Intervention de Fabienne Keller

Réunion du 29 novembre 2016 à 14h30
Projet de loi de finances pour 2017 — Discussion générale

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’aborderai deux points.

Premièrement, je décrirai quelques-uns des motifs, parmi ceux qui ont déjà été présentés ou qui le seront demain, qui justifient l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.

Deuxièmement, je partagerai quelques éléments d’analyse de la mission « Aide publique au développement », dont j’ai la charge avec Yvon Collin. En résumé, je dirai que ses crédits ne sont pas du tout à la hauteur de la mission de la France dans le monde.

Pourquoi adopter la motion tendant à opposer la question préalable ? Je donnerai trois explications simples, parmi tant d’autres.

Tout d’abord, la sincérité des hypothèses de recettes et de dépenses est douteuse. La commission des finances a établi que l’écart en termes de déficit supplémentaire se situait entre 8 milliards et 12 milliards d’euros – je m’exprime ici sous le contrôle du rapporteur général, qui a effectué un travail très précis. En effet, le chiffre de croissance est trop optimiste, un certain nombre de dépenses obligatoires sont oubliées, comme la recapitalisation d’Areva, et il y a bien d’autres surévaluations ou sous-évaluations. Vous me rétorquerez, monsieur le secrétaire d'État, « rien de nouveau ». Ce n’est pas faux, mais les montants cette année ont atteint des sommets.

Ensuite, vous abandonnez les efforts de maîtrise des dépenses de l’État, notamment en laissant filer la masse salariale par le dégel du point d’indice, mais vous continuez à baisser les dotations des collectivités locales, certes un peu moins que l’année précédente, mais tout de même de 2, 6 milliards d’euros.

Enfin, le gouvernement auquel vous appartenez a été généreux en promesses – toutes électorales ! –, dont la charge sera reportée sur les années suivantes. Celle-ci est évaluée à 7, 7 milliards d’euros en 2018 et à 25 milliards d’euros d’ici à 2021. Il s’agit bien, selon les termes consacrés, de promesses électorales à crédit. Il faut encore y ajouter le coût reporté du CICE, du fait de sa mécanique même. Un rapport l’a évalué à environ 20 milliards d’euros.

Toutes ces analyses seront détaillées demain dans le cadre de la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable que défendront les groupes de la majorité sénatoriale.

J’en viens au budget de l’APD. Cette politique me tient particulièrement à cœur, comme à mon collègue Yvon Collin, qui en a parlé précédemment.

Entre 2008 et 2012, les dépenses consacrées par la France à l’APD se sont élevées à 16, 8 milliards d’euros si l’on additionne les deux programmes qui sont le cœur de la mission. Au cours du quinquennat qui se termine, ces dépenses atteindraient entre 15, 6 milliards et 15, 8 milliards d’euros selon l’hypothèse que l’on retient pour le budget pour 2017. En d’autres termes, le quinquennat qui s’achève se solde par un triste bilan : 1 milliard d’euros en moins pour les pays en développement ! Certes, les crédits sont en hausse cette année, et nos collègues députés ont réussi à vous imposer une augmentation supplémentaire qui permettrait peut-être de dépasser légèrement leur niveau de 2012, mais il n’y a pas lieu de se réjouir de revenir au point de départ.

Par ailleurs, j’attends de voir ce que donnera cette hausse en exécution, car je rappelle que la volonté du Parlement, l’année dernière, d’affecter 270 millions d’euros à l’Agence française de développement pour augmenter nos dons bilatéraux a été très largement contournée, puisque 90 % de ce montant s’est substitué à des crédits budgétaires.

Pendant que la France diminuait son aide, nos voisins européens augmentaient la leur. Le Royaume-Uni respecte l’objectif de 0, 7 % de son revenu national brut ou RNB pour l’aide publique au développement depuis plusieurs années, tandis que l’Allemagne nous distancie, avec une aide de 0, 52 %, contre 0, 37 % pour la France.

La tournée diplomatique d’Angela Merkel au Mali, au Niger et en Éthiopie il y a quelques semaines ainsi que ses entretiens avec les présidents tchadien et nigérian montrent que l’Allemagne croit au développement et qu’elle y voit la réponse de long terme à la crise migratoire, de même qu’un outil pouvant bénéficier au rayonnement et au dynamisme de son industrie.

Nous sommes confrontés à des défis considérables en matière de sécurité, de changement climatique, de flux migratoires, qu’il s’agisse de réfugiés, de migrants économiques ou de réfugiés climatiques. Chers collègues, nous le savons bien, l’aide publique au développement est le bon investissement et la solution à chacun de ces problèmes sur le long terme. Il est donc indispensable que la France s’inspire des exemples allemand et britannique et accorde de nouveau à cette politique toute la place qu’elle mérite, afin de se rapprocher de l’objectif de 0, 7 % de son RNB, sur lequel je rappelle qu’elle s’est engagée.

Voilà, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, les réflexions que je voulais partager avec vous tant sur la motion tendant à opposer la question préalable que sur la priorité qui aurait dû être donnée à l’investissement dans le développement et l’aide Nord-Sud. Pour ces raisons, je voterai avec mon groupe la motion tendant à opposer la question préalable.

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