Intervention de Christophe Castaner

Réunion du 30 novembre 2017 à 10h30
Loi de finances pour 2018 — Budget annexe : publications officielles et information administrative

Christophe Castaner , secrétaire d'État :

… ancien député, de ne pas oser cette comparaison, surtout lorsque l’on sait que Robert Badinter a fini son engagement politique sur vos travées, au Sénat. J’aborderai donc les seules questions sur lesquelles je peux apporter des éléments de réponse.

Je commencerai par dire à Mme Assassi, par exemple, que je ne me prononcerai pas sur la « faiblesse des moyens dévolus aux chambres, Sénat et Assemblée nationale », tout simplement parce que nous sommes sur des sujets où votre indépendance implique que le Gouvernement, par compétence liée, ne se prononce pas.

Je voudrais vous remercier de la qualité de vos travaux, de la modération de vos propos. S'agissant de sujets aussi sérieux que le bon fonctionnement de l’État, il nous faut pouvoir balayer la réalité de ce que nous vivons. Les dotations de la mission « Pouvoirs publics », notamment, vous l’avez dit, se caractérisent par une grande stabilité par rapport à l’exercice précédent.

Je rebondis sur la question de l’augmentation des moyens dédiés à la Présidence de la République. À cette occasion, vous avez évoqué, messieurs Richard Yung et Jean-Pierre Sueur, l’effort financier réalisé sous la présidence de François Hollande, effort qui méritait effectivement d’être souligné.

Chacun l’a rappelé, les 3 millions d’euros de crédits supplémentaires sont dédiés à la sécurité physique du Président de la République, de ses proches, de ses collaborateurs, mais aussi à la sécurité numérique, qui est essentielle. Ces mesures vont, je le crois, dans le bon sens.

Cependant, sur ces sujets comme sur d’autres, il est fondamental que nous soyons transparents. Cette transparence accrue, sur laquelle M. le sénateur Richard Yung m’a interpellé, se décline à la fois dans la Charte de transparence relative au statut du conjoint du chef de l’État, mais aussi par l’adoption, conformément au rapport et aux préconisations de la Cour des comptes, d’un nouveau cadre budgétaire et comptable transposant à la Présidence de la République les règles de la gestion budgétaire et comptable publique de droit commun, tout en tenant compte de la spécificité du pouvoir public constitutionnel.

S’agissant du Conseil constitutionnel, sa dotation est quasi stable par rapport à 2017. Il est important de le préciser, certains s’étant interrogés sur une baisse. Or la baisse est simplement visible mais pas réelle. M. Jean-Pierre Sueur a rappelé pourquoi cette dotation, hors dépenses exceptionnelles liées aux augmentations de 2016 et 2017 pour préparer les campagnes présidentielle et législatives et les contrôles sur l’élection présidentielle, est en légère augmentation. Toutefois, cela a été dit, l’augmentation du nombre de questions prioritaires de constitutionnalité doit être entendue, parce qu’elle implique des moyens, une ingénierie, une expertise supplémentaires.

S’agissant de la Cour de justice de la République, une dotation est inscrite au projet de loi de finances afin de lui permettre d’instruire et de juger les requêtes qui lui sont adressées, mais chacun sait qu’une évolution constitutionnelle est envisagée. Nous verrons ce qu’il en adviendra. Vous m’avez interrogé sur les coûts fixes de la Cour de justice de la République, notamment sur les locaux dans lesquels elle est installée. Une réflexion est actuellement à l’étude pour un éventuel transfert dans les locaux du tribunal de grande instance dans l’île de la Cité. Tout dépendra au fond, monsieur Sueur, de la réforme constitutionnelle, à laquelle vous participerez, bien évidemment.

J’en viens maintenant à la mission « Conseil et contrôle de l’État ». S’agissant des juridictions administratives, l’objectif, beaucoup d’entre vous l’ont rappelé, reste la maîtrise des délais de jugement. Les crédits augmentent d’un peu plus de 2 %, car il nous faut faire face à l’augmentation extrêmement forte des recours devant la Cour nationale du droit d’asile, cela a été rappelé par Didier Rambaud et Patrick Kanner. La création de cinquante et un emplois destinés à cette évolution n’est pas négligeable, même si nous pensons effectivement que la situation sera tendue et difficile.

