Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances est toujours un moment important pour nos forces armées, bien que le financement de notre défense soit de plus en plus engagé dans le cadre pluriannuel des lois de programmation militaire.
Avant toute chose, en dépit du format de nos débats de cette année, je souhaiterais, avec une certaine mesure, rappeler que le Sénat avait rejeté, il y a deux ans, le budget de la mission « Défense », au motif de l’insincérité de sa présentation. Il y manquait, en effet, près de 10 % de ses crédits. Nous nous souvenons notamment du débat sur les sociétés de projet, qui s’était prolongé lors de l’examen de la loi Macron.
Je ne puis que noter les efforts du ministre de la défense pour améliorer l’existant et faire en sorte que « l’intendance suive », selon l’expression consacrée.
À première vue, les crédits de la défense connaissent une progression significative. La Nation consent un effort supplémentaire de 600 millions d’euros pour sa défense, ce qui se traduit par une hausse du plafond d’emplois d’un peu plus de 1 780 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, dont 464 créations de postes.
En dépit de ces indicateurs encourageants, les mêmes maux persistent invariablement et conduisent aux mêmes effets. Les opérations de sécurité extérieure, les OPEX, demeurent sous-évaluées ; pourtant, il n’y en a jamais eu autant, et elles sont au cœur de la mission « Défense ».
Cette sous-évaluation chronique est presque critique à l’heure où nous parlons de continuité entre les OPEX et les OPINT, ces dernières étant les opérations de sécurité intérieure, et où nos forces sont maintenant fortement sollicitées pour assurer notre sécurité intérieure, tandis que les OPEX se poursuivent. Cela pose clairement une question de lisibilité de notre budget au regard de celui qui est, par exemple, dévolu au ministère de l’intérieur.
Le financement de notre défense est arrivé à un tel point de tension que le moindre choc exogène conduit à une révision en profondeur de la trajectoire budgétaire de l’ensemble. Il a fallu un conseil de défense, puis une actualisation de la loi de programmation militaire, la LPM, de 2013 pour sortir de l’ornière du budget 2014.
Au passage, je peux d'ailleurs témoigner qu’à plusieurs reprises, ici au Sénat, nombre de nos collègues des différentes commissions, notamment celle des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, se sont à plusieurs reprises fortement mobilisés pour faire en sorte que les besoins de nos armées soient satisfaits. Ils sont même allés parfois jusqu’à soutenir le ministre dans le cadre d’arbitrages extrêmement difficiles, relevant du plus haut niveau. Tout cela créait un climat d’insécurité et de stress, y compris chez des responsables militaires au demeurant très engagés et très loyaux. Nous n’avons pas besoin de cela dans le contexte actuel.
Aujourd’hui, les décisions, bienvenues, prises à la suite des attentats de novembre 2015, rendent le schéma de la LPM obsolète. Nous avons pu le constater au sein de notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lorsque notre collègue Yves Pozzo Di Borgo, rapporteur pour avis, n’a pas souhaité adopter les crédits dédiés aux capacités opérationnelles, allant ainsi à l’encontre de notre attitude traditionnelle de soutien au ministre. Il a voulu ainsi marquer le coup et, soit dit entre nous, il a eu raison de le faire.
Deux points méritent enfin une attention spécifique.
Le projet de loi de finances pose les jalons de la montée en puissance de notre réserve, dans un format dit « garde nationale ». Ce travail important, que nous avons esquissé au sein de cette commission avec notre collègue Gisèle Jourda, aurait pu gagner en clarté opérationnelle. Nous en sommes restés au label « garde nationale ». Franchement, aujourd'hui, alors que le soufflet est un peu retombé, il ne reste qu’une montée en puissance de la réserve militaire. Et comme celle-ci est confondue avec d’autres réserves, cela provoque des difficultés de lisibilité opérationnelle. Le sujet reste donc pendant.
On ne peut qu’être satisfait de constater que le décret du 13 octobre dernier vise une cible supérieure à 40 000 réservistes pour 2019, permettant ainsi de déployer au moins 4 000 engagés par jour. L’objectif est ambitieux, mais cette ambition est une exigence pour l’avenir et pour l’exécution de ce projet. Le prochain gouvernement devra donc prendre toute sa part dans la mise en œuvre de cette proposition bienvenue pour soulager nos forces d’actives dans le cadre de la continuité OPEX-OPINT. Pour dire les choses simplement, l’essentiel est encore devant nous, en vue de réussir cette montée en puissance de la réserve, même si le mouvement a été enclenché, je le reconnais.
Dans un autre registre, je salue évidemment la montée en puissance de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, au titre de notre travail sur la mission « Coordination du travail gouvernemental ».
La cybersécurité est devenue, il est vrai, un enjeu incontournable pour les pays européens et pour la France. Je salue, au fil des années, la montée en puissance des budgets de l’Agence. Elle était nécessaire pour rattraper le retard accumulé.
En revanche, je veux tirer un signal d’alarme concernant les impératifs de recrutement. Comme nous l’avons déjà souligné il y a quelques années dans notre rapport sur la cyberdéfense, nous manquons de formations adéquates, afin de satisfaire l’urgence de personnels utiles à assurer notre sécurité cybernétique, que ce soit au niveau militaire ou civil, au sein de ANSSI et même dans les entreprises qui s’organisent de plus en plus à cet effet.
Nous avons donc besoin de renforcer nos relations avec l’université et les écoles d’ingénieurs, dans un cadre interministériel qui dépasse, bien sûr, le format de ce seul projet de loi de finances.
En conclusion, il apparaît que, en dépit de réels efforts, trop d’incertitudes demeurent, y compris dans le domaine spécifique de la défense que j’évoquais. Le cadre général de ce projet de loi de finances est trop fragile pour assurer le Sénat et nos concitoyens que les présentes lignes budgétaires ne sont pas, sinon vides de sens, du moins décalées par rapport à la réalité. Je viens d’en apporter quelques exemples.
Avec les autres membres du groupe UDI-UC, je m’associerai donc à l’adoption de la question préalable.