Cette position étant exprimée et puisqu’il s’agit du dernier budget de la mandature, je souhaite brièvement livrer quelques réflexions.
La première concerne la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. J’ai beaucoup entendu dire, au cours des réunions de la commission des finances, que la LOLF était une contrainte, parce qu’elle ne permettait pas les transferts de crédits entre missions. C’est vrai. On lui reproche, de ce fait, d’être un frein à la réécriture d’un budget. C’est sans doute vrai aussi.
Pour autant, mes chers collègues, utilisons-nous aujourd'hui toutes les occasions de redéploiement entre programmes d’une même mission au regard de l’efficacité de la dépense publique ? Sincèrement, je ne le crois pas. Les amendements de redéploiement sont l’exception ; ils ne sont pas toujours motivés ou argumentés au regard de l’efficacité de la dépense, alors même que nous disposons souvent des capacités d’analyse dans les travaux menés par les rapporteurs spéciaux, avec l’aide des administrateurs, et dans les notes d’exécution budgétaire délivrées par la Cour des comptes.
Si l’ambition d’une chambre se situant dans l’opposition peut être de réécrire la totalité du budget au regard d’orientations politiques différentes de celle du Gouvernement, il est aussi une ambition plus modeste, mais probablement plus opérante, car elle permet d’aboutir à des analyses partagées : rendre plus efficace la dépense existante.
Ce message s’adresse à chacun d’entre nous, mais l’analyse sur la pratique de la LOLF vise aussi le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, plus particulièrement sur trois points, pour lesquels je considère que nous nous sommes écartés progressivement de la volonté du législateur organique.
Le premier a trait à la maquette budgétaire, dont la stabilité est affectée par des changements trop fréquents, des modifications de périmètres qui sont de confort plus que de nécessité, décidées par le seul exécutif, là où, voilà encore quelques années, des discussions en amont permettaient de se mettre d’accord sur les modifications de périmètres.
Il en est de même sur les indicateurs. Plus personne ne s’intéresse vraiment au contenu des indicateurs, à leur répartition entre les différentes catégories. Certaines observations récurrentes de la Cour des comptes ne sont pas prises en compte, alors même qu’il s’agit de sujets fondamentaux. Je pense, par exemple, à l’absence d’indicateurs sur la politique pénale, pour mesurer la récidive ou l’accomplissement des peines, qui affaiblit notre capacité à mesurer l’efficacité de l’action publique.
Enfin, les mises en réserve de crédits au fil des lois de finances se sont accrues. Les taux n’ont fait qu’augmenter depuis le début de la législature : de 3, 29 % en 2013, nous sommes passés à 3, 79 % en 2014, à quelque 4, 80 % en 2015 et à 6, 40 % en 2016. Les taux maximaux sont quant à eux passés de 6 % à 7 %, puis à 8 %.
Or ces mises en réserve ne s’avèrent pas toujours nécessaires au regard des annulations qu’il convient de réaliser. Ce matin, le rapporteur général nous indiquait, à l’occasion de l’examen du décret d’avance, que 1, 2 % des autorisations d’engagement et 1, 6 % des crédits de paiement avaient été annulés, alors que les crédits mis en réserve s’élèvent à 8 %. Pourquoi avoir accru dans une telle proportion les mises en réserve, alors que les gestionnaires de budgets opérationnels de programme, ou BOP, ont besoin d’une lisibilité sur l’ensemble de l’année.
Pour terminer, j’évoquerai très rapidement la politique immobilière de l’État, que je ne pourrai aborder au titre de ma fonction de rapporteur spécial. Sur cette politique, que la LOLF a rendue transparente, je veux saluer, d’une part, la rénovation du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » et son recentrage, qui unifie les vecteurs budgétaires de l’État propriétaire, et, d’autre part, les progrès accomplis dans la gestion du parc au travers des schémas directeurs immobiliers en région et le meilleur suivi du renouvellement des baux. La création de la direction immobilière de l’État constitue aussi une avancée.
En dépit de ces avancées, il faut malheureusement constater que la modification du périmètre du CAS et l’affectation de redevances domaniales, estimées à 85 millions d’euros, s’accompagnent d’une diminution de 6, 2 % en autorisations d’engagement et de 7 % en crédits de paiement des crédits destinés au financement des dépenses immobilières de l’État propriétaire, et donc de l’entretien du patrimoine. Cette diminution, monsieur le secrétaire d’État, contredit le discours que vous avez prononcé lors de l’ouverture de la première conférence nationale de l’immobilier public le 6 juin dernier.
De même, si le CAS voit supprimer la contribution obligatoire au désendettement de l’État pour financer les dépenses lourdes de l’État propriétaire, ce dont on peut se réjouir, il continuera néanmoins à porter des versements au profit du budget général.
La clarification de la politique immobilière de l’État n’est donc encore que partiellement mise en œuvre.