Séance en hémicycle du 27 février 2006 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CDI
  • CNE
  • CPE
  • embauche
  • jeunesse
  • licenciement
  • précarité

La séance

Source

La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Monsieur le président, je souhaite rectifier l'interprétation qui a été faite de mes propos au cours de la séance du vendredi 24 février 2006. Peut-être me suis-je mal exprimé ? Mais je ne le pense pas.

En tout cas, s'agissant des remboursements par l'État aux départements, il manque non pas une dizaine de millions d'euros, mais quatre-vingts millions d'euros à la compensation du RMI par l'État pour le département de la Seine-Saint-Denis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le compte rendu analytique sera corrigé en ce sens.

Y a-t-il d'autres observations ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Abel Sempé, qui fut sénateur du Gers de 1959 à 1989.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, en vertu de l'article 36, alinéa 10, de notre règlement, « les interpellations de collègue à collègue sont interdites ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Depuis le début de l'examen de ce texte, les présidents de séance sont décidés à faire appliquer le règlement, parfois de façon très stricte, et ils ont raison.

Au cours de la séance du vendredi 24 février 2006, nous avons eu droit à quelques dérapages verbaux. À défaut d'intervenir sur le fond, certains collègues appartenant à la majorité ont interrompu les orateurs de gauche qui s'efforçaient d'expliquer leur position et de présenter leurs amendements. Certaines de ces interruptions constituaient de véritables invectives. Le compte rendu analytique en donne un aperçu, même s'il est loin d'être complet. Le compte rendu intégral sera sans doute plus exhaustif en la matière.

Monsieur le président, certes, nous y sommes habitués ; c'est normal, c'est la vie publique. Les formules bien connues, telles que : « Démagos ! », « Apparatchiks ! » et autres, ne blessent personne. Mais il n'en est pas de même des invectives qui mettent en cause l'honnêteté et l'intelligence de certains collègues. Elles ne sont pas admissibles dans cet hémicycle ! Nous avons même eu droit à des tutoiements, à des « Tais-toi ! », à des « Allez-vous-en ! », à des « Givrés ! ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

...élus par nos pairs, représentants du suffrage universel, et, à travers nous, ce sont nos concitoyens qui sont invectivés. C'est à eux que l'on demande de se taire, de s'en aller ; c'est eux que l'on traite de « givrés » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je ne doute pas de votre vigilance pour éviter de tels dérapages aujourd'hui

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, mon rappel au règlement porte sur le dernier propos tenu par le président About à près de quatre heures du matin, la semaine dernière, pour clore les débats sur l'article 1er.

Contrairement à ce qui été indiqué, ou tout du moins sous-entendu, il n'y a pas eu d'accord, ni même ne serait-ce qu'une discussion, pour convenir que nous débuterions l'après-midi par l'article 3 bis. En revanche, nous avions obtenu un engagement ferme, celui que les débats se poursuivraient article après article, et ce dans l'ordre du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Après six, sept ou huit utilisations très malveillantes du règlement, voici que l'on nous impose maintenant de commencer nos débats par l'article 3 bis, sans avoir examiné les articles 2 et 3, ni les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 3 bis.

Monsieur le président, ces méthodes de travail sont tout à fait inqualifiables ou, si elles sont qualifiables, c'est dans un sens que vous aurez, les uns et les autres, compris !

Pour que nos débats soient sereins et, au-delà de la sérénité dont on peut ne pas être forcément friands, pour qu'ils soient de qualité, il conviendrait de suivre l'ordre des articles du projet de loi, plutôt que de s'abaisser à des bouleversements permanents, qui aboutissent à rendre les débats assez incompréhensibles, au point que les médias ont fait état d'un pseudo-accord avec les groupes de gauche.

Le groupe CRC tient à affirmer qu'il n'y a eu ni discussion ni accord. Au contraire, nous avons manifesté la désapprobation la plus vive pour cette inversion du calendrier de la discussion.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Yves Coquelle, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Coquelle

Monsieur le président, mon rappel au règlement concerne la convocation des réunions de commission.

Au nom de mon groupe, je demande en urgence une réunion de la commission des affaires économiques sur les conditions de la fusion annoncée entre GDF et Suez, ainsi que sur les conséquences de cette décision quant à l'avenir de la politique énergétique de notre pays et de l'Europe.

Décidément, le gouvernement de M. de Villepin ne lève pas le pied dans son offensive libérale.

La cause du droit au travail, avec le CPE, dont nous discutons cet après-midi, occupait les devants de l'actualité. Mais, hier, une nouvelle surenchère a été annoncée avec la privatisation de fait de GDF, livrée au marché au nom d'un patriotisme économique auquel seul le Premier ministre fait semblant de croire.

Comment oser parler de patriotisme alors que la droite au pouvoir déshabille la nation pour enrichir des actionnaires de tout poil, nationaux comme étrangers ? C'est le bien public qui est bradé, le bien de chaque Française et Français.

De surcroît, cette décision traduit un mépris du Parlement. En effet, les députés et les sénateurs avaient limité l'ouverture du capital à 30 %, 70 % devant rester dans le domaine public.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Coquelle

Par ce tour de passe-passe, M. de Villepin réduit à 34 % la part publique dans le nouveau groupe GDF, qui est donc privatisé.

Un nouveau projet de loi est annoncé en ce sens, moins de deux ans après les débats du printemps 2004. N'est-ce pas là un nouvel exemple d'une inflation législative de moins en moins maîtrisée ?

Comment accepter qu'une telle décision dans un domaine stratégique intervienne sans débat préalable au Parlement ? Sinon, à quoi servons-nous ?

D'autres solutions peuvent être trouvées pour maintenir le contrôle public dans ce domaine. Elles doivent être soumises au débat et c'est le peuple, par le biais de ses représentants, qui doit trancher, et non des analystes français et autres stratèges en bourse.

GDF doit restée publique et une réponse forte doit être apportée à ce nouveau coup de force libéral.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

On verra avec M. le président de la commission des affaires économiques ce qu'il y aura lieu de faire, dans la soirée ou demain.

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur les articles 48 et 20 du règlement du Sénat.

Afin d'être bien comprise, je vous donne lecture des dispositions que je souhaite commenter.

L'alinéa 3 bis de l'article 48 précise que : « Sauf dispositions spécifiques les concernant, les sous-amendements sont soumis aux mêmes règles de recevabilité et de discussion que les amendements. »

L'article 50 dispose : « À la demande de la commission intéressée, la Conférence des présidents peut décider de fixer un délai limite pour le dépôt des amendements. La décision de la Conférence des présidents figure à l'ordre du jour. »

La question de l'irrecevabilité des sous-amendements est d'une grande portée au regard des droits de l'opposition.

L'interprétation donnée vendredi par le Gouvernement est très contestable.

Certes, le deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution dispose que : « Après l'ouverture du débat, le Gouvernement peut s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la commission. »

Toutefois, comme l'a relevé Bernard Frimat vendredi dernier, il n'est nullement question de sous-amendements. Or il nous est tous arrivé de déposer des sous-amendements qui ont été rédigés en séance et débattus sans être pourtant passés par l'examen en commission.

Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

L'assimilation des sous-amendements aux amendements pour l'application du deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution a déjà donné lieu à de vifs conflits, comme en 1986 lors de la discussion du projet de loi modifiant le code du travail et relatif à la négociation collective sur l'aménagement du temps de travail

À la suite de ce débat, le règlement du Sénat fut modifié le 20 mai 1986 afin d'introduire l'alinéa 3 bis de l'article 48 soumettant les sous-amendements aux mêmes règles de recevabilité et de discussion que les amendements. Mais cette modification fut validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-206 DC du 3 juin 1986 sous une réserve essentielle : « elle ne saurait permettre au Gouvernement de porter atteinte à l'exercice réel du droit d'amendement des membres du Parlement prévu à l'article 44 du texte constitutionnel ».

Le règlement du Sénat ne prévoit pas de délai limite pour le dépôt des sous-amendements. En effet, l'article 50 précise : « À la demande de la commission intéressée, la Conférence des présidents peut décider de fixer un délai limite pour le dépôt des amendements. »

Une interprétation restrictive du droit de sous-amender constituerait une innovation constitutionnelle aux conséquences graves, tant pour les droits de l'opposition que pour la qualité et la vitalité du débat parlementaire. En effet, ce droit est traditionnellement conçu, selon la thèse relative au droit d'amendement de Bruno Baufumé, comme un « droit de suite, permettant de suivre l'évolution de la discussion parlementaire et de lui conserver son dynamisme ».

Par conséquent, nous contestons cet abus de la part du Gouvernement et nous demanderons pour l'avenir un éclaircissement de cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Votre intervention fera également l'objet d'un examen particulier en conférence des présidents. La Haute Assemblée et le Gouvernement se sont appuyés sur la jurisprudence de 1986. Rien n'empêche, il est vrai, que la disposition concernée soit explicitée de nouveau en conférence des présidents.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je souhaite répondre à M. Muzeau.

S'il est vrai que j'ai indiqué en commission à M. Muzeau que je m'attacherais à faire en sorte que les articles soient examinés dans l'ordre, c'est parce que je ne pensais pas, en toute logique, et sans doute par naïveté, que nous allions avoir affaire à une certaine obstruction qui allait considérablement retarder le débat...

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

On n'a pas parlé à l'Assemblée nationale, il faut bien que l'on parle au Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pardonnez-moi de m'être livré à l'instant à une provocation, mais votre réaction prouve que j'ai touché juste.

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Dans notre esprit, la discussion devait logiquement nous amener à aborder le CPE aujourd'hui, à quinze heures.

Lorsque, en conférence des présidents, j'ai demandé, avec le président de Rohan, à poursuivre éventuellement la discussion de ce texte samedi 25 et dimanche 26 février, le président Bel s'est demandé si la décision de ne pas siéger le samedi et le dimanche n'aboutirait pas à voter le CPE en pleine nuit, à une heure indécente et en présence d'un faible nombre de parlementaires. J'ai donc pris l'engagement que le CPE viendrait en discussion lundi 27 février à quinze heures. Et que je sache, à la conférence des présidents, siègent également les membres les plus éminents du groupe CRC ! Or, personne ne m'a contredit ! Au contraire, nous avons pris l'accord tacite...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C'est de la mauvaise foi, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je ne fais jamais preuve de mauvaise foi !

Cet accord ayant donné satisfaction, nous sommes repartis avec l'idée que nous examinerions, aussi longtemps que nécessaire, dans la nuit de vendredi à samedi, non seulement l'article 1er mais également les articles 2 et 3.

Compte tenu de l'heure avancée de nos débats et après en avoir discuté avec les membres présents en séance dans la nuit de vendredi à samedi, j'ai décidé de ne pas continuer la discussion au-delà de trois heures cinquante, en précisant, à la fin de la séance, que nous respecterions l'engagement pris, à savoir que nous aborderions aujourd'hui, dès quinze heures, l'examen du CPE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je veux rappeler à M. le président de la commission des affaires sociales que M. de Rohan a été le seul, je crois, à proposer que nous travaillions samedi et dimanche derniers.

Face à l'opposition des présidents de commission...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Peut-être pas la vôtre, mais de toute façon vous n'avez rien dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Je ne m'y suis jamais opposé !

Face à l'opposition en tout cas des présidents de groupe de gauche, M. de Rohan n'a pas défendu cette proposition, tant une présence assidue des membres de la majorité le samedi et le dimanche lui paraissait difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le seul point abordé et auquel le groupe CRC s'est d'ailleurs opposé, c'est le fait que nous travaillerions samedi et dimanche prochains.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je n'ai pris aucun engagement à ce propos, monsieur About, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je suis désolée, je ne mens pas !

Il est fort regrettable que les comptes rendus exhaustifs de la conférence des présidents ne soient pas remis aux sénateurs ! Je vais demander au président du Sénat qu'il fasse en sorte que dorénavant ils le soient !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

J'avais alors fait observer à tous les membres présents que l'on était bien d'accord pour continuer le plus tard possible dans la nuit de vendredi à samedi afin de ne pas prendre de retard pour pouvoir examiner le CPE aujourd'hui, à quinze heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Certes, nous étions d'accord pour continuer dans la nuit, mais, de fait, il n'a pas été dit que, quel que soit l'état de nos discussions dans la nuit de vendredi à samedi, nous commencerions l'examen du CPE lundi, à quinze heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Non ! Et, de toute façon, si cela avait été dit, j'aurais indiqué que j'étais contre le fait de ne pas examiner les articles 2 et 3 pour passer directement à l'article 3 bis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je vous donne acte de votre déclaration, madame Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le président de la commission des affaires sociales m'a mis en cause, invoquant le fait que j'avais implicitement accepté que l'article 3 bis vienne aujourd'hui en discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je dois dire que j'ai été le seul, tant au cours des deux réunions de bureau que lors de la conférence des présidents, à dire que nous étions prêts. À regarder le déroulement des travaux tel qu'il nous est imposé, nous aurions pu aller bien plus loin encore, monsieur le président About. Or, aujourd'hui, vous recourez à un vil argument en prétendant que si vous commencez la discussion de l'article 3 bis, c'est avec la complicité du vice-président du groupe CRC !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Dans ces conditions, nous allons employer d'autres méthodes...

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

...et utiliser toutes les possibilités que nous offre le règlement ! Vous allez voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Monsieur Fischer, il ne faut pas entendre des voix ; M. About ne vous a jamais mis en cause !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Je veux tout d'abord remercier mes collègues d'avoir fait en sorte que nous n'ayons siégé ni samedi ni dimanche. J'ai ainsi eu le temps de revenir de Bolivie, pays dans lequel j'ai pu voir ce qu'était le CPE à vie.

Mes chers collègues, il est extraordinaire de constater que certains pensent faire une faveur à la représentation nationale en s'abstenant de siéger au-delà de quatre heures du matin ! Imaginez ce qu'en penseront nos compatriotes s'ils viennent à apprendre que nous travaillons sur des textes aussi importants pour eux jusqu'à quatre heures du matin ! Vous prenez-vous pour des génies capables de mener un débat aussi important dans de telles conditions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Si tel est le cas, c'est que vous n'êtes vraiment pas sérieux !

Après avoir modifié le calendrier, brutalisé les procédures, réduit les droits de l'opposition à s'exprimer, vous pourriez au moins respecter le minimum, à savoir examiner un texte de loi en toute cohérence : d'abord l'article 1er, puis l'article 2, l'article 3, etc. §Vous devez cela non seulement à l'opposition, mais également à la nation. Ou alors dites-nous que vous n'avez qu'une hâte, que cela soit fini et que l'on ne discute pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. J'admets que nos références incessantes au règlement peuvent sembler retarder le débat. Mais nous sommes seulement en train de défendre les droits du Parlement !

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

J'étais en séance vendredi dernier jusqu'à quatre heures du matin, avec mes amis du groupe CRC, qui sont pratiquement tous présents aujourd'hui. J'ai entendu la même chose que Mme Borvo Cohen-Seat. Aucune information ne nous a été donnée au sujet de l'article 3 bis, car vous pensez bien que sinon nous aurions réagi, monsieur le président About.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Au-delà du prétendu malentendu, nous devons maintenant suivre l'ordre normal de discussion du texte. Comme nous avions achevé l'examen de l'article 1er, nous devons reprendre la discussion à l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Non seulement vous avez utilisé à l'Assemblée nationale l'article 49-3 de la Constitution, non seulement la majorité sénatoriale a décidé, contre notre avis, d'avancer au 23 février le débat qui avait été initialement prévu le 28 février, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

...non seulement vous avez décidé de retirer de notre ordre du jour la question orale européenne avec débat de M. Hubert Haenel sur les restrictions de circulation dans l'Union européenne des travailleurs salariés des nouveaux Etats membres, non seulement encore vous avez interrompu la discussion du projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, mais vous voulez maintenant modifier l'ordre de discussion des articles de ce projet de loi. Votre préoccupation n'est pas que nous débattions des problèmes posés par le CPE ; tout ce que vous voulez, c'est que la majorité sénatoriale avalise ce que le Gouvernement a fait, puisqu'il n'y a même pas eu de vote à l'Assemblée nationale.

Monsieur le président, je vous demande donc de reprendre l'ordre normal de la discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux laisser dire certaines choses. Moi aussi, comme vous tous, j'ai assisté à l'ensemble des débats.

Monsieur Mélenchon, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

...vous dites que nos concitoyens seraient malheureux d'apprendre que nous travaillons jusqu'à quatre heures du matin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

(Mme Dominique Voynet s'exclame.) Le reste, c'était un peu d'idéologie mêlée à de l'art oratoire. Voilà ce qui nous a fait perdre du temps ! C'est comme si, au lieu de vous amener directement de Bolivie à Paris, le pilote de votre avion avait tourné en rond de façon à vous faire arriver à l'issue des débats !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Savez-vous comment nous avons travaillé ? Eh bien, nous avons travaillé sur tout, et quasiment pas sur le sujet sur lequel nous aurions dû débattre ! En effet, celui-ci a été évoqué de temps en temps, une fois sur cinq ou sur six. §Vous vous seriez alors demandé pourquoi il agissait ainsi ! Eh bien, mes chers collègues, si nous avons fini à près de quatre heures du matin, c'est parce que nous avons tourné en rond !

Je m'adresse maintenant aux membres du groupe CRC. Pendant toute la soirée, vous n'aviez eu de cesse de lever la main pour demander la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

M. Philippe Nogrix. Lorsque M. le président de la commission des affaires sociales nous a annoncé que nous examinerions l'article 3 bis ce lundi à quinze heures, vous n'avez rien dit.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Nous avons donc tous pensé que nous étions d'accord !

En l'occurrence, je pense que le président de la commission a fait un pas en avant assez remarquable. En effet, discuter un lundi après-midi, dès le début de la séance, d'une disposition qui, à vos yeux, est au coeur du projet de loi, c'est louable et très démocratique, et je l'en félicite.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. A été avancé l'argument selon lequel nous n'aurions pas débattu du fond dans la nuit de vendredi à samedi. Or il suffit de consulter le compte rendu analytique pour constater que les sénateurs de gauche avaient matière non seulement à défendre leurs amendements, nombreux, mais également à expliquer leur vote en allant au fond des choses, dans les détails techniques. Mais, en face, les sénateurs de droite se sont tus pendant tout le débat.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Absolument ! Que voulez-vous qu'ils disent ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ils étaient uniquement là pour intervenir sur des questions de procédure, parfois pour nous invectiver...

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

... et, bien sûr, pour voter au canon quand il le fallait !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le compte rendu analytique en témoigne.

Pour le reste, - et la presse l'a remarqué -, les débats ne prêtent pas tellement à polémique.

Par ailleurs, M. le président de la commission des affaires sociales a considéré que l'accord intervenu en conférence des présidents était tacite. Je ne vous en fais pas grief, monsieur About, si vous l'avez compris comme cela. Mais je ne comprends pas les motifs de cette modification de l'ordre de discussion des articles.

En effet, vous ne pouvez pas nous demander de passer de l'article 1er à l'article 3 bis, même si nous sommes - peut-être - des surdoués. Vous le savez, monsieur About, on apprend dès l'école qu'après 1 il y a 2. Passer de l'article 1er à l'article 3 bis, c'est considérer que ce projet de loi ne sert à rien d'autre qu'à faire adopter très vite l'article 3 bis qui se suffit à lui-même et qui est relatif au CPE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L'article 3 bis, c'est l'amendement du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C'est considérer que toutes les autres dispositions relatives à l'égalité des chances, censées répondre à la crise des banlieues, à la crise sociale qui s'est notamment manifestée lors du référendum du 29 mai dernier, c'est du pipeau, l'essentiel étant de casser le code du travail.

Monsieur About, je vous écoute et je sais que vous êtes pédagogue : comment justifiez-vous le fait que vous passiez de l'article 1er à l'article 3 bis ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

S'il s'agit de discuter l'après-midi, en pleine journée, de l'article 3 bis en présence de nombreux sénateurs, je peux vous certifier que demain nous serons toujours aussi nombreux, sinon plus, puisque le Sénat siège habituellement le mardi. Je vous demande vraiment une explication à ce propos, monsieur About.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je la demande au président de la commission des affaires sociales ! Comment justifiez-vous cette demande, sauf à vous prêter l'arrière-pensée qu'il fallait adopter cet article très rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comme vous n'avez pas pu le faire dans la nuit de vendredi à samedi, vous le faites aujourd'hui à quinze heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Il est faux de dire que le président de la commission des affaires sociales a trompé ses collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Tout comme Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Bel, j'ai participé à la réunion de la conférence des présidents. Le président About y a bel et bien mentionné le fait que nous pourrions examiner l'article 3 bis et l'article 3 ce lundi après-midi. Nos collègues du groupe CRC n'ont alors rien dit. Certes, qui ne dit mot ne consent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Mais nous n'avons enregistré de leur part aucune réaction. Aussi, M. About est parfaitement fondé à dire que, à tout le moins, ils n'ont rien objecté.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

M. Josselin de Rohan. Comme bien d'autres, j'étais présent dans cet hémicycle quand il a dit, à la fin de la séance dans la nuit de vendredi à samedi dernier

M. Guy Fischer s'exclame

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

(M. président de la commission des affaires sociales le confirme.) Le président About est un homme dont l'honnêteté intellectuelle ne peut être mise en doute.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

En outre, je voudrais m'adresser à Jean-Luc Mélenchon. En tant que ministre, il a participé à des marathons bruxellois, et il sait comme moi que ceux-ci peuvent durer quarante-huit heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

M. Josselin de Rohan. Quand on représente son pays, on trouve les forces nécessaires pour tenir le choc. Sachant qu'il est encore jeune et dynamique, je ne doute pas que, pendant nos longues séances de nuit, il interviendra avec la vigueur et le talent que chacun lui connaît.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, je vous donne acte de vos déclarations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence (nos 203, 210, 211, 212, 213, 214).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 3 bis, appelé en priorité.

I. - Les employeurs qui entrent dans le champ du premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail peuvent conclure, pour toute nouvelle embauche d'un jeune âgé de moins de vingt-six ans, un contrat de travail dénommé « contrat première embauche ».

L'effectif de l'entreprise doit être supérieur à vingt salariés dans les conditions définies par l'article L. 620-10 du même code.

Un tel contrat ne peut être conclu pour pourvoir les emplois mentionnés au 3° de l'article L. 122-1-1 du même code.

II. - Le contrat de travail défini au I est conclu sans détermination de durée. Il est établi par écrit.

Ce contrat est soumis aux dispositions du code du travail, à l'exception, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, de celles des articles L. 122-4 à L. 122-11, L. 122-13 à L. 122-14-14 et L. 321-1 à L. 321-17 du même code.

La durée des contrats de travail, précédemment conclus par le salarié avec l'entreprise ainsi que la durée des missions de travail temporaire effectuées par le salarié au sein de l'entreprise dans les deux années précédant la signature du contrat première embauche, de même que la durée des stages réalisés au sein de l'entreprise sont prises en compte dans le calcul de la période prévue à l'alinéa précédent.

Ce contrat peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, dans les conditions suivantes :

1° La rupture est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;

2° Lorsque l'employeur est à l'initiative de la rupture et sauf faute grave ou force majeure, la présentation de la lettre recommandée fait courir, dès lors que le salarié est présent depuis au moins un mois dans l'entreprise, un préavis. La durée de celui-ci est fixée à deux semaines, dans le cas d'un contrat conclu depuis moins de six mois à la date de la présentation de la lettre recommandée, et à un mois dans le cas d'un contrat conclu depuis au moins six mois ;

3° Lorsqu'il est à l'initiative de la rupture, sauf faute grave, l'employeur verse au salarié, au plus tard à l'expiration du préavis, outre les sommes restant dues au titre des salaires et de l'indemnité de congés payés, une indemnité égale à 8 % du montant total de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion du contrat. Le régime fiscal et social de cette indemnité est celui applicable à l'indemnité mentionnée à l'article L. 122-9 du code du travail. À cette indemnité versée au salarié s'ajoute une contribution de l'employeur, égale à 2 % de la rémunération brute due au salarié depuis le début du contrat. Cette contribution est recouvrée par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 351-21 du code du travail conformément aux dispositions des articles L. 351-6 et L. 351-6-1 du même code. Elle est destinée à financer les actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi en vue de son retour à l'emploi. Elle n'est pas considérée comme un élément de salaire au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Toute contestation portant sur la rupture se prescrit par douze mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée prévue au 1°. Ce délai n'est opposable aux salariés que s'il en a été fait mention dans cette lettre.

Par exception aux dispositions du deuxième alinéa, les ruptures du contrat de travail envisagées à l'initiative de l'employeur sont prises en compte pour la mise en oeuvre des procédures d'information et de consultation régissant les procédures de licenciement économique collectif prévues au chapitre Ier du titre II du livre III du code du travail.

La rupture du contrat doit respecter les dispositions législatives et réglementaires qui assurent une protection particulière aux salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif.

En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat.

