Vous souhaitez inscrire dans la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale le principe selon lequel toute disposition tendant à réduire les ressources de la sécurité sociale ou à en modifier l'économie générale doit être actée par la loi de financement la plus proche.
Certes, depuis que les lois de financement existent, c'est-à-dire depuis les ordonnances Juppé de 1996, de nombreuses dispositions législatives, à l'incidence mal évaluée - c'est le moins que l'on puisse dire ! - ont été prises pour modifier l'équilibre des comptes sociaux et pour substituer notamment des recettes fiscales à des cotisations sociales. Il en résulte une fiscalisation de notre protection sociale.
Cet outil a été d'autant plus utilisé que la sécurité sociale cessait d'être gérée directement par les partenaires sociaux et que son budget faisait l'objet d'un projet de loi discuté en urgence !
Parmi les mesures ayant profondément modifié le circuit de financement de la protection sociale, la réduction du temps de travail se révèle presque secondaire au regard des exonérations, souvent non compensées, concernant les contrats aidés, les emplois en zones franches urbaines et en zones rurales, la ristourne générale sur les bas salaires, le dispositif spécifique pour le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, sans oublier, plus récemment, l'exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires « inventée » dans la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA.
Aujourd'hui, 30 milliards d'euros de cotisations sociales ont été remplacés par des recettes fiscales dédiées. Mais 3 milliards d'euros sont perdus du fait d'exonérations de cotisations non compensées.
Enfin, certains revenus demeurent exemptés de toute contribution au financement de la protection sociale ou y sont assujettis pour des montants ridicules. Il en résulte une perte totale de 41 milliards d'euros.
Ces mesures ont contribué à la persistance des déficits de la sécurité sociale et découlent toutes de débats législatifs indépendants de la discussion des lois de financement, celles-ci ne faisant en général que valider les dispositifs adoptés par ailleurs !
Cette persistance des déficits comptables de la sécurité sociale pose clairement, plus encore que ne le fait la proposition de loi, la question de la pertinence des choix opérés depuis 1996.
Elle fait aussi la démonstration que nous devons nous interroger sérieusement sur le bien-fondé de s'en remettre à la discussion parlementaire, sur un projet de loi où les marges de manoeuvre sont pour le moins réduites, pour trancher la question du financement de la sécurité sociale et des priorités de la politique sociale de la nation.
Sans loi organique sur les lois de financement, pas de franchises médicales adoptées au détour d'un article de projet de loi !
Sans loi de financement, pas de campagne de déremboursement massif des médicaments, pas de tarification à l'activité, pas de mise en question de la qualité de la protection sociale des habitants et habitantes de notre pays !
Sur cette proposition de loi, que nous ne voterons pas, que dire ?
Tout d'abord, elle ne fait que poser un principe qui, dans les faits, n'a pas beaucoup de valeur normative. En effet, rien n'empêchera demain Mme Lagarde, par exemple, d'élaborer un projet de TVA sociale et de le faire valider dans le projet de loi de financement le plus proche !
En outre, cette proposition de loi ne pose pas le vrai problème : celui qui tient au fait que l'étatisation de la sécurité sociale n'a pas conduit à l'amélioration du niveau des prestations - c'est un euphémisme - ni à l'équilibre des régimes sociaux.
II est temps, et même grand temps, plutôt que de compliquer un peu plus la loi de financement en en faisant une sorte de passage obligé de toute réforme des prélèvements sociaux, de poser avec force la question de .la renaissance de la démocratie sociale.
Comment pouvons-nous accepter, douze ans après les ordonnances Juppé, que les 25 millions d'assurés sociaux du régime général soient toujours privés du droit de donner leur avis sur la gestion des organismes sociaux ?
Monsieur Vasselle, les assurés de la MSA, la mutualité sociale agricole, tiennent comme à la prunelle de leurs yeux à la faculté de donner leur point de vue sur leur régime par le biais d'élections qui ont lieu au sein de la caisse. Il y a donc deux poids deux mesures ! Je ne comprends pas que vous ne fassiez pas en sorte que les assurés du régime général puissent, eux aussi, avoir le droit de donner leur avis sur la gestion des organismes sociaux. Vous me répondrez sans doute que les organisations syndicales représentatives siègent au sein de ces organismes.