Pour eux, si l'idée est de leur permettre « de faire des contrats plus courts, de licencier plus facilement et de s'adapter à notre marché, alors il fallait y aller plus franchement ».
On ne saurait mieux le dire, le CPE est non pas un outil conçu pour répondre aux besoins spécifiques des jeunes face au marché du travail, mais seulement la nouvelle étape dans la course à la précarité de l'emploi que vous menez, monsieur le ministre.
D'ailleurs, cette mesure ne s'appuie même pas sur une étude sérieuse de la situation de l'emploi des jeunes, encore moins sur la connaissance précise des inégalités qui frappent cette population, ni sur les incidences que le niveau de formation a sur le niveau et le statut des emplois obtenus.
Pour faire passer la potion amère de la précarité, vous gonflez les chiffres. Votre seul argument pour justifier le CPE est de brandir un taux de chômage des seize à vingt-cinq ans de 20 % en France alors que la moyenne en Europe le situe à 7, 5 %. Un tel différentiel serait lié à un marché du travail trop protégé en France par rapport aux autres pays.
Or c'est faux. Un bref calcul montre que, sur cent jeunes en âge de travailler dans la tranche des seize à vingt-cinq ans, seuls 33 % sont actifs, et c'est parmi eux que le taux de chômage est de 20 %. Si on ramène ce chiffre à l'ensemble de cette tranche d'âge, le taux de chômage est en fait de 8 %. C'est déjà trop, mais c'est sensiblement différent.
En revenant ainsi à la réalité, on peut voir à quel point ce chômage a des caractéristiques spécifiques et combien la question du chômage des jeunes ramène à la lutte contre les inégalités, et non à un traitement particulier de l'ensemble de la jeunesse.
Non, monsieur le ministre, ce ne sont pas tous les jeunes qui mettent onze ans à s'intégrer dans la vie active, ce sont seulement ceux qui sortent sans qualification de notre système scolaire.
Selon une étude menée par le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, et considérant les jeunes d'une génération, celle de 2001, on constate que, si 36 % ont trouvé un emploi en CDI, le pourcentage global cache des différences significatives dès lors qu'on le rattache au niveau de formation.
Ainsi, 76 % des jeunes issus d'une école d'ingénieur et 50 % des titulaires du baccalauréat ou d'un diplôme bac + 2 sont en CDI pour leur premier emploi. Ensuite, plus la qualification baisse, moins il y a de CDI...
Selon les syndicats, quand on observe la situation des jeunes cinq à dix ans après la fin de leurs études, seuls 6 % de ceux qui ont obtenu un diplôme d'un niveau supérieur au baccalauréat sont au chômage, contre plus de 30 % de ceux qui n'ont aucun diplôme.