Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 29 novembre 2016 à 14h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Discussion générale

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre :

Le Gouvernement propose d’augmenter les effectifs dans les juridictions, notamment en créant des postes de magistrats et de greffiers. La pyramide des âges rend ces recrutements nécessaires.

Ce travail de recrutement est d’autant plus important qu’il faut anticiper ses effets, en raison de la durée de formation de ces personnels. Pour les magistrats, le temps de formation s’élève, ainsi, à trente et un mois.

Malgré des recrutements en hausse, notamment depuis 2015, le taux de vacance des magistrats affectés en juridictions atteint 6 %. C’est là un niveau préoccupant.

Parallèlement, j’éprouve des doutes quant à la budgétisation des frais de justice.

À la rentrée, M. le rapporteur général nous a présenté un projet de décret d’avance ouvrant des crédits en faveur des frais de justice. Le Gouvernement avait indiqué que ce « dérapage » résultait des attentats. Toutefois, selon le ministère de la justice, les économies prévues dans la précédente loi de finances n’ont pas pu être réalisées, en raison notamment du décalage du déploiement de la plateforme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ. C’est désormais cette plateforme que doivent utiliser les enquêteurs pour réaliser les écoutes ordonnées par le juge. En conséquence, les économies prévues sur les frais de justice grâce au déploiement de la PNIJ, qui doivent être de l’ordre de 35 millions d’euros, me paraissent assez peu crédibles. Les reports de crédits risquent de repartir à la hausse.

La création d’une telle plateforme a été décidée en 2005. Onze ans plus tard, ce dispositif n’est pas encore pleinement opérationnel.

Les bénéfices en termes de rapidité et l’automatisation des réquisitions auprès des opérateurs de téléphonie sont indéniables. Le problème, aujourd’hui, porte sur les écoutes elles-mêmes.

Il me semble que ce projet, dont le coût total s’élève à 121 millions d’euros, ne doit pas être abandonné, étant donné les économies significatives qu’il devrait être à même d’entraîner. À titre de comparaison, les frais de justice en matière d’interceptions judiciaires ont coûté plus de 110 millions d’euros en 2015. Toutefois, il paraît indispensable de renforcer la coordination interministérielle. En outre, il convient de mieux piloter le projet avec Thales, entreprise sélectionnée pour réaliser la PNIJ. Enfin, il faut continuer à travailler avec les prestataires privés loueurs de matériel, qui proposent des fonctionnalités différentes.

Aujourd’hui même, des policiers et des magistrats ont fait paraître, dans la presse, un courrier destiné à Thales, par lequel ils relèvent les nombreux dysfonctionnements qu’a subis ce projet. Cette lettre dénonce un véritable fiasco.

Avant de conclure, j’aborderai le volet pénitentiaire du budget. Il porte principalement sur le plan de construction de nouvelles places de prison, mais il a également pour objet le recrutement de 1 255 surveillants pénitentiaires.

L’attractivité du recrutement est un enjeu majeur, alors que les conditions d’exercice du métier sont difficiles, notamment du fait de la surpopulation carcérale. À ce titre je formulerai deux remarques.

Premièrement, j’appelle l’attention sur un aspect spécifique de la situation des prisons.

J’ai visité plusieurs établissements pénitentiaires cette année. Alors que l’on demande aux visiteurs, et même aux équipes médicales, de laisser leur téléphone à l’entrée, plus de 30 000 téléphones portables ont été saisis dans les prisons françaises depuis le début de l’année. La semaine dernière, j’ai rappelé ce fait très préoccupant à M. le garde des sceaux, lors de son audition devant la commission des lois.

Les brouilleurs dont disposent certains établissements n’ont pas évolué avec la technologie. Autrement dit, ils brouillent la 2G, mais non la 4G. Dès lors, comme on me l’a rapporté à Fresnes ou à Osny, certains détenus utilisent des téléphones portables pour continuer à gérer des trafics, pour contacter leurs proches, voire leurs victimes, pour prendre en photo les surveillants ou leur véhicule, les localiser et les menacer de se livrer à des représailles sur leur famille.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion