Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le rapport de la Cour des comptes sur l’efficacité des dépenses fiscales relatives au développement durable dresse un bilan peu flatteur de la politique énergétique et fiscale conduite depuis 2012. Lorsqu’on se souvient que le Grenelle de l’environnement avait rassemblé largement, toutes sensibilités politiques confondues, on mesure, à l’aune des atermoiements, renoncements ou reniements de la majorité présidentielle depuis 2012, l’absence de cap et de vision, qui a finalement été la marque de fabrique des gouvernements successifs.
Si certains membres de la majorité gouvernementale considèrent mon propos comme partial, qu’ils écoutent les remarques des magistrats, qui soulignent, eux, le « manque de lisibilité, de clarté, de cohérence et l’absence d’étude d’impact ».
Que nous dit la Cour des comptes ?
S’agissant du logement, déclaré grande priorité gouvernementale, les dispositifs sont, selon les mots de la Cour des comptes, « mal articulés entre eux ». La Cour évoque un possible effet d’aubaine en ce qui concerne la TVA à 5, 5 % instaurée en 2014 pour les travaux de rénovation d’un logement. Cette dépense de 1 milliard d’euros en 2015 est notamment alimentée par une assiette trop large, incluant par exemple des travaux de peinture se rattachant difficilement aux impératifs de développement durable. Le rapport conclut à des « résultats décevants ».
Une autre déception porte sur la politique menée dans le domaine de la fiscalité sur l’énergie et les transports. Il est noté la persistance de contradictions entre les différentes interventions publiques. Les dépenses fiscales considérées comme favorables au développement durable se trouvent annihilées par l’accumulation de mesurettes sectorielles se substituant à l’absence de stratégie industrielle de la part de l’exécutif.
Malheureusement, le « saupoudrage » que dénonce ce rapport se retrouve également dans les interventions en faveur des espaces naturels remarquables ou de la forêt. Dans ce domaine, l’indétermination de la politique gouvernementale se fait au détriment des communes rurales.
La Cour des comptes remarque, pour mieux en souligner l’importance, que l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti en faveur de la protection du patrimoine naturel est de moins en moins compensée par l’État. Vous conviendrez que c’est paradoxal, mes chers collègues. Une telle situation pose à ces collectivités de graves et sérieuses difficultés financières et témoigne, une fois de plus, du désengagement de l’État dans les territoires ruraux. Un désengagement coupable et dangereux, qui alimente l’exaspération, le sentiment de défiance et la colère des habitants de ces territoires.
Ce rapport de la Cour des comptes illustre en creux l’échec, sur le fond, de la politique du Gouvernement et la « légèreté insoutenable » avec laquelle vous gérez, monsieur le secrétaire d’État, les comptes publics.
Le candidat François Hollande avait déclaré vouloir faire de son mandat celui de la justice fiscale au service du développement durable. Force est de constater que les gouvernements successifs, comme les ministres, au nombre de quatre, auront grandement échoué à remplir ces objectifs.
Concernant la justice fiscale, la multiplication des dépenses fiscales relatives au développement durable est à l’image de l’inconstance de la majorité dans ce domaine. La Cour des comptes dénonce, notamment, des dispositifs complexes et trop souvent réformés. Cette complexité est avant tout la conséquence logique de l’absence de stratégie globale. Les sages de la rue Cambon notent ainsi l’absence d’évaluation de l’efficacité de ces dépenses fiscales ; pis, aucune revue d’ensemble de celles-ci n’a été effectuée depuis le fameux rapport Guillaume d’août 2011.
Permettez-moi de reprendre la question soulevée par le rapporteur général de notre commission des finances : « Ne pensez-vous pas qu’il serait plus efficace de prévoir un dispositif unique de dépenses budgétaires permettant, par exemple, d’engager de véritables programmes de rénovation thermique ? »
Finalement, qu’est devenue l’ambition de faire de la France « la nation de l’excellence environnementale », affichée lors de la conférence environnementale pour la transition écologique de l’automne 2012 ? Les résultats paraissent bien minces et manquent singulièrement de lisibilité, à l’exemple de la conduite inconséquente du dossier de l’écotaxe, dont l’abandon est définitivement confirmé par l’article 48 bis du projet de loi de finances que nous examinons. À cet égard, je veux souligner la justesse et la pertinence de l’avis de notre collègue rapporteur spécial Marie-Hélène Des Esgaulx, qui avait déploré « un désastre financier insoutenable ». Désastre financier auquel il convient d’ajouter le coût de la pollution de l’air, estimé par la commission d’enquête que j’ai eu l’honneur de présider en 2015 à près de 100 milliards d’euros par an. Nous déplorions le coût de l’inaction ; elle se poursuit !
Si l’on ajoute à cela le recul sur l’instauration unilatérale d’un prix plancher du carbone et la politique de déconstruction de notre industrie nucléaire, on en conclut avec inquiétude que le chemin nous conduisant vers une économie décarbonée n’est pas encore pour demain. Il est d’ailleurs à déplorer que ce quinquennat n’ait pas été en mesure d’insuffler une dynamique positive au service d’une réforme cohérente de notre système fiscal, tout en ayant le souci de son verdissement. En témoigne la démission, en 2014, du président du comité pour la fiscalité écologique, l’économiste Christian de Perthuis, qui s’était déclaré « découragé » par la politique du Gouvernement.
Plus encore qu’un programme de gouvernement illisible, c’est une méthode d’action qui est remise en cause. La Cour rappelle, par exemple, que, au cours de la conférence fiscale de 2013, la direction de la législation fiscale avait proposé la suppression de six dépenses fiscales pour une économie potentielle de 90 millions d’euros. Trois ans plus tard, seules deux dépenses ont été supprimées, les quatre autres ayant été augmentées.
Mes chers collègues, le bilan de la politique énergétique et fiscale du Gouvernement est donc bien un miroir aux alouettes, …