Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, la commission des lois comprend les raisons qui conduisent nos collègues des finances à demander l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Mais, si la commission des lois a fait un choix inverse, ce n’est évidemment pas pour couper les vivres aux collectivités ; c’est pour exprimer vigoureusement sa préoccupation sur l’évolution de leurs ressources et sur le principe de leur autonomie financière, à la lumière de ce projet de loi de finances comme du projet de loi de programmation des finances publiques.
Exprimer notre préoccupation, c’est d’ailleurs à peu près tout ce que nous pouvons faire, étant donné les règles de la discussion budgétaire qui corsètent le pouvoir d’initiative du Parlement.
La mission « Relations avec les collectivités territoriales » elle-même est marquée par des évolutions contrastées.
Les dotations de décentralisation, destinées à compenser des charges transférées aux collectivités, sont gelées depuis 2009, et leur lente érosion due à l’inflation se poursuivra l’an prochain. En dix ans, elles auront perdu près de 9 % de leur valeur réelle.
S’agissant des dotations d’investissement, le Gouvernement assume les engagements passés, mais il réduit la voilure pour les années à venir, puisque les autorisations d’engagement diminuent, elles, de près de 13 %. Si l’on peut saluer la pérennisation de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, sa hausse affichée masque d’importants changements de périmètre.
En outre, les dotations d’investissement librement distribuées par les préfets viennent peu à peu se substituer aux ressources dont les collectivités disposent en propre pour investir. Les nouvelles règles prévues par le projet de loi de programmation ne feront qu’aggraver cette tendance, contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. Les élus locaux, au travers de leurs associations représentatives, nous l’ont dit : la DSIL est un outil de recentralisation ! C’est pourquoi la commission des lois a déposé plusieurs amendements destinés à renforcer le rôle des parlementaires et des élus locaux dans l’attribution de ces subventions.
D’une manière plus générale, la commission des lois s’inquiète pour l’autonomie financière des collectivités territoriales, qui est l’un des piliers de notre droit de la décentralisation. La réforme de la taxe d’habitation fait planer de lourdes incertitudes sur les communes et intercommunalités : si le mécanisme du dégrèvement préserve leurs ressources et leur pouvoir de taux, le Gouvernement envisage expressément de supprimer ou de limiter ce pouvoir de taux à l’avenir. J’espère d’ailleurs, madame la ministre, que vous pourrez nous apporter des éclaircissements sur ce sujet précis.
Plus largement, l’autonomie financière des collectivités territoriales est mise à mal par la disparition progressive des impôts locaux et leur remplacement par des impôts nationaux transférés, sur lesquels nos collectivités n’exercent en général plus aucun pouvoir de taux ou d’assiette. La différence entre fiscalité transférée et dotations est largement surestimée, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays européens. Tout cela tient au fait que la notion de « ressources propres » des collectivités a été définie de manière très large, trop large, peut-être, par la loi organique du 29 juillet 2004. Il faudra un jour réfléchir à sa modification.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des lois a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de cette mission.