Le salarié titulaire d'un contrat première embauche peut bénéficier du congé de formation dans les conditions fixées par les articles L. 931-13 à L. 931-20-1 du code du travail.

Le salarié titulaire d'un contrat première embauche peut bénéficier du droit individuel à la formation prévu à l'article L. 933-1 du code du travail pro rata temporis, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date d'effet du contrat. Le droit individuel à la formation est mis en oeuvre dans les conditions visées aux articles L. 933-2 à L. 933-6 du même code.

L'employeur est tenu d'informer le salarié, lors de la signature du contrat, des dispositifs interprofessionnels lui accordant une garantie et une caution de loyer pour la recherche éventuelle de son logement.

III. - Les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi au sens de l'article L. 351-1 du code du travail, ayant été titulaires du contrat mentionné au I pendant une durée minimale de quatre mois d'activité ont droit, dès lors qu'ils ne justifient pas de références de travail suffisantes pour être indemnisés en application de l'article L. 351-3 du même code, à une allocation forfaitaire versée pendant deux mois.

Le montant de l'allocation forfaitaire ainsi que le délai après l'expiration duquel l'inscription comme demandeur d'emploi est réputée tardive pour l'ouverture du droit à l'allocation, les délais de demande et d'action en paiement, le délai au terme duquel le reliquat des droits antérieurement constitués ne peut plus être utilisé et le montant au-dessous duquel l'allocation indûment versée ne donne pas lieu à répétition sont ceux applicables au contrat nouvelles embauches.

Les dispositions de la section 4 du chapitre Ier du titre V du livre III du code du travail sont applicables à l'allocation forfaitaire.

Les dispositions de l'article L. 131-2, du 2° du I de l'article L. 242-13 et des articles L. 311-5 et L. 351-3 du code de la sécurité sociale ainsi que celles des articles 79 et 82 du code général des impôts sont applicables à l'allocation forfaitaire.

Cette allocation est à la charge du fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi.

L'État peut, par convention, confier aux organismes mentionnés à l'article L. 351-21 du code du travail ou à tout organisme de droit privé la gestion de l'allocation forfaitaire.

Un accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 351-8 du code du travail définit les conditions et les modalités selon lesquelles les salariés embauchés sous le régime du contrat institué au I peuvent bénéficier de la convention de reclassement personnalisé prévue au I de l'article L. 321-4-2 du même code. À défaut d'accord ou d'agrément de cet accord, ces conditions et modalités sont fixées par décret en Conseil d'État.

IV. - Les conditions de mise en oeuvre du « contrat première embauche » et ses effets sur l'emploi feront l'objet, au plus tard au 31 décembre 2008, d'une évaluation par une commission associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais apporter une précision s'agissant de la polémique qui vient de nous occuper.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac, rapporteur. Dans la nuit de vendredi à samedi, M. Bel, président du groupe socialiste, est venu au banc des commissions vers trois heures trente du matin pour me confirmer sa position. Puisqu'il est présent, il peut l'attester. Je veux bien qu'on raconte n'importe quoi, mais ne puis accepter qu'on dise que le président About est malhonnête. Ce n'est pas vrai. Si c'était vrai, je me tairais !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Je voudrais expliquer d'un mot la position que j'ai proposée à la commission d'adopter sur l'article 3 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Comme nous allons entendre aujourd'hui de nombreux morceaux d'éloquence, je vais me contenter de raisonner.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac, rapporteur. La question que nous nous posons tous est la suivante : « à quoi servira le CPE ? »

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ne faites pas ce que vous nous reprochiez tout à l'heure ! Vous disiez que la droite vous coupait la parole. Laissez-nous nous exprimer !

L'opposition affirme que le CPE est un instrument destiné à plonger la jeunesse dans la précarité et qu'il faut par conséquent s'y opposer par tous les moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Raisonnons un peu, mes chers collègues. Si le CPE doit réduire la jeunesse à la précarité, cela signifie nécessairement que la précarité n'existe pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ma tâche de rapporteur m'a bien entendu conduit à étudier cette assertion. Et j'ai été forcé d'admettre que la réalité est très différente : en 2004, 21 % des jeunes actifs entre quinze et vingt-neuf ans ont occupé un emploi temporaire, contre 7, 2 % pour les trente à quarante-neuf ans et 4 % pour les cinquante à soixante-quatre ans ; 28 % des jeunes actifs ont traversé en 2003 au moins une période sans emploi, contre 17 % pour l'ensemble des actifs ; le taux d'emploi des jeunes de quinze à vingt-neuf ans a diminué de quatorze points entre 1975 et 2002, passant de 55 % à 41 %, et les progrès de la scolarisation ne suffisent pas à expliquer cette évolution ; enfin, le pourcentage de jeunes actifs de quinze à vingt-neuf ans qui, ayant un emploi en 2003, ont occupé la même année un emploi temporaire quatre trimestres successifs est de 10 %, contre 5 % pour l'ensemble des actifs occupés.

Ainsi, l'insertion professionnelle d'une fraction importante de la jeunesse n'est pas un long fleuve tranquille à durée indéterminée.

Que nous dit le Gouvernement ? Il constate d'abord que les efforts poursuivis depuis trente ans pour aider la jeunesse à s'insérer harmonieusement dans la vie professionnelle donnent certes des résultats, mais que ceux-ci demeurent globalement très insuffisants. Aussi, il nous propose d'essayer d'autres pistes. Le CPE en est une.

Son objectif est de conduire la plus grande partie possible de la jeunesse actuellement précarisée vers la forme normale de relation de travail que constitue le contrat à durée indéterminée, le CDI. §Il ne dit pas vers l'emploi à vie dans la même entreprise, pour la raison que cela existera de moins en moins. Il dit simplement vers l'emploi stable, symbolisé par le CDI.

C'est là que je commence à être intéressé. J'examine de près le dispositif proposé, je prends note des garanties dont est entourée la conclusion d'un CPE.

Prenons l'exemple d'une entreprise prospère, pleine de perspectives et débordante de projets. Elle va peut-être les mener à bien, peut-être pas. Elle va peut-être enclencher une dynamique de croissance, peut-être pas. Cette entreprise a certainement une faible visibilité sur ses besoins de recrutement au-delà de l'horizon d'un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Actuellement, pour mener à bien ce projet porteur, elle aura tendance à recruter deux ou trois personnes en contrat à durée déterminée d'un an, et attendra de voir venir les choses. Avec le CPE, elle pourra en recruter deux fois plus, mettre en quelque sorte les bouchées doubles, avec la perspective de garder tout le monde...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

...si sa dynamique de croissance le permet.

Il lui sera aussi possible de n'en garder que la moitié, voire moins, dans le cas contraire. Dans le pire des cas, cinq ou six personnes auront eu pendant un an un emploi, une expérience, tremplin vers d'autres expériences.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

S'il joue ce rôle, le CPE aura servi à quelque chose ! Dans le meilleur des cas, quatre, cinq, peut être même six jeunes embauchés en CPE conserveront leur emploi et leur contrat à durée indéterminée.

En l'occurrence, ce qui nous intéresse, nous les politiques, c'est de savoir que des marges de recrutement existent dans de nombreux secteurs d'activité...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

...et qu'il suffit de lever les réserves, parfois psychologiques, des employeurs devant l'embauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous ne vous intéressez qu'à la psychologie des employeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Le CPE a été construit pour les amener à surmonter ces réticences. Et l'on nous parle de précarisation !

Je veux dire un mot des jeunes qui sont actuellement embauchés en CDI. L'existence du CPE va-t-elle les réduire à la précarité ? Là, je ne comprends pas ou ne comprends plus. Un employeur n'embauche pas pour s'offrir le plaisir de débaucher...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

...et, s'il en est besoin, le licenciement d'un salarié en CDI est facile et peu coûteux pendant les deux premières années.

Je ne m'aventurerai pas à vous prédire, mes chers collègues, que le CPE ne va pas créer, ici ou là, d'effets de substitution, que les ruptures abusives n'existeront pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ce n'est pas en me plaçant sur ce terrain que j'ai proposé à notre commission d'approuver sans restriction le dispositif proposé par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai constaté qu'il fallait agir vite, que le CPE était une piste sérieuse et construite, et qu'il fallait l'essayer. Oui, mes chers collègues : l'essayer ! C'est une approche pragmatique qui nous est proposée. Une évaluation sera effectuée par les partenaires sociaux avant la fin de l'année 2008. Nous aurons alors des éléments d'appréciation objectifs. Nous verrons ce qui est à corriger, à retenir, à pérenniser, peut-être à abandonner. Je prends date à cet instant. Mais aujourd'hui nous devons agir vite !

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le rapporteur vient d'intervenir sur l'article 3 bis au nom du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est une première, car, en général, le Gouvernement se charge lui-même de défendre son projet.

D'après ce que je sais des débats législatifs, il me semble qu'il nous appartient, à nous parlementaires, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions, de travailler sur les textes, en déposant des amendements ou des sous-amendements. Certes, la semaine passée, il nous a été interdit d'exercer ce droit. J'en prends acte, monsieur Gournac, mais, jusqu'à dimanche prochain, nous aurons l'occasion d'y revenir, puisqu'il reste encore trente-six articles à examiner après celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Avec ce projet de loi, le Gouvernement prétend donc répondre à la crise qui a traversé les banlieues l'automne dernier, notamment au moyen du contrat première embauche, qui, à lui seul, aurait mérité d'être présenté sous une autre forme que celle d'un long amendement imposé par la force devant l'Assemblée nationale.

Ce nouveau contrat, cousin du contrat nouvelles embauches, s'adresse aux moins de vingt-six ans recrutés par des entreprises de vingt salariés et plus. Il ne propose rien d'autre que de soustraire ces jeunes salariés à la protection offerte par le code du travail et donne le droit à l'employeur de licencier pendant deux ans selon son bon plaisir.

Il permet aussi de licencier à moindre coût, puisque les indemnités dues seront moins élevées que celles qui sont prévues pour les CDD.

Le CPE est également une occasion de pervertir la notion de période d'essai en faisant de cette dernière - qui peut se justifier par la nécessité de vérifier, sur une durée courte, que le salarié peut accomplir la tâche qui lui est demandée - un instrument de domination patronale.

Selon une étude récente de la SOFRES, 40 % des salariés du privé n'osent pas se syndiquer par peur des représailles. Avec le CPE, cette angoisse ne peut que croître. Il vous sera toujours loisible, par la suite, de vous plaindre du faible taux de syndicalisation en France, comme je l'ai entendu à de nombreuses reprises ici même.

C'est aussi une bonne nouvelle pour le MEDEF. Mais la meilleure - et Laurence Parisot pourra continuer de se réjouir du succès inespéré que rencontrent ses actions de lobbying auprès du Gouvernement -, c'est le zèle avec lequel ce dernier s'emploie à supprimer le fruit de trente-deux années d'acquis sociaux et à piétiner les principes fondamentaux internationalement reconnus par l'Organisation internationale du travail, l'OIT.

En effet, le Gouvernement éprouve la nostalgie de cette jurisprudence de 1872, qui, jusqu'à la loi du 13 juillet 1973, portant modification du code du travail en ce qui concerne la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée, refusait aux salariés le droit à la défense et les privait d'indemnités en cas de licenciement abusif.

Il n'a que mépris pour l'article 4 de la convention n° 158 de l'OIT qui interdit le licenciement d'un salarié sans motif valable, et pour son article 7 qui impose l'existence d'une procédure contradictoire en vue d'un licenciement pour des motifs liés à la conduite ou au travail du salarié.

Attention aux effets pervers que vous vous apprêtez à introduire ! Si le droit commun permet au salarié de connaître ce que son employeur lui reproche, il peut en conséquence décider de saisir le juge. Contrairement à ce que semble penser le patronat, ce n'est pas très courant. Or, avec le CNE, et maintenant avec le CPE, il n'est plus besoin de motiver le licenciement. La charge de la preuve incombera au salarié, qui devra démontrer que son licenciement n'est ni économique ni lié à une insuffisance professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Dès lors, l'ignorance du motif de licenciement contraindra le salarié à assigner son employeur en justice pour en connaître la cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Tout dernièrement, un premier jugement a condamné lourdement deux patrons de PME pour licenciement abusif. Et ce n'est pas là, comme le prétend Jean-Louis Borloo, un « bon signe », c'est le prélude à un chaos grandissant pour les entreprises en général et pour les salariés en particulier.

Pour augurer de l' « entrée de la France dans le xxie siècle », le gouvernement Villepin nous propose de revenir à cette époque où l'on pouvait lire à l'article 1781 du code civil : « Le maître est cru sur son affirmation [...]. » C'était en 1804.

Nous sommes, avec l'article 3 bis, dans le vif du sujet. Nul doute que, avec les centaines de milliers de personnes qui ont manifesté dans nos villes, avec les protestations unanimes des organisations syndicales et des associations qui travaillent sur les questions de la précarité - le réseau Alerte en est une expression forte et unie -, nous ne lâcherons pas prise sur un projet qui saborde le code du travail, plus exactement le droit au travail.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le ministre, ce texte, et en particulier l'article 3 bis qui nous occupe, illustre bien votre façon de gouverner.

Avec l'abus manifeste des ordonnances depuis le début de la législature - notamment pour créer le contrat nouvelles embauches - et l'usage que vous venez de faire du 49-3 à l'Assemblée nationale, vous méprisez la représentation nationale comme les partenaires sociaux.

Sortir de votre chapeau le contrat première embauche par le biais d'un amendement est d'une désinvolture, ou plutôt d'une insolence sans bornes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Si vous voulez aller aussi vite, c'est bien que vous craignez une réaction populaire. Je gage qu'elle ne tardera pas à s'amplifier.

Non, le CPE ne créera pas d'emplois, pas plus que le contrat nouvelles embauches, pour lequel nous avons déjà des chiffres : les deux tiers des 280 000 CNE créés se substituent en fait à des contrats de travail à durée indéterminée. D'après les articles de presse que nous avons pu lire, il n'y aurait, au mieux, que 70 000 CNE véritablement créés. Et 10 % d'entre eux ont déjà été dénoncés tandis que les plaintes se multiplient devant les tribunaux, notamment les conseils de prud'hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Car si le CNE comme le futur CPE ne font pas obligation à l'employeur de trouver des motifs pour licencier le salarié, celui-ci bénéficie toujours du droit de se retourner contre son employeur et de l'accuser de pratiques discriminatoires. Les salariés ne s'en priveront pas, croyez-moi !

Par ailleurs, le CPE n'est pas conforme aux principes fondamentaux de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail eu égard au délai déraisonnable de la période d'essai et aux motivations du licenciement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

De la même façon, la charte sociale européenne reconnaît dans son article 24 « le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise ».

L'ensemble des journaux y font référence, en citant un rapport remis la semaine dernière au Gouvernement - à votre corps défendant - par M. Henri Proglio, P-DG du groupe Veolia environnement, qui préconise une « revalorisation du contrat à durée indéterminée comme forme normale d'embauche ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Il s'agit donc bien d'une atteinte gravissime à notre droit du travail qui s'ajoute aux précédentes, dans l'objectif clairement avoué de faire tomber les droits acquis grâce à des décennies de combats politiques et de luttes sociales.

Ici, il me faut établir le lien entre la précarisation de l'emploi et la façon dont le Gouvernement traite ceux qui en sont exclus.

De la même façon que notre très libérale voisine d'outre-Rhin vient de diminuer de 20 % les allocations versées aux jeunes chômeurs de longue durée à partir du 1er juillet, vous stigmatisez nos populations les plus fragiles : jeunes, chômeurs, femmes seules, ... La boucle sera bouclée avec la prochaine proposition de loi de nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt réformant les minima sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous l'attendons, monsieur Mercier !

Tout se tient et la précarité grandit. Tout se tient et le droit du travail se délite. Encore un peu - le contrat unique, par exemple - et vous obtiendrez peut-être, en session extraordinaire, dans la première quinzaine du mois de juillet, le satisfecit intégral du MEDEF de Mme Laurence Parisot. J'oubliais le CDD « vieux ». C'est faire de la précarité la règle.

Je ne crains pas de me répéter en disant que vous vous acharnez à tailler en pièces les garanties de niveau de vie et de stabilité familiale par une politique entièrement dévolue à la logique du profit des entreprises et des groupes bancaires. J'en veux pour preuve les sommets atteints par le CAC 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mon cher collègue, veuillez vous orienter vers votre conclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je vous prie de m'excuser, monsieur le président, mais la question est trop importante.

Le parallèle ne s'arrête pas là : vous culpabilisez de la même odieuse façon les travailleurs précaires et les personnes privées d'emploi en les harcelant, en les accusant de fainéantise et d'abus de rentes de situation. Comme s'il était enviable de ne pas gagner sa vie à ne rien faire ! Comme s'il était enviable, pour une femme seule mère de plusieurs enfants, de travailler à quart de temps dans un grand magasin...

Minimum unique pour les sans-emploi, contrat unique pour les heureux titulaires d'un contrat de travail au rabais : voilà à quoi vous entendez ravaler des jeunes, des femmes, des familles, qui luttent pourtant pour garder la tête hors de l'eau.

J'affirme en revanche que les différents statuts - de salariés ou de chômeurs - qui existent encore actuellement sont une réponse - bien que non satisfaisante - à des situations dont l'historique est différent.

Sur le plan de l'assurance maladie, vous fustigez les assurés rendus coupables d'être des fraudeurs potentiels. Oui, tout se tient, l'image que vous donnez des pauvres - je préfère ce terme bien clair à celui de titulaires de la CMU et autres RMIstes - sert votre volonté de démanteler nos systèmes de solidarité et de protection sociale.

Vous institutionnalisez la pauvreté, la précarité et l'instabilité sociale, familiale et économique, pour tous et à vie. Nous n'accepterons pas une telle politique.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons enfin l'examen de l'article 3 bis qui crée le CPE. Ce débat a été retardé non par des manoeuvres d'obstruction, mais par des chicanes qui peuvent paraître étranges à certains sénateurs récemment élus et sans doute au public.

En tout cas, le projet de loi sur l'égalité des chances ne peut pas se limiter au simple examen de ce CPE. Cette vision serait réductrice.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Le contrat première embauche est diabolisé par les groupes socialiste et communiste, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, alors que le groupe UMP et moi-même considérons qu'il est urgent d'agir.

Les jeunes sont confrontés à la précarité, avec, comme M. le Premier ministre et M. Larcher l'ont rappelé, un taux de chômage de près de 23 % pour les moins de vingt-cinq ans, et, parfois, de 40 % pour les moins qualifiés. §

Il leur faut entre huit et onze ans pour avoir un emploi stable et ce qui va avec, le logement, l'accès au crédit, l'installation dans la vie. Ce n'est pas tolérable pour nos enfants et petits-enfants !

Avec le CPE, le Gouvernement propose de sortir les jeunes de la précarité et de leur permettre d'accéder dans de meilleures conditions à l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Vous connaissez un propriétaire qui louera à un jeune en CPE ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Avec le contrat première embauche, ils bénéficieront d'un contrat à durée indéterminée, avec une période de deux ans pour faire leurs preuves et des garanties réelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Vous connaissez une banque qui leur prêtera ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Mme Catherine Procaccia. S'ils ont accompli une période de stage, de CDD ou de contrat en alternance dans l'entreprise qui les recrute, cette période sera décomptée des deux ans : un jeune qui aura fait un an de stage et six mois de CDD aura donc déjà parcouru les trois quarts du chemin. Et je peux vous assurer que les jeunes, plus particulièrement les étudiants que je côtoie, accueillent d'une façon très positive cette intégration des stages dans les deux ans.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Allez voir les étudiants à Paris-XII Créteil. Vous verrez ce qu'ils vous diront !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Une succession de CDD et de stages, avec des périodes sans emploi, est-elle préférable à ce CPE ?

(M. Jean-Luc Mélenchon fait un signe de dénégation.) La fédération des banques française a pris des engagements dans ce sens, et c'est une véritable avancée pour ceux qui débutent dans la vie professionnelle.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

En outre, et contrairement à ce que vous dites, les jeunes pourront faire valoir des cautions pour le logement et le crédit bancaire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Vous croyez au Père Noël ! C'est de la démagogie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Ils auront un droit à la formation dès la fin du premier mois d'activité, ce qui n'est même pas le cas pour un salarié en CDD. Cela leur permettra de combler des lacunes qui auraient pu apparaître après le premier mois de travail, par exemple une maîtrise insuffisante de l'informatique ou d'une langue étrangère.

Les conditions de rupture sont réglementées : préavis, indemnité, respect de la protection des salariés protégés, y compris des femmes enceintes.

Le chômage sera indemnisé au bout de quatre mois : c'est une amélioration majeure.

Nous ne sortirons pas les jeunes de la précarité en restant immobiles. Il faut tenter de nouvelles pistes...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

...si nous voulons vraiment prendre à bras-le-corps l'avenir des jeunes qui vivent en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Nous avons le devoir d'avancer, en prenant soin d'accompagner chaque jeune dans son parcours d'embauche.

Si les détracteurs du CPE formulaient de véritables solutions de rechange, nous le saurions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Les emplois-jeunes, c'était tout de même mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

En réalité, ils ne proposent que le statu quo. Or, on ne saurait en discuter puisque celui-ci n'a pas permis de sortir les jeunes de la situation dans laquelle ils se trouvent s'agissant de l'emploi.

C'est pourquoi je soutiendrai le CPE avec conviction, et le groupe UMP le votera.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Répondre au chômage des jeunes est un véritable enjeu. Tenter de le faire par la précarisation et une série de mensonges est une vraie trahison.

Selon vous, la cause du chômage des jeunes est simple : les entreprises ne les embauchent pas parce qu'elles ne peuvent pas les licencier assez facilement. Votre réponse est donc élémentaire : créer un contrat journalier. Ainsi, le jeune peut être licencié sans motif et du jour au lendemain durant deux ans. Cette formule miracle avait déjà abouti à la création du CNE et devrait permettre d'étendre, à tous les contrats existant, la flexibilité que réclame le MEDEF.

En effet, si le seul frein à l'emploi est le droit du travail, pourquoi s'arrêter en si bon chemin et ne pas proposer le contrat unique. Étendre la précarité à tous et à tous les âges de la vie, pas seulement aux employés des entreprises de moins de vingt salariés ou aux jeunes de moins de vingt-six ans, c'est l'avenir tel que le MEDEF en rêve et que vous vous efforcez de réaliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

D'ailleurs, les critiques des patrons sur le dispositif CPE le prouvent. Selon un article instructif paru dans la presse, si la responsable du MEDEF juge qu'« il n'est jamais bon de traiter d'une manière spécifique une catégorie de population », c'est parce que de nombreux directeurs des ressources humaines et chefs d'entreprise reprochent au Gouvernement de n'avoir pas « eu le cran d'étendre le CNE à toutes les entreprises ».

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Pour eux, si l'idée est de leur permettre « de faire des contrats plus courts, de licencier plus facilement et de s'adapter à notre marché, alors il fallait y aller plus franchement ».

On ne saurait mieux le dire, le CPE est non pas un outil conçu pour répondre aux besoins spécifiques des jeunes face au marché du travail, mais seulement la nouvelle étape dans la course à la précarité de l'emploi que vous menez, monsieur le ministre.

D'ailleurs, cette mesure ne s'appuie même pas sur une étude sérieuse de la situation de l'emploi des jeunes, encore moins sur la connaissance précise des inégalités qui frappent cette population, ni sur les incidences que le niveau de formation a sur le niveau et le statut des emplois obtenus.

Pour faire passer la potion amère de la précarité, vous gonflez les chiffres. Votre seul argument pour justifier le CPE est de brandir un taux de chômage des seize à vingt-cinq ans de 20 % en France alors que la moyenne en Europe le situe à 7, 5 %. Un tel différentiel serait lié à un marché du travail trop protégé en France par rapport aux autres pays.

Or c'est faux. Un bref calcul montre que, sur cent jeunes en âge de travailler dans la tranche des seize à vingt-cinq ans, seuls 33 % sont actifs, et c'est parmi eux que le taux de chômage est de 20 %. Si on ramène ce chiffre à l'ensemble de cette tranche d'âge, le taux de chômage est en fait de 8 %. C'est déjà trop, mais c'est sensiblement différent.

En revenant ainsi à la réalité, on peut voir à quel point ce chômage a des caractéristiques spécifiques et combien la question du chômage des jeunes ramène à la lutte contre les inégalités, et non à un traitement particulier de l'ensemble de la jeunesse.

Non, monsieur le ministre, ce ne sont pas tous les jeunes qui mettent onze ans à s'intégrer dans la vie active, ce sont seulement ceux qui sortent sans qualification de notre système scolaire.

Selon une étude menée par le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, et considérant les jeunes d'une génération, celle de 2001, on constate que, si 36 % ont trouvé un emploi en CDI, le pourcentage global cache des différences significatives dès lors qu'on le rattache au niveau de formation.

Ainsi, 76 % des jeunes issus d'une école d'ingénieur et 50 % des titulaires du baccalauréat ou d'un diplôme bac + 2 sont en CDI pour leur premier emploi. Ensuite, plus la qualification baisse, moins il y a de CDI...

