Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 29 novembre 2017 à 21h15
Loi de finances pour 2018 — Enseignement scolaire

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances :

Mon propos risque donc d’être simple jusqu’à la caricature ; j’espère que vous me le pardonnerez.

Sur les grandes masses, nous sommes d’accord. La progression de 2, 5 % est raisonnable, avec une consommation peut-être accélérée des crédits de la loi triennale de programmation.

Une observation un peu plus détaillée révèle que vous payez cher un certain nombre de décisions antérieures, monsieur le ministre. Le financement en année pleine des créations d’emplois atteint 300 millions d’euros, la décision du Gouvernement de compenser la hausse de la CSG vous coûte 400 millions d’euros, de même que le GVT – le glissement vieillesse technicité –, les effectifs de l’éducation nationale étant importants. On retrouve donc l’augmentation du budget de l’éducation de 1, 3 milliard d’euros, hors compte d’affectation spéciale « pensions ».

Il est intéressant de relever que cette évolution s’inscrit dans une politique d’effectifs maîtrisée. Le budget pour 2018 ne devait pas prévoir d’augmentation des effectifs, mais l’Assemblée nationale a demandé qu’ils progressent légèrement, à hauteur de 144 enseignants pour l’enseignement secondaire technique. La commission des finances du Sénat a estimé que cette augmentation était pertinente.

Vous portez sur vos épaules la charge des 55 000 emplois dont la création a été décidée par la majorité et le gouvernement précédents. En année pleine, cela représente 2, 7 milliards d’euros. C’est beaucoup d’argent, de surcroît pour une politique de recrutement de type stop-and-go qui n’est pas particulièrement pertinente, puisque nous avons observé une dégradation de la qualité des candidats aux concours, notamment dans des disciplines importantes comme le français ou les mathématiques.

Vous avez mis fin à cette politique inflationniste, et nous ne pouvons que vous en remercier. Vous avez désormais la responsabilité de mener une politique plus qualitative. Cela apparaît très clairement dans votre choix de rééquilibrer les dépenses en faveur de l’enseignement primaire, une cause qui nous rassemble sur toutes les travées de cet hémicycle. Nous savons tous que c’est dans l’enseignement primaire que se nouent les réussites ou les échecs en matière scolaire. Ce qui n’est pas acquis au cours préparatoire ou en CM1-CM2 pèse sur la suite de la scolarité.

Vous prévoyez la création de 2 800 emplois d’enseignant dans le primaire par redéploiement d’enseignants du secondaire : c’est là une démarche parfaitement responsable, que nous ne pouvons que saluer.

À terme, plus de 11 000 classes seront dédoublées : c’est la première mesure que vous avez mise en place dans l’enseignement primaire, et la plus spectaculaire. La deuxième mesure que je voulais signaler, même si elle est plus modeste en termes de budget – 35 millions d’euros tout de même, contre 15 millions d’euros l’année dernière –, concerne les stages de réussite, qui permettent aux jeunes en fin de primaire de se préparer au collège, tant il est vrai que ce passage constitue une rupture.

Le troisième élément de ce primaire renforcé que vous promouvez –après vos prédécesseurs, soyons honnêtes –, c’est la poursuite des efforts en faveur de la scolarisation des enfants de moins de trois ans.

Enfin, vous donnez satisfaction à la commission des finances, mais aussi à celle des affaires culturelles, en introduisant le principe d’une évaluation des mesures que vous avez engagées en faveur du primaire. Nous avions demandé avec insistance une telle évaluation s’agissant des horaires. Elle a manqué cruellement, jusqu’à ce que vous mobilisiez votre administration pour dresser un premier bilan, d’ailleurs assez ambigu dans ses conclusions et qui ne tranche pas définitivement. Vous avez donc fait le choix de la liberté, personne ne vous le reprochera.

Dans le secondaire, vous n’avez pas remis en cause la réforme du collège, mais vous l’avez assouplie, de manière que les principaux et leurs enseignants puissent faire des choix pertinents établissement par établissement. Ils auront ainsi la possibilité de mettre en place des classes bilangues ou des sections européennes, voire de conforter des enseignements traditionnels dont nous pensons, les uns et les autres, qu’ils sont utiles à la formation de nos cadres : je pense en particulier aux langues dites « mortes », qui sont bien vivantes au regard de la déclinaison et de l’explication des concepts d’aujourd’hui qu’elles permettent.

Concernant le collège, le dispositif « Devoirs faits » constitue une deuxième initiative tout à fait remarquable : plutôt que de faire du macramé ou des colliers en coquillages, les élèves sont gardés dans l’établissement pour continuer à travailler ensemble et traduire par le biais d’un effort personnel ce qu’ils ont appris dans la journée, avec un encadrement assez éclectique, dont vous nous parlerez certainement.

Ces mesures vont dans le bon sens. Reste le problème du baccalauréat. Notre secondaire est coûteux, en particulier son deuxième cycle, parce que la diversité de l’offre aboutit à un surencadrement des élèves. Les mesures que vous avez mises en œuvre avec votre collègue le ministre de l’enseignement supérieur méritent réflexion. Il n’y a pas de sélection pour l’entrée à l’université, pas de prérequis, mais des « attendus », qui vont forcément rejaillir sur le baccalauréat, et donc sur le deuxième cycle du secondaire, c’est-à-dire le lycée.

On sent bien, monsieur le ministre, que vous êtes en train d’engager une évolution qui pourrait permettre de s’attaquer aux faiblesses fondamentales du deuxième cycle de notre enseignement secondaire, dans lequel l’utilisation des moyens n’est sans doute adaptée ni aux réalités budgétaires d’aujourd’hui ni aux attentes des élèves.

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