Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 27 février 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 3 bis priorité

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Mais je vous pose la question, avec votre contrat première embauche, quel regard portez-vous sur la jeunesse de notre pays ? Un regard de vieux, et de vieux nantis. Et quel avenir lui proposez-vous ? Tout d'abord, vous discréditez notre enseignement général, professionnel et supérieur en mettant d'emblée en doute la capacité des jeunes à entrer efficacement dans la vie active. Si doute vous avez sur ces enseignements, alors, il faut améliorer leurs programmes, leurs méthodes, leurs moyens d'action, c'est-à-dire conduire une politique qui soit tout le contraire de celle que vous menez depuis quatre ans.

Une fois muni d'un CPE, tout jeune va faire l'apprentissage de la précarité et de la dépendance.

Précarité angoissante, puisque, en cas de rupture du contrat, il se trouvera quasiment sans protection juridique, sans droit de défense, et sans enseignement à tirer de son apparent échec puisqu'il n'aura aucune explication. L'absence de motif laissera aussi le champ libre à n'importe quelle interprétation par d'éventuels futurs employeurs. Un tel dispositif, cela a été rappelé, contredit la convention 158 de l'OIT, reprise à l'article 24 de la Charte sociale européenne et clairement réaffirmée par le Conseil d'État dans sa décision du 19 octobre 2005.

Apprentissage de la dépendance, aussi : en effet, beaucoup de jeunes sont déjà maintenus trop longtemps dans la dépendance à l'égard de leur famille en raison de la situation de l'emploi, et en raison de la spéculation foncière et immobilière qu'encourage votre politique et qui rend si difficile, pour les jeunes travailleurs, l'accès à un logement autonome.

Dépendance accrue à l'égard de l'employeur, ensuite, par cette invention qu'est le CPE. D'abord, en raison de cette précarité que j'ai soulignée, mais aussi parce que, pendant deux ans, et quelles que soient ses performances professionnelles, le jeune salarié hésitera forcément à faire l'apprentissage de l'engagement syndical. Cet engagement est pourtant la voie nécessaire d'une participation effective à la vie de l'entreprise. Or votre gouvernement et votre majorité ne cessent de déplorer hypocritement la faiblesse des organisations représentatives des salariés et l'insuffisance du dialogue social. Tout comme le CNE dans les petites entreprises, le CPE, s'il était adopté, placerait une large fraction de travailleurs en situation objective de soumission à l'égard de leur employeur.

En vérité, s'il faut trouver une flexibilité de l'emploi, celle-ci doit absolument passer par une sécurisation du parcours professionnel et une garantie de formation en entreprise pour le salarié.

La flexibilité qui est organisée par votre CPE humilie les jeunes salariés et les livre à l'arbitraire de certains employeurs. J'en veux pour preuve, ces derniers jours, certains jugements de condamnation prononcés par des conseils de prud'hommes pour rupture abusive d'un CNE, contrat né il y a à peine six mois.

Alors que la plupart des familles, presque dans tous les milieux, vivent une véritable difficulté de dialogue et de compréhension avec leurs enfants, vous donnez aux jeunes en âge de travailler un signe de profonde défiance à l'égard du parcours qu'ils ont déjà accompli et de celui qu'ils seront capables d'accomplir. Comment, alors, leur demander d'être constructifs et solidaires dans une telle société ? Nous voterons donc résolument contre votre projet de CPE.

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