Selon les syndicats, quand on observe la situation des jeunes cinq à dix ans après la fin de leurs études, seuls 6 % de ceux qui ont obtenu un diplôme d'un niveau supérieur au baccalauréat sont au chômage, contre plus de 30 % de ceux qui n'ont aucun diplôme.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Il est de bon ton, aujourd'hui, de faire croire aux jeunes que poursuivre des études est de moins en moins nécessaire. On l'a vu ces jours-ci, s'agissant de l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans. Le paradoxe, pourtant, c'est que, moins un diplôme vaut, plus il est nécessaire. Sinon, celui qui ne possède même pas ce titre est non seulement mis au ban de l'école, mais également confronté à une exclusion durable du monde du travail.

D'autant que les exigences en matière de qualification ne devraient pas diminuer avec le temps. Selon la Direction des études et de la prospective du ministère de l'éducation nationale, en 2015, la proportion de jeunes qui seront recrutés avec un niveau supérieur au baccalauréat devrait passer de 42 % à 46 %. Ce n'est pas en faisant de l'école une machine de tri par l'échec que vous relèverez ce défi. Ce n'est pas en focalisant sur des mesures liées à l'âge, quand le problème vient de l'absence de qualification ou de l'inadaptation de la formation que vous trouverez des solutions.

J'en veux pour preuve ce reportage édifiant, paru dans le journal Le Monde du 21 février et réalisé auprès des élèves ingénieurs de l'École centrale. Ces étudiants disent ne pas se sentir concernés par le contrat première embauche, tant ils s'imaginent protégés par le prestige de leur diplôme. C'est d'ailleurs confirmé par leurs employeurs potentiels, qui déclarent : « On ne prendra jamais le risque de proposer un CPE à un élève ingénieur très convoité ». C'est dire si, à leurs yeux, le CPE n'est qu'un sous-contrat à destination d'une population interchangeable et paupérisée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Ecoutez cela, chers collègues, c'est très important !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

En réalité, persuadés que pour l'instant les inégalités du marché du travail ne les concernent pas, ces jeunes devraient être particulièrement attentifs. La précarisation de l'emploi a commencé avec le CNE ; elle s'est étendue avec le CPE ; avec vous, elle aboutira au contrat unique et, cette fois, personne ne sera épargné !

Pire encore, à installer dans les esprits l'idée que c'est la facilité à licencier qui permettra l'embauche, notre gouvernement, en guise de « modernisation de l'économie » nous propose de retrouver les fondamentaux du XIXe siècle : chômage de masse, embauche à la journée, absence de protection sociale. Et c'est la gauche que vous qualifiez de conservatrice et de rétrograde ?

Mais croyez-vous vraiment que la croissance sera relancée sur la base du travail pas cher, en tournant le dos à l'investissement, en négligeant l'innovation ou en omettant de miser sur la recherche ?

Certains patrons et économistes pointent aussi cette erreur d'analyse et cette incongruité économique. Et c'est pourquoi, pour Henri Proglio, par exemple, le patron du groupe Veolia, le CDI devrait être « la forme normale d'embauche » des jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

M. Proglio devient très célèbre, mais il n'est guère cité - je ne sais pourquoi - par le Gouvernement !

L'autorisation de licencier sans motif que donne le CPE est un facteur d'instabilité pour la personne recrutée. Les premiers recours examinés par les prud'hommes pour licenciement dans le cadre d'un contrat nouvelles embauches le prouvent.

Certaines entreprises ont exploité à fond l'aubaine que constituait ce dispositif, en renvoyant des salariés coupables, selon elles, d'avoir demandé le paiement de leurs heures supplémentaires, d'être tombés malades ou d'avoir annoncé une grossesse. Il s'agit de licenciements « pour l'exemple », destinés à indiquer clairement les nouvelles règles du jeu : on se soumet ou on est démis !

On ne peut pas promettre la liberté de licencier à volonté, sans obligation de motiver la décision, et jouer les étonnés quand les employeurs y recourent. C'est toujours la pratique qui révèle l'esprit des lois. Cette loi est inique et son usage ne peut que produire de l'injustice.

Le pire, c'est que cette façon de procéder risque fort d'induire des effets pervers sur notre société. Selon François Vergne, avocat : « Aux États-Unis, où l'on embauche et licencie à volonté, les salariés contestent leur licenciement en arguant d'une discrimination du fait de leur couleur, de leur âge, de leur orientation sexuelle ou de leur appartenance philosophique ».

Non seulement le contentieux risque de se développer énormément, mais, une fois placé le droit sur le terrain de la morale et de l'identité, il y a fort à parier que les frustrations en seront aggravées sans que les jugements y gagnent en lisibilité. On rompt ainsi la solidarité qui pouvait exister entre salariés, pour les renvoyer à ce qui les différencie : ce n'est plus l'existence d'un droit commun qui sera protecteur, mais la référence à une communauté « victimisée », ou à une identité bafouée. C'est, à terme, réduire les hommes à l'état de victimes absolues, et non pas les considérer comme des citoyens autonomes, faisant appel aux juges pour faire respecter les lois.

Avec ce type d'approche, la jurisprudence du licenciement risque de se retrouver toujours plus contestable, sans offrir de sécurité juridique à qui que ce soit. Vous allez ainsi à l'encontre du but qui est le vôtre, à savoir l'impossible judiciarisation du monde du travail.

Oui, ce projet de loi est économiquement aberrant, juridiquement dangereux et, surtout, humainement désespérant. En disant à la jeunesse que le seul intérêt que l'on ait à l'employer, c'est de pouvoir la limoger facilement, vous opposez une fin de non-recevoir abrupte à ses attentes. Avec un contrat aussi précaire, c'est son insertion dans la vie active que vous pénalisez et son existence d'adulte que vous fragilisez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Veuillez conclure, madame Le Texier ! Vous avez déjà dépassé votre temps de parole de cinq minutes.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Ce que notre collègue dit est important, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, je suis là pour faire respecter le règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Je ne doute pas que, dans votre indulgence, vous m'accorderez une minute supplémentaire, monsieur le président !

La meilleure preuve de ce qui précède, c'est que vous avez dû vous-mêmes tenter de mettre en place des garde-fous auprès des banques et auprès du système LOCA-PASS, tant il est vrai que le CPE, contrat précaire, n'offre pas de garanties.

Comment peut-on affirmer son indépendance, quand on gagne sa vie au jour le jour ? Comment se projeter dans l'avenir, quand demain rime avec incertain ? Comment s'affirmer dans son emploi, quand on est totalement soumis au bon plaisir de l'employeur ? Quel regard porte-t-on sur soi et sur la société quand on est réduit à n'être plus qu'une variable d'ajustement du système ?

Et c'est sous couvert d'une loi intitulée par vous « égalité des chances » que vous faites une telle proposition à la jeunesse ?

Monsieur le ministre délégué, vous pouvez compter sur nous pour combattre ce texte !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Onze minutes, madame Le Texier !

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, par une curieuse accélération dont le Gouvernement a le secret, nous en sommes parvenus à l'examen de l'article sur le CPE.

Comme disait le maréchal Foch, de quoi s'agit-il ?

Rires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Avec votre CPE, - comme Raymonde Le Texier vient de le dire -, tous les jeunes, qualifiés ou non qualifiés, issus ou non des zones d'éducation prioritaires, seront logés à la même enseigne. C'est bien là en particulier, me semble-t-il, le problème : une sous-catégorie de travailleurs précaires, à la merci des aléas de la conjoncture économique et des humeurs de leurs employeurs !

Dans le contexte de chômage que l'on connaît, nul doute que la capacité de négociation salariale, largement entamée, sera à nouveau fortement affaiblie, pour ne pas dire réduite à néant.

Ce contrat première embauche est vraiment un piège : il engendre instabilité, insécurité et inquiétude pour tous les jeunes. Ce n'est pas de cette égalité-là que nous voulons, que les Français veulent !

Comme le révèle un sondage, les Français sont hostiles à plus de 60 % au CPE ; ils l'ont dit et le rediront ! S'ils y sont hostiles, c'est parce qu'ils ne sont, eux, pas dupes ! Cette fois-ci, la stratégie du double langage n'est pas passée inaperçue.

Oui, le Premier ministre a raison lorsqu'il dit que les Français s'impatientent. Trois ans de gouvernement de droite, et pas de création nette d'emplois, un déficit du commerce extérieur sans précédent et des finances publiques dans le rouge !

Oui, les Français s'impatientent parce qu'ils voient leurs conditions de vie se dégrader, lentement mais sûrement, et qu'ils n'ont pas d'espoir en l'avenir, qu'ils perçoivent comme une menace.

Alors, c'est vrai, il y a urgence, messieurs les ministres délégués, mais il ne faut pas confondre l'urgence à créer de l'insécurité dans notre droit du travail et ce que nous souhaitons nous, l'urgence à rassurer, à offrir des garanties.

Pourtant, c'est bien dans la précipitation, peut-être même dans la panique, que vous voulez faire adopter ce texte. Je ne reviendrai pas sur les épisodes précédents, qui ont été rappelés : recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution à l'Assemblée nationale, accélération subite des débats liée à l'utilisation de plusieurs possibilités offertes par le règlement du Sénat.

Tout cela trahit votre degré d'inquiétude, qui confine à la panique. Oui, vous paniquez, alors vous optez pour le passage en force. Vous imposez votre texte à la hussarde, parce que vous savez que, en réalité, la majorité n'est pas avec vous, que les Français ne veulent pas de ce dispositif. Vous avez voulu jouer à une espèce de jeu, à une course contre la montre, pour tenter de prendre de vitesse le mécontentement populaire, mais il vous rattrapera !

Vous avez remarqué que la gauche est unie pour mener cette bataille. C'est au moins un résultat auquel vous serez arrivés : une bataille unie contre ce texte !

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Cela sert à quelque chose ! C'est déjà cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Et je vous en remercie !

C'est parce que votre dispositif est révélateur d'une différence fondamentale de nature entre la gauche et la droite : il heurte notre vision de la société. Nous divergeons, radicalement, philosophiquement même, sur les objectifs.

Vous précarisez, quand nous voulons sécuriser. Vous découpez le droit du travail, tranche d'âge par tranche d'âge, pour mieux affaiblir le corps social, quand nous voulons, nous, renforcer la démocratie sociale.

Vous créez ce qu'on a appelé un contrat « kleenex », spécialement destiné aux plus faibles, quand nous proposons la sécurisation des parcours professionnels pour tous.

Sous le gouvernement de Lionel Jospin, nous avions fait baisser le chômage des jeunes, qui avait perdu trois points, faisant de la France le meilleur élève de l'Europe ; or, sous votre gouvernement, le taux de chômage des jeunes, de 22 %, est l'un des plus élevés en Europe.

Pour lutter contre le chômage, vous n'avez qu'un seul credo : la « flexibilité de l'emploi ». Mais votre flexibilité va toujours dans le même sens. Elle est injuste socialement et inutile économiquement. Vous tentez de culpabiliser les Français et de détruire le modèle social, mais sachez que le marché du travail français n'est pas le plus rigide de l'OCDE.

Je crains, en revanche, les conséquences sociales du développement de l'emploi précaire. Raymonde Le Texier et Guy Fischer viennent de le démontrer, la généralisation des CPE à tous les jeunes de moins de vingt-six ans risque de pérenniser l'emploi précaire dans cette catégorie, déjà affaiblie, de la population.

Le CPE est encore plus dur pour les salariés que le contrat à durée déterminée traditionnel. Les jeunes en recherche d'emploi risquent d'accumuler les CPE, s'inscrivant dans un système de cumul d'emplois à faible qualification.

Une succession de CPE ne constitue pas pour un jeune, vous l'avouerez, une expérience qualifiante et valorisante. En d'autres termes, le CPE n'a ni les avantages du CDD en ce qui concerne les conditions de licenciements ni ceux du CDI en matière de stabilité et de durée.

Comment garantir à un jeune qu'à l'issue de ses études, il pourra trouver un travail stable pour pouvoir se loger, construire un projet personnel et familial, indispensable à l'entrée dans la vie adulte ?

Qu'est-ce qui pourra conduire un chef d'entreprise à accorder un contrat à durée indéterminée quand le recours au CPE est moins coûteux et moins risqué ? L'utilisation par les employeurs des nouvelles facultés que leur offre le CPE risque d'institutionnaliser le CPE en contrat unique pour les jeunes, qui n'auront que peu de chances de décrocher un véritable CDI.

Nous le redisons avec force, au risque de vous déplaire, votre nouveau contrat aboutira à l'instauration d'une société marquée par la précarité, une société de l'emploi précaire.

Nous proposons de valoriser la recherche d'emploi, de généraliser la formation tout au long de la vie, de développer la sécurisation des parcours professionnels. Voilà, madame Procaccia, ce que nous proposons, afin de garantir à tout un chacun la possibilité de disposer d'une activité et d'un revenu lui permettant de vivre dignement.

Cette garantie est indispensable pour que les termes « égalité des chances » soient crédibles. L'égalité des chances doit être garantie tout au long de la vie. Sinon, il n'est pas sûr que ce ne soit pas qu'un vain mot, un slogan sans contenu, qui nous promet un grand désenchantement.

Le CPE, mesure phare de votre projet de loi, généralise la précarité, affaiblit les plus faibles, sans aucune contrepartie en termes de création d'emploi.

Injuste socialement, inefficace économiquement, votre dispositif doit être retiré, messieurs les ministres délégués, car il porte atteinte à notre modèle social, dont on sait qu'il doit être réformé, certes, mais pour le renforcer et non pas le détruire.

Vous construisez la société de l'emploi précaire quand nous proposons d'instaurer une garantie d'activité et de stabilité, seule à même de rendre l'espoir à la jeunesse. Nous voulons faire en sorte que l'avenir soit, pour eux, une promesse et non une menace. À l'heure où la société française doute d'elle-même, il fallait assurément adresser un message d'espoir à ses enfants. Votre message, c'est celui de l'injustice et du renoncement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Mes chers collègues, il faut avoir une piètre appréciation de cette jeunesse qui conteste le CPE pour affirmer - comme je l'ai entendu dans cette enceinte - que les jeunes sont manipulés, intoxiqués et même incapables de penser par eux-mêmes.

Pour avoir rencontré ces jeunes, actifs ou sans emploi, lycéens ou étudiants - nous n'avons pas rencontré les mêmes, madame Procaccia -, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

...je puis vous dire que, malgré la communication envahissante du Gouvernement, ils ont très vite compris que leur génération serait touchée, de plein fouet, par cette mesure. Voilà pourquoi ils refusent d'être traités comme les cobayes de cette expérience très libérale. Voilà pourquoi nous devons ici prendre en compte leur découragement. Ils pensaient, de bonne foi, que la politique pouvait changer les choses, mais ils constatent qu'on leur propose seulement d'institutionnaliser la précarité. Comme si le CPE était une autre manière de leur dire qu'ils sont un fardeau pour l'entreprise...

Ils ont compris que, jusqu'à l'âge de vingt-six ans, un jeune pourra être recruté par plusieurs employeurs successifs constamment en CPE et sans limitation du nombre de contrats. Ils ont compris qu'un employeur, après avoir licencié un jeune, pourra en recruter un autre pour le même poste, et ainsi de suite, sans limite. Ils ont compris que ce « contrat précarité exclusion » qu'est le CPE, sera, en fait, pour des années, la seule formule d'accès au marché du travail pour tous les actifs de moins de vingt-six ans, quel que soit le niveau de leur diplôme, et cela, sans pour autant apporter de vraies solutions à ceux qui n'ont pas de qualifications.

Comment, dans ces conditions, construire sa vie ? On me dit que, CNE, CPE et CDI, tout cela reviendrait au même. Pourtant, les employeurs, eux, ont très vite compris la différence qu'il y a entre un CDI et un CNE.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

On constate que certains employeurs se croient tout permis. Oui, cette absence de motivation du licenciement nous ramène plusieurs décennies en arrière. Oui, elle confère à l'employeur un pouvoir discrétionnaire inacceptable. Mais peu vous importe, je le sais, que tout cela ne soit conforme ni à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail ni à l'article 24 de la Charte sociale européenne dont l'approbation a été autorisée par la loi du 10 mars 1999. Or nous sommes, quant à nous, convaincus que ce n'est pas en démantelant le code du travail que l'on résoudra le problème du chômage des jeunes, mais bien par la croissance et par la formation.

Si ce que vous appelez « les rigidités du code du travail » étaient un frein à l'embauche, comme vous le prétendez, comment expliquez-vous que, sous le gouvernement Jospin, on ait créé deux millions d'emplois, tout en donnant nouveaux droits aux salariés ? Comment expliquez-vous que le nombre de jeunes au chômage ait baissé, à cette époque, de 220 000, alors qu'il n'a cessé d'augmenter depuis que vous êtes au Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

La triste réalité, c'est que, par le biais d'une politique prétendument en faveur des jeunes, vous entendez poursuivre la mise en oeuvre de l'implacable mécanique qui conduira au contrat unique de type « super-CNE ». Et quelque chose me dit que vous le faites avec application, constance et ténacité, en « détricotant » méthodiquement le code du travail. En fait, c'est une page noire de notre histoire qui est en train d'être écrite. Le MEDEF en avait rêvé ? Le Gouvernement le fait !

Vous n'avez pas perdu de temps, en quatre ans. Après la suppression d'un jour férié, le relèvement du contingent d'heures supplémentaires, la suspension des dispositions de protection de licenciement, l'extension du « forfait-jour », la remise en cause des 35 heures, voici venir la fin du CDI. « Ci-gît le CDI », se réjouissent déjà certains.

Nous n'avons pas la même conception du droit social. Quand nous y voyons protection, condition de la cohésion sociale et donc de l'efficacité économique, vous vous obstinez à n'y percevoir que rigidités et obstacles. Alors vous voulez aller vite, vous voulez aller aussi loin que possible dans la dérégulation du marché du travail, sans toutefois provoquer une réaction trop importante des syndicats, des jeunes et de l'opinion. C'est ce qui explique le grand soin que vous avez apporté à « gérer l'agenda », autrement dit, à mettre à profit les vacances scolaires dans le but de limiter la contestation et de prendre les jeunes et les syndicats de vitesse.

Mais, sur ce point précis, le coup a raté. Et vous, monsieur le ministre délégué, vous qui ne semblez comprendre que le rapport de force, soyez attentif à ce qui va se passer le 7 mars prochain et les jours suivants. Quelque chose me dit que, pour le Gouvernement, le temps se brouille sérieusement et sans doute durablement. En ce qui nous concerne, c'est avec force que nous rejetterons l'article 3 bis.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole pour faire connaître la position du groupe UC-UDF sur l'article 3 bis. Il était prévu que nous devions en discuter aujourd'hui, à cette heure. Et nous le faisons bien, je le crois.

Pour notre groupe, l'état actuel du marché de l'emploi et l'état actuel de notre droit montrent qu'il faut réformer. L'UDF soutient fermement l'idée de réformer notre droit, et en particulier notre droit du travail. C'est d'ailleurs une position assez largement répandue dans nombre de groupes politiques. Comme l'a rappelé notre collège du Haut-Rhin, le maire de Mulhouse, dans un point de vue paru dans le quotidien Le Monde il y a quelques jours, il faut bouger, car les choses bougent.

Mais, à nos yeux, cette réforme doit être mue par la recherche d'un nouvel équilibre : d'un côté, il doit y avoir plus de flexibilité pour l'entreprise, mais, d'un autre côté, il doit y avoir plus de droits pour le salarié. Nous demandons à l'entreprise qu'elle offre, en échange de ce surcroît de flexibilité, plus de travail. Parallèlement, nous souhaitons que ceux qui offrent leur capacité à répondre à la demande de flexibilité soient mieux protégés qu'ils ne le sont aujourd'hui.

Nous savons bien que toute réforme du droit social exige d'abord une méthode. Il faut savoir convaincre et non pas contraindre. On ne peut pas à la fois défendre notre modèle social et ne pas respecter les fondements mêmes de ce modèle social. Or, ce modèle social repose d'abord sur la recherche du consensus : c'est la condition même du « vivre ensemble ».

Nous sommes donc très ouverts à l'idée de la réforme. Mais, messieurs les ministres délégués, nous demandons au Gouvernement de discuter des projets que le Gouvernement peut avoir à soutenir. Nous souhaitons qu'il les présente et qu'il en parle avec les partenaires sociaux. La recherche de l'accord est la première exigence de notre méthode.

Il est possible que l'on ne parvienne pas à un accord, et il faut bien trancher à un moment donné. Il est tout à fait légitime que la représentation nationale tranche, mais il faut qu'il y ait au préalable débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Quant à la procédure, elle peut parfois paraître rude, mais elle est nécessaire. Selon moi, il n'y a pas eu obstruction. Il y a débat, discussion, et c'est heureux qu'il y ait au moins un endroit, dans notre pays, où l'on peut discuter de ces questions.

Cela étant, je regrette beaucoup, monsieur le ministre délégué, que vous n'ayez pas choisi une méthode plus participative pour modifier le code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

C'est là un reproche qu'on peut vous adresser. Cette absence de préparation dans la méthode « plombe » la réforme elle-même. C'est dommage, car loin de considérer le fond de la réforme, on se contente d'examiner la façon dont la réforme est faite. La réforme méritait mieux, mais la méthode en aura occulté la réalité.

Le Gouvernement nous a proposé de réformer le droit social à deux reprises : d'abord par le biais du contrat nouvelles embauches, et ensuite par celui du contrat première embauche. Ces deux contrats sont assez similaires. Méritent-ils toutes les critiques qu'on leur adresse et tous les honneurs qu'on leur réserve ? Probablement pas.

Un excellent article, disponible sur Internet, écrit par le professeur Pierre Cahuc - que vous venez de nommer au Conseil d'orientation économique - et par le professeur Carcillo, montre que le contrat nouvelles embauches et le contrat première embauche présentent des avantages et des inconvénients pour les employeurs comme pour les employés. Il conviendrait qu'on puisse débattre de ces points. Il faudrait qu'on puisse examiner de près les points forts et les points faibles de ces contrats. Cela permettrait qu'ils soient acceptés par la population.

Or, ce n'est pas le cas. On discute de la méthode et non pas du fond : on déplore l'absence de dialogue social et l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, à l'Assemblée nationale. Nous manquons l'occasion qui nous était offerte d'aller au fond des choses.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Mais je ne veux pas être trop long, monsieur le président. D'ailleurs, je prends l'engagement de ne plus m'exprimer avant la fin de la discussion de l'article.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Je pensais que vous vouliez vous engager à ne plus vous exprimer jusqu'à la fin de la discussion du projet de loi !

Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. Monsieur Sueur, je reprendrai sûrement la parole d'ici là et je pense que vous ne me contesterez pas un droit que, pour ma part, je vous reconnais toujours.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Les deux contrats, le CPE et le CNE, ne sont pas ce que l'on nous dit qu'ils sont. Concernant l'indemnisation et l'assurance chômage, ils sont plus favorables à l'employé que le CDD et le CDI.

Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. Laissez-moi finir, mon cher collègue. Je ne vous empêche jamais de parler. J'entends pouvoir parler comme vous, aussi longtemps que vous, non pas aussi bien que vous, car je n'ai pas l'honneur d'appartenir à votre tendance

sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Sans doute !

On n'a donc vu que cet aspect. C'est, bien entendu, une grave inexactitude.

D'ailleurs, la contre-épreuve en a été apportée en peu de temps, puisque le conseil des prud'hommes de Longjumeau n'a pas hésité, la semaine dernière, à condamner une entreprise notamment pour rupture abusive d'un CNE. Quoi de surprenant ? On savait dès le départ que le recours au juge serait toujours ouvert. Le Conseil d'État, lorsqu'il a été saisi en formation administrative du projet d'ordonnance, a bien indiqué que l'abus de droit pourrait être invoqué devant le juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

En effet, car c'est aussi la marque de notre modèle social. Au reste, au moins depuis 1962 et l'arrêt Rubens de Servens, nous savons bien que, en France, quand il n'y a plus de recours, il en existe encore deux : le recours en cassation et le recours pour excès de pouvoir.

Or il est clair que les recours dont ces nouveaux contrats pourront faire l'objet reposeront sur des moyens différents de ceux que l'on utilisait habituellement. Cela peut d'ailleurs avoir une conséquence toute simple : les employeurs ne souhaiteront peut-être pas utiliser ces nouveaux contrats, qui risquent d'être plus lourds de conséquences que les contrats ordinaires. C'est là un vrai problème.

Pour résumer notre position, nous sommes favorables à un contrat unique et évolutif, c'est-à-dire créant des droits au fil du temps. Le CDI, tout le monde est pour aujourd'hui, et il faut en être conscient : les employés, bien sûr, les organisations syndicales, mais également le club Montaigne, qui l'a rappelé voilà quelques jours, ainsi que M. Proglio dans son rapport, et l'ensemble des acteurs. Quant à Mme Parisot, elle n'a pas dit autre chose.