Il faut également avoir en tête, certains d’entre vous l’ont rappelé, que la dématérialisation des procédures a permis, grâce à l’application de télérecours, par exemple, d’économiser 4, 5 millions d'euros de frais de justice depuis 2013. Le recours obligatoire à la médiation préalable et les nouveaux outils procéduraux, ceux qui existent et ceux que nous allons développer, doivent aussi permettre de réaliser des économies substantielles sur ces sujets.

En ce qui concerne les juridictions financières, les dépenses sont maîtrisées. Les dépenses de personnel augmentent très légèrement. Sans reprendre tout ce qui a été évoqué notamment par Patrick Kanner et Richard Yung, je pense qu’il est important de pouvoir s’appuyer sur ces juridictions, en particulier pour l’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales. Il faut monter en puissance sur ce sujet, et vingt-cinq collectivités ont été sélectionnées pour participer à une expérimentation qui se déroulera jusqu’en 2023. Il faudra ensuite l’évaluer et en tirer tous les enseignements nécessaires.

S'agissant du positionnement du Haut Conseil des finances publiques, évoqué par Mme Vullien, M. Rambaud, le Gouvernement est favorable à l’idée que celui-ci soit rattaché dans le cadre des procédures qui existent sur les juridictions financières. Je ne doute pas de la capacité de cette autorité d’user de tous les moyens de contrôle sur l’État et de dire ce qu’elle pense. Aujourd'hui, nul ne peut douter de son indépendance sur le sujet.

Pour ce qui est du Conseil économique, social et environnemental, les travaux sont comme pour le Sénat et l’Assemblée nationale placés sous l’autorité de leur président respectif, en lien avec la ministre, garde des sceaux. Des réflexions sont en cours ; sur le CESE, elles sont bien avancées et le président Bernasconi m’a demandé un rendez-vous ce matin pour me les présenter. Nous aurons certainement l’occasion d’en parler tous ensemble.

J’aborderai, pour terminer, la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». À titre liminaire, je précise qu’un amendement présenté par le Gouvernement et adopté à l’Assemblée nationale a procédé à une minoration de 3 millions d'euros des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, hors titre 2, pour prendre en compte, et là, il y a eu des augmentations, les conséquences des décisions annoncées lors du rendez-vous salarial du 16 octobre dernier.

Les crédits de cette mission sont stables en valeur par rapport à la loi de finances de 2017. Un certain nombre de mesures nouvelles sont prises en compte, et beaucoup d’entre vous ont parlé de la mutualisation, dont l’opération immobilière Fontenoy-Ségur constitue un bel exemple. Des économies substantielles ont été faites et restent à faire dans ce cadre-là. Elles sont évaluées à environ 3, 5 millions d'euros par an ; elles sont également importantes en termes d’effectifs.

Certains d’entre vous m’ont interrogé sur la situation du Défenseur des droits, dont on pourrait penser qu’il perd trois équivalents temps plein à la lecture statistique des chiffres ou comptable. La réalité, c’est qu’il dégage quatre équivalents temps plein supplémentaires pour mener à bien les missions nouvelles qui lui sont confiées, du fait justement de l’économie de moyens de fonctionnement réalisée sur l’ensemble du site.

À terme, nous pensons que nous pouvons globalement économiser cinquante-deux équivalents temps plein, que sept sites seront libérés à la suite de l’emménagement à Fontenoy-Ségur. Ces sites pourraient être vendus, monsieur Delcros, monsieur Yung, pour un montant évalué à environ 160 millions d'euros de recettes pour l’État.

