Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si les écologistes sont encore présents dans l’hémicycle aujourd'hui, ils regrettent, eux aussi, d’être privés des débats qui auraient permis d’enrichir le projet de loi de finances.
Pour ma part, je veux parler du volet agricole de ce texte, qui est en nette augmentation – de 15 % par rapport à 2016 – et qui s’établit aujourd'hui à 5, 12 milliards d’euros. Cette hausse est due en grande partie au financement de la baisse de 7 points des cotisations, pour un montant de 480 millions d’euros, sur les 700 millions d’euros d’augmentation.
Selon la mutualité sociale agricole, la MSA, plus de 30 % des exploitants ont déclaré des revenus inférieurs à 350 euros par mois en 2015. Le ministère de l’agriculture a signé, le 18 novembre dernier, un accord-cadre entre le ministère, le fonds d’assurance formation Vivea et Pôle emploi, afin d’aider les agriculteurs à se reconvertir.
En soi, ce plan est bien entendu nécessaire, au vu de la détresse de nombreux exploitants, qui ne voient pas le bout du tunnel et pour qui la reconversion semble la seule solution. Néanmoins, il ne faut pas oublier comment nous en sommes arrivés à une telle situation. Il s’agit, aujourd'hui, de faire un plan social silencieux, en aidant 15 % de la profession à s’arrêter, pour que les autres puissent s’agrandir et rester compétitifs via un surcroît d’endettement. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous, écologistes, préférons la conversion à la reconversion.
Mes inquiétudes – nos inquiétudes – sur le budget de l’agriculture concernent plusieurs points. Tout d’abord, les crédits d’aide à la conversion et au maintien en agriculture biologique, ainsi que les crédits d’animation afférents, qui permettent d’accompagner dans leur conversion les agriculteurs parfois très éloignés des pratiques bio.
Le ministre de l’agriculture a annoncé le renforcement du plan Ambition Bio, dont le budget atteindra 180 millions d'euros, alors qu’il n’était que de 90 millions d'euros en 2012. Toutefois, au regard de la dynamique actuelle des conversions, on peut légitimement se demander si ce sera suffisant.
Cette situation trouve un éclairage nouveau à la lumière du dernier rapport conjoint de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et de l’Institut technique de l’agriculture biologique, l’ITAB, rendu public la semaine dernière, qui vise à chiffrer les aménités environnementales et économiques de l’agriculture biologique. J’ai sollicité l’élaboration de ce document auprès du ministre de l’agriculture au mois de juin 2015, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement ; le ministre s’y est engagé et a tenu parole.
Les études ont pris du temps, mais elles méritent d’être encore approfondies. En effet, si la conversion vers l’agriculture biologique peut être considérée comme une dépense au sein du budget de l’État, il est important de voir les économies qu’elle suscite. Je citerai quelques exemples tirés du rapport.
Ainsi, la dépollution de l’eau permettrait d’économiser entre 260 et 360 millions d'euros par an pour la pollution aux pesticides et entre 120 et 360 millions d'euros pour la pollution aux nitrates. Dans le domaine de la santé, l’agriculture biologique fait économiser entre 62 et 141 euros par hectare grâce aux décès par cancers liés aux pesticides qui seraient ainsi évités.
On peut multiplier les évaluations dans un grand nombre de domaines, même si tous ne sont pas facilement chiffrables économiquement, comme le stockage naturel du carbone dans les sols, qui est, en moyenne, supérieur de dix tonnes à l’hectare par rapport à l’agriculture conventionnelle.
Les bienfaits se mesurent aussi en termes de biodiversité, qu’il s’agisse des services écosystémiques comme la pollinisation ou le maintien d’une fertilité naturelle à travers la richesse microbienne des sols ou la diminution de l’érosion.
En termes d’emplois, le coût du chômage évité pour la collectivité peut être estimé entre 19 et 37 euros par hectare et par an en grandes cultures, l’agriculture biologique étant plus intensive en emploi. En moyenne, une exploitation biologique représente 2, 4 unités de travail annuel, contre 1, 5 en agriculture conventionnelle.
On le voit bien, financer la transition vers l’agriculture biologique entraîne un effet de levier économique très fort en permettant des économies et en renforçant les mécanismes naturels essentiels pour la productivité et la compétitivité de notre agriculture. Cette étude montre l’importance de la recherche en agroécologie et la possibilité d’aller vers une rémunération des aménités environnementales, économiques et sociales suscitées par ceux qui font le choix de cette transition.
C’est la position que défend le ministère de l’agriculture dans les réflexions qui nous mèneront vers la PAC post-2020. Toutefois, il ne faut pas attendre cette date. Il serait en effet salutaire de se poser cette question en amont et, pourquoi pas, d’expérimenter en France la rémunération des aménités de l’agriculture biologique et des différentes techniques agroécologiques. Ce serait certainement plus rentable à terme que l’accumulation d’innombrables plans de sauvetage, dont l’efficacité n’est que provisoire.