M. Proglio devient très célèbre, mais il n'est guère cité - je ne sais pourquoi - par le Gouvernement !
L'autorisation de licencier sans motif que donne le CPE est un facteur d'instabilité pour la personne recrutée. Les premiers recours examinés par les prud'hommes pour licenciement dans le cadre d'un contrat nouvelles embauches le prouvent.
Certaines entreprises ont exploité à fond l'aubaine que constituait ce dispositif, en renvoyant des salariés coupables, selon elles, d'avoir demandé le paiement de leurs heures supplémentaires, d'être tombés malades ou d'avoir annoncé une grossesse. Il s'agit de licenciements « pour l'exemple », destinés à indiquer clairement les nouvelles règles du jeu : on se soumet ou on est démis !
On ne peut pas promettre la liberté de licencier à volonté, sans obligation de motiver la décision, et jouer les étonnés quand les employeurs y recourent. C'est toujours la pratique qui révèle l'esprit des lois. Cette loi est inique et son usage ne peut que produire de l'injustice.
Le pire, c'est que cette façon de procéder risque fort d'induire des effets pervers sur notre société. Selon François Vergne, avocat : « Aux États-Unis, où l'on embauche et licencie à volonté, les salariés contestent leur licenciement en arguant d'une discrimination du fait de leur couleur, de leur âge, de leur orientation sexuelle ou de leur appartenance philosophique ».
Non seulement le contentieux risque de se développer énormément, mais, une fois placé le droit sur le terrain de la morale et de l'identité, il y a fort à parier que les frustrations en seront aggravées sans que les jugements y gagnent en lisibilité. On rompt ainsi la solidarité qui pouvait exister entre salariés, pour les renvoyer à ce qui les différencie : ce n'est plus l'existence d'un droit commun qui sera protecteur, mais la référence à une communauté « victimisée », ou à une identité bafouée. C'est, à terme, réduire les hommes à l'état de victimes absolues, et non pas les considérer comme des citoyens autonomes, faisant appel aux juges pour faire respecter les lois.
Avec ce type d'approche, la jurisprudence du licenciement risque de se retrouver toujours plus contestable, sans offrir de sécurité juridique à qui que ce soit. Vous allez ainsi à l'encontre du but qui est le vôtre, à savoir l'impossible judiciarisation du monde du travail.
Oui, ce projet de loi est économiquement aberrant, juridiquement dangereux et, surtout, humainement désespérant. En disant à la jeunesse que le seul intérêt que l'on ait à l'employer, c'est de pouvoir la limoger facilement, vous opposez une fin de non-recevoir abrupte à ses attentes. Avec un contrat aussi précaire, c'est son insertion dans la vie active que vous pénalisez et son existence d'adulte que vous fragilisez.