Nous disons donc oui au CDI, car c'est la façon pour l'entreprise de participer au « vivre-ensemble » dans notre pays ; mais pas à n'importe quel CDI : il faut qu'il laisse à l'entreprise sa liberté de création, nous y sommes très attachés.

Nous ne demandons pas à l'entreprise de financer la protection sociale, de financer l'assurance chômage dans son ensemble : c'est à la société d'organiser ces droits, non à l'entreprise en tant qu'unité. Nous lui demandons simplement une plus grande offre de travail en échange d'une plus grande flexibilité, c'est là son rôle. Pour le reste, il revient à la société dans son ensemble de faire en sorte que l'employé ait davantage de droits, et nous défendrons cette idée à travers un amendement.

Nous présenterons également essentiellement deux amendements, si vous tenez, messieurs les ministres délégués, à conserver le CPE : le premier visera à ramener à un an la durée de la période de consolidation, le second à instaurer l'obligation de justifier, le cas échéant, la rupture du contrat. Ce sont pour nous deux points essentiels, grâce auxquels ces contrats pourront être acceptés, parce qu'ils seront équilibrés et qu'ils pourront participer à l'édification de notre modèle social.

Je le répète, nous sommes prêts à accepter un certain nombre de changements mais pas selon n'importe quelle méthode, pas n'importe comment.

C'est naturellement en fonction de l'accueil qui sera réservé à nos propositions que nous nous prononcerons sur l'article 3 bis.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur Muzeau, la question ne m'étonne pas, venant de vous ! Comme d'habitude, vous ne m'avez pas écouté !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, croire que le CPE aura pour effet de réduire le chômage des jeunes est une illusion, sinon une contrevérité. En réalité, ce sont les droits des salariés qui seront réduits, voire bafoués.

Il suffit pour s'en convaincre de se pencher sur les 23 % de jeunes au chômage et de constater que 40 % d'entre eux n'ont pas de qualification. Pour s'attaquer aux causes réelles du chômage chez les moins de vingt-cinq ans, il nous faut donc concentrer tous nos efforts sur ces jeunes non diplômés.

Formation, apprentissage, alternance, sont certes les passages obligés d'une politique efficace de lutte contre l'exclusion du marché du travail. Rappelons que 16 % des jeunes sont durablement exclus de l'emploi. Pour ceux-là, force est de constater que le CPE n'apportera aucune réponse nouvelle.

Le Gouvernement a bien compris l'importance de la formation, puisqu'il multiplie ces derniers temps les annonces sur l'apprentissage. Il faut néanmoins rappeler que, depuis 2002, le nombre des contrats d'apprentissage a diminué de près de 6 000.

Un autre moyen de se convaincre de l'inefficacité du CPE est d'observer les premiers pas de son aîné, le CNE. Malheureusement, le Gouvernement, qui avait pris l'engagement de nous communiquer une évaluation de ce dispositif, ne nous a fait connaître aucun chiffre. Et pour cause ! Selon les sondages, 71 % des personnes embauchées en CNE auraient de toute façon trouvé un travail ; parmi elles, 45 % auraient eu un CDI et 28 % un CDD. Contrairement à l'objectif annoncé, ces nouveaux contrats ont donc pour effet non pas de créer des emplois, mais de se substituer au droit commun du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Enfin, nous dit-on, le CPE apporterait aux entreprises la flexibilité dont elles ont besoin pour embaucher. C'est faux ! Le droit du travail est déjà bien assez souple puisque les CDD permettent de recruter des salariés pour des périodes très courtes et que l'intérim apporte lui aussi aux employeurs une grande souplesse dans la gestion de leur main-d'oeuvre. Quant à la « liberté de licencier » que donnerait le CPE, je rappelle qu'un jeune peut déjà être licencié à moindre frais puisqu'il a, par définition, une ancienneté limitée. En outre, la Cour de cassation, par une décision récente, vient d'ouvrir la voie aux licenciements préventifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Qui plus est, l'OCDE elle-même a reconnu que la flexibilité n'avait qu'un effet « ambigu » sur le chômage.

En définitive, le CPE n'apportera aux entreprises aucune incitation supplémentaire à l'embauche. En revanche, les dommages collatéraux pour les jeunes salariés seront considérables. Comment faire valoir ses droits lorsque l'on peut être licencié sans motif ? Comment faire respecter sa dignité alors qu'à la moindre contrariété l'employeur peut mettre fin au contrat de travail ? Selon une récente étude de la SOFRES, 40 % des salariés du privé déclarent ne pas se syndiquer « par peur des représailles » ; il est fort à craindre que ce chiffre n'atteigne 100 % parmi ces jeunes en situation précaire. Quant au droit de grève, il demeurera pendant deux ans une possibilité bien lointaine pour eux !

Au regard de son inefficacité et de l'importance de ses effets pervers, cette mesure doit de toute évidence être retirée. La gravité du chômage des jeunes ne peut justifier l'adoption de toutes sortes de mesures qui fragilisent le monde du travail, et nous devons nous méfier de l'alarmisme du Gouvernement, qui brandit l'épouvantail du chômage pour casser le code du travail.

Certes, le taux des actifs de moins de vingt-cinq ans en recherche d'emploi est en France, avec 23 %, l'un des plus élevés d'Europe. En revanche cette proportion tombe à 8, 1 % si l'on rapporte les jeunes chômeurs à l'ensemble de la population des quinze-vingt-cinq ans, soit un chiffre très comparable à celui de l'Angleterre.

Par ailleurs, le Premier ministre répète qu'il faut onze ans à un jeune pour s'insérer durablement sur le marché du travail. En réalité, trois ans après la sortie du système éducatif, 80 % des jeunes ont déjà un emploi, et les deux tiers travaillent en CDI. Dans ces conditions, on comprend mal pourquoi il faudrait infliger un CPE à toute la jeunesse alors que, pour sa plus grande partie, elle peut espérer travailler en CDI. Quant à la minorité de jeunes les plus en difficulté, elle restera de toute façon en dehors de ce dispositif.

Une autre voie existe, messieurs les ministres délégués, une méthode qui a permis entre 1997 et 2002 de réduire de 200 000 le nombre des jeunes au chômage. Mais, depuis le début de la législature, ce chiffre n'a cessé de recommencer d'augmenter, et l'on compte aujourd'hui 30 000 jeunes chômeurs supplémentaires, puisque vous vous êtes empressés de mettre à bas le système des emplois-jeunes, qui avait pourtant porté ses fruits.

Aujourd'hui, le Gouvernement cherche à tirer parti de ce bilan désastreux et à exploiter le désarroi grandissant des jeunes pour déréglementer le marché du travail. Mais ceux-ci ne sont pas prêts à n'importe quoi, croyez-le, car ils savent que d'autres solutions existent.

Ni le chômage ni la flexibilité des jeunes ne sont une fatalité ; la gauche l'a prouvé par le passé, et nous nous proposons de recommencer aujourd'hui en vous invitant à supprimer de l'article 3 bis, qui est vraiment indigne du marché du travail au xxie siècle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, lorsque le Gouvernement a lancé l'idée du contrat première embauche réservé aux moins de vingt-six ans, assorti d'une période de deux ans - que vous n'osez plus appeler période d'essai ! - qui permet le renvoi sans délai et sans motif, il a beaucoup insisté sur un prétendu argument selon lequel pour les jeunes, qualifiés ou non, mieux valait entrer dans la vie active, quelle que soit la forme du contrat, que de rester sans emploi ; j'ai bien entendu le rapporteur, M. Gournac, sur ce point.

Il est indigne de proposer un tel choix, qui, de fait, n'en est pas un. Quand on a vingt ans, vingt-trois ans, vingt-cinq ans, et que l'on brûle de faire enfin ses preuves, comment résister à une offre d'emploi ?

La flexibilité du travail est présentée comme une nécessité qui serait reconnue par l'ensemble de nos voisins européens. C'est là une rengaine du Gouvernement et d'un certain patronat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Or, l'année dernière, l'agence Euro-RSCG a conduit dans dix pays représentant 80 % de la population de l'Union européenne une enquête sur les valeurs des Européens. À la question de savoir si, « dans le monde actuel, les entreprises devraient pouvoir embaucher et licencier avec très peu de contraintes », la réponse est sans appel : par 61 % contre 36 %, les Européens répondent par la négative. Pour la jeunesse européenne, la réponse est encore plus nette, puisque les dix-huit-trente-cinq ans répondent par la négative à 70 %. N'attendez donc pas l'adhésion de notre jeunesse à votre projet !

Il existe en fait un modèle européen, reposant certes sur l'adhésion à l'économie de marché, mais heureusement assortie d'une recherche de protection juridique, bâti depuis des décennies, face au marché du travail. Votre projet de CPE est à l'opposé de ce modèle, et la jeunesse, en France comme dans les pays voisins, ne l'accepte pas.

Messieurs les ministres, j'ignore si vous avez vous-mêmes été salariés d'une entreprise à vos débuts, j'ignore si vos enfants et ceux de vos amis le sont aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Mais je vous pose la question, avec votre contrat première embauche, quel regard portez-vous sur la jeunesse de notre pays ? Un regard de vieux, et de vieux nantis. Et quel avenir lui proposez-vous ? Tout d'abord, vous discréditez notre enseignement général, professionnel et supérieur en mettant d'emblée en doute la capacité des jeunes à entrer efficacement dans la vie active. Si doute vous avez sur ces enseignements, alors, il faut améliorer leurs programmes, leurs méthodes, leurs moyens d'action, c'est-à-dire conduire une politique qui soit tout le contraire de celle que vous menez depuis quatre ans.

Une fois muni d'un CPE, tout jeune va faire l'apprentissage de la précarité et de la dépendance.

Précarité angoissante, puisque, en cas de rupture du contrat, il se trouvera quasiment sans protection juridique, sans droit de défense, et sans enseignement à tirer de son apparent échec puisqu'il n'aura aucune explication. L'absence de motif laissera aussi le champ libre à n'importe quelle interprétation par d'éventuels futurs employeurs. Un tel dispositif, cela a été rappelé, contredit la convention 158 de l'OIT, reprise à l'article 24 de la Charte sociale européenne et clairement réaffirmée par le Conseil d'État dans sa décision du 19 octobre 2005.

Apprentissage de la dépendance, aussi : en effet, beaucoup de jeunes sont déjà maintenus trop longtemps dans la dépendance à l'égard de leur famille en raison de la situation de l'emploi, et en raison de la spéculation foncière et immobilière qu'encourage votre politique et qui rend si difficile, pour les jeunes travailleurs, l'accès à un logement autonome.

Dépendance accrue à l'égard de l'employeur, ensuite, par cette invention qu'est le CPE. D'abord, en raison de cette précarité que j'ai soulignée, mais aussi parce que, pendant deux ans, et quelles que soient ses performances professionnelles, le jeune salarié hésitera forcément à faire l'apprentissage de l'engagement syndical. Cet engagement est pourtant la voie nécessaire d'une participation effective à la vie de l'entreprise. Or votre gouvernement et votre majorité ne cessent de déplorer hypocritement la faiblesse des organisations représentatives des salariés et l'insuffisance du dialogue social. Tout comme le CNE dans les petites entreprises, le CPE, s'il était adopté, placerait une large fraction de travailleurs en situation objective de soumission à l'égard de leur employeur.

En vérité, s'il faut trouver une flexibilité de l'emploi, celle-ci doit absolument passer par une sécurisation du parcours professionnel et une garantie de formation en entreprise pour le salarié.

La flexibilité qui est organisée par votre CPE humilie les jeunes salariés et les livre à l'arbitraire de certains employeurs. J'en veux pour preuve, ces derniers jours, certains jugements de condamnation prononcés par des conseils de prud'hommes pour rupture abusive d'un CNE, contrat né il y a à peine six mois.

Alors que la plupart des familles, presque dans tous les milieux, vivent une véritable difficulté de dialogue et de compréhension avec leurs enfants, vous donnez aux jeunes en âge de travailler un signe de profonde défiance à l'égard du parcours qu'ils ont déjà accompli et de celui qu'ils seront capables d'accomplir. Comment, alors, leur demander d'être constructifs et solidaires dans une telle société ? Nous voterons donc résolument contre votre projet de CPE.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, il y a certains paradoxes dans la politique du Gouvernement en matière d'emploi. L'un deux tient tout simplement aux réalités que l'on peut observer aujourd'hui par rapport à l'année 2005.

En effet, le Gouvernement a annoncé qu'en 2005 le nombre de chômeurs avait diminué de 2, 5 % et, en même temps, on a constaté un accroissement très sensible du déficit des ASSEDIC.

Je ne sais pas comment on peut expliquer que, l'année où l'on prétend que le chômage diminue, le budget des ASSEDIC soit en baisse.

Par ailleurs, je ne comprends pas bien comment, au cours de cette même année 2005, le nombre de chômeurs aurait diminué de 5, 2 %, tandis que le nombre de RMIstes aurait, quant à lui, augmenté de 5, 2 %.

Ces chiffres suscitent un certain malaise et le moins que l'on puisse dire, c'est que la politique qui est menée ne se traduit pas par des créations d'emplois.

Il est un autre paradoxe, messieurs les ministres délégués. Vous donnez le sentiment que la mise en oeuvre de ce dispositif, qui est inacceptable pour de nombreuses raisons, créera des emplois du fait de la nouvelle possibilité de licenciement sans cause.

On peut comprendre qu'il y ait des licenciements et on peut le déplorer, mais il y a toujours une raison : soit une raison économique soit, comme le dit l'OIT, une raison due à des insuffisances professionnelles, par exemple. Mais le licenciement sans cause est quelque chose d'injustifiable, et ce qui est encore plus injustifiable, c'est de le réserver aux jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En d'autres termes, le licenciement sans cause est interdit, sauf pour les jeunes. Vous envoyez donc à la jeunesse le message suivant : la précarité, c'est pour vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. On peut vous licencier à tout moment, sans raison, uniquement parce que vous êtes jeune. C'est inacceptable, et je n'ai pas entendu, depuis le début du débat, un seul ministre réussir à le justifier.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Tout à l'heure, l'un de nos collègues a employé un mot qui m'a choqué : il a dit qu'il fallait tenir compte de la « psychologie » des chefs d'entreprise, de la « psychologie des employeurs », car, si on heurtait leur psychologie, on ne créerait pas d'emplois.

Mon cher collègue, les salariés, les chômeurs ou les jeunes en difficulté ont aussi une « psychologie » ; 40 % des jeunes qui vivent dans nos quartiers n'ont pas de travail, sont rejetés et la seule possibilité qu'on leur offre, c'est d'avoir un « emploi » assorti d'une période de deux ans à l'issue de laquelle on pourra les licencier sans cause. Quel effet cela peut-il avoir sur la psychologie d'un jeune ?

Et quand, en plus, on prévoit un délai de carence de trois mois, cela signifie que, après un CPE, on pourra reprendre le même jeune en CPE. Autrement dit encore, on pourra, pour la même tâche, engager successivement, et d'ailleurs de manière pérenne, des CPE après des CPE et avant d'autres CPE.

Ce n'est pas digne de la jeunesse et il y aurait une tout autre politique à mener qui consisterait à faire confiance aux jeunes et à leur dire : parce que nous vous respectons et parce que nous savons que vous pouvez apporter beaucoup à la société, nous vous offrons un véritable contrat de travail. Un contrat où il y a des droits, tous les droits, d'un côté et uniquement la précarité, de l'autre côté, ce n'est pas un contrat de travail.

Si vous faisiez confiance et si vous jouiez la carte du respect, vous seriez mieux entendus par les jeunes. Là, vous leur tournez le dos et je considère que c'est très grave pour notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, mes chers collègues, depuis le début de l'examen de ce texte, le Gouvernement s'embarrasse de peu de principes pour faire appliquer son plan d'urgence pour l'emploi. Le Parlement est prié fermement de ne pas trop s'en mêler, nous l'avons vu ces derniers jours.

En juillet dernier, ce fut par voie d'ordonnances, avec notamment le CNE, ou encore par l'ordonnance spécifique pour le contrat de transition professionnelle, le CTP. Désormais, c'est à coup d'amendements de dernière minute, disséminés au fil des projets de loi inscrits à l'ordre du jour.

Dans la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, vous avez fait introduire, en deuxième lecture, au Sénat, juste avant l'examen en commission mixte paritaire, une disposition qui élargit les cas de recours à l'intérim.

Aujourd'hui, c'est au tour du CPE ; demain, ce sera l'allongement de la durée d'activité des seniors et de nouvelles possibilités de détachement d'un salarié dans une autre entreprise.

« Faire entrer le marché du travail français dans la modernité », tel est le credo du Premier ministre qui, quand il parle d'emploi, ne pratique pas la modération. Les mesures annoncées le 16 janvier dernier, sous couvert de lutte contre le chômage des jeunes, sont finalement des attaques en règle contre le code du travail. La modernité, c'est la précarité organisée par l'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Même en jouant sur l'angoisse du chômage et en y mettant parfois les formes - accès au logement, accès au crédit, vous tentez de rassurer les jeunes, mais cela ne les rassure pas, et ils ont bien raison - vous ne parvenez pas à convaincre la jeunesse qui, malgré les vacances scolaires, continue de se mobiliser.

Nous avons la conviction que la rapidité avec laquelle vous avez voulu débattre ici de ce projet de loi visait à ce qu'il soit adopté pendant les vacances scolaires. En effet, les jeunes ont compris que le contrat que vous leur imposez constitue une discrimination insupportable et une injustice organisée par l'État au profit des entreprises.

Plus que de la flexibilité, ce contrat instaure de la précarité. Le CPE sera désormais la voie d'accès unique à l'emploi pour les jeunes, à condition de passer sans encombre la « période d'essai » de deux ans. Ce sont les mots qui ont été employés par M. le Premier ministre, qui s'est vite ravisé, s'apercevant que cette expression pouvait être fort mal interprétée ; on a donc rebaptisé la période d'essai en « période de consolidation ». En fait, c'est une période juridiquement innommable, qui n'a pas de définition...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

... sauf à tomber sous le coup de la convention 158 de l'OIT et l'article 24 de la charte sociale européenne dont nous avons autorisé l'approbation par la loi du 10 mars 1999.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Absolument !

C'est toute une génération de nouveaux entrants sur le marché du travail qui devra désormais passer par cette case CPE et ses deux ans de doutes et d'angoisses face au risque de pouvoir être licencié sans motif.

D'ailleurs, pensez-vous, monsieur Larcher, comme l'a dit Jean-Pierre Sueur tout à l'heure, que licencier sans motif des jeunes qui veulent entrer dans la société, qui veulent être pris en considération, sans aucun entretien préalable, représente véritablement le modèle que les adultes veulent donner à notre jeunesse ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Les jeunes ont besoin qu'on leur parle et qu'on leur explique les choses, et ceux qui sont en difficulté dans les banlieues en ont encore plus besoin. Ils n'ont pas besoin d'ordre, ils ont besoin de discussions, de rapports de convivialité avec nous. C'est ce qui leur manque et c'est ce que vous leur reprochez aujourd'hui.

Bien sûr, rien n'est plus révoltant que de voir plus de 20 % des jeunes au chômage dans une société vieillissante, qui, par ailleurs, s'inquiète du manque de bras et de cerveaux. Pourtant, comme l'a rappelé tout à l'heure ma collègue Raymonde Le Texier, il faut relativiser ce chiffre : un calcul simple permet de montrer que sur 100 jeunes en âge de travailler dans la tranche des seize - vingt-cinq ans, seuls 33 % sont actifs. Nous pourrions avoir un débat sur les raisons de ces chiffres. Les autres poursuivent leurs études. C'est parmi ces 33 % que le taux de chômage est d'environ 20 %. Voilà qui est, bien évidemment, insupportable. Et c'est justement à eux, monsieur le ministre délégué, que vous offrez comme réponse l'apprentissage à quatorze ans - cela a failli être treize ans et neuf mois, vendredi dernier - et le CPE.

De plus, ce taux de chômage élevé provient des 15 % à 20 % d'élèves qui vivent l'école comme un lieu d'échec et d'exclusion et en sortent sans acquis minimal. La lutte contre le chômage des jeunes devrait commencer par tarir sa source : l'échec scolaire et l'incapacité de notre société à transmettre les savoirs, les valeurs et les comportements indispensables pour l'autonomie, l'épanouissement, mais aussi la sociabilité et l'employabilité des individus. Il faut s'attaquer à la racine du mal, c'est-à-dire à la formation et à la qualification, et ce n'est pas ce que vous faites.

On le sait, l'emploi dépend de la croissance, de la fluidité du marché du travail et de la bonne articulation entre éducation et emploi. Or ces trois conditions posent encore problème. Le CPE, lui, ne créera qu'un effet d'aubaine pour les employeurs, qui vont embaucher des jeunes à l'essai, en consolidation ou en période innommée, pendant deux ans, en exonérations de charges, exonération dont, d'ailleurs, on ne sait pas si elles seront compensées.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

On demandera à M. Vasselle ce qu'il en pense !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Il faudra que nous ayons une réponse sur ce point aussi.

Le CPE se substituera donc aux CDD et aux CDI.

En l'espace de deux mesures, le champ laissé au CDI classique s'est déjà singulièrement rétréci. Et la troisième phase de cette bataille pour l'emploi pointe déjà son nez : ce sera celle de la « réforme globale du contrat de travail ». Pour parler plus distinctement, ce sera celle du contrat unique, le contrat « adapté aux mutations économiques de notre société », c'est-à-dire le contrat de la précarité généralisée, comme le demande le MEDEF, je vous renvoie aux propos de Mme Parisot.

Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore que je n'ai pas abordées- nous y reviendrons - nous ne voterons pas ce projet de loi, et non seulement nous ne le voterons pas, mais nous avons bien l'intention de nous y opposer pied à pied tout le temps qu'il faudra.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Nous l'avions bien compris, mon cher collègue !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Messieurs les ministres délégués, ne craignant aucun paradoxe, ce sera donc au nom du social que vous détournez à l'envi le sens des mots, dans des proportions telles que la précarisation des conditions peut désormais signifier « égalité des chances » et « sécurisation des parcours professionnels ».

« CNE » et « CPE » sont présentés comme des solutions aux problèmes que poserait la rigidité du contrat à durée indéterminée. Cela sous-entend que le droit du travail est, en l'état, une des causes du sous-emploi de certaines catégories de la population, dont les jeunes, nombre de mes collègues l'ont dit.

Malheureusement, le droit du travail a d'ores et déjà été largement flexibilisé, les employeurs ayant produit, dans les faits, toute une série d'instruments d'ajustement. Ceux-ci se sont mis en place progressivement, et donnent en même temps une idée assez précise de la manière dont le CPE sera utilisé.

En novembre 2005, une étude du ministère de la justice, confirmant plusieurs analyses proposées par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, la direction des études de votre propre ministère, monsieur Larcher, relevait, outre une forte augmentation de la proportion des litiges émanant du secteur des services, soit 56, 1 % du contentieux prud'homal, une très nette inversion dans les motifs de licenciement.

Alors qu'en 1993 les licenciements dits « économiques » constituaient 61 % de l'ensemble des motifs de licenciement, ils ne représentent plus que 24 % des licenciements intervenus en 2004. Cela signifie qu'aujourd'hui 76 % des licenciements ne relèvent pas de plans sociaux.

Le nombre de licenciements n'ayant pas globalement diminué ces dernières années et l'économie des services ne cessant, en France, de gagner en importance, c'est la structure générale de l'emploi qui se trouve transformée. Il en résulte que les formes dominantes du licenciement qui frappent les salariés changent de nature pour s'individualiser, augmentant ainsi considérablement la précarisation des relations du travail.

De fait, cette tendance montre que c'est de plus en plus souvent à titre personnel qu'un salarié se trouve saisi par les dynamiques économiques, ce que confirme la DARES en soulignant que « des observations convergentes relient la progression des licenciements pour motif personnel à des pratiques nouvelles de gestion de l'emploi et des effectifs », visant à licencier de manière « moins visible », tout en préservant « l'image de l'entreprise » et en passant pour « indolores » pour le corps social.

Plus fondamentalement, cette progression paraît liée à la diffusion des modes de management par objectifs rendus plus « individualisants », plus systématiques et plus efficaces grâce à une organisation du travail qui intensifie celui-ci et accorde une place prépondérante aux nouvelles technologies de l'information.

La DARES constate ainsi que les licenciements pour insuffisance de résultats progressent de manière significative depuis les années quatre-vingt, qu'ils touchent plus particulièrement les hommes, affectent en priorité les salariés âgés de cinquante ans et plus, les cadres et les agents de maîtrise et, enfin, qu'ils concernent davantage les entreprises de main-d'oeuvre et les enseignes « multimarques ».

À terme, le CPE ne fera que participer de cette tendance lourde à l'individualisation du licenciement en particulier, et du rapport à l'emploi et à la protection en général.