Parmi les mesures nouvelles inscrites au projet de loi de finances figure un renforcement de la sécurité. Beaucoup d’entre vous m’ont interpellé sur ce sujet, en particulier les sénateurs Cadic et Leconte, qui sont très mobilisés. Vous avez raison, c’est un sujet majeur. Je voudrais évoquer, là encore, les crédits consacrés à la coordination de la sécurité et de la défense, en progression de 3 % en 2018, avec de nouvelles créations d’emplois, quinze au GIC, cela a été rappelé par le sénateur Mazuir, vingt-cinq à l’ANSSI. Certains trouvent ces chiffres insuffisants, M. Cadic espérait plus, mais ce n’est tout de même pas négligeable sur ces questions. Il est important de noter que l’Agence a vu ses effectifs passer de 122 équivalents temps plein en 2009 à 540 équivalents temps plein fin 2017.

L’objectif du plafond d’emplois est de 685 équivalents temps plein en 2022.

J’ai entendu vos inquiétudes à propos des conséquences de ces créations d’emplois sur les fonctions support du SGDSN. Toutefois, une partie des moyens de l’ANSSI y a été consacrée.

Pour répondre à M. Cadic et Mme Mélot, j’ajoute que le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité de renforcer le vivier de spécialistes, de recruter et de fidéliser des compétences rares dans les métiers du numérique et des systèmes d’information. Une circulaire du Premier ministre du 21 mars 2017 a posé les grands axes d’un plan d’action en ce sens.

Plus généralement, soyez assurés que le Gouvernement ne mésestime pas les efforts à accomplir en matière de sécurité des systèmes d’information. Ces derniers doivent être poursuivis et amplifiés, notamment par un renforcement de la gouvernance de la cybersécurité au sein des ministères ou par le développement d’une politique d’achat la mieux adaptée possible.

S’agissant des fonds spéciaux, il est inexact de dire qu’ils s’inscrivent en baisse. L’augmentation est certes très légère, de quelques centaines de milliers d’euros, mais leur montant s’élève aujourd’hui à 67, 38 millions d’euros, contre 49, 4 millions d’euros en 2015.

Ayant déjà dépassé mon temps de parole, je suis obligé de passer rapidement en vue les différents sujets…

Je dirai un mot sur la MILDECA. Mme Deseyne et d’autres sénateurs ont évoqué ce sujet important. Comme vous, je suis attaché à la forfaitisation – un mot plus simple à prononcer que celui de « contraventionnalisation ». C’est un engagement du Président de la République, que le Sénat avait au demeurant déjà porté en 2011 et en 2015.

Nous souhaitons que ce thème puisse rapidement venir en discussion et qu’il soit aussi l’occasion d’aborder la situation particulière de nos départements d’outre-mer, qui sont particulièrement frappés par ces conduites addictives liées à l’alcool ou à la drogue, et sur lesquelles il faut mener un travail très important de prévention.

J’évoquerai, enfin, l’importance que nous accordons aux moyens des autorités administratives indépendantes. Je pense à la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, au Comité consultatif national d’éthique, le CCNE ou à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. Cette dernière, évoquée par Jean-Yves Leconte, doit faire face à un nouveau cadre européen, avec une double évolution consacrée par un règlement et une directive, sur lequel il nous faudra être mobilisés.

Vous avez aussi évoqué le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA. Le Président de la République souhaite élargir ses missions. Je compte sur les travaux sénatoriaux pour nous aider à atteindre cet objectif.

Je terminerai mon intervention avec les crédits du programme 333, consacrés à l’immobilier et au fonctionnement de nos services territoriaux, qui progressent de 1, 4 % en 2018. Cette progression est notamment due à une harmonisation progressive des prestations d’action sociale dans les services déconcentrés, harmonisation financée à hauteur de 5 millions d’euros. Nos agents et nos personnels font face au quotidien à des missions toujours délicates et méritent d’être accompagnés.

En conclusion, vous avez exprimé, les uns et les autres, la réalité des budgets qui vous sont présentés. Ils sont difficiles, parce que les missions sont difficiles, mais ils traduisent cet objectif essentiel de maîtrise de la dépense publique, qui doit tous nous mobiliser.

En même temps, ces budgets doivent nous permettre de décliner des priorités. Il ne s’agit pas de reconduire à l’identique ou d’augmenter chaque année de 1 % ou 2 % les budgets, et de laisser croire ainsi que notre pays est bien géré, mais plutôt d’assumer un certain nombre de choix pour faire face aux exigences de nos concitoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion