technicité, le GVT.

Cela n’empêche pas le même Gouvernement d’invoquer auprès des retraités la quasi-nullité de l’inflation pour leur refuser toute revalorisation ! Il y a tout de même là une drôle de manière de traiter les Français, mais c’est ainsi : les fonctionnaires sont censés voter majoritairement à gauche, les retraités sont censés voter majoritairement à droite. On soigne ses électeurs comme on peut !

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