Or, au regard du fort déséquilibre du rapport des forces dans le contexte d'un chômage de masse, ce phénomène n'aboutit en fait qu'à la précarisation renforcée des conditions d'existence des salariés.

Cette généralisation de la précarité n'affecte pas seulement ceux qui, parmi les jeunes - pour diverses raisons, notamment du fait de leur niveau et de leur type de formation - pouvaient espérer obtenir rapidement un contrat à durée indéterminée. Elle affecte tous les jeunes, même si cela se fait selon différentes modalités et à des degrés divers, tout simplement parce que la possibilité d'être licencié à tout moment est plus gênante que la certitude sur le terme de son contrat.

Si un jeune bénéficie d'un contrat de courte durée, il peut l'accepter tout en continuant de chercher un emploi à durée indéterminée. Le CPE est au contraire, pendant deux ans, au sens littéral, un contrat indéterminé dans la mesure où il laissera le jeune salarié dans un état de parfaite indétermination quant à son avenir.

L'assouplissement extrême de la procédure de licenciement, qui pourra se passer ne serait-ce que de l'invocation d'un motif, exposera le jeune à l'arbitraire.

Tout à l'heure, mes chers collègues, vous avez parlé de psychologie. Avec le CPE, et j'attire votre attention sur ce point, le jeune se trouvera, pendant deux ans, soumis à la domination de sa hiérarchie au sein de l'établissement. Même si cette domination ne se traduit pas, de la part de l'employeur, par des exigences et des attitudes abusives, ce pouvoir de nuisance sera pourtant toujours possible.

Je conclurai en me référant à un philosophe politique américain, Philip Pettit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Parce que les Américains font désormais partie de vos références ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Bien sûr, à condition qu'ils ne disent pas des bêtises. Je ne suis pas antiaméricain.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Permettez-moi de vous donner lecture de ce qu'il écrivait récemment à propos de cette forme insidieuse de domination. Écoutez bien, puis vous me direz si vous partagez son point de vue. « Quand on est exposé à la réalité ou la possibilité d'une interférence arbitraire, on ne souffre pas seulement d'être placé dans une situation de grande incertitude. Cela incite aussi à devoir garder un oeil vigilant sur les puissants, à anticiper sur ce qu'ils peuvent attendre de vous et à chercher à leur plaire, ou à prévoir ce qu'ils feront afin de rester hors de leur chemin. Cela implique de se voir continuellement imposer la nécessité de faire siens une déférence stratégique et un certain souci de l'anticipation. Vous ne pouvez jamais, l'esprit libre, ne vous préoccuper que de vos propres affaires ; il vous faut naviguer dans une zone minée où de toutes parts des dangers vous guettent. »

Monsieur le président, mes chers collègues, la politique de l'emploi du Gouvernement trace en profondeur les contours de cette nouvelle condition salariale que l'on ne peut souhaiter à nos enfants.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Ce n'est pas le cas dans nos collectivités territoriales, où personne n'a peur du patron ! (Sourires.)

La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Cet article 3 bis, qui vise à créer le contrat première embauche, témoigne bien du gouffre qui sépare le projet libéral de ce gouvernement en matière d'emploi de notre propre vision du monde du travail.

Au problème du chômage, et à celui de la précarité, nous n'avons décidément pas les mêmes remèdes, et les mêmes mots ne recouvrent définitivement pas les mêmes réalités.

Pour MM. de Villepin et Sarkozy, la lutte contre le chômage justifie tous les types d'emploi pour peu qu'ils soient assortis du maximum de libertés pour les entreprises et du minimum de garanties pour les salariés.

Le CNE hier, le CPE aujourd'hui, le CDD pour les plus de cinquante ans demain, tous ces contrats participent de cette même démarche.

Plutôt que de promouvoir la mobilité des salariés dans une réelle sécurité, le MEDEF et le Gouvernement imposent la précarité pour accompagner les restructurations et la recherche du plus bas coût du travail, comme les marchés financiers l'exigent.

Les premiers éléments disponibles relatifs au contrat nouvelles embauches sont particulièrement inquiétants. Ils nous incitent à mener la bataille contre l'instauration du contrat première embauche, qui n'est rien d'autre que son clone.

Il y a d'abord le sondage, réalisé le 11 janvier dernier auprès de trois cents dirigeants de très petites entreprises. On y apprend avant tout que 71 % de ceux qui ont eu recours au CNE auraient embauché de toute façon.

Les motivations de recours à un tel contrat sont, pour plus de la moitié d'entre eux, la facilité avec laquelle ils peuvent licencier.

Enfin, ce sont les secteurs des services ainsi que du bâtiment et des travaux publics qui ont le plus recours au CNE. Et, parmi les salariés embauchés, plus des trois quarts ont un niveau inférieur au baccalauréat.

En fait, le CNE draine, et entretient, une population jeune, peu diplômée, et en situation précaire.

Cette politique de l'emploi est inquiétante. De telles modifications du droit social ne devraient pouvoir se faire sans concertation prolongée des partenaires sociaux et, surtout, sans expérimentation ou évaluation.

C'est d'ailleurs ce que remarque l'INSEE, dans sa dernière note de conjoncture, de décembre 2005. Il souligne en effet que l'on manque de recul pour apprécier les créations nettes d'emplois suscitées par le CNE et que, dans tous les cas, cela ne sera pas possible avant plusieurs mois !

Ce qui est sûr, en revanche, c'est que le CNE mène à « une plus grande volatilité du marché du travail » qui réagit plus directement aux variations de la conjoncture.

Enfin, les procédures de recours devant les tribunaux, les plaintes collectées par les organisations syndicales se font de plus en plus nombreuses.

On constate un fort accroissement du nombre des salariés licenciés au bout de quelques jours, pour des motifs aussi légers qu'une tenue vestimentaire inappropriée.

La multiplication des plaintes déposées devant les tribunaux est pour Mme Parisot la preuve que le CNE est juste et respectueux des droits !

Il est heureux que le recours aux prud'hommes soit toujours autorisé. Il est encore à ce jour un droit...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

... et non pas une tolérance !

Décidément, ce sont deux visions du monde qui s'opposent ici : le CPE est bien une insulte à la jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Celle-ci l'a parfaitement compris et, de jour en jour, l'opposition à ce contrat grandit.

Pour sa part, c'est avec la plus grande détermination que le groupe communiste républicain et citoyen mènera le combat contre ce nouveau contrat.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une disposition dont il semble que le Premier ministre ait eu seul, ou presque, l'illumination, au point que les membres de son gouvernement appelés à la défendre ne l'ont découverte qu'au moment où elle a été rendue publique !

Nous sommes nombreux ici à penser que vous avez choisi une méthode que le Gouvernement a déjà utilisée dans d'autres dossiers. Comme l'a souligné M. Roland Courteau, vous testez, vous expérimentez de nouvelles idées sur des cibles présumées plus fragiles, plus exposées, moins bien organisées, moins bien protégées avant, la brèche étant ouverte, de généraliser à l'ensemble des salariés des réformes aussi géniales que le licenciement sans justification ou l'allongement de la période d'essai à six mois, un an, voire deux ans !

M. le rapporteur nous a exposé quelques-uns des motifs, des raisonnements qui ont conduit le Gouvernement à retenir ce dispositif. Il a déclaré qu'il s'agissait de lever les réserves psychologiques des employeurs en les libérant des rigidités du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Vous me permettrez, monsieur Gournac, de ne pas retenir cet argument. Vous auriez pu l'utiliser pour les très petites entreprises ou pour les petites et moyennes entreprises, pour lesquelles le fait de ne pas pouvoir compter sur un niveau soutenu de commandes constitue un justificatif que nous n'acceptons pas, mais que nous pouvons comprendre.

En ce qui concerne les entreprises plus grandes, les choses sont claires : si elles ont besoin d'un salarié supplémentaire, elles l'embauchent ; si elles n'en ont pas besoin, elles ne l'embauchent pas. D'ailleurs, vous soulignez vous même dans votre rapport que les « viscosités du marché du travail », sont dues pour l'essentiel à deux facteurs majeurs, « les insuffisances de la formation des jeunes et le frein psychologique que certaines rigidités du droit du travail opposent à l'embauche », au moins dans les plus petites entreprises, facteurs qui « jouent un rôle majeur dans l'évolution de l'emploi ».

Je ne vois, pour ma part, aucune justification à la généralisation d'un dispositif de ce type dans les entreprises plus importantes.

Monsieur Gournac, lors de la discussion générale, vous avez interpellé les sénateurs de l'opposition en soulignant, dans une description apocalyptique, et assez caricaturale, que, pour une jeunesse vouée à l'inaction, un CPE valait mieux que rien, comme si ceux qui étaient hostiles à votre proposition faisaient cyniquement le choix d'acculer la jeunesse à « tenir les murs » ! Reconnaissez au moins que vous venez d'enrichir la palette des hypothèses de précarité d'un nouvel outil.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Certains jeunes commencent leur expérience professionnelle par des CDD, des remplacements de congés de maternité, des travaux saisonniers, des missions de travail temporaire, l'intermittence du spectacle, des stages peu ou pas rémunérés, un travail à temps partiel. Il faut maintenant ajouter le CPE à cette liste.

Dans votre intervention générale, monsieur le rapporteur, vous avez fait une comparaison ironique entre le CPE et les emplois-jeunes. Pour ma part, je ne vois pas matière à ironie. Nous étions animés du souci non de faire du nombre, mais d'aider à l'émergence et à la consolidation de nouveaux secteurs d'activité socialement et écologiquement utiles, de nouveaux métiers pour répondre à de nouveaux besoins, et ce pour une durée de cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

On était loin de l'effet d'aubaine, loin de la substitution que vous nous proposez aujourd'hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Comme l'a souligné Mme Raymonde Le Texier, l'accès à un CDI dépend étroitement du niveau de formation initiale, de la vitalité du secteur d'activité. Certains employeurs cherchent à s'assurer la stabilité, le professionnalisme de leurs équipes via des garanties solides de sécurité professionnelle. Mais, plus le niveau de formation est bas, plus les salariés sont présumés interchangeables, plus il est difficile d'espérer un contrat durable.

Je considère que le Gouvernement fait fausse route. Nous sommes prêts à travailler encore et encore à l'amélioration des dispositifs de formation, à la mise en place de filets de sécurité permettant de garantir à ceux qui n'ont pas su saisir une première chance, une deuxième et même une troisième chance. Pourquoi pas ? La vie est longue et la vie professionnelle l'est, hélas ! de plus en plus.

Permettez-moi en conclusion de reprendre le propos de Jean-Pierre Bel citant le maréchal Foch.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

De quoi s'agit-il ? Il ne peut pas s'agir d'un pari pour le Gouvernement, d'une aubaine pour les employeurs et d'une loterie cruelle pour les salariés !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, tant de choses ont été déjà si bien dites...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

... que je vais me contenter d'essayer de relever ce qui me paraît radicalement erroné dans les arguments qui nous sont opposés depuis le début de cette discussion. Je demande qu'on veuille bien faire la preuve du contraire si je me trompe.

Premièrement, et surtout contrairement à ce qu'a dit notre excellent président, en aucun cas ce type de contrat ne peut créer d'emplois, en aucun cas ! Son prédécesseur, d'ailleurs, n'en a pas créé et je vais d'ailleurs vous dire pourquoi : ce qui crée l'emploi, c'est la demande. Si vous pensez répondre à la demande autrement que par l'emploi approprié, en disant, par exemple, comme vous l'avez fait tout à l'heure : « Là où on allait embaucher un salarié, ils seront deux ou trois », c'est aberrant ! N'allez surtout pas dire cela dans une entreprise ! Vous pouvez embaucher cent salariés pour faire le même travail, en divisant la paie de chacun : le résultat sera désastreux ! Cela revient à ruiner la productivité du travail. Quelle est l'économie qui tient en s'engageant sur cette voie ?

Or l'économie française se caractérise par la progression de la productivité du travail. Ces travailleurs dont on ne cesse de dire du mal, dont on pense qu'ils passent leur vie à se reposer, nous leur devons la progression de productivité du travail la plus élevée au monde !

L'argument de la création d'emplois ne vaut donc rien du point de vue économique. Du point de vue de la propagande, il est peut-être plus performant et parvient éventuellement à en convaincre certains. Mais ceux qui se sont intéressés un petit peu à la production savent que cela ne veut absolument rien dire.

Deuxièmement, je voudrais vous inviter à réfléchir sur le fait que nous parlons beaucoup du chômage des jeunes. Or je me permets de contester ce concept même. C'est en effet une manière de réduire à un fait sociétal ce qui est un fait social et un fait de production. Un jeune, c'est d'abord un nouvel entrant sur le marché du travail. Encore faut-il qu'il y ait du travail ! L'âge n'est que secondaire dans cette affaire.

Qu'est-ce qui peut créer du travail ? D'abord, la croissance, c'est-à-dire de la place pour de nouveaux travailleurs. Quels sont les leviers pour que cette croissance se traduise par du travail ? Ou bien vous diminuez le temps de travail, mais vous n'en voulez pas, je laisse donc cette question de côté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Cela n'a pas été une réussite ! Personne n'a réussi à créer de l'emploi de cette façon !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Ou bien vous alimentez la croissance. Comment le faites-vous ? D'abord, par la performance technique ! Cela signifie d'abord produire plus de main-d'oeuvre hautement qualifiée. Vous en avez la possibilité, car ce pays dispose d'un réservoir : la moitié des jeunes qui entrent dans la filière professionnelle ne vont pas jusqu'au niveau du baccalauréat professionnel, alors que c'est ce niveau de diplôme qui est attendu de notre économie avancée. Vous pouvez le demander à toutes les fédérations patronales !

Voici donc le premier levier de la croissance : la qualification professionnelle.

Le deuxième levier, c'est la consommation, la base sûre et stable du développement de l'économie, la consommation de masse. Pour consommer, lorsqu'on appartient à la classe la plus puissante et la plus nombreuse de notre patrie, c'est-à-dire la classe ouvrière et les employés, qui sont respectivement 7 millions et 6 millions, on ne dépense que si l'on a la certitude d'avoir devant soi. Sinon, on économise !

Voilà pourquoi, philosophiquement, économiquement, il faut donner de la visibilité autant aux travailleurs qu'à l'employeur. Si vous réduisez la visibilité pour le travailleur, alors vous augmentez le déficit de croissance. C'est précisément ce que vous faites, innocemment et sans le savoir - je veux le croire -, préoccupés par vos visions idéologiques qui n'ont rien à voir avec la bonne tenue d'une économie puissante et moderne.

Il faut sécuriser les travailleurs. Voilà la différence de philosophie entre nous. Nous avons porté à cinq ans la visibilité pour les jeunes entrant sur le marché du travail, en leur proposant le statut d'emploi-jeune. Résultat ? Nous avons diminué de six points le chômage des jeunes nouveaux entrants.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Et à la sortie ? Qu'est-ce qu'ils ont fait après ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

En créant le contrat nouvelles embauches, vous avez réduit la visibilité des travailleurs à un jour. Le résultat, c'est que vous avez d'ores et déjà creusé de plus de sept points le chômage des jeunes.

Il est donc totalement faux de dire qu'on ne sait pas quoi faire, car nous avons fait la démonstration de ce qu'on peut faire ! On peut réduire le chômage par le progrès social, qui est ami du développement économique, et non l'inverse. Allez voir dans tous les pays où l'on a pris à la gorge les travailleurs ce que cela donne du point de vue de l'appareil productif ! Allez voir en Grande-Bretagne, et vous verrez comment les gens doivent occuper non pas un, mais deux ou trois emplois ! Il n'y a plus d'industrie dans ce pays, il n'y a plus que des services ! Allez voir aux États-Unis, où des personnes de soixante ans et plus servent dans les restaurants !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Est-ce cela que vous voulez ? Non, bien sûr que vous ne le voulez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Alors il vous reste à comprendre que le progrès social est l'ami du développement.

J'achève pour ne pas abuser de votre patience, mes chers collègues. Oui, c'est une question idéologique, si l'on entend par idéologie l'idée d'une civilisation. Nous voulons que les gens vivent plus paisiblement, une vie plus douce, c'est-à-dire plus sûre, avec une bonne visibilité.

Écoutez bien, Jean Jaurès avait raison, qui disait : « La République ne sera pas achevée si le Français, qui est roi dans la cité, demeure sujet dans l'entreprise ». Et avec votre contrat, vous en faites un serf !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, mes chers collègues, la France s'interroge, et les parlementaires sont sollicités par toutes les interrogations qui préoccupent aujourd'hui notre pays.

Le CPE crée-t-il plus de précarité ? Pour notre part, nous en sommes convaincus. Mais la France s'interroge et écoute les arguments des uns et des autres. Nous avons entendu la semaine passée les arguments du Gouvernement. Ces arguments ont porté, pour certains d'entre eux, sur la mise en place du CNE, en quelque sorte le précurseur. J'ai entendu, comme vous tous, chers collègues, les arguments des ministres nous disant : « Avec le CNE, il n'y a pas plus de conflits du travail, pas plus d'affaires portées devant les prud'hommes et pas plus de précarité ». Cela, nous l'avons tous entendu.

Rentrant chez moi l'autre nuit, je consulte la presse locale et je lis ce titre : « CNE : 23 embauches, 15 licenciements ». L'auteur de l'article s'explique : « En trois mois, le gérant d'une grande surface de Douarnenez a embauché vingt-trois personnes en contrat nouvelles embauches, puis licencié quinze d'entre elles dans des conditions plus que douteuses ».

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

C'est le journal qui le dit, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il s'agit du Télégramme de Brest et de l'Ouest qui n'est pas un journal révolutionnaire, que je sache !

Je lis un peu plus loin un témoignage édifiant, mes chers collègues : « Un jour, j'ai commencé à 8 heures ; j'ai pris une pause déjeuner de trente minutes à midi pour finir à 4 heures du matin. Le lendemain, je recommençais pour une journée de dix heures, expliquait hier une salariée de vingt et un ans lors d'une conférence de presse. Elle était entourée de quatre autres personnes toujours salariées par le discounter. J'avais effectué 232 heures mensuelles, au lieu des 130 mentionnées sur mon contrat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La jeune fille sera remerciée quelques jours plus tard, après avoir demandé que lui soient réglées les heures supplémentaires effectuées. »

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc. Je termine la lecture de ce témoignage : « Par contre, j'ai été virée brutalement : un jeudi à midi, on m'a annoncé que ce n'était pas la peine de revenir l'après-midi. J'ai reçu ma lettre de licenciement deux jours plus tard », ce qui est parfaitement illégal bien sûr. En l'espace de deux mois, cette société a conclu vingt-trois CNE, qui ont débouché sur quinze licenciements et deux démissions. Voilà, mes chers collègues, un exemple tout à fait concret de ce qu'est aujourd'hui le CNE dans notre pays. On pourrait d'ailleurs tirer d'autres exemples de ce genre de la presse de ces derniers jours.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je ne m'attarderai pas sur ces exemples, mais ils illustrent parfaitement la situation et expliquent la crainte que l'on peut aujourd'hui ressentir face au CPE, qui va élargir encore le champ d'expérimentation du CNE.

Je termine par la dernière phrase du témoignage, qui est importante. Jean-Pierre Sueur parlait tout à l'heure de la psychologie des jeunes et des travailleurs. Que dit cette jeune fille de vingt et un ans, à l'issue de cette expérience : « Ce n'est même pas un contrat, ça ne sert à rien. »

Voilà mes chers collègues ce que l'on offre aujourd'hui à la jeunesse de ce pays : à vingt et un ans, on offre un bout de papier qui ne vaut rien et des conditions de travail tout à fait inadmissibles !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le Gouvernement nous disait ces dernières semaines qu'il s'inspirait de la « flexsécurité » instituée dans les pays d'Europe du Nord.

Je peux vous dire, à la lumière de ce qui se passe ici, que nous nous situons aux antipodes de cette expérimentation nordique : car on peut apporter de la souplesse, si on le croit indispensable, mais le préalable nécessaire - et c'est ce qui a été fait en Europe du Nord - consiste à garantir la sécurité à tous ces jeunes, à les placer dans une situation où ils n'auront pas à craindre l'avenir et pourront s'insérer dans des dispositifs qui leur permettront de suivre un apprentissage, de trouver un métier et de s'en sortir convenablement. C'est précisément tout ce que ce projet ne fait pas.

Il faut donc contester avec la plus grande véhémence la filiation prétendue qui est aujourd'hui invoquée : il n'existe absolument aucun lien entre ce projet de loi et l'expérimentation menée en Europe du Nord. Il faut le dire avec la plus grande fermeté !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc. Voilà, mes chers collègues, ce qui explique notre opposition au CPE. Nous avons totalement raison de nous opposer à l'élargissement du dispositif du CNE et à la mise en place du CPE, au regard des attentes de la jeunesse et de l'inquiétude majeure qui s'exprime aujourd'hui.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le ministre délégué, vous justifiez la création du CPE - après le CNE, comme vient de la rappeler mon collègue François Marc - par la nécessité impérative de créer des emplois pour les jeunes.

Mais comment créer des emplois sans croissance ? C'est la question de fond qui vous est posée depuis que vous êtes aux responsabilités. En 2005, le taux de croissance s'est élevé à 1, 4 %. En 2006, l'ensemble des indicateurs macroéconomiques ne laissent rien augurer de bon. Nous savons du reste que la loi de finances pour 2006 que vous nous avez soumise est insincère à ce titre. En réalité, vous savez bien que, pour avoir une bonne politique de l'emploi, il faut une bonne politique économique.

Or, depuis quatre ans que vous êtes aux responsabilités, vous n'avez jamais su adopter de cap économique. J'en veux pour preuve le rebond de croissance dont vous avez bénéficié en 2004 : il a été gaspillé dans des baisses d'impôts improductives, inefficaces et injustes.

Comme mon collègue Roland Courteau l'a rappelé tout à l'heure, le gouvernement de Lionel Jospin, et la bonne politique et budgétaire de son ministre de l'économie et des finances de l'époque, avaient permis, avec la croissance, une création nette de deux millions d'emplois, du jamais vu dans l'économie française, même au temps des trente glorieuses.

Bien sûr, la croissance ne se décrète pas mais, au moins, elle s'organise. En 1997, quand nous avions créé les emplois-jeunes, que vous avez supprimés, c'était autant pour mettre aux jeunes le pied à l'étrier, impératif social qu'il nous était demandé de respecter, que pour donner à l'appareil productif de notre pays des signes de confiance.

Ce signe de confiance, vous n'avez jamais su le donner à la société. Or, vous savez bien que, sans confiance, il n'y a pas de croissance ni de création nette d'emplois.

Votre gouvernement multiplie les coups de force, les zigzags. Le dernier en date, qui offre Gaz de France sur un plateau d'argent à Suez, répond à une logique purement financière et n'obéit à aucune logique industrielle !

C'est tout simplement du patriotisme antiéconomique !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. Il est bien tard, mes chers collègues de la majorité, pour que vous restauriez la confiance. Au contraire, vous multipliez les signes de défiance et les sources d'insécurité. Le CPE en est une, parmi les plus graves. C'est impitoyable pour les jeunes, c'est dur pour les Français, et c'est triste pour la France.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le Gouvernement veut nous « vendre » le CPE - surtout le Premier ministre, qui s'est particulièrement illustré jusqu'ici pour le défendre, même si nous n'avons pas eu l'honneur de le voir au Sénat - en s'appuyant sur les succès du CNE, voté par votre majorité il n'y a pas si longtemps, monsieur le ministre délégué. Vous nous avez dit immédiatement qu'il était à la source d'une augmentation du nombre d'emplois de 280 000.

Nous avons eu l'occasion de vous dire combien ce chiffre paraissait suspect. D'abord, parce que, dans le même temps, 87 000 emplois industriels avaient disparu ; dans le même temps, les ressources de l'UNEDIC baissaient ; dans le même temps, enfin, le nombre de RMIstes croissait de façon assez inquiétante.

J'ajoute que les services de l'État, l'INSEE et la DARES, que vous avez d'ailleurs réprimandés, nous disent qu'il n'y aura finalement que 70 000 créations d'emplois grâce au CNE.

Pour autant, vous ne voulez pas démordre de vos positions, et, même si les résultats ne sont pas probants, vous affirmez que, en tout état de cause, ce qui permet aux entreprises d'embaucher, c'est plus de facilité pour licencier. Vous ajoutez, bien entendu, tant cette affirmation semble suspecte, que les patrons ne licencient pas par plaisir et qu'ils garderont, sauf exception, ceux qu'ils auront embauchés grâce à la facilité que leur donne le Gouvernement.

Donc, avant même d'avoir bien analysé ce qu'il en était de votre CNE, vous vous êtes précipité pour déposer un amendement « CPE » à ce projet de loi sur l'égalité des chances. Vous comprendrez que nous n'apprécions guère la méthode utilisée !

