Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous examinons ce matin, dans le cadre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », l’affectation d’une enveloppe de 3, 8 milliards d’euros, soit 3, 6 % des 104, 6 milliards d’euros de concours de l’État aux collectivités territoriales. C’est peu, mais c’est un zoom qui permet d’appréhender cette relation en la replaçant dans son contexte.
De 2014 à 2017, les collectivités, appelées à participer à l’indispensable effort de redressement des comptes publics, ont été au rendez-vous. En 2014, 2015 et 2016, leurs dépenses ont diminué de 0, 1 %, 1 % et 0, 8 %, alors que l’objectif d’évolution de la dépense publique locale, l'ODEDEL, prévoyait respectivement des augmentations de 1, 2 %, 0, 5 % et 1, 9 %. Bilan : 21 milliards d’euros d’économies, 12 milliards d’euros de plus que prévu par la précédente loi de programmation des finances publiques.
Ainsi, la réduction du déficit public a été supportée à hauteur de 60 % par les administrations publiques locales, alors que celles-ci ne représentaient que 20 % des dépenses. Cet effort, mené de manière responsable, a atteint ses limites et pèse aujourd’hui sur les dépenses d’investissement, qui ont baissé de 3 % en 2016.
Alors que la croissance repart, que les comptes publics s’améliorent et que le déficit ne devrait plus dépasser 3 %, c’est encore aux collectivités que le Gouvernement demande de faire des efforts. C’est à la fois injuste et inefficace.
Injuste, car elles ont tenu leurs engagements. Bon nombre d’entre elles, pour continuer de maîtriser, voire de baisser leurs dépenses, devront remettre en cause non plus des dépenses superfétatoires, mais des services rendus à la population. La plupart des collectivités territoriales ont atteint l’os, si je puis utiliser cette expression : il n’y a plus rien à gratter.
Inefficace, car, au bout du compte, la variable d’ajustement sera leur capacité d’autofinancement, et donc d’investissement. Cela ne sera pas sans effet sur l’économie, en particulier sur le secteur du BTP, et donc sur l’emploi.
Si l’on peut souscrire à la fixation d’un objectif d’évolution des dépenses des collectivités, une progression en valeur et par an de 1, 2 %, inflation comprise, est intenable.
À ce sujet, le rapporteur général de la commission des finances a démontré que l’évolution tendancielle des dépenses retenue était largement sous-estimée, excluant les efforts déjà réalisés et ne prenant pas en compte la non-indexation sur l’inflation des rémunérations des fonctionnaires territoriaux. Ainsi, l’objectif est d’atteindre non pas 13 milliards d’euros d’économies, mais 21 milliards d’euros, ce qui équivaut, soyons-en assurés, à une baisse nette des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales.
De même, le plafonnement des ratios d’endettement, dit « règle d’or renforcée », pénalisera les investissements. Prenons l’exemple d’un département peu endetté en 2017 qui décide d’investir massivement dans le déploiement de la fibre optique en 2018 et en 2019, en prévoyant d’amortir cet investissement par l’intermédiaire d’une redevance sur trente ans. Ce département verrait son ratio exploser et pourrait être pénalisé, alors même que son investissement est utile et amorti.
Concernant ce que le Gouvernement appelle pudiquement « le mécanisme de correction en cas d’écart entre les objectifs fixés et la réalisation », les élus locaux le vivent comme un dispositif particulièrement déplaisant et infantilisant. Ils sont responsables, et il ne semble pas judicieux de brandir la règle pour leur taper sur les doigts, d’autant que, en l’espèce, le maître, c’est-à-dire l’État, est loin d’être irréprochable.
Madame la ministre, les élus sont inquiets face à votre volonté d’aller trop loin dans l’obligation que vous leur faites de réaliser toujours plus d’économies et de renoncer aux politiques publiques qu’ils ont mises en place au bénéfice de leur population.
Ils sont inquiets, car une part des économies se fera sur le dos des agents de la fonction publique territoriale, qui verront leur point d’indice gelé et le jour de carence rétabli.
Ils sont inquiets parce qu’ils ne partagent pas le pari du Gouvernement sur la baisse des dépenses sociales, en particulier celles qu’engagent les départements pour le RSA, qui pourrait bien être démentie par les chiffres du chômage, toujours à la hausse.
Ils sont inquiets, madame la ministre, de cette suppression progressive de la taxe d’habitation, bienvenue pour les contribuables, mais qui ne résout en aucune façon les inégalités entre ces derniers ni entre les communes. En revanche, elle distend un peu plus le lien civique entre l’impôt et le citoyen.
Le Président de la République nous promet une grande réforme de la fiscalité locale en 2020. Soit. Mais qui peut croire que l’on reviendra sur l’effacement de la contribution des ménages, sous quelque forme que ce soit ? La remise en cause de la taxe d’habitation, certes injuste et inefficace, aurait mérité une véritable réforme de la fiscalité.
J’en viens maintenant aux quelques articles de la mission que nous examinons.
On ne peut que constater, pour le regretter, madame la ministre, que les dotations de décentralisation versées à la suite de transferts ou de maintien de compétences, qui sont gelées depuis 2009, poursuivent leur lente érosion.
Si la pérennisation de la dotation de soutien à l’investissement public local, la DSIL, est une bonne décision, il convient tout de même d’en relativiser la portée, en relevant que l’ensemble des dotations d’investissement subissent une coupe sévère en autorisations d’engagement, due, pour l’essentiel, à la non-reconduction des fonds de soutien aux régions et à la suppression de la réserve parlementaire.
Je regrette, par ailleurs, l’intégration de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle du bloc communal – elle baisse de 8 % – aux variables d’ajustement, ce qui va pénaliser les territoires anciennement industrialisés. Cette décision suit l’intégration, en 2017, du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle aux mêmes variables d’ajustement. Celui-ci baisse de 17 % cette année, ce qui n’est pas acceptable pour les communes défavorisées qui en bénéficient.