Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il n’est pas anodin de trouver dans le titre de cette mission dédiée aux collectivités territoriales le terme « relation ».
Une relation, cela suppose deux parties qui, si elles peuvent ne pas toujours s’apprécier, sont tenues en revanche de se respecter et de s’entendre. Cela exclut donc toute velléité de domination de l’une sur l’autre ; en un mot, cela nécessite de la confiance réciproque.
Or force est de constater que, entre l’État et les collectivités, le courant ne passe plus. La défiance règne en maître de chaque côté. J’ai été maire, je sais que ces élus, dans une large majorité, bénévoles, qui ne comptent pas leurs heures, sont chaque jour confrontés à des choix impossibles, enserrés entre le marteau et l’enclume, entre nos concitoyens, qui attendent beaucoup de ceux qu’ils considèrent comme le premier représentant de l’autorité ou la dernière protection, et l’État, qui leur demande toujours plus, en leur accordant toujours moins de moyens.
J’ai été président de conseil départemental, je sais les défis auxquels cette collectivité est confrontée : baisse des dotations ; explosion des dépenses sociales, dont le RSA, qui ne sont pas compensées par l’État, alors qu’il est, paradoxalement, chargé de la lutte contre le chômage ; prise en charge exponentielle des mineurs étrangers isolés, alors que le sujet des flux migratoires relève de l’État seul. Ainsi, les départements assument les défis que l’État veut ignorer.
Pour avoir longtemps été député avant d’être sénateur, je sais l’exercice convenu et l’outil de communication politique que le budget représente pour tout nouveau gouvernement, mais je vous invite ici à en sortir.
Ce premier budget doit être pour vous l’occasion d’envoyer un message fort à tous les élus qui se battent sur le terrain avec les moyens limités dont ils disposent pour pallier, budget après budget, les manquements de l’État, aux abonnés absents lorsqu’il s’agit de mettre la main au portefeuille.
Car, à l’inverse, pour imposer des contraintes, transférer des compétences ou créer de nouvelles charges, l’inventivité de certains comptables à Paris atteint des sommets, bien loin des réalités et de l’implication concrète de ces mesures sur la vie quotidienne de nos compatriotes.
Ce premier budget doit être l’occasion de revenir sur des signaux particulièrement hostiles à l’égard des collectivités. Que dire de la suppression brutale des contrats aidés ? Que dire de la suppression de la réserve parlementaire et de sa transformation en un dispositif recentralisé et inégalitaire ? Que dire de la baisse des aides personnalisées au logement, les APL, dont l’impact est très important pour les collectivités ? Que dire de la baisse de 300 millions d’euros de crédits, concernant notamment la DETR, décidée dès juillet dernier, avant même d’avoir rencontré les élus locaux ?
Une relation, cela ne veut pas dire : décider et imposer. Pourtant, à s’y méprendre, ce premier budget ressemble à cela, pour trois raisons.
Premièrement, les objectifs d’économie assignés aux collectivités locales ne tiennent en aucune manière compte des efforts déjà consentis et réalisés, qui ont permis à la France de respecter ses engagements européens. Vous promettez le bâton aux collectivités qui ne respecteraient pas une augmentation inférieure à 1, 2 % en valeur des dépenses de fonctionnement, sans, pour autant, proposer la moindre carotte.
À titre d’exemple, le conseil départemental de l’Oise, que j’ai eu l’honneur de présider jusqu’en septembre dernier, a réalisé plus de 80 millions d’euros d’économies en deux ans, sur 250 millions d’euros de budget de fonctionnement hors dépenses contraintes, et ce sans augmenter ni les impôts ni la dette et en préservant l’investissement.
Ce n’était pas mon choix, c’était une obligation au regard de la situation financière de la collectivité. Il est tellement plus facile de dire que tout va bien et de cacher les problèmes sous le matelas ! Il s’agit d’un effort sans précédent, qui implique des choix clairs et assumés en termes de réduction de la masse salariale, notamment. Demain, demanderez-vous de nouveaux efforts à cette collectivité ?
Deuxièmement, la stabilité des engagements financiers de l’État ressemble à un trompe-l’œil, car, s’il faut saluer la quasi-stabilité des crédits, notamment le maintien de la DGF au même niveau que l’année précédente, certaines inquiétudes demeurent. Je pense à votre volonté d’inclure dans le périmètre des variables d’ajustement la DCRTP du bloc communal. Ce choix est très contestable, car l’État revient ainsi sur l’engagement pris en 2009 de compenser intégralement les pertes de recettes subies par les collectivités territoriales en raison de la suppression de la taxe professionnelle.
Troisièmement, j’aborderai la réforme de la taxe d’habitation. Si une réforme de la fiscalité locale paraît opportune et souhaitable, pourquoi ne pas prendre le temps de la considérer dans son ensemble ? Pourquoi l’envisager par le petit bout de la lorgnette ? Même en mettant de côté le risque constitutionnel important et les gains économiques contrastés pour les particuliers, le mécanisme proposé conduit à une perte d’autonomie financière pour les communes et menace leur survie. D’un côté, vous leur refusez une recette dynamique et, de l’autre, vous la compenserez à l’image de ce qui a été fait pour la taxe professionnelle. Mais nous savons tous ici ce que signifie « compensation par l’État », madame la ministre !
Pire encore, cette décision distend toujours davantage le lien entre les Français et l’utilisation de leurs impôts, brouille leur lisibilité et alimente le ras-le-bol fiscal.
En réalité, vous demandez à d’autres les efforts que vous refusez de faire pour vous-même. Madame la ministre, ayant été maire d’une métropole, on ne saurait vous taxer d’être ignorante sur cette question.