Nous n'avions pas beaucoup de recul, c'est un fait. Or, depuis quelques jours, les premiers résultats tangibles - si je puis dire - des embauches CNE nous parviennent. Ils ne doivent rien à la médisance de la presse qui, contrairement à ce que vous semblez dire, se contente de les relater. Ils nous remontent tout simplement des organisations syndicales saisies par les salariés licenciés, qui pensent, à juste titre, avoir des droits à faire valoir, puisque, jusqu'ici en tout cas, tout licencié pouvait saisir la justice, pour abus de pouvoir.

Ainsi, selon des informations transmises par la CGT, sur vingt-trois personnes embauchées à la fin de l'année à Douarnenez, quatorze ont déjà été licenciées. La CFDT nous a également appris qu'elle recevait en moyenne cinq CNE chaque semaine à sa permanence juridique - je ne compte donc pas les salariés qui consultent d'autres permanences -, ces personnes ayant déjà été licenciées après avoir été embauchées sous CNE au mois de décembre !

Les organisations ont donc, à juste raison, conclu que le CNE avait été un effet d'aubaine pour des recrutements de fin d'année - avec les fêtes, le commerce a besoin de recruter - et que c'en était déjà fini du succès du CNE.

Les salariés licenciés s'adressent aux prud'hommes, ce qui est légitime, vous ne le contestez pas. Mais ne nous y trompons pas : l'affaire qui a donné lieu au jugement des prud'hommes de Longjumeau est vraiment caractéristique d'un abus de pouvoir puisque le CDI sous lequel la personne avait été embauchée s'est transformé, après un tour de passe-passe, en CNE. En revanche, il y a fort à parier que, sur les motifs du licenciement, la justice n'aura pas grand-chose à dire puisque les licenciements n'ont pas à être motivés.

Bien sûr, les recours indisposent le patronat, qui, de toute façon, est indisposé dès qu'il est mis un tant soit peu en cause, et a déjà fait savoir - quelle noblesse ! - qu'au fond il ne voulait pas du CNE et qu'il jugeait inutile de stigmatiser les jeunes. Ce n'est pas joli de stigmatiser les jeunes ! Ce que veut le patronat, et il vous le dit sur tous les tons, c'est un contrat unique qui permette de licencier tout le monde.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il y a donc fort à parier que, très rapidement, le Parlement sera saisi d'autres dispositions afin de répondre à la demande du patronat. D'ailleurs, le contrat senior est déjà en préparation, et je ne doute pas que le Parlement sera bientôt saisi d'un contrat de mission quelconque qui permettra de généraliser la précarité face au licenciement.

Nous avons donc bien raison de soutenir que votre préoccupation n'est pas de créer des emplois ou de sécuriser l'emploi pour plus de mobilité professionnelle, laquelle est sans doute nécessaire. Mais sécuriser l'emploi exige de prendre bien d'autres dispositions. Non, il ne s'agit pas de cela ici ; il s'agit de répondre aux souhaits du patronat.

En tout état de cause, monsieur le ministre délégué, compte tenu de ce que nous constatons aujourd'hui, de l'insuccès du CNE - si certains avaient été tentés de vous croire, ils savent aujourd'hui à quoi s'en tenir -, de grâce, retirez le CPE, retirez l'amendement que vous avez déposé à l'article 3 bis et dont personne ne veut ! Vous pouvez encore le faire aujourd'hui, et ce serait très bien.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Gérard Larcher, ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis plus de vingt ans maintenant, notre pays s'est en fait habitué à vivre avec un chômage de masse.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Nous avons une première particularité : si notre taux d'activité entre vingt-six et cinquante ans est parmi les meilleurs des pays de l'OCDE, passé cinquante ans, la situation se dégrade au point que nous nous plaçons parmi les derniers pays de l'OCDE en termes de taux d'activité des plus de cinquante-cinq ans

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Ce taux d'inactivité, madame Bricq, était encore plus bas entre 1997 et 2001 !

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Une autre particularité française concerne le taux d'activité des jeunes, qui, depuis vingt-cinq ans, éprouvent de grandes difficultés à entrer dans la vie professionnelle. C'est une réalité que chacun doit admettre.

Le taux de chômage des jeunes est, en France, depuis plus de vingt ans, 2, 2 fois plus élevé que le taux de chômage moyen national. Même avec une croissance forte, lorsque le taux de chômage était de 8, 6 % au début de 2001, le taux de chômage des jeunes avoisinait 18 %. L'écart est beaucoup plus marqué que dans d'autres pays européens. Ainsi, en Allemagne, qui connaît pourtant un chômage élevé, le taux de chômage des seize à vingt-six ans est à peu près identique au taux de chômage global, même quand ce dernier est de 10, 80 ou 11 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L'Allemagne compte beaucoup moins de jeunes que la France !

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

La même observation peut être faite pour les Pays-Bas ou l'Irlande.

Troisième particularité, le parcours d'insertion professionnelle des jeunes est chaotique. Aujourd'hui, 70 % des jeunes entrent dans l'emploi par le contrat à durée déterminée ou par l'intérim. La moitié des CDD dure moins d'un mois ; les périodes d'intérim durent en moyenne quinze jours.

Au cours des trois années qui suivent leur sortie du système éducatif, la moitié des jeunes vont connaître une période de chômage ; 30 % d'entre eux seront au chômage pendant plus de six mois. La situation des moins qualifiés est plus grave encore, ce sont des chiffres terribles, dont chacun doit assumer la réalité : 150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucun diplôme, dont 60 000 sans aucune qualification.

La France est le pays d'Europe où la vulnérabilité des jeunes sur le marché de l'emploi est la plus élevée et le risque de chômage est le plus grand.

S'agissant de la protection sociale, quand plus de 55 % des jeunes inscrits à l'ANPE ne reçoivent pas d'allocations chômage parce qu'ils n'ont pas totalisé les six mois de travail nécessaires pour commencer à accumuler des droits, on ne peut pas dire que leur régime soit comparable à celui des chômeurs qui ont entre vingt-six et cinquante ans.

M. Sueur a tout à l'heure évoqué le cas, dont on parle assez peu, des jeunes des 750 quartiers visés par le rapport Fauroux. Pardonnez-moi, mais voilà des jeunes qui, eux, ne sont pas inscrits en fac parallèlement ! Les enquêtes révèlent que ces jeunes-là connaissent un taux de chômage de plus de 36 % pour les garçons et de près de 41 % pour les filles.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Et encore le rapport Fauroux ne rend-il sans doute compte que de manière insuffisante de la réalité d'un certain nombre de jeunes de ces quartiers, qui passent au travers des mailles de tous les filets, qu'il s'agisse des missions locales, des associations ou du service public de l'emploi.

C'est un vrai sujet, sur lequel nous avons engagé, depuis le mois de novembre dernier, une action résolue. Cela me conduira à faire quelques observations sur le bilan que j'ai établi la semaine dernière.

Pour les jeunes, la réalité, aujourd'hui, c'est la précarité. Dire que nos propositions vont amener la précarité, c'est nier que la précarité est aujourd'hui la réalité.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Cette précarité par rapport à l'emploi entraîne - Mme Tasca a évoqué ce point tout à l'heure - des difficultés pour s'assumer dans sa vie personnelle, pour accéder au logement, pour « décohabiter ».

Cette préoccupation nous a conduits à proposer la création de 20 000 places dans les foyers de jeunes travailleurs en dehors du dispositif LOCA-PASS, car, là aussi, le constat est terrible.

D'autres pays européens ont ouvert la voie. En dix ans, le taux de chômage des jeunes a baissé de vingt points en Espagne, qui était la lanterne rouge de l'Europe, de plus de quinze points en Irlande, de sept points en Italie.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Ces exemples prouvent simplement qu'il est possible de rompre avec la fatalité d'un taux de chômage plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale.

Nous avons décidé de changer la donne, ...

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

... de mettre en place des mesures spécifiques pour répondre aux problèmes des jeunes, pour mettre un terme à leur « galère ».

Au nombre de ces mesures concrètes figure tout d'abord le renforcement de l'accompagnement des jeunes demandeurs d'emploi. Nous avons par ailleurs prévu la mise en place d'un service public de l'orientation.

Cette orientation des jeunes ne doit pas intervenir seulement à l'âge de quatorze ans, ou lors de l'entrée à l'université. Elle implique un accompagnement tout au long de la carrière professionnelle.

Au rang de ces mesures concrètes figure également la relance de l'apprentissage et de l'alternance, notamment à partir de la négociation des partenaires sociaux autour du contrat de professionnalisation.

Monsieur Bel, je reviendrai sur ce sujet, car votre proposition ressemble singulièrement au contrat de professionnalisation. Toutefois, elle ménage considérablement les OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, c'est-à-dire, en définitive, les entreprises, ce qui me paraît assez paradoxal compte tenu de la part que doivent prendre les entreprises dans la professionnalisation des jeunes.

Nous avons également prévu l'extension du contrat jeunes en entreprise aux jeunes les plus en difficulté.

En effet, depuis la fin de novembre 2005, ainsi que le Premier ministre l'avait annoncé à l'occasion d'une réunion exceptionnelle à Saint-Denis entre les agences locales de l'emploi des 750 quartiers recensés et les missions locales, nous avons incité les jeunes des zones urbaines sensibles, par l'intermédiaire des missions locales, des associations du service public de l'emploi et de tous les relais existants, à s'inscrire à l'Agence nationale pour l'emploi.

En effet, dans ces quartiers, de nombreux jeunes, qui ne sont pas inscrits à l'Agence nationale pour l'emploi, passent, je le disais, au travers des mailles de tous les filets. Ces jeunes, que l'on retrouve parfois à vingt-six ans dans des dispositifs tels que le RMI, n'ont jamais envoyé de signaux, entre la journée d'appel de préparation à la défense et leur vingt-sixième anniversaire, et n'ont donc jamais été repérés. §

L'une de nos préoccupations est de savoir comment nous pouvons faire fonctionner ce filet de sécurité de la connaissance, du repérage. C'est pour nous un sujet essentiel.

Enfin, la dernière de ces mesures pragmatiques est l'encadrement des stages, sur laquelle nous reviendrons au cours du débat.

Nous avons ainsi prévu l'obligation de rémunération des stages de plus de trois mois, la prise en compte du stage comme élément de formation et l'instauration d'une charte des bonnes pratiques. Au-delà de cette charte, sans doute est-il nécessaire de prévoir une convention engageant à la fois le jeune en stage, le salarié, mais aussi la grande école ou l'université, où nous voyons parfois très peu d'accompagnement du jeune placé en stage.

Nous devons donc permettre aux jeunes d'entrer dans l'emploi à durée indéterminée après une phase de consolidation, sujet sur lequel je reviendrai également. La période de consolidation est en effet visée par l'article 2 de la convention 158 de l'OIT. C'est d'ailleurs l'une des propositions du rapport de M. Proglio.

Aujourd'hui, seule une minorité de jeunes ont cette possibilité, et le CPE-CDI ne changera rien pour eux, puisqu'ils n'ont pas de difficulté.

L'égalité des chances dont nous parlons concerne non pas les ingénieurs sortant des grandes écoles qui, eux, ont déjà eu leur part de chance

exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Le CPE est un contrat de travail qui a vocation à se pérenniser.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Lorsqu'un chef d'entreprise recrute un jeune et mise sur lui, c'est bien pour le garder et non pas pour le licencier ou abuser de ses droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Les chefs d'entreprise n'avaient pas besoin de cela pour le faire...

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

C'est vrai, dieu merci, pour l'immense majorité des chefs d'entreprise, ainsi que Mme Gauthier l'a d'ailleurs parfaitement expliqué lors de la discussion générale.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Le CPE garantit à ses bénéficiaires des droits identiques à ceux des autres salariés de l'entreprise : c'est notamment le cas pour la durée du travail, pour les conditions de travail et pour le salaire. Vous aviez, monsieur Cambon, lors de la discussion générale, insisté sur ce point.

Les règles relatives à la rémunération sont strictement identiques à celles qui s'appliquent pour les salariés de l'entreprise, et c'est sans doute en quoi notre système diffère des systèmes adoptés par l'Irlande, l'Italie ou la Grande-Bretagne. Nous n'instaurons pas trois SMIC en fonction de l'âge, ...

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

...mais nous garantissons aux salariés des conditions de rémunération conventionnelles, la phase de consolidation, seule, dérogeant pour partie au droit commun du licenciement.

Pour autant, il ne s'agit pas d'une période d'essai : elle s'en distingue juridiquement.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

La période de consolidation n'est pas une période d'essai, d'abord, parce qu'elle est assortie d'un préavis et d'une indemnité de rupture.

Les possibilités de rupture pendant cette phase de consolidation, même simplifiées, sont encadrées.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Un jeune ne peut pas être licencié à tout moment, dans n'importe quelles conditions : le préavis croît avec l'ancienneté ; les indemnités de rupture sont supérieures au droit commun du CDI ; aucune rupture ne pourra être discrétionnaire ;...

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

... la marge d'appréciation donnée à l'employeur reste encadrée par l'ordre public social ; les règles de procédure concernant les licenciements disciplinaires et les licenciements des salariés protégés s'appliquent ; il n'existe aucune dérogation aux garanties essentielles en matière de protection, notamment des femmes enceintes, de libertés individuelles des salariés, ou de discrimination.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Donc, pour répondre à Mme Voynet, ce n'est ni un pari, ni une aubaine, ni une loterie.

Le premier jugement rendu par un conseil de prud'hommes sur le sujet montre d'ailleurs bien que le CNE n'est pas la zone de non-droit social que d'aucuns voudraient y voir, notamment sur les travées de la gauche sénatoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce n'est pas qu'on veuille le voir : on vous l'a démontré tout à l'heure.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Les comportements abusifs seront, comme nous l'avons toujours dit, sanctionnés et les droits des salariés, assurés.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

En matière de garanties, je vous renvoie, monsieur Mercier, à notre débat sur la flexibilité, la sécurisation et la sécurité.

Le CPE prévoit, outre un droit individuel à la formation, mobilisable dès le premier mois, et non pas, comme les autres contrats, à la fin de la première année, une indemnité de cessation de contrat de 8 %, totalement exonérée de charges salariales, qui équivaut exactement au droit garanti par le CDD qui, lui, est « chargé » ; ce serait une erreur que d'affirmer le contraire.

Il prévoit non seulement des actions d'accompagnement renforcées en vue du retour à l'emploi, financées par une contribution de l'employeur de 2 % , une allocation spécifique de chômage de deux mois à partir du quatrième mois, mais aussi une réduction possible de la période de consolidation de deux ans, par la déduction de la durée des formations en alternance : les contrats d'apprentissage, d'une durée moyenne d'un an, les contrats de professionnalisation d'une durée moyenne de onze mois, de même que les stages et l'intérim en entreprise. Toutes ces formules de formation, au même titre que les CDD, seront prises en considération.

J'en arrive au dispositif LOCA-PASS, dont Jean-Louis Borloo négocie actuellement les conclusions, car nous sommes particulièrement conscients de l'importance de la difficulté que rencontrent les jeunes pour accéder au logement.

Le « 1 % logement » prévoyant une garantie de loyer et un étalement de caution, nous offre l'occasion d'une part d'étendre la garantie à toute la durée du bail, soit durant trois, six ou neuf ans, au lieu de la restreindre aux trois premières années, et, d'autre part, de faire passer la prise en charge des mensualités de dix-huit mois à vingt-quatre mois pour la « caler » sur la durée de l'éventuel contrat.

J'en profite pour dire que, l'an dernier, nous avons signé 180 000 LOCA-PASS et que le taux de sinistralité correspondant à ce type de contrat est inférieur au taux de sinistralité du secteur libre. Ce constat, qui prouve que la confiance existe et que le taux de risque est relativement faible, nous permet aujourd'hui d'améliorer les conditions assurantielles du LOCA-PASS.

Par ailleurs, je voudrais préciser que tout jeune accédant à l'emploi par le CPE-CDI sera accompagné, dès lors que le service de l'emploi le jugera nécessaire, pendant une période de deux mois, de trois mois, de quatre mois s'il le faut, car le problème est effectivement le taux de rupture. Avec des jeunes qui sortent du système scolaire après avoir connu des difficultés et qui trouvent un contrat d'apprentissage, les taux de rupture - nous avions évoqué ce point avec M. Godefroy - peuvent atteindre 40 %, voire 50 %.

Il est donc essentiel de faire baisser par l'accompagnement ce taux de rupture entre les jeunes et l'entreprise, quelle que soit la taille de cette dernière, ce taux de rejet en quelque sorte...

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Pardonnez-moi, monsieur Assouline, mais les choses ne sont pas aussi simples : il n'y a pas, d'un côté, les méchants employeurs et, de l'autre, les salariés victimes!

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je parlais du contrat : ne mélangez pas tout !

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

La rupture est la manifestation d'une inadéquation dont chacun porte sa part de responsabilité.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

M. Godefroy sait bien d'ailleurs que ce point figure dans l'un des contrats d'objectifs et de moyens que nous avons signés avec vingt et une des vingt-deux régions métropolitaines.

Enfin, monsieur le président, parce que c'est un moment important du débat, je souhaiterais, comme le président de la commission des affaires sociales et le rapporteur, prendre du temps pour répondre aux orateurs.

Tout d'abord, monsieur Mercier, je souhaiterais vous rappeler que l'article portant sur le contrat première embauche a été largement et longuement débattu à l'Assemblée nationale et qu'il a fait l'objet d'un vote. Je peux vous dire, pour avoir contribué à animer les débats pendant quarante-trois heures trente, que nous en avons longuement discuté !

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Ensuite, concernant le dialogue social, je voudrais souligner combien il est difficile d'aborder la question des jeunes. Michel Rocard, parlant il est vrai des retraites, estimait qu'il fallait du courage à un gouvernement pour s'emparer de certains sujets.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

C'est également vrai de la jeunesse, qui semble un sujet tabou : les problèmes sociaux des seniors bouleversent moins, car, même s'ils sont graves, les dispositifs de préretraite « maison », l'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi, l'allocation de solidarité spécifique et autres, font qu'ils sont moins difficiles à appréhender pour notre société.

En revanche, parler du problème des jeunes exige une bonne dose de courage. Quand, le 30 juin 2004, Jean-Louis Borloo et moi-même avons demandé aux partenaires sociaux de parler de la situation au travail des jeunes comme de celle des seniors, certaines questions étant intergénérationnelles - il n'y a pas, d'un côté, le problème des jeunes et, de l'autre, celui des seniors, mais une conception globale de l'activité et de la solidarité intergénérationnelle dans notre société - je dois dire que nous avons rencontré un succès modéré.

Le Premier ministre est particulièrement attentif au dialogue social et, d'ailleurs, le 12 décembre, venu en personne devant la Commission nationale de la négociation collective, il a déclaré qu'il nous fallait aujourd'hui, entre les temps économiques et les temps du dialogue social, trouver le bon rythme. Il a donc chargé Jean-Dominique Chertier de lui remettre un rapport sur le dialogue social, en amont des décisions, rapport dont le contenu sera connu à la fin du mois de mars.

Enfin, concernant le droit, il convient de se rappeler que, chaque année, plus de 100 000 dossiers relatifs à des ruptures de CDD ou de CDI sont pendants devant les conseils de prud'hommes, ce qui signifie que le CDI n'est pas une espèce de garantie généralisée.

Je ne m'attarderai pas, monsieur Bel, sur le contentieux devant les prud'hommes, préférant, puisque vous avez soulevé la question, vous répondre en quelques mots sur le nombre de contrats.

Pour comparer ce qui est comparable, étant précisé que je parle de contrats portant affiliation à l'UNEDIC, c'est-à-dire de contrats en secteur marchand, il faut savoir qu'il y avait, au troisième trimestre 2001, 15 734 300 contrats et que, à la fin du troisième trimestre 2005, on en dénombrait 15 982 900, soit 250 000 de plus.

Si la période a été moins faste en termes de création, ces chiffres qui émanent de l'UNEDIC attestent que nous n'avons pas régressé.

J'aurai l'occasion, au cours du débat, de comparer le contrat de professionnalisation et la proposition de contrat sécurité formation, que vous avez évoquée. Vous pourrez ainsi constater qu'un certain nombre de redécouvertes valent bien une première découverte et la mise en oeuvre du contrat de professionnalisation.

Je voulais remercier Mme Procaccia d'avoir fait justice d'un certain nombre de contrevérités touchant aux droits nouveaux et à la sécurisation des parcours.

Monsieur Muzeau, je vous ai répondu à la fois sur le droit syndical et sur l'indemnité de fin de CPE, qui est identique à celle du CDD.

Pour sa part, M. Fischer a évoqué la règle des 33 % : si nous obtenons un tel pourcentage d'emplois nouveaux réellement créés, monsieur Fischer, je ne ferai pas la fine bouche !

Je répondrai à Mme Le Texier, et par là même à Mme Tasca, sur un sujet tout à fait essentiel, celui du logement des jeunes, en évoquant le rapport que m'a adressé l'Union des foyers de jeunes travailleurs. Il en ressort que 13, 5 % de l'ensemble des jeunes logés dans ces foyers travaillent en CDI à plein temps. Croire que c'est une situation de rêve...

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

... est une illusion : c'est la galère, et nous entendons y mettre un terme!

J'ai parlé du LOCA-PASS, mais il faut savoir qu'entre 1995 et 2004 le nombre de places en foyers de jeunes travailleurs a diminué : nous en comptons aujourd'hui 40 000, contre 50 000 en 1995.

L'objectif que nous fixe le Premier ministre pour 2006 et 2007 est d'augmenter ce parc. Certes, un certain nombre de foyers ont été modernisés, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Certains ont été construits par les régions et les départements !

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

... mais le logement des apprentis dépend lui aussi de l'effort exceptionnel consenti pour le logement des jeunes. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre nous a confié, à Jean-Louis Borloo et à moi-même, le soin de signer cette année une convention ayant pour objectif de créer 20 000 places supplémentaires en foyers de jeunes travailleurs.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Ce n'est pas exact ! Pour avoir visité un certain nombre de ces foyers, je peux vous dire qu'il faut rendre hommage à l'accompagnement qui y est assuré : l'image simpliste que vous en donnez ne correspond pas à la réalité !

J'ai évoqué, madame Tasca, la consolidation. Monsieur Sueur, je veux vous indiquer que notre démarche est bien fondée sur la confiance.

Monsieur Godefroy, les jeunes attendent non plus des paroles - il n'y en a eu que trop depuis vingt ans - mais bien des actes et une nouvelle chance.

En droit, aux termes de la convention n° 158 de l'OIT, la notion de qualifying period correspond bien à la phase de consolidation, notion que le Conseil d'État a d'ailleurs validée en ce qui concerne le CPE.

Il est vrai, monsieur Assouline, que le modèle de Boulogne-Billancourt n'est plus celui d'aujourd'hui ! À nous d'inventer un nouveau modèle social, adapté à la fois aux réalités du marché du travail et à la sécurisation du parcours professionnel tout au long de la vie.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Or c'est la majorité actuelle qui a sans doute réalisé le plus grand progrès pour la sécurisation des parcours professionnels avec le droit individuel à la formation !

Applaudissementssur les travées de l'UMP. - Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Comment justifiez-vous la suppression du motif ?

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Mme Voynet a évoqué l'alternance. En fixant des seuils de 1 %, 2 % et 3 % pour les entreprises de plus de 250 salariés, nous demandons aux entreprises - qui avait osé le faire ? - de participer à la formation et à l'entrée dans l'emploi des jeunes. Par cette mesure, nous compterons, en 2009, plus de 700 000 jeunes en formation soit en contrat d'apprentissage, soit en contrat de professionnalisation. C'est probablement la meilleure garantie qui puisse être apportée.

Je rappellerai simplement à M. Mélenchon, qui n'est plus là, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Mme Procaccia est également partie, mais vous ne l'avez pas fait remarquer !

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

...quelques données en matière de chômage. Ainsi, trois ans après leur sortie du système éducatif, parmi la génération 2001, 39 % des jeunes non qualifiés étaient chômeurs, contre 14 % des titulaires d'un CAP ou d'un BEP, et 9 % des diplômés de troisième cycle ou des grandes écoles.

Voilà pourquoi le combat pour la professionnalisation est le bon, et c'est celui que nous engageons !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Monsieur Marc, je pense vous avoir en partie répondu sur le CNE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Une question demeure : comment justifiez-vous la suppression du motif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Madame Tasca, je vous en prie ! Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Nous en reparlerons, madame Tasca. !

Enfin, la démonstration de Mme Le Texier selon laquelle il y avait peu de chômage chez les jeunes m'a paru singulièrement paradoxale et ne correspond pas à la réalité ; j'aurai l'occasion d'y revenir. Depuis vingt-cinq ans, malheureusement, le taux de chômage chez les jeunes de seize à vingt-six ans est assez dramatique, ...

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

...mettant en cause la cohésion sociale et la solidarité entre les générations dans notre pays.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser la longueur de mon propos, mais l'enjeu est majeur et je voulais, au nom du Gouvernement, répondre aussi précisément que possible aux questions des orateurs.

