Intervention de Jacques-Bernard Magner

Réunion du 29 novembre 2017 à 21h15
Loi de finances pour 2018 — Enseignement scolaire

Photo de Jacques-Bernard MagnerJacques-Bernard Magner :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Enseignement scolaire » demeure le plus important de la Nation. C’est une bonne chose.

Si nous avons bien compris, ce projet de budget est bâti selon le schéma dominant suivant : une école efficace pour que chaque élève, à la fin du primaire, sache lire, écrire et compter, ainsi que respecter autrui.

Nous partageons bien évidemment cet objectif, mais comment être sûrs de l’atteindre ? Cela étant, une école efficace est-elle toujours une école juste ? La question centrale est-elle de faire mieux réussir les meilleurs – nous y parvenons assez bien dans notre pays – ou de remédier aux inégalités dont le système éducatif français est le champion ?

L’orientation actuelle, qui consiste à relancer les classes de latinistes ou d’hellénistes, ou encore les classes bilangues, pour quelques-uns seulement, plutôt que d’enseigner une seconde langue dès le plus jeune âge, nous interpelle. L’efficacité scolaire est-elle toujours une garantie de l’équité ? Une école efficace est-elle aussi celle du bien-être et du développement de l’autonomie des élèves ?

Le plan « 100 % de réussite en CP » et le dédoublement des classes dans les REP+ ne suscitent pas d’opposition, car ils participent d’un choix raisonné au bénéfice des élèves des secteurs défavorisés.

Toutefois, monsieur le ministre, vous qui êtes un expert, vous oubliez de rappeler que, dans l’histoire de l’éducation nationale, il y a déjà eu des classes de douze ou quinze élèves. Je les ai moi-même connues comme enseignant. Ces « classes de perfectionnement », comme on les appelait alors, avec des maîtres spécialisés pour des enfants en difficulté, ont montré qu’une diminution des effectifs n’était pas toujours une réponse suffisante pour remédier efficacement aux problèmes des élèves, et que les méthodes et le choix des enseignants comptaient aussi. Pour ces raisons, nous devons donc maintenir la formation que certains de vos prédécesseurs avaient supprimée.

Nous craignons que, pour dédoubler les classes, on assèche le dispositif « Plus de maîtres que de classes » mis en place auparavant et plébiscité par les enseignants. En outre, il faut disposer d’un nombre suffisant de locaux et de personnels. Les dédoublements de CP ne seront pas aussi nombreux qu’annoncé, car, dans beaucoup d’endroits, il faudra construire des locaux en dur. Cela ne s’improvise pas. Ainsi, comme c’était prévisible, la grande promesse de la campagne présidentielle du candidat Emmanuel Macron n’est pas encore près d’être tenue.

Nos craintes paraissent d’autant plus fondées que le projet de budget que vous nous soumettez, monsieur le ministre, porte un coup d’arrêt au recrutement dans le premier degré. Le nombre de postes ouverts aux concours d’entrée dans le métier d’enseignant se resserre dès l’année prochaine. Dans le second degré, il baisse pour la première fois depuis 2012. C’est là un mauvais signal, alors que, après les coupes claires dans les effectifs opérées entre 2007 et 2012 – moins 80 000 postes, je le rappelle –, nous venions à peine de réussir à enrayer la crise du recrutement, grâce à la politique mise en place lors du quinquennat précédent avec la loi de refondation de l’école et la création de 60 000 postes en cinq ans.

J’ajoute que ce coup d’arrêt au recrutement se produit au moment où se profile la réforme du baccalauréat et de l’entrée à l’université, au titre de laquelle le lycée devrait être fortement sollicité, ainsi que nous l’avions préconisé dans le rapport sur l’orientation que j’ai présenté avec mon collègue Guy-Dominique Kennel en décembre 2016.

Par ailleurs, laisser aux acteurs le choix de conserver la semaine de quatre jours et demi ou de revenir à quatre jours ne nous semble pas aller dans le sens de l’intérêt des enfants. Toutes les études que nous avons consultées à ce sujet soulignent combien la concentration des apprentissages sur quatre jours est néfaste pour les enfants, surtout pour les plus défavorisés d’entre eux, qui sont aussi ceux dont les activités périscolaires sont le plus erratiques. L’OCDE avait pourtant noté que la réforme des rythmes éducatifs allait dans le bon sens. Certes, vous n’interdisez pas la semaine scolaire sur neuf demi-journées et vous maintenez les dotations qui s’y rapportent, mais vous faites, comme nous, le constat que la grande majorité des écoles va revenir à la facilité de la semaine de quatre jours, pour des raisons bien éloignées du seul intérêt de l’enfant. Cela marque un point d’arrêt et nous alerte quant à l’avenir de nos jeunes.

De surcroît, la diminution d’une matinée de la durée de la semaine ne semble pas être contrebalancée dans le budget par une augmentation suffisante des mesures d’accompagnement. Le montant des autorisations d’engagement prévues pour les actions éducatives complémentaires aux enseignements et pour la vie scolaire est plutôt de nature à nous inquiéter.

En marge du débat budgétaire, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait nécessaire de fixer enfin, après une large consultation, une semaine scolaire qui convienne réellement au rythme des enfants des écoles de notre pays ? Il n’est pas sain de laisser les intérêts économiques et les influences les plus diverses modeler le fonctionnement de nos écoles.

Si, dans le secondaire, une mesure comme la mise en place du dispositif « Devoirs faits » nous semble juste et conforme aux réformes engagées auparavant, nous nous demandons en revanche si les budgets nécessaires à un accompagnement efficace sont toujours au rendez-vous.

Le recours au numérique est également indispensable pour que notre système éducatif se mette à l’heure du XXIe siècle. En 2017, un important effort a été réalisé dans ce domaine, notamment dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, mais l’on ne voit pas ce qui est prévu pour continuer dans ce sens en 2018.

La grande oubliée de ce projet de loi de finances est la médecine scolaire.

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