Intervention de Véronique Guillotin

Réunion du 30 novembre 2017 à 10h30
Loi de finances pour 2018 — Budget annexe : publications officielles et information administrative

Photo de Véronique GuillotinVéronique Guillotin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner les budgets de trois missions et un budget annexe.

Les missions « Pouvoirs publics » et « Conseil et contrôle de l’État » appelleront peu de remarques de ma part. Je relève néanmoins que, si les budgets du Sénat et de l’Assemblée nationale sont stables, celui de la présidence de la République progresse de 3 % pour atteindre 103 millions d’euros, alors qu’il stagnait à 100 millions d’euros les années précédentes. Bien que cette hausse soit justifiée par un renforcement nécessaire de la sécurité et la création de la Task Force, en même temps, je crois aux vertus de l’exemplarité, y compris au plus haut sommet de l’État.

Depuis leur création en 1999, les chaînes parlementaires LCP et Public Sénat figurent également dans la mission « Pouvoirs publics ». Leur fusion, propice à la rationalisation, est une évolution que nous soutenons.

Nous accueillons également favorablement la proposition de suppression de la Cour de justice de la République, annoncée par le Président de la République en juillet dernier. Son budget de 861 000 euros apparaît excessif au regard du faible nombre de décisions rendues. En outre, le maintien d’une juridiction d’exception pour les membres du Gouvernement ne peut plus être aujourd'hui compris par nos concitoyens.

Au sein de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », on observe que l’augmentation des effectifs est concentrée sur les organes de sécurité.

Les autorités administratives indépendantes et les services du secteur de la protection des libertés connaissent cependant une stabilisation, voire une diminution de leurs effectifs, ce que nous regrettons. Ainsi, le Défenseur des droits perd cinq ETP, équivalents temps plein.

J’en viens maintenant à la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA, qui conserve des effectifs stables. Ses deux opérateurs, le Centre interministériel de formation anti-drogue et l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, conservent aussi leurs crédits. Nous en sommes satisfaits.

Mon intervention sera centrée sur cette mission.

La MILDECA a pour objectif, grâce à un dispositif transversal, de coordonner les actions à l’échelle nationale. Il est question bien sûr de budget, mais c’est surtout la situation des addictions en France et son évolution qui nous intéressent tous, je crois.

La liste des produits concernés est consultable sur le site internet de la MILDECA – tabac, alcools, stupéfiants, psycho-actifs –, mais le champ des addictions est plus large et s’étend aux addictions sans produits, comme la dépendance aux jeux – jeux d’argent et jeux de hasard – ou aux écrans. Bref, il s’agit d’un problème de comportement, plus que d’un problème lié à l’objet de la dépendance lui-même.

Je ne reviendrai pas en détail sur le tabac, qui a nourri les débats au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et dont personne n’ignore les effets délétères sur la santé, la mortalité évitable et l’impact des pathologies induites sur les comptes sociaux.

Malgré les plans gouvernementaux successifs, la situation de la France vis-à-vis du tabac reste préoccupante. Il en est de même pour l’alcool. Pour ces deux substances, la France caracole dans le peloton de tête des pays de l’OCDE.

Je suis favorable à la hausse des taxes sur le tabac inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, à condition, comme je l’ai déjà dit et comme s’y est engagée Mme la ministre des solidarités et de la santé, qu’elle soit accompagnée de mesures de prévention et de lutte contre la contrebande.

Le cannabis, quant à lui, reste de loin le stupéfiant le plus consommé. Il est encore trop souvent banalisé. Pourtant, il est prouvé qu’il est un produit dangereux, responsable de troubles de l’attention, de la mémoire, de baisse de motivation, et que sa consommation constitue un risque non négligeable de décompensation de pathologies psychiatriques. Il doit rester, à mon avis, un produit illicite.

Force est toutefois de reconnaître que la réponse pénale à l’usage de stupéfiants – je parle bien d’usage – n’est plus adaptée : depuis 1970, la peine d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende n’est presque jamais appliquée, ce qui donne un sentiment d’impunité aux consommateurs et d’impuissance aux pouvoirs publics. Les résultats, en plus, ne sont pas au rendez-vous.

La contraventionnalisation de l’usage, comme l’a proposé le Président de la République, sans levée de l’interdit, est un débat qui mérite d’être engagé.

Quelques minutes pour évoquer ces trois missions, c’est un peu court pour être exhaustive. Sur la MILDECA, je vous renvoie donc à l’excellent rapport détaillé de Chantal Deseyne, au nom de la commission des affaires sociales, rapport que je partage pour l’essentiel.

Pour conclure, je déplore les baisses de financement qui se poursuivent dans cette mission, lesquelles atteignent 25 % depuis 2012. Ces baisses posent la question des moyens alloués face à l’ampleur des phénomènes d’addiction.

Eu égard aux enjeux, un Grenelle de la prévention remplacerait avantageusement l’empilement des mesures successives relevé par la rapporteur.

Je finirai par une proposition : 90 % du produit de la vente des biens saisis aux trafiquants de drogues sont reversés aux services enquêteurs, 10 % seulement sont consacrés à la prévention, via la MILDECA. J’invite le Gouvernement à moduler si possible cette répartition. Ce serait un signal fort en faveur de la lutte contre les dépendances, car, si les équilibres budgétaires et la sécurité sont importants, nous ne le nions pas, la santé de la population l’est tout autant.

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