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Dix-huit orateurs se sont exprimés sur l'article, dont seize émanant des groupes de la gauche de la Haute Assemblée, et deux seulement de la majorité. Nos collègues doivent être satisfaits.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous allons aborder l'examen des amendements.

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 146 rectifié est présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 273 rectifié est présenté par MM. Delfau, A. Boyer, Baylet, Collin, Fortassin, Alfonsi et Vendasi.

L'amendement n° 440 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 648 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 146 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Dans la grande bataille qui est au coeur de la mondialisation, entre ceux qui veulent réduire les protections des salariés et ceux qui veulent les ajuster et les renforcer, vous avez choisi votre camp. Vous avez choisi de vous en prendre au coût du travail, à la durée du travail, à la protection et à la représentation du travail, s'agissant notamment des salariés de moins de vingt-six ans, qui ne comptent plus dans le calcul des seuils déterminant la représentation du personnel. La ligne de clivage qui nous sépare intrinsèquement justifie l'opposition de fond qui nous mobilise aujourd'hui.

Si nous devions vous suivre, la réponse, paradoxale, qu'il serait juste d'apporter à la précarisation des conditions de vie serait une précarisation accentuée des conditions de travail, et la meilleure façon, non moins paradoxale, de favoriser l'entrée des jeunes les plus fragiles dans l'entreprise serait justement d'en faciliter l'exclusion.

C'est une politique qui réduit consciencieusement, concrètement, les droits des salariés, la place de la négociation collective et la portée de la norme sociale. Et c'est bien dans ce cadre et sous cet éclairage qu'il faut examiner le CNE comme le CPE, que l'on pourrait ainsi résumer en quelques mots : « moins de droits pour moins d'emplois », c'est-à-dire un recul pour les droits, mais sans le moindre progrès pour l'emploi. Voilà le slogan que nous pourrions attacher à la réforme que vous nous proposez !

S'il ne fait aucun doute que les résultats du CNE et les perspectives du CPE ont bien pour conséquence inéluctable de retirer aux salariés embauchés les protections que leur garantit aujourd'hui le code du travail, on peut en revanche exprimer les plus grandes réserves sur l'efficacité pour l'emploi de ces mesures.

Non seulement le passé ne plaide pas pour vous, non plus que votre bilan, et, de l'avis même de tous les économistes, les effets d'aubaine et de substitution seront massifs, mais, surtout, votre dispositif révèle une erreur de diagnostic, un vice de conception. Vous semblez persuadés que c'est le niveau de protection de l'emploi qui freine l'embauche, alors que celui-ci est en réalité la condition de la cohésion sociale et, par conséquent, de l'efficacité économique.

Le contrat première embauche ne peut être examiné indépendamment de la politique que vous avez conduite et qui vise à favoriser une dérégulation de plus en plus poussée du marché du travail.

C'est en effet un autre modèle social qui se dessine progressivement au travers des différentes législations que vous avez fait approuver par cette assemblée depuis quatre ans et, plus encore, depuis l'installation du gouvernement de M. de Villepin, selon une méthode aussi éprouvée que contestable.

Votre dernière initiative est de proposer aux jeunes de moins de vingt-six ans un véritable contrat disciplinaire puisque, pendant deux années, ils seront susceptibles d'être licenciés à tout moment et sans motif. Compte tenu du marché de l'emploi, des difficultés que rencontre tout un chacun pour trouver un travail, gageons que les jeunes recrutés en CPE ne s'autoriseront pas à réclamer le paiement de leurs heures supplémentaires et encore moins à prendre contact avec un syndicat, par crainte d'être licenciés !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ce n'est pas défendre les jeunes, c'est les prendre pour des imbéciles !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Cette loi est censée être une réponse aux émeutes qui ont secoué nos banlieues ; gageons qu'elle sera source d'amertume plus que de promesse d'avenir.

Encouragés par le MEDEF, mois après mois, vous brûlez le code du travail, page après page. Nous refusons que les jeunes deviennent les otages de votre idéologie. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et je voudrais, partageant pour partie le constat du chômage des jeunes, que nous replacions ensemble ce débat dans le contexte national et dans l'histoire du droit social ; il le mérite !

L'initiative du Gouvernement en faveur du CPE à l'Assemblée nationale fut brutale : elle s'est passée, de la part du Premier ministre, de toute concertation avec les partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

Mais, après tout, le sujet est tellement grave que le Gouvernement peut, dans certains cas, tenter de forcer la route.

L'opinion publique, dès le départ, fut sceptique, mais elle est devenue progressivement très majoritairement défavorable, au point d'ailleurs que, selon les commentateurs politiques, elle reproche désormais au Premier ministre cette initiative et pressent que le contrat première embauche constitue un danger, un risque pour la nation.

Elle en mesure les conséquences prévisibles : la précarité ne sera pas supprimée, elle sera généralisée et légalisée, mais seulement pour les jeunes de moins de vingt-six ans. Il s'agit donc bien d'une discrimination à l'encontre de notre jeunesse et, bien évidemment, d'abord celle qui est issue des couches les plus pauvres de la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

L'effet d'aubaine, que vous connaissez bien, monsieur Larcher, en tant que ministre délégué au travail, sera forcément généralisé. Il est même prévu, au sein de cet article, un alinéa extraordinaire aux termes duquel le même employeur pourra, au bout de trois mois, signer un nouveau CPE avec le même jeune !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

C'est une incitation claire à ce que ce système remplace très rapidement le CDD et, surtout, le CDI. Manifestement, avec le CPE, une étape supplémentaire est franchie vers la disparition pure et simple du CDI.

Je lisais ces jours-ci dans la presse que l'Allemagne - qui s'était quelque peu moquée de nos débats sur le SMIC, voilà une quinzaine d'années, les partenaires sociaux estimant qu'ils n'avaient pas besoin de telles garanties pour assurer la cohésion sociale et l'efficacité économique - s'oriente désormais vers une forme de salaire minimum, reconnaissant justement la nécessité d'offrir une sécurité au salarié.

Telles sont les raisons pour lesquelles l'opinion publique est de plus en plus hostile. Elle sait que l'embauche dépend en premier lieu de la croissance, c'est-à-dire du climat créé par l'économie internationale et par la politique du Gouvernement.

L'opinion publique sait que le recrutement dépend aussi du niveau de qualification. Et l'Allemagne, que vous avez évoquée, se caractérise précisément par sa capacité à conduire ses jeunes à un haut niveau d'éducation générale, combinée avec un itinéraire de formation en alternance.

Voilà pourquoi, à la perplexité puis à l'hostilité de l'opinion publique s'ajoute de plus en plus - nous l'entendons murmurer dans nos circonscriptions - la réticence, pour ne pas dire l'inquiétude des chefs d'entreprise, qui craignent que votre projet ne dresse une partie de la jeunesse contre le monde de l'entreprise et que le résultat soit pire encore que la situation actuelle, dont nous vous accordons, hélas ! sans difficulté qu'elle n'est pas bonne et qu'il faut y remédier.

Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais dire sur le CPE, en insistant plus particulièrement sur un défaut majeur. La durée de consolidation - deux ans - en fait un contrat de « désembauche » à tout moment, sans motivation, soumis à l'arbitraire et à l'état d'esprit d'un chef d'entreprise qui n'aurait pas conscience de ce que représente sa mission dans la société d'aujourd'hui.

Comment accepter qu'un salarié, quel que soit son âge, puisse être licencié sans que soit motivée cette rupture du contrat de travail par l'employeur ?

Monsieur le ministre, je conclus d'une phrase : une société qui se défie de sa jeunesse est une société qui se ferme l'avenir.

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Delfau

Nous devons reprendre posément, tranquillement, ce vrai sujet de débat afin de trouver des solutions plus respectueuses de nos jeunes et, dans le même temps, efficaces pour le marché du travail.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 440.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le ministre, j'ai été très attentive à vos explications. Permettez-moi de vous dire que le traitement discriminant porté par ce projet à l'encontre des jeunes me choque. En effet, proposer un contrat de travail précaire spécialement aux jeunes traduit une drôle de conception de la solidarité entre les générations.

Cette discrimination en fonction de l'âge va à l'encontre de ce que les jeunes sont en droit d'attendre en matière de cohésion sociale. Or ces jeunes ont le droit à la même considération que les autres salariés. Ils n'ont pas à être l'objet de votre mépris !

Ce projet de loi constitue un retour en arrière dramatique. Avec le contrat d'apprentissage, le Gouvernement tire un trait de facto sur le collège unique institué en France depuis 1975.

L'Assemblée nationale vient d'avaliser le travail de nuit pour les jeunes de quinze ans. Après le CNE, le CPE. Désormais, les employeurs ont les mains libres pour licencier sans motif.

Comme l'ont déjà dit nos collègues, ce dispositif contrevient à la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, qui date de 1982 et fut reconnue d'application directe par le Conseil d'État en 2005. C'est un retour à la toute-puissance de l'employeur.

Le rapport de force dans les entreprises, après vingt-cinq ans de chômage de masse, était déjà très défavorable aux salariés. Avec ce nouveau pas en avant, vous leur enlevez tout moyen de pression, tout moyen de défense. Vous leur laissez quelques droits, certes, mais sans aucun moyen de les défendre dans la pratique puisqu'ils sont entièrement soumis à l'arbitraire de leur patron.

Une autre norme internationale fondamentale est également bafouée en France aujourd'hui : la liberté de se syndiquer.

Un récent sondage de la SOFRES a révélé, en décembre dernier, que la première raison avancée par les personnes interrogées pour ne pas se syndiquer est, à 36 %, la peur des représailles. Avec le CPE, vous allez décupler cette crainte, à juste titre.

Ce que vous ne voyez pas, les patrons éclairés le voient très bien: Il faut du dialogue social, il faut des syndicats forts pour que les salariés puissent négocier. Or vous refusez cela !

Sans ces syndicats, les travailleurs plient, se courbent jusqu'à craquer. Le gouvernement auquel vous appartenez prépare aujourd'hui les explosions sociales de demain, minutieusement, loi après loi, d'ordonnances en 49-3.

C'est la raison pour laquelle votre contrat est tout à fait inacceptable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 648.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Par cet amendement nous voulons démontrer qu'il est indispensable de supprimer l'article 3 bis créant le contrat première embauche.

La population, les jeunes, leurs parents et les salariés n'acceptent pas ce dispositif ! Les jeunes ont déjà exprimé leur colère dans la rue à maintes reprises. Aujourd'hui, la faculté de Jussieu, proche du Sénat, est en grève, ainsi que celle de Nanterre.

Les jeunes ne veulent plus de votre « contrat de précarité de l'emploi », comme ils l'appellent, qui leur impose deux ans, voire davantage, de précarité.

En effet, rien ne semble s'opposer à ce qu'un jeune de moins de vingt-six ans puisse enchaîner plusieurs contrats première embauche dans des entreprises différentes. Par ailleurs, un employeur peut également embaucher en CPE un jeune ayant déjà travaillé dans l'entreprise. Des exemples d'abus du CNE ont été cités non seulement dans l'Humanité, mais également dans Le Parisien.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Une première condamnation par les prud'hommes est déjà intervenue et, avec le CPE, ce sera pire ! Il y a manifestement un effet d'aubaine dont bon nombre d'entreprises sauront tirer profit au maximum, alors que vous tentez de faire croire que cette flexibilité qui leur est offerte aura pour contrepartie de nouvelles garanties accordées aux salariés.

Nous ne nous y trompons pas : vous entendez apporter à notre société une transformation majeure, à savoir diminuer le coût du travail grâce à la précarité.

Mme Parisot a dit sa conviction que les difficultés traversées par l'économie française résidaient dans le coût du travail jugé encore trop élevé par les patrons.

Vous allez achever de désespérer les jeunes au sujet de leur avenir. Vous ne proposez que du travail précaire à ceux qui ont des diplômes - bac + 3, bac + 4 -, des stages, l'apprentissage et le travail de nuit à ceux qui ont quatorze ans et qui sont en échec scolaire.

Comment pouvez-vous dire que le CPE constitue une nouvelle chance pour les jeunes en difficulté ? Si le Gouvernement et vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, aviez la volonté d'aider les jeunes à exercer un métier qu'ils ont choisi, d'obtenir un travail qu'ils pratiquent avec goût en ayant des garanties, en un mot, si vous aviez la volonté de motiver les jeunes pour l'innovation, vous lutteriez pour la réussite scolaire des garçons et des filles de notre pays jusqu'à seize ans, comme l'exige la loi !

Au lieu de cela, vous tablez sur l'échec scolaire pour mettre les jeunes en apprentissage et vous proposez une précarité humiliante à ceux d'entre eux qui ont obtenu des diplômes au prix d'un travail leur ayant imposé de lourds sacrifices.

Les syndicats, les associations, les familles, tout le monde sait que la précarité est responsable du développement de la pauvreté et que les femmes et les jeunes filles sont les plus touchées.

Aujourd'hui, on peut avoir un emploi et être pauvre. Or que faites-vous en instituant un tel dispositif, sinon accroître la précarité pour les jeunes ?

Ces jeunes iront grossir les rangs sans cesse plus fournis des nouveaux exclus, de ceux qui, malgré leur travail, dorment dans des foyers, quand ce n'est pas dans des voitures ou dans les locaux du marché international de Rungis - c'est le cas d'une femme seule et de ses trois enfants ! - parce que leur travail partiel et précaire, leurs stages abusifs, leurs intérims, leur ôtent toute possibilité de vivre normalement, dignement.

Ce système tue l'espoir, et une société qui tue l'espoir est condamnée ! Est-ce cela que vous voulez pour notre jeunesse ? C'est une véritable condamnation ! Pas de logement, pas de ressources fixes : comment penser à créer une famille ? Comment peut-on s'insérer dans la société sans la moindre projection dans un avenir meilleur ? C'est l'angoisse permanente !

Prenons le droit fondamental du logement. Quelle régie acceptera de louer un logement à une personne pouvant être licenciée du jour au lendemain ? Qui acceptera de consentir un prêt à un couple en double précarité ?

Mme Procaccia parlait tout à l'heure des prêts de banques. Peut-elle me citer le nom de banques à Vincennes qui accepteraient de consentir des prêts à des jeunes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Dans cette commune, qui n'atteint pas le quota de 20 % de logements sociaux et où le prix des logements est élevé, que feront ces jeunes ?

Vous dévoilez, au travers de ce CPE, votre véritable objectif : exonérer plus encore de charges sociales les entreprises, abaisser encore et toujours le coût du travail. Pour cela, il vous faut vous attaquer au code du travail. Mme Parisot l'a annoncé le 14 février dernier par la création d'une commission chargée de faire un « bilan », un « diagnostic » pour élaborer une synthèse de propositions.

Même au sein du patronat, que vous servez, des voix s'élèvent pour fustiger votre projet ; je pense aux réserves exprimées par Mme Laurence Parisot, patronne des patrons, et aux chefs d'entreprise qui vous reprochent de ne pas être allés assez loin. Mais il y a ceux qui reconnaissent que cette excessive précarité leur fera perdre des talents, et ils ont raison !

Votre projet s'appuie sur ce qui tire vers le bas, sur ce qui ne correspond pas aux exigences du développement de notre société. Mardi dernier, à l'Assemblée nationale, les députés communistes ont bien démontré, lors du débat sur la motion de censure, combien le bilan de votre gouvernement était calamiteux en matière d'emploi. Et ce nouveau contrat vient renforcer votre dispositif de flexibilité, de précarité.

Je n'oublie pas que nous avons commencé l'année sous le signe du démantèlement du droit du travail, avec les deux arrêts de la Cour de cassation du 11 janvier autorisant les licenciements économiques destinés à anticiper une mise en péril de la compétitivité de l'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Je termine, monsieur le président !

À quand le contrat unique transformant les salariés en une marchandise corvéable à merci, que le patronat prend et jette au gré de ses envies ?

Pour en revenir à votre bilan, 70 % des offres d'emploi sont instables. Nous avons le triste privilège de recenser 2, 5 millions de chômeurs et 3, 5 millions de salariés précaires et travaillant à temps partiel. Et vous entendez alourdir encore la note !

Vous restez sourd à la colère qui gronde, mais vous avez tort, monsieur le ministre. Cela ne me donne pas envie de sourire !

La jeunesse et les salariés sauront, le 7 mars prochain, vous donner la mesure de leur mécontentement et de leur détermination à contrer votre politique.

Après le débat parlementaire, il reste la voix du peuple, ne l'oubliez pas ! Ce n'est pas la première fois qu'une loi votée ne serait pas appliquée : M. Balladur s'en souvient avec le CIP !

Quant à nous, parlementaires communistes, nous encourageons les jeunes à l'effort, à l'amour du travail, mais nous sommes conscients de nos responsabilités et nous irons jusqu'au bout dans cette lutte.

C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement, de supprimer l'article 3 bis, qui instaure un contrat dérogatoire au code du travail.

Avec Bruno Julliard, le président de l'UNEF, nous disons qu'il faut obtenir le retrait de cette insulte faite à la jeunesse.

Alors, prenez vos responsabilités ! Le groupe communiste républicain et citoyen prendra les siennes !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Tout le monde le comprendra, les amendements de suppression n°s 146 rectifié, 273 rectifié, 440 et 648 s'inspirant d'une conception totalement différente de la nôtre, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Le Gouvernement s'est déjà longuement exprimé sur ce sujet. Il se contentera donc d'émettre un avis défavorable.

Cela étant, je voudrais préciser un point à l'intention de M. Delfau.

Au cours de la discussion qui vient d'avoir lieu, l'apprentissage en Allemagne a été évoqué, notamment le système de passerelle avec l'enseignement général. Or la coalition qui est aujourd'hui aux affaires dans ce pays a conclu un accord en date du 11 novembre, qui a été soumis au Bundestag, dans lequel il est prévu de permettre à un employeur de convenir avec la personne qu'il recrute une période d'essai de vingt-quatre mois au maximum pour tout nouveau CDI.

Ce n'est pas ce que nous prévoyons ! Pour notre part, nous avons choisi la consolidation. Je tenais simplement à rappeler la réalité du marché du travail dans toute l'Europe.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Nous ne sommes donc pas les seuls à prendre en compte la flexibilité ainsi que la sécurisation des parcours professionnels, qui est un véritable enjeu sur lequel nous aurons encore à travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Vendredi dernier, j'ai attiré sur moi la colère des groupes de l'opposition en proposant la suppression de la discussion commune des amendements déposés sur l'article 1er en raison de leur grande disparité et du fait que la moitié d'entre eux ne portaient pas sur cet article.

Aujourd'hui, force est de constater que tous les amendements portent bien sur l'article 3 bis, et je vous en donne acte, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En conséquence, pour rester logique, je souhaite qu'il y ait une discussion commune de l'ensemble des amendements déposés sur l'article 3 bis et je demande que leur vote soit réservé jusqu'à la fin de l'examen de l'article 3 bis.

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Le Gouvernement partage la même analyse que le président de la commission. Il émet donc un avis favorable.

Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. Jean-Pierre Bel. Compte tenu de la demande de réserve que vient de formuler M. le président de la commission des affaires sociales, je demande une suspension de séance de dix minutes afin que nous puissions nous organiser en fonction de cette nouvelle donne.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je vous fais observer, monsieur Bel, que, depuis l'ouverture de la séance à quinze heures, j'ai scrupuleusement appliqué le règlement, d'ailleurs avec beaucoup de mansuétude à l'égard des groupes de l'opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Cela étant, lorsqu'un président de groupe demande une suspension de séance, il est d'usage de la lui accorder.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La séance est reprise.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, en application de l'article 33, alinéa 2, de notre règlement, nous vous demandons de bien vouloir suspendre la séance jusqu'après le dîner.

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez demandé une discussion séparée des amendements, que vous avez fait avaliser la semaine dernière par la conférence des présidents. Maintenant, comme par hasard, vous souhaitez une discussion commune de ces amendements.

Nous avons donc besoin de nous réorganiser pour nous adapter à cette nouvelle décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, la séance sera suspendue vers dix-neuf heures vingt. Vous aurez donc tout loisir de vous réunir.

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

J'applique le règlement du Sénat ! En vertu de l'article 33, alinéa 2, le président « peut, à tout moment, suspendre ou lever la séance ». C'est donc le président qui décide !

Par ailleurs, je vous rappelle les termes de l'article 44, alinéa 6, de notre règlement : « Les demandes de priorité ou de réserve dont l'effet, en cas d'adoption, est de modifier l'ordre de discussion des articles d'un texte ou des amendements. Lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité ou la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement. »

Par conséquent, j'appelle en discussion l'amendement n° 649.

Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 649, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'entreprise s'engage à revaloriser le contrat à durée indéterminée comme forme normale d'embauche, de façon à nouer avec les jeunes qu'elle recrute un engagement durable.

La parole est à...

Protestations redoublées sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Dans ces conditions, je considère que l'amendement n° 649 n'est pas défendu !

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

Vous bouleversez la procédure et vous ne nous laissez même pas une demi-heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 501, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. - Les employeurs qui entrent dans le champ du premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail peuvent conclure un contrat de travail dénommé « contrat progressif ».

Un tel contrat ne peut être conclu pour pourvoir les emplois mentionnés au 3° de l'article L. 122-1-1 du même code.

II. - Le contrat de travail défini au I est conclu sans détermination de durée. Il est établi par écrit.

Ce contrat est progressivement soumis aux dispositions du code du travail dans des conditions déterminées par décret.

Ce contrat peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, pendant les six premiers mois courant à compter de la date de sa conclusion. La rupture est notifiée et motivée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

III. - Les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi au sens de l'article L. 351-1 du code du travail, ayant été titulaires du contrat mentionné au I pendant une durée minimale de deux mois d'activité ont droit à une indemnisation proportionnelle à la durée effective de leur contrat.

Ces travailleurs ont droit à une validation des acquis de l'expérience, un bilan de compétence et un accompagnement spécifique par les services de l'Agence nationale pour l'emploi. Ces services font aussi au salarié des offres de formation complémentaire.

La parole est à M. Philippe Nogrix.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Le groupe Union centriste-UDF attache beaucoup d'importance à cet amendement. Il vise à remplacer le CPE par un « contrat progressif ». En effet, le dispositif du CPE ne nous semble pas une bonne mesure.

Le CPE se caractérise par quatre éléments : il s'agit d'un CDI réservé aux moins de 26 ans, dans les entreprises de plus de vingt salariés, qui débute par une période de deux ans, au cours de laquelle l'employeur peut licencier le salarié sans justification.

Or, de ces quatre éléments, trois sont inacceptables.

Tout d'abord, nous ne voyons aucune raison pour que la précarité soit liée à l'âge des salariés ou à la taille de l'entreprise. Ce faisant, vous concentrez toute la flexibilité, donc toute la précarité, sur les plus fragiles, c'est-à-dire les plus jeunes et les plus petites entreprises.

Ensuite, l'absence de justification pour rompre un CPE est tout simplement inadmissible. Comme le faisait remarquer mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, même Mme Thatcher n'avait pas osé prendre une telle mesure !

C'est même illégal ! Une telle disposition est en effet contraire à nos engagements internationaux et ne résistera pas à l'épreuve de la jurisprudence. Licencier sans justification ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons de la justice, de l'équité sociale et de la capacité de recours.

Enfin, le CPE pourrait bien, comme son « grand frère » le CNE, ne créer que très peu d'emplois. Il semble procéder d'une analyse erronée de la nature du chômage des jeunes : ce chômage résulte davantage d'une absence de rencontre entre l'offre et la demande de travail que de la nature du contrat de travail.

La formation des moins de 26 ans, y compris de ceux qui ont suivi des études supérieures, n'est souvent pas en adéquation avec les besoins réels en termes de main-d'oeuvre, et c'est bien là notre problème.

C'est donc au niveau de la formation que tous les emplois se jouent, comme le révèle le très intéressant rapport d'Henri Proglio, paru le 15 février dernier, que certains ont déjà mentionné. Je suis certain qu'il en sera encore question d'ici à la fin de cette semaine.

Nous tirons de ce rapport une conclusion simple : il faut immédiatement enterrer le CPE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Nous ne sommes toutefois pas hostiles, par principe, à une simplification de notre droit, bien au contraire. Mais toute flexibilisation doit automatiquement s'accompagner de droits protecteurs des travailleurs. C'est ainsi que nous concevons la couverture sociale en France, et nous y tenons.

Telle est la philosophie à laquelle obéit le CDI à droits progressifs que nous proposons et par lequel nous entendons remplacer le CPE. Ce contrat devra bien entendu être présenté devant les organisations syndicales et patronales et discuté, comme le prévoit la loi Fillon de 2004.

Ce nouveau contrat se caractériserait par quatre éléments.

Premièrement, une période d'essai raisonnable et clairement limitée ; nous suggérons qu'elle soit de six mois.

Deuxièmement, une rupture obligatoirement motivée, donc susceptible de recours.

Troisièmement, un renforcement progressif des droits, au fil du temps, notamment des droits à indemnités des signataires du contrat.

Enfin, quatrièmement, en cas de rupture du contrat, le droit pour le salarié à une validation des acquis de l'expérience, à un bilan de compétences et à un accompagnement spécifique par les services de l'ANPE. Ces services devront également proposer au salarié des offres de formation complémentaire.

Simplification, flexibilité et accompagnement : tels sont, mes chers collègues, les maîtres mots de la proposition de CDI à droits progressifs que nous vous demandons d'adopter.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur quelques travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 649, la commission émet un avis défavorable, car il s'agit d'une nouvelle rédaction de l'article.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Crc

Cet amendement n'a pas été défendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Seul le rapporteur a la parole pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 501, puisque l'amendement n° 649 n'a pas été défendu.

Vives protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Quant à l'amendement n° 501, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les arguments développés par Philippe Nogrix. Peut-être nous approcherons-nous un jour d'un « contrat progressif », mais ce n'est pas d'actualité.

Je ne peux donc qu'émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances

Cet amendement tend à instituer une nouvelle forme de CDI. Or, notre priorité, c'est l'emploi des jeunes ! C'est la raison pour laquelle le CPE leur est réservé.

Une réflexion sur l'évolution globale des contrats de travail, en association avec les partenaires sociaux, a par ailleurs été demandée par le Premier ministre. Une concertation s'engagera prochainement.

Debut de section - Permalien
Azouz Begag, ministre délégué

C'est dans ce contexte qu'une telle proposition devrait être examinée.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le vote étant réservé j'appelle, conformément au règlement, l'amendement suivant.

L'amendement n° 650, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le I de cet article.

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais tout d'abord vous faire observer que je me tenais debout, prête à défendre l'amendement n° 649.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Malheureusement, vous n'avez pas regardé de mon côté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

MM. Jean-Pierre Bel, Guy Fischer et Roland Muzeau. Rappel au règlement !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Il n'y a pas lieu de faire un rappel au règlement ! L'amendement n° 649 était déposé par M. Muzeau, M. Fischer, M. Autain et Mme Hoarau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Effectivement ! Je vous ai demandé si vous souhaitiez vous exprimer sur cet amendement et vous avez répondu non !

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Non, seule Mme Didier a la parole, sur l'amendement n° 650 !

Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, je demande une explication !

Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Non, monsieur Fischer, n'insistez pas ! Vous trouverez les explications dans le règlement ! J'applique le règlement à la demande du président de la commission des affaires sociales et avec l'accord du Gouvernement !

Brouhaha sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Dites-nous simplement s'il y aura un vote bloqué sur tous les amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Nous ne sommes plus au temps du Soviet suprême !

Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Huées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, où plusieurs sénatrices et sénateurs se lèvent.

Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Vous ne pouvez faire un rappel au règlement que si le président de séance vous y autorise. Or, en cet instant, je ne vous y autorise pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

J'en ai suffisamment accepté pendant tout l'après-midi !

Poursuivez, madame Didier !

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le président, je suis très peinée de n'avoir pas pu défendre l'amendement n° 649. Mais, finalement, je pourrai tout de même aborder le sujet qui nous préoccupe.

L'amendement n° 650 tend à supprimer le I de l'article 3 bis. Nous supposons en effet que la suppression complète de cet article sera refusée. Vous vous doutez donc bien que nous avons déposé des amendements de repli.

Selon nous, la majorité des Français sont hostiles à la mise en oeuvre du CPE. C'est au moyen de l'article 49-3 que le Gouvernement a fait adopter ce dispositif par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. Les salariés, les jeunes et les syndicats sont mobilisés. Nous ne doutons pas qu'ils feront entendre leur voix.

Personne n'est dupe : le CPE, après le CNE, n'est finalement qu'un cheval de Troie destiné à faciliter la destruction du code du travail tel qu'il existe actuellement. Pour le Gouvernement, il n'est absolument pas question de faire quelque chose pour les jeunes. On utilise leurs difficultés et, sous prétexte d'y apporter des solutions, on légitime l'extension de la précarité pour tous. Il nous aurait semblé plus honnête de le dire clairement.

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est targué de trouver la solution miracle au chômage des jeunes diplômés. Il n'en est rien et nous ne sommes pas les seuls à le penser.

Permettez-moi à cet égard de mentionner à mon tour le récent rapport Proglio sur l'insertion des jeunes sortis de l'enseignement supérieur. D'après ce rapport, la réussite de l'insertion « passe par une volonté de nouer avec les jeunes que l'on recrute un engagement durable, notamment en revalorisant le contrat à durée indéterminée comme forme normale d'embauche. La confiance réciproque entre un jeune et l'entreprise qui le recrute est une condition préalable à la construction des compétences et à la réussite professionnelle. »

Le Gouvernement est donc bien le seul, avec le Medef, à être convaincu que quelque chose de positif pourrait résulter de la précarisation des salariés et de la restauration de l'arbitraire patronal. Pour notre part, nous pensons que la lutte contre le chômage des jeunes passe par la mise en oeuvre de parcours professionnels dignes de ce nom et par des emplois stables, dans le respect des avancées sociales qui restent et demeurent des atouts.

Les droits sociaux constituent non pas un obstacle à l'embauche, mais la condition nécessaire au maintien de la dignité des salariés et à la cohésion sociale dont dépend la vitalité économique du pays.

La mise en oeuvre du principe de la lutte pour la vie que le Gouvernement s'évertue à ériger en projet de société ne pourra en revanche rien créer, hormis de la précarité supplémentaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression, puisque nous sommes favorables au texte dans sa rédaction actuelle.

Debut de section - Permalien
Azouz Begag, ministre délégué

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Si, c'est possible ! Si vous n'êtes pas satisfait, apprenez le règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 148, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

contrat première embauche

par les mots :

contrat précarité exclusion

La parole est à M. Roger Madec.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

M. Roger Madec. Monsieur le président, le débat de cet après-midi se déroule de manière scandaleuse !

Vives protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Sommes-nous punis parce que nous parlons trop ?

Le Gouvernement n'a pas la faculté de recourir à l'article 49-3 au Sénat, mais il le fait tout de même de façon déguisée !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

M. Roger Madec. Et votre attitude à l'égard du groupe CRC est encore plus scandaleuse, monsieur le président Gaudin ! Quand on remplace le deuxième personnage de l'État, on fait preuve d'un peu plus de dignité ! Nous ne sommes pas ici dans une « guignolade » de Marseille !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Vous aussi ! Gardez vos commentaires à l'égard du groupe CRC !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. J'applique le règlement ! Voilà huit ans que j'exerce la vice-présidence du Sénat, alors que vous êtes un tout nouveau sénateur ! Vous n'avez aucune leçon à me donner !

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. - Tumulte sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Cet argument-là ne marche pas avec moi ! S'il se passait n'importe quoi dans cette maison auparavant, c'est votre problème et non le mien ! Je représente les Français au même titre que vous !

J'en reviens à l'amendement n° 148. Le CPE, tel qu'il est conçu, présente au moins deux grands défauts.

Il cible les jeunes de manière spécifique, alors que ce niveau de généralité peut et doit être discuté.

Il existe certes une spécificité du chômage des jeunes. Hormis ceux qui sont en milieu scolaire, les jeunes connaissent en effet un taux de chômage presque deux fois supérieur à celui du reste de la population. Il faut cependant aller plus loin, car l'évolution du chômage des jeunes répond en réalité à un double facteur.

D'abord, le chômage des jeunes surréagit à la conjoncture. Lorsque l'on ne crée pas d'emploi et que le chômage s'aggrave, les jeunes en sont les premières victimes, car, souvent embauchés sur des contrats précaires, ils sont licenciés. À l'inverse, lorsque la conjoncture reprend, que le chômage baisse et que l'emploi devient positif, les jeunes sont les premiers à en profiter, car ils sont les premiers et les plus nombreux à se présenter sur le marché du travail.

La première réponse à apporter réside donc dans le soutien à la croissance et à la création d'emplois. C'est ainsi que l'on pourra trouver une solution au chômage des jeunes.

Ensuite, le second facteur du chômage des jeunes est l'évolution à long terme du marché du travail. On peut penser que les formes d'emploi des jeunes sont une anticipation des pratiques d'embauche des entreprises. Les jeunes sont aujourd'hui les plus nombreux à avoir des contrats précaires. Depuis vingt ans, les entreprises ont en effet eu de plus en plus recours à de tels contrats pour procéder à une première embauche. Les jeunes se présentant pour une première embauche ont ainsi été, si j'ose dire, les premiers à en bénéficier.

Cela montre la limite de votre CPE. Celui-ci n'aura pas pour effet de limiter la précarité, qui est déjà la réalité chez les jeunes. Il ne fera que l'accompagner et il n'apportera aucune solution concrète.

On est en droit de se demander si les jeunes sont concernés par un problème qui leur serait totalement spécifique ou s'ils ne sont pas au contraire les premières victimes des pratiques d'embauche précaire. Dans cette hypothèse, cela signifierait que la seconde action à engager devrait porter non seulement sur la croissance, mais également sur le comportement de recrutement des entreprises. Il faudrait notamment combattre le recours au contrat précaire, grâce par exemple à la modulation des cotisations sociales en fonction des comportements d'embauche des entreprises. Nous proposons un tel dispositif.

Par ailleurs, outre que votre mesure est trop ciblée et qu'elle ne prend pas en compte la réalité du marché du travail, elle repose sur erreur d'appréciation : elle tend à globaliser la jeunesse en recherche d'emploi et à lui appliquer une mesure générale, alors que les situations sont bien différentes, en particulier selon le niveau de qualification.

Faut-il rappeler à cet égard que 660 000 jeunes quittent chaque année l'école avec au mieux un brevet et que 90 000 en sortent sans aucun diplôme ?

Le CPE s'appliquera à l'ensemble des jeunes, les surdiplômés comme les sous-diplômés. Son unique conséquence sera d'étendre la précarité. L'effet de substitution et l'effet d'aubaine joueront à plein. À partir du moment où vous prévoyez une exonération des charges sociales pour un jeune au chômage depuis six mois, les entreprises seront nécessairement tentées de reporter le recrutement du jeune à l'issue de cette période plutôt que de l'embaucher directement à son entrée sur le marché du travail. Vous aggraverez ainsi la précarité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Cet amendement tend à modifier l'intitulé du CPE, en remplaçant le terme « première » par celui de « précarité ».

Vous comprendrez que la commission émette un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Azouz Begag, ministre délégué

Le Gouvernement émet également, bien entendu, un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Falco

La démocratie, c'est la discussion, et non pas l'obstruction !

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Vous en étiez pourtant des laudateurs, à l'époque !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, M. de Rohan nous cherche !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Voulez-vous que nous parlions de la monarchie absolue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 147, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

A la fin du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

contrat première embauche

par les mots :

contrats premières embauches

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, je regrette tout de même que l'égalité des droits en matière de parole ne soit pas respectée au Sénat !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Allez, chers collègues de droite, travaillez un peu !

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Il est indéniable que vous cherchez à imposer une mesure générale en invoquant divers prétextes et en ignorant les situations particulières.

Les données fournies par vos propres services, le CEREQ, la DARES et l'INSEE, reconnaissent que la situation de précarité est extrêmement grave pour une partie de la jeunesse. Si la situation est grave pour beaucoup de jeunes, elle n'est pas aussi noire pour nombre d'autres jeunes. Il faut d'ailleurs s'en féliciter, car, sans cela, ces jeunes et, d'une manière générale, tous les salariés auraient réagi d'une tout autre manière.

Dans son étude sur la « Génération 2001 », le CEREQ a suivi l'évolution des jeunes pendant trois ans. Ainsi, 270 000 d'entre eux bénéficient d'un CDI dès leur premier emploi, ce qui signifie que la majorité n'en a pas. Avec le CPE, ces 270 000 jeunes qui entraient jusqu'à présent dans l'emploi avec un CDI y entreront désormais avec un CPE. Autrement dit, au lieu de bénéficier des garanties qu'offre le CDI, ils subiront la précarité inhérente au CPE. Est-ce ainsi que vous prétendez résoudre le problème de la précarité ? En quoi cela aura-t-il fait évoluer la situation des 160 000 jeunes les plus en difficulté qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification ?

Vos services nous permettent de travailler sur de bonnes bases : l'INSEE vient en effet de publier son rapport de janvier 2006 sur la situation des jeunes : en 2003, 58 % des jeunes actifs ont bénéficié d'un CDI quatre trimestres d'affilée, soit beaucoup moins que la moyenne des salariés. Ces 58 % de jeunes seront demain condamnés au CPE. Quant aux 42 % restant, ils ne bénéficieront pas d'une insertion professionnelle, le CPE n'étant pas en mesure de faciliter celle-ci.

Vous voulez nous faire croire que ces jeunes, qui ne maîtrisent parfois même pas les connaissances fondamentales, pourront entrer directement dans l'entreprise par le biais du CPE. Vous avez déjà tenu ce raisonnement s'agissant du contrat jeunes. Celui-ci n'ayant pas fonctionné, vous avez été contraint de le modifier à deux reprises. En 2002, vous avez instauré un contrat réservé aux jeunes de moins de vingt-deux ans de niveau 5 bis et 6, soit aux moins qualifiés d'entre eux. Vous avez dû ensuite porter cette limite d'âge à vingt-cinq ans. Vous avez reconnu que les emplois étaient plutôt occupés par des jeunes qualifiés, ceux-là mêmes à qui vous destinez le CPE. Aucune solution n'est en revanche apportée à ceux qui ne sont pas qualifiés.

Dans le meilleur des cas, vous commettez une erreur de diagnostic, laquelle vous conduit à déroger au droit du travail et à commettre une faute vis-à-vis des jeunes.

Avec le CPE, vous allez précariser tous ceux qui ne le sont pas ? vous noircissez le tableau à dessein ?, sans offrir de solution à ceux qui connaissent le plus de difficultés et pour qui des dispositifs spécifiques, associant une protection, une rémunération, un accompagnement et une formation, seraient nécessaires.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Le délai de trois mois prévu entre deux embauches éventuelles d'un salarié par la même entreprise, j'y insiste, est destiné non pas à encadrer la multiplication des CPE mais, au contraire, à éviter que ce contrat ne soit détourné de son objectif - cela devrait vous faire plaisir !-, à savoir aboutir à la conclusion d'un CDI à la fin de la période de consolidation.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Azouz Begag, ministre délégué

M. Azouz Begag, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le vote est réservé.

L'amendement n° 670, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ce contrat de travail n'ouvre droit à aucune exonération de charges.

La parole est à M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, tout à l'heure, vous avez dit que nous n'étions pas au Soviet suprême. Que M. de Rohan utilise cet argument d'un autre temps ne m'étonne guère, mais je suis très surpris que vous l'employiez à mon encontre !

Par ailleurs, nous dénonçons l'artifice employé par le Gouvernement, et sa majorité, bien sûr, avec la présentation groupée des amendements, d'autant que M. le rapporteur émet systématiquement un avis défavorable sur nos amendements, sans donner le moindre argument. C'est la première fois que je vois un rapporteur prendre la parole sur un article, ce qui signifie qu'il n'interviendra plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. ²L'article 49-3 de la Constitution ne s'appliquant pas au Sénat, vous utilisez l'article 44 de notre règlement. Une fois achevée la présentation des amendements, nous n'aurons même pas la possibilité d'expliquer nos votes ! Et vous dites que vous ne bâillonnez pas l'opposition ?

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J'en viens à la présentation de l'amendement n° 670.

Celui-ci vise à garantir que le CPE ne pourra en aucun cas ouvrir droit à une quelconque exonération de charges pour les employeurs. Ils ont tout et ils veulent toujours plus !

Bravo ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le CPE permet aux employeurs de « s'offrir » de jeunes salariés - diplômés ou non - en supportant un minimum d'obligations, ce contrat étant totalement dérogatoire au droit commun du travail. Il serait donc totalement inacceptable qu'ils puissent, en plus, bénéficier d'avantages financiers sous forme d'exonérations de charges sociales.

Rien de précis n'est mentionné sur ce point à l'article 3 bis. Ce silence pourrait laisser croire que le dispositif du CPE exclut toute exonération. Mais les choses ne sont pas si simples. En réalité, les employeurs pourront bénéficier d'une réduction de charges sur les bas salaires ; c'est la réduction « Fillon », applicable de manière dégressive jusqu'à 1, 7 SMIC.

De plus, le CPE ouvrira droit au soutien de l'État à l'emploi des jeunes dans les conditions définies à l'article 5 du projet de loi. On ne relève en effet, à la lecture des articles 3 bis et 5, aucun obstacle à un quelconque cumul ; M. Gérard Larcher l'a confirmé en commission.

Il est dans la logique de votre gouvernement et de la majorité parlementaire de diminuer en toute occasion les charges patronales, celles pesant sur les salariés ne cessant, en revanche, d'augmenter au fil des années.

Madame Parisot, que le Gouvernement écoute avec beaucoup d'attention, rappelait récemment : « Nous n'avons pas les moyens de rémunérer le travail à la hauteur qu'il mérite », les charges étant, bien sûr, « écrasantes ».

J'en déduis, monsieur le ministre, que les salariés - très nombreux, selon vous - qui seront rémunérés par le biais des chèques emploi-service universel, les CESU, n'ont rien à craindre sur ce point : ils seront bien payés. En effet, grâce à votre loi, les employeurs bénéficieront, selon vos propres estimations, de 500 millions d'euros d'exonérations diverses, ce grâce à une exonération de charges sociales et à un crédit d'impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mais il est vrai que, pour le MEDEF, comme pour votre gouvernement, plus de 20 milliards d'euros d'exonérations de charges par an, comme c'est désormais le cas, ne sauraient suffire.

Voilà quelques jours, un rapport officiel du ministère du travail a été remis aux partenaires sociaux. Il y est indiqué que, en juillet 2004, la proportion de salariés du secteur privé payés au minimum atteignait le taux record de 15, 5 %, soit 2 360 000 personnes. Et ce taux n'a cessé d'augmenter ! Par ailleurs, il est également indiqué dans ce rapport qu'un tiers des salariés à temps partiel sont rémunérés sur la base du SMIC. Plus globalement, les salaires ont tout juste augmenté de 0, 1 % en trois ans.

La réalité, c'est que la politique d'exonérations de charges, qui s'intensifie, a eu pour effet de créer une vaste « trappe aux bas salaires ». Aujourd'hui, près de 38 % des rémunérations versées sont inférieures à 1, 33 SMIC, soit 1 273 euros net. En conséquence, des millions de femmes et d'hommes connaissent des difficultés croissantes pour boucler les fins de mois.

Cette politique a aussi pour résultat, contrairement à ce que prétendent le MEDEF, le Gouvernement et la droite parlementaire, de dévaloriser le travail.

Le CPE constitue déjà en soi une forme de dévalorisation du travail. S'il bénéficiait d'exonérations de charges, celle-ci ne pourrait que s'accentuer, d'autant que le CPE conduira les jeunes chômeurs à accepter n'importe quel emploi, à n'importe quel niveau de salaire ou de qualification.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Le CPE n'ouvre aucun droit spécifique à des exonérations de charges. En revanche, l'entreprise pourra bénéficier des aides consenties pour certains types de CDI, si les conditions requises sont réunies. Elle pourra, par exemple, bénéficier du SEJE, le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, si le jeune concerné répond aux conditions d'âge, de formation et, bientôt, de résidence dans une zone urbaine sensible.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Azouz Begag, ministre délégué

Cet amendement est superfétatoire. Aucune exonération de charges n'est directement liée au CPE.

Debut de section - Permalien
Azouz Begag, ministre délégué

En effet, le CPE est non pas un contrat aidé, mais un contrat pour lequel est prévu un aménagement des règles du droit du travail pendant la période de consolidation, en contrepartie de droits nouveaux pour le salarié, droits que nous avons à maintes reprises déjà présentés.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le vote est réservé.

L'amendement n° 444, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Au deuxième alinéa du I de cet article, remplacer le mot :

supérieur

par les mots :

inférieur ou égal

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Au mois d'août dernier, le Premier ministre avait justifié la création du CNE en le limitant aux entreprises de moins de vingt salariés. Aujourd'hui, le CPE prévoit également une période d'essai de deux ans pour les jeunes de moins de vingt-six ans.

Force est de reconnaître que votre démarche est transparente ! Vous attaquez le CDI de tous les côtés, prétextant un jour les difficultés des petites entreprises, le jour suivant les difficultés d'emploi de la jeunesse.

Cet amendement vise donc à réserver le CPE aux petites entreprises - telle est d'ailleurs la logique du Gouvernement s'agissant du CNE -, les grandes entreprises en ayant encore moins besoin que les petites.

Cet amendement charitable vise à donner au moins un semblant de cohérence à la politique du Gouvernement. S'il n'y a pas de créations d'emplois, ce serait, selon vous, parce que les salariés prennent trop d'argent à ces pauvres petites entreprises.

Avec 12 milliards d'euros de bénéfices en 2005, pensez-vous vraiment que Total a besoin du CPE ? Jusqu'où allez-vous céder aux demandes du MEDEF ?

Le CPE, pas plus que le CNE, ne permettra pas de créer d'emplois. Les CNE se substituent à d'autres contrats, à des CDI ou à des CDD. Dans ces conditions, pourquoi ne pas essayer de suivre d'autres logiques ? La société, l'économie souffrent aujourd'hui d'un partage des richesses entre travail et capital qui asphyxie les investissements et la consommation.

On le sait, l'écologie, si elle est populaire, peut créer des emplois. Les énergies renouvelables relèvent par nature d'un fonctionnement plus décentralisé, plus riche en gisements d'emplois de toutes sortes. De même, les transports en commun exigent deux fois plus d'emplois et deux fois moins d'énergie que la voiture pour un même nombre de kilomètres-passager.

De plus, les économies d'énergie, par exemple sur l'eau, permettent d'autofinancer les emplois de demain qui les génèrent, qu'il s'agisse d'économies de flux, de techniciens de maintenance, d'animateurs, de pédagogues, d'architectes... Au lieu de gaspiller des ressources naturelles, on utilise des ressources humaines, ce qui est bon pour l'emploi et pour l'environnement.

Un plan d'isolation des logements permettrait de réaliser des économies d'énergie substantielles et constituerait un investissement permettant que les Français paient moins de ces charges qui étouffent les ménages modestes. Voilà comment rendre l'écologie populaire.

Historiquement, nous sommes porteurs, au nom de la solidarité et de la diminution de l'empreinte écologique, d'une revendication historique, d'un choix de civilisation dont nous sommes fiers : le partage des revenus et du temps de travail.

La durée du travail, pour un emploi normal, a très peu baissé : avec les heures supplémentaires, la durée réelle du travail est aujourd'hui de 38, 8 heures en moyenne pour un emploi à plein temps. C'est donc un « partage du travail » assez sauvage qui s'est mis en place, car 3 millions de personnes - les chômeurs - ne travaillent pas du tout, tandis que 19 millions travaillent à temps plein et 4 millions à temps partiel.

Nous avons besoin d'un traité social européen. En effet, l'absence de droit social commun implique mécaniquement un alignement vers le bas si les gouvernants ne sont pas soucieux de la sécurité des salariés. La différence, aujourd'hui, c'est qu'alors que la France avait jusqu'à présent suivi le mouvement de dumping en traînant plus ou moins les pieds elle en est désormais l'initiatrice ! Elle est à la tête du moins-disant social.

Même les Britanniques, après avoir expérimenté une telle période d'essai, ont fait marche arrière, car cela ne fonctionne pas. Mais je vous parle de projet européen, alors que, depuis le 29 mai 2005, votre seul projet pour l'Europe, c'est la baisse du taux de la TVA pour les restaurateurs !

Créer des emplois n'est pas tout, encore faut-il qu'ils soient de qualité. Pour réduire la précarité de l'emploi, il faut négocier, branche par branche, un système de bonus-malus qui incite les entreprises à transformer en emplois stables les emplois précaires. Dans un autre domaine, un tel dispositif de bonus-malus a permis de diviser par deux le nombre d'accidents du travail. Dans le même esprit, pourquoi ne pas encourager les entreprises à « déprécariser » leur organisation ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Bien évidemment, nous ne partageons pas cette analyse. Si le CNE concerne les entreprises de moins de vingt salariés, le CPE, quant à lui, nous l'avons dit et redit, pourra être proposé dans les entreprises moyennes et grandes, comptant plus de vingt salariés.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Azouz Begag, ministre délégué

On dénombre dans notre pays 2, 5 millions de petites entreprises, qui constituent un gisement d'emplois essentiel. Elles représentent en effet 30 % de l'emploi salarié, bien que 1, 5 million d'entre elles ne comptent aucun salarié. C'est à leur intention que nous avons mis en place le CNE. À ce jour, plus de 300 000 CNE ont été conclus, et une étude récente montre qu'un tiers des embauches correspondantes n'auraient pas eu lieu si ce contrat n'avait pas été mis en oeuvre.

Aujourd'hui, ce sont les jeunes que le Gouvernement veut aider au travers du CPE, parce que ce sont eux qui subissent le plus la précarité.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le vote est réservé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Michèle André.